J’ai découvert les huîtres en décembre 1992. Soit quelques mois à peine après le référendum sur le traité de Maastricht. Etait-ce un hasard ? Oui.
Retrouvez « La question de David Castello-Lopes » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-david-castello-lopes
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AmusantTranscription
00:00David Castello-Lopez, bonjour. Bonjour Nicolas. Faut-il aimer les huîtres ?
00:04J'ai découvert les huîtres en décembre 1992, soit quelques mois à peine après le référendum sur le traité de Maastricht.
00:14Était-ce un hasard ? Oui. J'étais chez un ami de mes parents à côté du Mont-Saint-Michel et ma mère m'a tendu une huître en me disant grosso modo
00:21« ça va être difficile mais il faut passer par là ». Et comme la loi cardinale de ma famille c'était
00:27« tu n'es pas obligé d'aimer mais tu es obligé de goûter », eh bien j'ai goûté. J'ai mis sur ma fourchette cette gélatine grisa très compliquée,
00:35je l'ai portée à ma bouche et là tout de suite je me suis dit « comment c'est possible de considérer que ça c'est de la nourriture ? ».
00:42C'était la pire chose qu'on m'ait demandé de manger de toute ma vie. Alors j'ai couru aux toilettes, j'ai craché et pendant toutes les années qui ont suivi,
00:50j'ai gardé ce moment comme une sorte de petit PTSD gastronomique. Mais au même moment, les huîtres ont commencé à me faire un petit peu de peine
00:58parce que j'ai appris qu'elles avaient une existence complètement nulle. Les huîtres, elles s'accrochent très tôt dans leur vie à une surface rigide
01:05qu'elles ne quittent pas jusqu'à leur mort. Et la seule compagnie qu'elles ont, c'est leur propre corps chelou coincé dans ce minuscule appartement organique.
01:13Et en plus, elles doivent faire face à des prédateurs odieux, comme les étoiles de mer par exemple. Les étoiles de mer, elles ont l'air sympas quand on les regarde comme ça,
01:21« Oh, on dirait des étoiles, elles sont trop beaux ! ». Mais en fait, c'est des petites pétasses qui s'accrochent aux huîtres, elles font entrer une partie de leur estomac
01:28sous leurs coquilles et elles les digèrent lentement jusqu'à ce que les huîtres soient décédées. Et ça, c'est triste.
01:35Bon, il y a quand même un truc sympa dans la vie des huîtres, c'est qu'elles sont hermaphrodites. Et d'un hermaphrodisme en plus un petit peu étonnant et rigolo
01:43qu'on appelle l'hermaphrodisme séquentiel pro-tendre. Séquentiel, ça veut dire que les huîtres, elles changent de sexe plusieurs fois dans leur vie.
01:51Et pro-tendre, pro, c'est un préfixe qui veut dire « premier » en grec. Andre, ça veut dire « homme ». Et donc pro-tendre, ça veut dire « qui est homme en premier ? ».
01:58Bam ! L'étymologie une fois de plus dans vos visages à 9h du matin. Les huîtres commencent donc leur vie en tant que bonhommes, puis elles deviennent des zouzes,
02:07puis elles continuent à faire des petits allers-retours comme ça entre la bonhommance et la zouzerie. Et ça, ça doit être passionnant.
02:13Mais il reste que si elles échappent aux étoiles de mer et aux autres prédateurs, elles se retrouvent presque toujours sur les lits de glace d'une brasserie en hiver.
02:21On les asperge de vinaigre aux échalotes et on les mange en parlant fort parce qu'on a bu trop de sans serre. Je dis « on » mais pendant longtemps, je vous l'ai dit, je n'ai pas aimé les huîtres.
02:31Et j'étais vaguement vexé parce que je voyais bien qu'il y avait une petite gloire à les aimer. Précisément parce que plein de gens ne les aimaient pas.
02:39Alors à partir de ma majorité, j'ai régulièrement réessayé et aidé énormément par le vinaigre aux échalotes. J'ai fini par les aimer et j'ai compris enfin ce que disait mon père sur elles depuis mon enfance.
02:50Il disait « manger une huître, c'est comme prendre un bain de mer mais de l'intérieur ». Alors oui, il faut aimer les huîtres.
02:58Merde, je suis encore sur la profondeur de cette phrase.
03:01Merci David Castello-Lopez. Les infos à suivre.