Le paradoxe du capitalisme est qu’il s’appuie sur la croissance et le développement tout en dissimulant une logique beaucoup plus sombre et vorace : celle du cannibalisme. À travers cette métaphore, la philosophe américaine Nancy Frase décrit un système qui exploite, consomme et détruit, tout en prétendant au progrès et à la durabilité. Comme le souligne Nancy Fraser, le capitalisme fonctionne en exploitant systématiquement des « externalités » , des sphères non marchandes qu’il transforme en ressources exploitables. [...]
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00:00Le paradoxe du capitalisme est qu'il s'appuie sur la croissance et le développement tout
00:13en dissimulant une logique beaucoup plus sombre et vorace, celle du cannibalisme.
00:17A travers cette métaphore, la philosophe américaine Nancy Fraser décrit un système
00:23qui exploite, consomme et détruit tout en prétendant au progrès et à la durabilité.
00:29Comme le souligne Nancy Fraser, le capitalisme fonctionne en exploitant systématiquement
00:36des externalités, des sphères non marchandes qu'il transforme en ressources exploitables.
00:41La nature, réduite à une simple réserve de matière première, devient la première
00:48proie de ce processus.
00:49Le capitalisme dévore la forêt, assèche les rivières, épuise les sols, tout en prétendant
00:55qu'il s'agit là d'un progrès nécessaire.
00:57Cette exploitation n'est pas un échange équilibré, mais une destruction asymétrique,
01:04car le capitalisme consomme plus qu'il ne peut restaurer.
01:07En ce sens, il ne se contente pas de prélever, il détruit, engloutit et régurgite sous
01:13forme de déchets.
01:14Cette dévastation environnementale est d'autant plus insidieuse qu'elle est accompagnée
01:19de récits de légitimation comme la croissance verte, le développement durable ou la compensation
01:25carbone qui ne servent qu'à masquer la voracité intrinsèque du système.
01:29Non content de dévorer la nature, le capitalisme cannibale s'attaque également aux relations
01:37sociales.
01:38Selon Nancy Fraser, le capitalisme repose sur une forme d'exploitation à deux niveaux.
01:43Non seulement il exploite la force de travail salariée, mais il dépend aussi d'un travail
01:49invisible non rémunéré.
01:50Les sphères de la reproduction sociale, soins, éducation, solidarité communautaire
01:57deviennent des réservoirs silencieux de valeurs que le capitalisme puise sans reconnaissance
02:03ni réciprocité.
02:04Par exemple, le travail domestique, invisibilisé, est essentiel à la survie du système économique,
02:12mais il reste exclu des circuits marchands.
02:14De la même manière, les communautés autochtones, pillées pour leurs ressources ou leur savoir-faire,
02:20subissent une extraction culturelle et symbolique qui les dépossède de leur propre patrimoine.
02:25Ce cannibalisme social fonctionne à travers un double discours.
02:30D'une part, il valorise l'individu comme étant libre et autonome, mais d'autre part,
02:35il dépend d'une infrastructure collective qu'il refuse de reconnaître.
02:39L'épuisement des solidarités, l'éclatement des structures familiales et communautaires
02:45et la marchandisation des relations humaines témoignent de cette voracité systématique.
02:50Le paradoxe est que le capitalisme, en s'attaquant au fondement même qui assure sa durabilité,
02:57entre dans une logique d'autodestruction.
02:59Cette autophagie se manifeste par l'épuisement des ressources naturelles, la précarisation
03:05extrême de la main-d'œuvre et la dégradation des infrastructures sociales indispensables
03:10à sa propre reproduction.
03:11En détruisant la nature, le capitalisme compromet les écosystèmes qui soutiennent ses chaînes
03:18d'approvisionnement.
03:20En intensifiant l'exploitation des travailleurs, il fragilise les bases économiques sur lesquelles
03:25repose la demande.
03:26Et en déstabilisant les structures sociales, il menace les solidarités qui permettent
03:31à ces rouages de fonctionner.
03:33Ainsi, le système consomme non seulement ses externalités, mais également ses propres
03:39fondations.
03:40Cette autodestruction est accélérée par une compétition acharnée entre les acteurs
03:45économiques.
03:47Obsédés par la maximisation rapide des profits, les entreprises mettent en place des stratégies
03:52qui compromettent leur viabilité à long terme.
03:55L'externalisation excessive, la compression des dépenses sociales et la poursuite aveugle
04:01d'une croissance illimitée dans un monde aux ressources finies illustrent cette logique
04:06autodestructrice.
04:07En définitive, le capitalisme apparaît comme un système vorace, à la fois orienté vers
04:14l'exploitation extérieure et replié sur lui-même, détruisant non seulement ce qui
04:19l'entoure, mais également ses propres fondations.