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00:00Merci Maël Hassani à tout à l'heure pour l'info.
00:02Europe 1 soir, 19h21, Pierre de Villeneuve, face à face Mathieu Bockcôté et Philippe Guibert.
00:10Suspension ou pas de suspension, telle est la question de savoir ce que va faire François Bayrou
00:17alors qu'il a encore reçu une délégation de députés socialistes ce soir à Matignon.
00:23Cette suspension serait la condition sine qua non pour que les socialistes ne censurent pas
00:28après la déclaration de politique générale qui est attendue demain à 15h.
00:34Et parallèlement, Monsieur Retailleau, le ministre donateur, se rendait au Havre aujourd'hui
00:40à la rencontre de l'ancien Premier ministre Édouard Philippe.
00:43Écoutez ce que pense Édouard Philippe de cette suspension de la réforme des retraites.
00:48La vérité c'est que notre situation financière et budgétaire ne sont pas bonnes.
00:52Tout ce qui va dans le sens de l'illusion, d'un retour en arrière,
00:58d'une suspension qui ne permettrait pas de gagner du temps,
01:01mais qui conduirait immanquablement à accélérer la crise financière et la crise budgétaire,
01:06me paraît, de mon point de vue, une mauvaise idée.
01:103 milliards d'euros, voilà ce que coûterait la suspension de la réforme des retraites,
01:13rien que pour l'année 2025, Mathieu Bocquete.
01:16Je trouve qu'il y a quelque chose, en fait c'est presque en lien avec le propos de notre invité en première partie,
01:20il y a quelque chose d'absolument triste à voir,
01:23un système politique complètement paralysé par la question des retraites.
01:27Je me permets de mettre l'accent sur ça.
01:29C'est dans la question des retraites, c'est le symbole d'une société vieillissante,
01:33c'est le symbole d'une société qui, dans ses derniers jours, ses dernières années,
01:36tient à conserver les dernières marques de ses privilèges.
01:39C'est le symbole d'une forme d'égoïsme générationnel,
01:42d'une part, globalement des boomers, mais pas seulement,
01:44qui se disent, on a joui toute notre vie et jusqu'à la fin, vous les actifs, vous ceux qui bossez,
01:49vous devez travailler jusqu'à la fin pour entretenir notre confort.
01:52Il y a quelque chose là-dedans, le système politique paralysé,
01:55pour entretenir, non pas la dignité des uns et des autres,
01:58mais dans les faits, pour entretenir un système qui, en lui-même, est dysfonctionnel.
02:01Sur le fond des choses, la réforme des retraites n'était pas la réforme nécessaire.
02:05La réforme nécessaire, c'est une réforme à moyen terme de capitalisation.
02:08Mais voyant cela, je trouve qu'il y a un symbole d'une immense tristesse d'un pays paralysé ainsi,
02:14par cette question des retraites.
02:14On préfère un pays vitalisé par la question de l'éducation plutôt que les retraites.
02:18Mais est-ce que vous ne diriez pas que cette suspension,
02:21en fait, est utilisée comme un prétexte par le parti socialiste plutôt qu'un autre ?
02:26Est-ce qu'il y a vraiment du fond là-dedans ?
02:30Mais s'il fonctionne, c'est parce que ça correspond à une partie de l'état d'esprit de la population
02:37qui descend, moi je suis un peu sévère de ce point de vue,
02:40une population qui se mobilise essentiellement pour la question de
02:44« Quand pourrais-je arrêter de travailler le plus tôt possible ? »
02:46Il y a quelque chose là-dedans, j'y reviens, d'une infinie tristesse,
02:49Mais vous qui n'êtes pas français, est-ce que vous voyez les français comme...
02:54Olivier Babaud, notre éditorialiste économique, disait que c'était après le retour de...
03:00Ce n'est pas la flamme qui les anime les français, c'est le retour de la flemme.
03:03Est-ce que le français n'est pas travailleur ?
03:06Est-ce que le français court après CRTT ?
03:08Je pense qu'on crée les conditions généralisées pour que les gens, à certains égards...
03:12Quand on décide de confisquer à ce moment-là le fruit de leur travail,
03:15des impôts absolument fous, des charges absolument folles,
03:17quand on crée les conditions pour que le travail soit si peu payant,
03:20ensuite il y a une rationalité dans le fait de dire
03:22« Vous n'allez quand même pas en plus me forcer à bosser plus longtemps. »
03:24Mais une fois que c'est dit, si on réaménage les choses dans un esprit minimalement libéral
03:27et correctement tachérien, il peut y avoir de ce point de vue une vitalité économique nouvelle.
03:32Pourquoi vous auriez...
03:34Correctement tachérien.
03:36Oui, mais c'est peut-être tachérien naturel.
03:38C'est correct le tachérisme.
03:39Ça fonctionne quand même.
03:40Non, mais je comprends ce que dit Mathieu sur une société qui se mobilise sur ses retraites,
03:46qui est le signe d'une société qui vieillit incontestablement.
03:48Je vous suivrai beaucoup moins sur le fait que le système en soit dysfonctionnel
03:52et que le système par capitalisation, lui, par miracle, ne le serait pas,
03:56alors qu'il y a de nombreux exemples contraires.
03:58Mais pour en revenir au problème politique,
04:00parce que la crise politique que nous vivons,
04:03qui a abouti à la dissolution, qui a abouti à cette absence de majorité,
04:07elle vient beaucoup, encore plus que de la présidentielle de 2022,
04:11elle vient beaucoup de la réforme des retraites.
04:13On parlait avec notre invité tout à l'heure de référendum,
04:17du fait que les Français puissent trancher des questions essentielles.
04:20Mais enfin, c'est une réforme où il y a 70% d'opposition.
04:24Alors, on peut...
04:25C'est pour ça que je demandais si les Français étaient travailleurs.
04:28Oui, mais je crois que ce n'est pas ça.
04:30C'est le problème de rapport des Français au travail.
04:33Il y a plein de questions.
04:34Ce n'est pas que les Français n'ont pas envie de travailler.
04:36C'est que, pour une partie, ils considèrent que physiquement, ils sont usés.
04:39Mais ça, c'est une partie.
04:40Pourquoi est-ce que ça devient cette partie-là ?
04:42Ça devient le dogme.
04:43Pourquoi est-ce que...
04:44Au moins, il y a toujours eu des exceptions pour la pénibilité du travail.
04:49Ça y a toujours eu, et la droite aussi en a tenu compte.
04:52Mais on a monté une usine à gaz pour compenser les effets brutaux
04:56du relèvement à 64 ans.
04:59Il y a eu un problème démocratique.
05:00Mais quel relèvement ?
05:01Il y a eu un abaissement, d'abord.
05:02Philippe Higbert, il y a eu un abaissement de la retraite sous Mitterrand.
05:06Oui, mais ça, c'était il y a 50 ans.
05:08C'était il y a peut-être 50 ans, mais peu importe.
05:12Pourquoi est-ce que là, tout d'un coup, on pose des cris d'orfraie
05:16parce que c'est peut-être un retour à l'histoire ?
05:20Il y a une nostalgie de Pompidou et de Giscard d'Estaing.
05:23Et là, tout d'un coup, on dit que la retraite, non,
05:25pour le coup, il faut que ça reste à 60 ans.
05:28Depuis Baladur, 1993, quasiment tous les gouvernements
05:33ont fait la réforme des retraites.
05:35Donc, il y a eu beaucoup de réformes des retraites en France.
05:38De 1993, ça fait presque 30 ans que les pays européens...
05:41Et dans les pays européens, il y a eu des retraites jusqu'à 64, 65, 67 ans.
05:46Oui, c'est vrai, mais le taux de pauvreté des retraités...
05:47Mais non, on va dans l'autre sens.
05:48Attends, je termine.
05:50Le taux de pauvreté des retraités, par exemple en Allemagne,
05:52est beaucoup plus élevé que le nôtre.
05:54Et c'est un élément qu'on oublie juste au passage.
05:57Donc, il y a eu une crispation démocratique,
06:00un malaise démocratique beaucoup lié au 49-3
06:03sur un autre acte qui n'a pas été négocié avec les partenaires sociaux.
06:06Et donc, je pense que sur cette réforme...
06:08Il n'y a pas de négociation possible, Philippe.
06:10Oui, mais que tout soit fixé sur les retraites...
06:14Je ne crois pas du tout à ce que vous dites, Pierre.
06:15Qu'il y ait une négociation possible ?
06:17Mais oui, il y a des tas d'éléments...
06:17Vous voulez qu'on repasse les reportages qu'on a faits pendant cette période-là ?
06:21Je vous en donne juste un.
06:23Je vous en donne juste un.
06:25Il y a une réforme qui est passée sans coup férir,
06:27sans faire descendre les gens dans la rue,
06:29ça s'appelle la réforme Touraine,
06:30qui n'a pas touché à l'âge légal,
06:31qui a touché à la durée de cotisation.
06:33Il y avait un accord possible avec la CFDT là-dessus,
06:36que le gouvernement n'a pas cherché.
06:38Et donc, il y a un problème démocratique entre la non-négociation,
06:43puis le passage en force en 49-3,
06:45entre parenthèses à cause de la droite,
06:46qui n'a pas voulu donner les assurances qu'elle allait voter cette réforme.
06:51Je suis d'accord qu'il y a une ambiguïté de la droite
06:52qui a voulu la retraite à 65 ans et qui n'a pas voulu voter celle de 64.
06:57Pour laisser l'impopularité, Emmanuel Macron.
06:59Donc, je pense qu'il faut qu'elle soit renégociée.
07:01On se donne 3 mois, on se donne 4 mois, on se donne 5 mois.
07:04Et que c'est la condition pour réparer une fracture démocratique
07:08qui a eu lieu sur ce sujet.
07:10D'accord, j'entends.
07:11C'est-à-dire que le système des retraites par ailleurs,
07:13et presque inévitablement en cause de l'évolution démographique du pays,
07:16est condamné à la faillite.
07:18Pas demain, pas après-demain, mais après-après-demain.
07:20C'est une évidence démographique reconnue par à peu près tous.
07:25Premier élément.
07:25Qui s'accompagne d'une autre évidence démographique souvent laissée de côté.
07:29Nous vivons de plus longtemps.
07:31Il est donc normal qu'on travaille plus longtemps.
07:33Je suis d'accord avec ça.
07:35Et la baisse de la natalité.
07:36Oui, et on n'est pas censé avoir argumenté longtemps sur ce thème.
07:39Or, on doit le faire.
07:40Pas sur le principe, mais sur les modalités.
07:42Et le concept de pénibilité du travail
07:44est un concept fort légitime dans certains métiers.
07:46Sinon, on a tendance à en abuser aujourd'hui.
07:48Évidemment, travailler c'est moins grave qu'être à la plage, par définition.
07:51Il y a une pénibilité inévitable de tout travail.
07:53Non, je prends au sérieux, dans certains métiers, c'est très réel.
07:56Mais sinon, le concept de pénibilité du travail, on en abuse aujourd'hui.
07:59Pour justifier, encore une fois...
08:01Juste une remarque, parce que je comprends très bien ce que vous dites.
08:04Dans les générations nées dans les années 60,
08:06qui vont donc arriver à l'arrivée de ma génération dans 5 ans, etc.
08:11Vous n'avez qu'un tiers des gens qui avaient le bac et qui faisaient des études supérieures.
08:15Donc ça veut dire que vous avez la majorité de la population
08:18qui a commencé à travailler tôt et souvent dans des métiers pénibles physiquement.
08:22Je dis que le discours sur la pénibilité du travail touche même les jeunes aujourd'hui.
08:26Si je peux me permettre, c'est là que ça devient un marqueur culturel.
08:28C'est un problème.
08:29Ensuite, autre élément.
08:30Évidemment, à court terme, le système doit être réformé.
08:33La 3 512e réforme des retraites.
08:36Donc, d'accord.
08:37Une fois que c'est dit, pour que la réforme ait un sens à moyen terme,
08:40elle doit s'accompagner, c'est ce qu'on disait plus tôt, je crois,
08:42de réformes structurelles hautes touchant l'économie française.
08:45Donc, des fiscalisations significatives pour permettre aux gens,
08:49aux communes et mortels de mettre de l'argent de côté pour sa propre retraite.
08:51Avec ou sans système de fonds de pension, c'est autre chose.
08:54On pourrait être capable de libérer le travail, minimalement.
08:56Parce que si on a seulement la réforme des retraites,
08:59sans au même moment donner la part de souplesse et de dynamisme
09:02nécessaire à l'économie pour que chacun puisse véritablement s'enrichir.
09:05Je vais vous donner un exemple qui me frappe chaque fois.
09:07Le salaire des enseignants ou des enseignants au Québec et en France.
09:11Le contrat, je n'ai pas le chiffre exact en tête,
09:12mais c'est le différentiel est absolument fascinant.
09:16Or, le système social au Québec n'est pas le système le plus...
09:21On n'est pas au Texas, là.
09:22On est dans un système tout à fait tolérable.
09:24Donc, il est possible de payer correctement les gens
09:26tout en ayant un système social qui se tient,
09:28pour peu qu'on ne soit pas sur-bureaucratisé
09:30dans toutes les dimensions de notre existence.
09:32Et tant qu'on ne posera pas le problème démocratique,
09:34le problème social de cette sur-bureaucratisation
09:36qui vampirise les ressources de tout le monde,
09:38l'action des retraites est une question flottante.
09:41Mathieu, ce n'est pas la bureaucratie qui va...
09:43Il y a trop de bureaucratie, je ne discute pas à ce point.
09:45Il y a les aides sociales, j'en conviens aussi.
09:47Mais c'est l'État social qu'on a développé.
09:49Le giscard d'Estaing, en passant par Mitterrand,
09:51Chirac, tout le monde depuis 50 ans.
09:55Et donc, on a un État social, ça se lit sur toutes les courbes.
09:57Et on avait une autre natalité et une autre espérance de vie.
10:01Et aujourd'hui, moi je constate juste deux choses.
10:04Premièrement, c'est que moi je n'ai pas du tout envie de m'arrêter
10:07de bosser à 60 ans en me disant
10:09ce n'est pas grave, c'est mes enfants qui paieront.
10:11Et la deuxième chose...
10:11Ça je vous comprends, mais moi non plus.
10:13Et la deuxième chose, c'est que je constate par exemple
10:16qu'il y a trois ans, il me semble,
10:17en Suisse, on a demandé aux Suisses
10:19s'ils voulaient une cinquième semaine de congé payé
10:21et ils ont dit non.
10:22Voilà, parce que pour le bien collectif,
10:24parce qu'ils savaient que ça allait alourdir
10:26leurs dépenses publiques.
10:28C'est tout !
10:28Voilà, ils se sont défaits.
10:30Si vous voulez dire qu'il y a un problème de quantité de travail
10:32et de quantité de travail dans ce pays,
10:34je vous rejoins, c'est vraiment tout.