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Transcription
00:00Le film, c'est l'histoire de Georges, qui est un metteur en scène de théâtre,
00:03qui va partir à Beyrouth en 1982, pendant la guerre civile,
00:08pour monter Antigone, avec cette espèce d'utopie
00:13de pouvoir, en réunissant des acteurs de communautés différentes,
00:18mettre la guerre sur pause pendant deux heures.
00:20Quand tu arrives dans un camp, tous les autres sont des ennemis, tu comprends ça ?
00:24Ouais.
00:26Couleur, maman ! Passe le billet !
00:28C'est normal, elle souffre.
00:29Ça marche ?
00:29C'est lui.
00:31Il y a un petit problème.
00:32L'acteur chrétien, il ne peut pas passer la ligne de démarcation.
00:36Il faut que cette paix existe.
00:37Il faut qu'on existe.
00:40Tu comprends qui dans cette guerre ?
00:41Je ne suis pas là pour la guerre, je suis là pour la paix.
00:44Tu ne poses aucune question.
00:45Tu ne le gardes pas dans les yeux.
00:47Tu es impur.
00:49Je n'ai pas essayé de me renseigner davantage pour préparer le rôle,
00:52parce que Georges, quand il débarque à Beyrouth, il ne comprend rien.
00:55Donc c'est très bien que j'arrive aussi inculte que lui sur ces questions-là.
01:00Et puis il y a cette scène que j'aime beaucoup avec son fixeur,
01:03qui est joué par Simon Apkarian.
01:04On entend tirer comme ça la nuit dans la ville.
01:07Et je dis, mais là, c'est quoi ?
01:09C'est des Druzes qui tirent ou c'est des Chrétiens, c'est des Palestiniens ?
01:12Qui tire sur qui ?
01:13Il fait, c'est le Liban qui tire sur le Liban.
01:16Et le film n'est pas un film qui donne des réponses là-dessus.
01:19Ce n'est pas un film qui explique,
01:21qui va expliquer toutes les communautés,
01:24qui va expliquer pourquoi le pays est dans cet état-là
01:28au moment, en tout cas, qu'on a choisi de raconter.
01:31C'est un film français sur un sujet qui n'est pas français,
01:36des enjeux qui ne sont pas français et avec un personnage français
01:39qui ne comprend pas ce qui se passe là-bas.
01:42Et ça, je trouve ça très intéressant.
01:45Et c'est ça aussi qui crée, en fait,
01:48l'humilité avec laquelle David Holofen aborde ce sujet-là.
01:55Hé, par là !
01:59Pourquoi vous vous éloignez ?
02:03Vous venez pour le théâtre ?
02:07Mets-toi.
02:08Bonjour les gars.
02:10Bienvenue à Shatila.
02:12Passez l'avion.
02:15Cette idée de réunir des comédiens et des comédiennes
02:21de communautés différentes autour d'un projet,
02:23on sent que ça a quand même un écho aussi chez eux,
02:27que ce n'est pas uniquement une espèce d'utopie comme ça d'intellectuel parisien
02:30et qu'eux aussi trouvent que c'est une bonne idée.
02:32Et ils essayent, ce n'est pas facile.
02:34Ils n'ont pas tous les mêmes convictions.
02:36Ils n'ont pas tous aussi une approche du théâtre identique.
02:41Pour certains, représenter la vie, c'est haram, c'est interdit.
02:46Il y a une approche du théâtre qui est différente selon les communautés.
02:53Mais ils y vont quand même, ils essayent.
02:56Oui, ils pensent qu'effectivement, en tout cas, ils ont très envie que ça marche.
02:59Ils ont envie d'aller au bout.
03:01Ici, c'est le front entre l'Orient et l'Occident.
03:04On est en première ligne.
03:06Et tu vois, à chaque fois que je tire, c'est ton futur que je défends.
03:10Je ne crois pas.
03:12Quand ils brûlent les églises, massacrent nos villages comme à des murs,
03:19ce sont des enfants, comme ceux de Paris, en sang sur le trottoir.
03:23Vous massacrez aussi ?
03:24Pour que les massacres cessent !
03:27Mon personnage dit ça dans le film, et je suis assez d'accord avec lui pour le coup,
03:30que le drame, on est tout en train d'essayer de trouver des solutions,
03:33on est en train d'essayer de s'en sortir.
03:34Il trouve que le drame, c'est bourgeois, mais que la tragédie, il n'y a pas d'issue.
03:38On le sait et on y va.
03:39Et il faut mourir comme un roi.
03:41Le drame, c'est pour les bourgeois et la tragédie, c'est pour les rois.
03:44Et je trouve ça pas mal.
03:45En tout cas, comme indication de jeu pour jouer de la tragédie,
03:48parce que lui, il se sert de cette réflexion-là pour diriger les acteurs.
03:53Je trouve ça intéressant.
03:54Après, il ne pensait pas être autant, se retrouver autant impliqué dans la tragédie.
04:02Il n'a pas su anticiper à quel point la tragédie allait le rattraper.
04:10Ici, on manque de tout.
04:13Les cahiers pour l'école, l'électricité, l'eau, le pain.
04:17Vous, vous venez de la France avec votre théâtre,
04:21vous claquez des doigts, vous êtes reçus dans tous les ministères
04:23et vous avez tout ce que vous voulez.
04:25Je ne crois pas que vous faites vraiment ça pour nous,
04:27mais surtout pour soulager votre conscience.
04:29Et ça, je le dis cent fois à Samuel.
04:34Simon, c'était assez bouleversant parce que Simon, il est d'origine libanaise.
04:37Il n'était pas retourné depuis très longtemps.
04:40Donc, je pense que ça...
04:42Je ne veux pas parler à sa place sur quelque chose d'aussi intime,
04:44mais j'ai cru comprendre que ça avait vraiment remué beaucoup de choses, d'être là-bas.
04:50Et la sensibilité, les émotions que ça a provoquées chez lui,
04:54je les ai senties dans le jeu et par ricochet, ça m'a aidé aussi à jouer
04:58parce qu'il m'a emmené avec lui dans toute une émotivité liée à l'endroit.
05:07Il m'a embarqué dedans, donc ça, ça m'a beaucoup aidé.
05:11Emmanuelle, elle est libanaise, elle vit à Beyrouth.
05:14Elle était évidemment au service du film, mais en même temps, elle avait un peu...
05:18Pas une défiance, mais il y avait quand même cette équipe de Français
05:20qui venaient dans son pays pour raconter une histoire qui n'est pas la leur.
05:24Elle faisait attention à ce qu'on soit bien précis.
05:27Et parfois, elle disait non, ça, on ne dirait pas ça,
05:30ou ça, personne ne dirait ça, lui non, lui ne dirait pas ça.
05:33On sentait qu'elle avait une exigence de justesse dans ce qu'on racontait
05:39et qu'il ne fallait pas commencer à déconner avec une histoire qui n'était pas la nôtre.
05:43Tes acteurs, ce sont des soldats.
05:45Toi, tu l'oublies peut-être, mais la guerre, elle, elle n'oublie pas.
05:49Tu vas arrêter la guerre pendant deux heures ?
05:51Et tu sais qu'est-ce que c'est, la guerre ?
05:53Tu dois fuir, Georges.
05:55Sors !
05:58Maintenant, tu sais pourquoi tu es venu.
06:00Alors, on a tourné à Beyrouth.
06:01David Olofen, l'organisateur, voulait à tout prix tourner à Beyrouth.
06:05Généralement, les films qui sont censés se passer à Beyrouth sont souvent tournés au Maroc.
06:12Mais là, David tenait vraiment à ce qu'on tourne là-bas.
06:15Et en arrivant sur place, j'ai compris pourquoi,
06:17parce qu'il y avait une atmosphère évidemment très particulière.
06:19Et surtout, c'est une ville qui porte encore les stigmates de ces conflits,
06:24notamment de la guerre civile qu'on raconte, enfin qu'on évoque, en tout cas dans le film.
06:31La ville est vraiment devenue un personnage à part entière du film.
06:34Esthétiquement, ça crée quelque chose de très puissant.
06:38Et il y a vraiment beaucoup d'endroits dans la ville où il suffit de mettre une vieille Mercedes cabossée des années 80,
06:45toute poussiéreuse, et tout de suite, on voyage dans le temps.
06:52Bon, j'étais venu pour discuter.
06:56Je crois que j'ai été naïf.
06:58Comment je fais pour repartir ?
07:00Tu ne peux pas repartir.
07:04Tu ne peux pas repartir.

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