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Highliner parmi les meilleurs au monde, Antoine Mesnage se déplace avec grâce sur un fil tendu au-dessus du vide, souvent à plusieurs centaines de mètres du sol. Le Français se confie pour nous sur la notion de limite dans sa discipline.

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Sport
Transcription
00:00J'ai toujours aimé me pendre à des ponts, me pendre à des grues, j'ai toujours été
00:08vraiment attiré par le vide et je sentais que c'était quelque chose que je voulais
00:11faire.
00:12Du premier jour où j'ai vu quelqu'un marcher sur ce film, je me suis dit mais moi un jour
00:18je marcherais pas accroché.
00:19C'est toute ma vie ce sport, depuis que j'ai 16 ans je suis le gars qui marche sur un fil.
00:28La limite si on parle vraiment de Highline, le sport comme il est pratiqué donc de marcher
00:46sécurisé sur une ligne, la limite elle est juste sur la chute, la chute elle est dans
00:50le vide, t'as aucun risque de te blesser à partir du moment où t'as bien installé
00:53la ligne, où tu fais confiance aux gens avec qui tu es, où t'as vérifié ton noeud,
00:58la limite tu peux aller la chercher et tu peux aller au-delà parce que c'est simplement
01:02une perte d'équilibre qui te fait tomber.
01:04Je pense que dans ce sport il y a des limites aussi qui sont naturelles, ça va être le
01:09vent, il y a des endroits, je sais pas par exemple l'Islande, on avait voulu faire un
01:14voyage en Islande pour mettre des lignes, mais c'est des endroits où potentiellement
01:18tu mets la ligne et tu marches jamais dessus parce qu'il y a trop de vent.
01:20Après tu vas avoir le rocher où il faut trouver des bons ancrages.
01:25On a pu au Maroc installer une Highline sur des sacs de sable qu'on avait enterrés dans
01:29le sable, bon là ça a marché mais faut se creuser un peu la tête et des fois ça marche
01:34pas quoi.
01:35Il y a pas longtemps il y a eu une rupture de sangles, là de deux sangles, aux Etats-Unis
01:39je crois.
01:40C'est la première fois que vraiment il y a eu une chute, une rupture des deux sangles,
01:43donc de la sangle principale et du back-up, qui soit pas liée à de l'abrasion.
01:46Heureusement ils étaient qu'à 15-20 mètres de haut je crois et du coup ils se sont juste
01:50cassés des choses.
01:51Bah là nous ça nous a tous refroidi de voir ça, parce que c'était la première
01:55fois que ça arrivait, on était tous en mode, de toute façon il y a une sangle principale,
01:59il y a une sécurité en plus, dans tous les cas il n'y a aucun risque.
02:01Et s'il y a un problème, potentiellement que ça t'amène à la mort quoi, donc ça
02:05reste quand même non négligeable.
02:10Ok, petit embarqué en direct du Kierag en Norvège, c'est terrifiant.
02:14C'est un sport où forcément le côté mental il est ultra important, la peur elle est
02:21toujours présente.
02:22La peur du vide c'est quelque chose qui est humain, qui est rationnel, tu te mets sur
02:26une sangle au-dessus du vide, que tu sois à 20 mètres ou à 1000 mètres de haut tu
02:30vas avoir peur, forcément plus il y a cette sensation de gaz, plus tu vas avoir peur.
02:34Et donc ça c'est un peu tout l'enjeu de la Highline, c'est réussir à gérer sa peur
02:39et voir même à la trafiquer un peu quoi, à la contrer.
02:42Et je suis plutôt bon là-dedans, j'arrive assez bien à gérer ma peur et en général
02:48assez vite j'arrive à aller au-delà et à marcher sur des lignes.
02:51Ça m'est déjà arrivé quand même d'avoir peur, en tout cas d'avoir une grosse peur
02:54qui m'a un peu tétanisé.
02:55Il y a deux ans je crois, sur une ligne qui n'était pas très loin là, au Taillefer,
03:00c'était une ligne de 300 mètres et on l'avait mise sur plusieurs jours.
03:03Et du coup un jour j'y vais le matin assez tôt, tout seul, je vais sur la ligne et je
03:08me retrouve à 100 mètres à peu près au milieu quoi, et là du brouillard qui arrive.
03:13Et je me suis retrouvé complètement dans le brouillard, tout seul, je n'avais pas pris
03:17de petite poulie qui me permet de revenir assez facilement parce que j'étais tout
03:21seul, c'est une longueur que je maîtrise donc je n'avais pas forcément pris ça.
03:24Et en plus de ça, dans le brouillard, donc je n'avais plus aucun repère et j'entendais
03:28des bruits d'avions, un petit peu comme on peut entendre par ici, sûrement des avions
03:33très loin mais qui te sortent de ta bulle.
03:38Et là j'étais incapable de marcher, incapable de marcher et j'ai fait 100 mètres sur les
03:44fesses quoi, à me tirer comme ça sur les fesses, j'ai déchiré mon pantalon parce
03:49que je n'avais plus à marcher alors que la veille je faisais deux allers-retours dessus
03:52sans souci.
03:53J'arrive à 30 mètres je pense du bord et là un pote qui arrive et juste de l'entendre
03:59me parler, hop, j'ai re-switché dans la zone de confiance, je me suis dit ok, ben finalement
04:05en fait je sais ce que je fais, il y a quelqu'un à côté qui en plus est là pour m'encourager,
04:10je me suis relevé et j'ai continué à marcher.
04:14Il va y avoir deux choses, il va y avoir hauteur et altitude, hauteur ça va être
04:25vraiment la hauteur entre toi et le sol, donc ça le plus haut que j'ai fait par exemple
04:29c'était en Norvège au Kirag 1000 mètres de haut, donc vraiment 1000 mètres de hauteur
04:33entre moi et le sol, le vide il te prend, ça fait très très peur et là en effet
04:38il y a cette notion de dépassement mais de limite qui est complètement mentale parce
04:43qu'encore une fois entre être à 20 mètres ou être à 1000 mètres c'est juste la tête,
04:47le reste les conséquences c'est les mêmes, la marche ce sera la même, tout est pareil
04:50sauf toi ce que tu te dis dans ta tête et ton repère visuel qui fait que tout devient
04:55beaucoup plus difficile et après tu as au contraire l'altitude où tu peux avoir des
04:59lignes qui sont à 40 mètres de haut mais qui sont à 4000 mètres d'altitude, donc
05:04du coup là tu vas avoir cette notion d'oxygène et là la difficulté elle est sur l'effort
05:09global, l'oxygène, les mauvaises nuits, les différentes disciplines que tu as dû faire
05:15pour aller là-bas et au moment où tu arrives sur la ligne tu n'es pas du tout prédisposé
05:19à marcher, tu es encore dans un monde où il faut se dépêcher parce qu'après il faut
05:24que rentrer sur le glacier avant qu'il fasse trop chaud, il y a tous ces facteurs qui sont
05:29autour et la marche ce n'est pas du tout la priorité dans la mission, c'est un des
05:34maillons, du coup là sur cette partie altitude, en tout cas highline ou haute montagne, le
05:40dépassement il est sur jusqu'à quel moment j'arrive à garder un niveau de concentration
05:45qui me permet de faire ce pour quoi je suis venu mais tout en ayant avant fait énormément
05:51de choses où déjà j'arrive sur la ligne, je suis épuisé, est-ce que j'arrive encore
05:55à marcher ?
06:04Après moi j'ai fait quelques free solo qui est de marcher pas accroché sur une ligne
06:34au-dessus du vide où là tu n'as pas le droit de tomber et là par contre tu es sur
06:38une limite que tu n'as pas le droit de dépasser, c'est vraiment une interdiction pure de ne
06:44jamais dépasser la limite donc c'est faire des petites lignes, en tout cas des lignes
06:48que tu es sûr de maîtriser, c'est aussi beaucoup travailler la chute, j'ai énormément
06:52travaillé ce qu'on appelle le catch donc de récupérer la ligne au cas où je me déséquilibre,
06:57je savais à 100% que si je tombais je pouvais me rattraper et là dessus par contre je n'ai
07:02jamais vécu quelque chose d'aussi intense dans ma vie, cette sensation pour des lignes
07:07toutes petites, la plus longue que j'ai fait faisait 30 mètres mais je ne sais pas 200
07:11mètres de haut.
07:12Clairement je n'endormais pas la nuit pendant 4 à 5 jours avant, en tout cas j'y pensais
07:18beaucoup et j'en faisais des cauchemars et après tu as ce moment où tu te mets sur
07:22la ligne où tu te retrouves sans baudrier à te décaler sur la ligne au moment où
07:28tu vas te lever, c'est un moment qui est très particulier et à partir du moment où tu
07:31te lèves, là tout s'oublie, tu arrives dans une bulle où il n'y a plus rien autour,
07:38il y a même un effet de halo un peu comme si tout était flou autour parce que le cerveau
07:45puise toute son énergie sur le point de focus qui est devant, tout le reste devient flou
07:49et là en fait tu fais ce que tu sais faire, tu ressens tout ce que tu peux et tu marches
07:57et ce n'est pas un combat, c'est naturel en fait, en tout cas toutes les traversées
08:04que j'ai faites c'était très naturel et par contre je n'ai jamais réussi à faire
08:09le retour en free solo, j'ai toujours tellement donné à l'aller, je suis toujours arrivé
08:14au bout et là tout se relâche et à partir de là je faisais demi-tour et je revenais
08:20un peu sur les fesses, là on est dans la limite en tout cas, la limite à ne pas dépasser
08:24c'est sûr, tu n'as pas le droit à l'erreur, tu n'as pas le droit de dépasser la limite
08:28et il faut y faire attention et en fait j'ai aussi arrêté parce qu'à un moment ce
08:35qui pour moi était l'éloge de la liberté, de me dire je peux marcher sur un fil sans
08:40sécurité, sans tomber, faire ce que je veux, me pendre etc. était en fait devenu une espèce
08:47de drogue de ok la ligne est courte, il faut que je la fasse en solo et ça devenait trop
08:53un moment j'étais parti un an en Erasmus en Irlande donc pas de pratique pendant un an,
08:58je rentre au bout d'un an je me dis bon on va faire une petite ligne elle fait 25 mètres mais
09:03je m'interdis de la faire en solo parce que j'ai pas marché depuis un an sur une highline et j'ai
09:09pas pu m'en empêcher, j'ai marché sans sécurité et je suis arrivé au bout et j'étais pas fier de
09:14moi je me suis dit mais en fait tu deviens esclave de ce que tu pensais être le max de la liberté
09:25je connais pas mes limites c'est sûr j'ai poussé sur la partie risque je pense que c'est le free
09:34solo qui m'a fait pousser mes limites le plus loin possible et les découvrir j'ai une fois
09:38d'ailleurs c'est la seule fois où j'ai eu un incident en free solo sur une ligne qui faisait
09:45donc justement la ligne de 8 mètres que j'avais qui était ma première highline à l'époque j'y
09:50vais en solo je l'avais déjà fait plusieurs fois en solo et au milieu je me dis je vais faire une
09:53planche donc une planche si tu prends la sangle avec les mains et puis tu viens faire tu viens
09:56te mettre à l'équerre comme ça une figure assez jolie assez esthétique il faisait chaud j'étais
10:02torse nu et en fait au moment de me mettre dans ma position de planche je glisse avec un peu la
10:08transpiration sur le vent je glisse et je me retrouve tout de suite pendu pendu sur les bras
10:13et j'avais pas du tout anticipé ça quoi donc je me remets là après j'arrive à me remettre et puis
10:19je refais je refais ma planche et je finis et en fait là j'étais tellement devenu à l'aise avec
10:25le free solo que j'en avais oublié qu'il y avait quand même un vrai danger qui était là quand même
10:29un danger de mort quoi et c'était des petites piqûres comme ça où je me suis dit ok vas-y
10:33tranquille et une fois j'ai oublié de m'accrocher ouais et je sors de la ligne après avoir fait
10:38plusieurs allers-retours après avoir fait des figures mettre assis relevé je tire la sécurité
10:43en fait je l'avais juste passé dans mon baudrier mais sans sans faire mon nœud et là on se regarde
10:47avec avec kéké mon pote et ça nous a tous les deux fait une grosse piqûre de rappel de attention
10:55parce qu'en fait on a beau penser qu'on est en sécurité on l'est pas forcément si on fait pas
11:00les choses bien et mine de rien les conséquences même de la haïline accrochée si tu fais quelque
11:04chose de mal c'est la mort quoi donc le dépassement de soi pour moi c'est la c'est la définition de ma
11:13vie et même de la vie quoi pense que aujourd'hui j'ai beaucoup plus de plaisir à flirter avec les
11:22limites j'ai envie de j'ai envie que ce soit vraiment dur pour moi quoi que à la fin je
11:27puisse plus marcher et que vraiment j'ai cherché ma limite avant au contraire notamment à cette
11:33période du free solo pour moi la limite n'était pas envisageable c'était de la maîtrise de la
11:39maîtrise de la maîtrise c'est un sport qui est très très facilement esthétique et puis qui veut
11:47dire beaucoup de choses pour beaucoup de gens pour des gens qui font pas de sport je vois quelqu'un
11:51qui marche en équilibre sur un fil bon bah ça parle à tout le monde en fait même quelqu'un qui
11:56n'a jamais vu une montagne voilà il ya quelqu'un qui marche dans le point un point b à chercher
12:02son équilibre entre la gauche et la droite après les images elles sont évidentes mais mais mais
12:08moi ça me parle énormément et puis ça m'intéresse aussi le raconter puis de montrer la beauté du
12:13sport qui moi m'a fait grandir qui m'a apporté beaucoup et de pouvoir le bas de le partager le
12:18partager avec toi aujourd'hui c'est c'est hyper important pour moi de montrer à quel point c'est
12:22quelque chose de beau quoi

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