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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Dans le cours du récit, vous comprendrez, chers amis, pourquoi nous devons taire les lieux et les noms des protagonistes de cette affaire qui fit beaucoup de bruit.
00:23Alors, disons une ville de la banlieue parisienne, le lundi 4 décembre 1967, 11h40.
00:32Un petit garçon de 7 ans, élève de dixième, à l'annexe d'une école chrétienne de grande réputation, quitte seule l'institution pour rentrer chez lui.
00:42Nous l'appellerons Robert, Robert Durand.
00:4712h45, Mme Durand, sa mère, inquiète de ne pas le voir arriver, envoie son fils aîné, Patrice, 15 ans, à sa recherche.
00:58À l'école, on lui dit que Robert est parti à l'heure normale.
01:0413h20, Mme Durand se précipite à son tour à l'école.
01:09Du bureau du directeur, elle prévient le commissariat. Pendant ce temps, Patrice a téléphoné à son père.
01:15M. Durand quitte son bureau de Paris pour accourir à son domicile. Il y arrive à 13h40, la maison est vide.
01:23M. Durand, en ressortant, avise, dans la boîte aux lettres, une enveloppe sans adresse, portant simplement la mention « Pour vous ».
01:34Le corps battant, il l'ouvre et il la lit. En voici le texte.
01:41Votre gosse sera rendu contre la somme de 20 000 nouveaux francs en coupure de 100 nouveaux francs.
01:49Nous vous donnons 5 jours pour réunir l'argent. Après ce délai, ou si vous alertez la police, vous risqueriez de ne plus revoir votre enfant vivant.
01:59S'y joint la preuve que nous le détenons.
02:03Les 200 billets devront être enveloppés dans un papier gris.
02:08Vous devrez placer le paquet à 4h30 du matin derrière la statue du Général Hoche, place du Général Hoche.
02:17Vous suivrez à la lettre nos indications sans essayer de nous jouer quelques mauvais tours.
02:22Nous vous rendrons votre gosse le lendemain. En attendant, il ne lui sera fait aucun mal.
02:30L'argent devra être déposé le matin du 8.
02:36Tel est donc le contenu de la lettre, découpée dans des caractères de journaux, qui constitue la première pièce de ce dossier extraordinaire que nous raconte Jacques-Antoine.
03:00L'enlèvement a donc lieu à la sortie de l'école, lundi à midi.
03:12Le petit Robert Durand s'étend entre seuls déjeuner comme à l'accoutumé au pavillon de ses parents.
03:17Après avoir signalé sa disparition, M. Durand découvre à 13h45, dans la boîte aux lettres, un pli rédigé avec des caractères de journaux.
03:27Quelques heures plus tard, la presse rapporte à la fois les termes du message du ravisseur et le détail des opérations entreprises par la police,
03:37déclenchant ainsi le mécanisme des coups de téléphone, des pistes fantaisistes et des hypothèses extravagantes.
03:45Dès le lendemain, la France entière sait que la rançon s'élève à 20 000 francs et qu'elle doit être déposée avant jeudi, 4h30, en billet de 100 francs, au pied de la statue de Hoche.
03:56Mais la publicité, donnée malencontreusement dès le premier jour à la demande de rançon, rend impraticable le rendez-vous fixé par les kidnappeurs.
04:04D'autre part, cette demande de rançon paraît bien modeste. 20 000 francs, cela exclut la participation de truands professionnels.
04:13Enfin, la police découvre que les caractères imprimés avec lesquels la lettre a été composée ont été découpés dans des journaux d'enfants.
04:23Il se pourrait donc que les kidnappeurs soient un groupe de jeunes gens.
04:29Mais, rappelons-le, Robert a 7 ans, il doit être encombrant, il sera dangereux car il peut reconnaître ses ravisseurs, identifier des lieux.
04:41Sa vie est donc en grand danger et il faut à tout prix permettre à ses ravisseurs d'entrer à nouveau en relation avec la famille Durand.
04:50C'est ainsi que le mardi 5 décembre, à la demande de M. Durand, un ecclésiastique, le père Alexandre, appelle les ravisseurs à entrer en contact avec n'importe quel prêtre, n'importe quand, en n'importe quelle région.
05:04Il promet à la fois l'impunité et le paiement de la rançon.
05:07Presque en même temps, un ami de M. Durand, avocat, obtient de son ordre d'offrir aux criminels la même possibilité et la même garantie en se mettant en rapport n'importe où, avec n'importe quel avocat ou n'importe quel avoué.
05:21Pourquoi un prêtre ? Pourquoi un avocat ? Parce que l'un peut se considérer comme lié par le secret de la confession et l'autre par le secret professionnel.
05:32Dans le même temps, la famille Durand fait savoir qu'elle refuse de porter plainte.
05:38Mercredi 6 décembre, journée des fausses pistes, à Chartres, à Gives-sur-Yvette, à Shell.
05:47À Versailles, la police boucle un quartier entier où l'on aurait remarqué un individu suspect.
05:54Jeudi 7 décembre, en partant en classe, Patrice laisse entendre que les ravisseurs seraient entrés en contact avec sa famille et auraient porté à soixante mille francs le montant de la rançon, ce qui est démenti formellement par M. Durand à treize heures.
06:09« Rien de nouveau ? Notre inquiétude ne cesse de croître », dit à vingt heures le père du petit Robert à la télévision.
06:17Comme je vous l'ai dit, les policiers ont, dès les premières heures de leur enquête, écarté de cette affaire les truands professionnels et ils ont acquis maintenant la certitude qu'il ne peut pas s'agir d'un maniaque.
06:27En effet, divers témoignages permettent d'établir que le petit Robert a été vu dès sa sortie de l'école en compagnie d'un tout jeune homme.
06:36Ce même jeune homme aurait, quelques instants plus tard, circulé en poussant devant lui une caisse posée sur le châssis d'un landau d'enfants et clamant à tue-tête « Ferraille ! Vieux chiffon ! Ferraille ! Vieux chiffon ! »
06:52C'est là que ce dossier devient d'ailleurs extraordinaire car les investigations de la police s'orientent rapidement vers les camarades du petit Robert.
07:01Et il serait facile à la police de démasquer un ou plusieurs des jeunes ravisseurs mais cela pourrait être non seulement inutile mais dangereux.
07:09En effet, l'arrestation d'un complice pourrait affoler les autres kidnappeurs et les amener à tuer Robert.
07:17La police n'a donc pas l'intention de gêner les éventuelles tractations de la famille Durand désireuse avant tout de retrouver le petit disparu.
07:27Comprenez bien la situation, chers amis.
07:30En plus des quarts de la police, une cinquantaine de voitures de presse assiègent depuis une semaine la grande villa blanche des Durands.
07:40Les parents Durand et les trois frères du petit Robert sont traqués, pourchassés, harcelés.
07:44Une véritable surenchère de nouvelles vraies ou fausses diffusées trop souvent sans le moindre souci de vérification viennent également tout compliquer.
07:52Par exemple, certains commentaires sur la fortune des Durands et sur la modicité de la rançon exigées par les kidnappeurs.
07:59Si ceux-ci lisent les journaux, ils doivent apprendre que leur exigence est ridicule et se trouver presque obligés d'augmenter leurs prétentions.
08:06La nuit, dans les rues environnantes, les portières des voitures des journalistes et des curieux claquent sans ménagement.
08:12On entend des interpellations bruyantes, on escalade les murs à trois pas de cette maison où toute une famille connaît les affres d'une attente qui voit l'espoir s'amenuiser d'heure en heure.
08:22Alors, effrayés probablement par ce remue-ménage et cette publicité, les ravisseurs, lorsque vient l'expiration de leur ultimatum, n'osent pas reprendre contact avec la famille.
08:35Pourtant, la mobilisation de 50 000 prêtres et de 7 000 avoués et avocats habilités d'un coup à servir d'intermédiaires en multipliant les points de contact diminue le risque pour les criminels d'être identifiés.
08:48Mais jeudi soir, pour la famille Durand, il devient évident que l'intervention de la presse a condamné les ravisseurs au silence et peut-être condamné l'enfant à mort.
09:02Aussi, M. Durand tente-t-il à 17h30 une démarche exceptionnelle auprès du ministre de l'Intérieur, M. Fouché, en présence des principaux dirigeants de la police.
09:13Il demande qu'une trêve soit officiellement proclamée et il obtient gain de cause.
09:20Jeudi soir, à minuit moins le quart, le chef suprême de la police donne 24 heures aux ravisseurs du petit Robert Durand pour rendre sains et saufs l'enfant à ses parents.
09:3424 heures, durant lesquelles toute recherche doit être suspendue.
09:39Le ministre est parfaitement conscient du caractère insolite de son appel.
09:45Mon rôle ne consiste pas à m'adresser à vous, dit-il.
09:50Il consiste à vous faire prendre et à vous livrer à la justice.
09:55Mais la vie d'un enfant est une valeur suprême.
10:00Si vous rendez l'enfant, vous pouvez espérer dans la justice des hommes.
10:07Il ne s'agit donc pas de couvrir un marchandage à l'impunité d'ouvrir une porte de sortie supplémentaire aux ravisseurs, mais de clarifier une situation compromise par des imprudences et des interférences de toutes sortes.
10:21Bref, de mettre un terme à une confusion gênante tant pour la famille que pour les enquêteurs en gardant intacte une chance de sauver la victime.
10:32Le vendredi 8 décembre, la trêve proposée par M. Fouché est entièrement respectée.
10:42Les recherches reprennent, intensifiées, dès le samedi à 0h30.
10:50Mais entre-temps, des faits nouveaux se sont produits. Un jeune homme a téléphoné à M. Durand pour lui signifier qu'il portait la rançon de 20 000 à 60 000 francs.
10:59Il a ensuite remis à une personne désignée par la famille les chaussures du petit Robert. Puis, dans une rue proche de la villa des Durands, il a pris possession de la rançon.
11:12Autour de la ville la Blanche des Durands, animation habituelle. Les badauds, les journalistes attendent qu'il se passe quelque chose.
11:18M. Durand renouvelle ses appels aux ravisseurs. Mais à l'entrée de la rue, un quart de police débouche.
11:24A l'autre extrémité, même opération. On dit aux journalistes « ou bien vous restez, ou bien vous sortez, mais vous ne pourrez plus revenir ».
11:34On se doute bien sûr qu'il se passe quelque chose d'important. En effet, passé le premier carrefour, on peut voir plus de 500 CRS procéder à une fouille systématique des maisons et des jardins.
11:45C'est bientôt tout un périmètre qui est investi. L'opération va durer environ trois heures.
11:52Après avoir enquêté maison par maison dans le quartier, les policiers parviennent ainsi à un jeune homme que nous appellerons Jean-Paul.
12:03Celui-ci tente de leur donner le change. Les policiers, pour lui laisser croire qu'il y a réussi, le relâchent, toujours pour ne pas affoler ses complices et dans l'espoir qu'il va commettre une imprudence.
12:16Il l'a commé en effet, cette imprudence. Ce matin-là, le jeune Jean-Paul appelle M. Durand au téléphone. Il réclame 40 000 francs supplémentaires pour rendre l'enfant.
12:28Dès cet instant, la police tient en main un fil de l'écheveau, car le coup de fil a été enregistré sur une table d'écoute. Il a été émis depuis le domicile lui-même du jeune homme et il est identifié sans discussion en comparant les voix.
12:41Toutefois, la police reste discrète car ce qui importe, c'est de retrouver le petit Robert vivant.
12:50Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen.
13:0220 heures. Dans une petite ville des environs de Paris, une 403 blanche de la police arrive devant le siège de la police judiciaire.
13:11A l'intérieur, sur le siège arrière, Jean-Paul qui se cache le visage. On le fait monter et précipite à main.
13:19Un quart d'heure plus tard survient une autre voiture avec cette fois-ci une jeune femme qui, elle aussi, dissimule ses traits derrière une écharpe écossaise. Elle est conduite dans les bureaux du premier étage.
13:29Enfin, à bord de la R16 du commissaire Samson qui arrive à son tour, un homme s'abrite sur la banquette arrière. Dans la nuit, on peut tout juste le distinguer. On croit qu'il s'agit d'un suspect.
13:41En réalité, c'est le directeur de la police judiciaire qui essaie de semer les journalistes. En effet, sa présence pourrait donner à la presse la certitude que Jean-Paul est coupable.
13:52Il ne manquerait pas de le publier, ce qui pourrait inquiéter ses éventuels complices et nuire en fin de compte au petit Robert.
14:00Jean-Paul a 15 ans depuis 48 heures. Il vit avec ses deux sœurs Martine, 18 ans, et Sophie, 4 ans, au domicile de ses grands-parents.
14:10Son père, directeur dans une grande société d'automobiles, n'entretient avec eux que de très rares relations depuis que sa mère, déléguée médicale, a pour ami un de ses compagnons de travail.
14:20Jean-Paul a été renvoyé à la fin de la dernière année scolaire du collège que fréquente le petit Robert. Il est devenu élève d'un collège d'enseignement général à 1500 mètres de son domicile.
14:32Enfin, Jean-Paul reconnaît avoir été mêlé au rapte du petit Robert, mais mêlé seulement, car Jean-Paul, nous ne voulons pas vous le décrire, vous comprendrez pourquoi tout à l'heure, car Jean-Paul prétend d'abord avoir servi d'intermédiaire à deux gangsters.
14:47Lui démontre la vraisemblance de son récit. Les deux gangsters deviennent alors deux amis avec lesquels il aurait partagé la rançon. Il raconte qu'il avait caché l'argent dans sa chambre, mais c'est dans le grenier que les policiers ont trouvé la somme complète.
15:07Devant cette preuve formelle de sa culpabilité, Jean-Paul a une crise de nerfs. Il faut lui faire une piqûre calmante qu'il endort.
15:18« Il me fait peur, et aux copains aussi », déclare un de ses camarades de classe. « Le jeudi, il restait tout seul dans les bois. Il s'enfermait dans sa cabane avec une carabine. Jamais on n'a osé aller avec lui. »
15:34Je ne peux pas dire qu'il était anormal, mais son comportement était très souvent bizarre, dit de son côté un voisin. Et une femme qui habite juste en face de chez lui déclare « Je me suis toujours refusé à laisser mes enfants jouer avec lui. »
15:47Son attitude était quelquefois déroutante. Après des périodes de calme, il manifestait une énergie désordonnée, jouait avec une carabine et avait un regard inquiétant.
16:01De son côté, un éducateur de la région parisienne qui connaît fort bien l'adolescent déclare « J'avais conseillé à la mère d'emmener Jean-Paul chez un psychiatre. »
16:10Sous un comportement apparemment normal, ce garçon cachait d'importants troubles de la sensibilité et certains événements qui auraient fait pleurer un enfant de son âge le laissaient complètement indifférent.
16:20Cette attitude, ajoute-t-il, a été décelée par certains membres de son entourage qui s'en sont inquiétés après son renvoi de l'école.
16:28« Au contraire, une amie de sa sœur, 17 ans, n'en dit que du bien. Il était toujours très correct, poli, sérieux. Jamais je n'aurais imaginé qu'il fût capable de commettre un acte pareil. »
16:39Évidemment, la police tait son inquiétude à la famille Durand. Qu'est devenu le petit Robert ? Est-il vivant ? Est-il aux mains d'un ou de plusieurs complices ?
16:51Il paraît impensable que Jean-Paul, cet enfant de 15 ans, ait organisé et accompli tout seul ce kidnapping.
16:58À 8h30, le dimanche matin, on réveille l'adolescent. Il reconnaît alors « Le petit Robert est mort. Ce sont mes deux amis qui l'ont tué. »
17:14Ils l'ont tué et ils n'ont pas eu le temps de toucher leur part de rançon. C'est pour cela que les policiers ont trouvé la somme intacte chez lui.
17:22Aussitôt, dans le quartier de Jean-Paul, c'est une nouvelle opération de bouclage. Les CRS se sont répartis la tâche.
17:29Certains entrent dans la villa de Jean-Paul et fouillent le quartier jusqu'à l'oreille de la forêt très proche.
17:35D'autres se dirigent vers la forêt portant des pelles, des pioches, des chiens policiers les accompagnent.
17:41Apparemment, les recherches se situent dans un périmètre de plus en plus réduit.
17:46À 12h15, une voiture de la police judiciaire arrive. Jean-Paul, accompagné de deux inspecteurs, en descend.
17:52Il s'engage dans un petit sentier qui mène à la forêt. Il reste sur place trois minutes environ.
17:58Puis Jean-Paul remonte dans le quart. Le bruit se répand comme une traînée de poudre.
18:05Le corps du petit Robert a été découvert.
18:10Une évidence s'impose enfin. Jean-Paul, cet enfant de 15 ans, a agi absolument seul.
18:21Il a, seul, organisé le kidnapping et toujours seul, il a tué le petit Robert.
18:30Alors bien sûr, les questions se posent. Comment ? Pourquoi ?
18:35Répondons d'abord à la première question. Comment ?
18:38Durant plusieurs semaines, ce garçon a mis au point le scénario de l'enlèvement.
18:43Dans des magazines de jeunes, il a découpé les caractères d'imprimerie qui lui ont permis de rédiger la lettre pour réclamer la première rançon de 20 000 francs.
18:51Toutefois, il a oublié de détruire ces magazines et c'est dans sa chambre que les policiers les ont retrouvés.
18:58Au jour qu'il a prévu à la sortie de l'école, Jean-Paul aborde le petit Robert qu'il connaît depuis longtemps.
19:03Sans méfiance, semble-t-il, l'enfant le suit.
19:07La ruse employée par le meurtrier pour emmener sa victime est des plus ordinaires, un simple jeu.
19:12Vers midi, Jean-Paul aborde Robert à la sortie de l'école et l'invite à monter dans une poussette sur laquelle se trouve une caisse.
19:19Jean-Paul parcourt ainsi les 1500 mètres, séparant l'école de son domicile en criant comme les chiffonniers « Ferraille, vieux chiffon ! »
19:26Puis, il laisse le petit Robert dans sa maison.
19:29Le jeune ravisseur se rend alors chez les parents de Robert et dépose dans leur boîte à lettres la demande d'une rançon de 20 000 francs.
19:37Il rentre ensuite chez lui et, immédiatement, tue Robert à coups de gourdins.
19:46Puis, il enterre le corps sous une couche de feuilles mortes dans les bois, à proximité immédiate de sa maison.
19:53Avant de procéder à cet enterrement sommaire, Jean-Paul a pris la précaution d'enlever les bretelles et les chaussures de sa victime en prévision des tractations qui suivraient certainement leur apte.
20:03Seul toujours, il téléphone à M. Durand pour porter la rançon qu'il avait tout d'abord fixée à 20 000 francs à 60 000 francs.
20:11Jean-Paul ensuite remet à une personne désignée de la famille Durand les bretelles et les chaussures du petit Robert pour prouver qu'il n'est pas un escroc,
20:19cherchant à profiter de la situation.
20:23Les 60 000 francs de la rançon, précise Jean-Paul, devaient être déposées dans une rue proche de la villa des Durand.
20:30Elle l'a été et il en a pris possession.
20:35Maintenant, venons-en à la deuxième question.
20:38Pourquoi ?
20:40Il faudra plusieurs jours pour tenter une réponse.
20:44D'abord, Jean-Paul en prison, refusant de se choisir un défenseur, le bâtonnier s'est désigné d'office pour cette tâche.
20:53Une avocate, mère de trois enfants, doit l'assister.
20:56Elle se rend donc dans la cellule où Jean-Paul attend, dans un état de prostration extrême, la reconstitution de son crime.
21:05L'avocate est bouleversée par cette entrevue qui dure une heure.
21:09On a écrit que cet adolescent était déjà un jeune homme mûr de 18 ou 19 ans, dit-elle.
21:14En fait, j'ai rencontré un enfant, uniquement un enfant.
21:18Un avocat célèbre, à qui la mère de Jean-Paul demande d'assister son fils, se rend auprès du juge d'instruction pour prendre rapidement connaissance du dossier.
21:27En compagnie du bâtonnier et du procureur, il assiste ensuite, pendant deux heures, à l'interrogatoire du jeune meurtrier.
21:35Cela se passe dans la cellule de la prison.
21:38En sortant, il déclare
21:41« Je ne me suis pas trouvé en présence d'un voyou ou d'une terreur. Je n'ai vu qu'un adolescent traumatisé. Les psychiatres auront fort à faire pour étudier ce cas. »
21:53Enfin, sur la façon dont aurait germé dans l'esprit de Jean-Paul l'idée de ce meurtre atroce, nous n'épiloguerons pas.
22:00Sachez simplement qu'aussi extraordinaire que cela puisse paraître, il va s'avérer qu'il s'agit d'une sorte de tentative de suicide.
22:09En effet, cet adolescent était malheureux. Il se considérait comme un réprouvé et un rejeté.
22:16Il ne s'intégrait pas à la société et ne voulait plus y vivre.
22:21Il a donc imaginé qu'après avoir commis un crime aussi affreux et une demande de rançon qui prouverait qu'il n'était pas fou,
22:27la société allait inexorablement se débarrasser de lui.
22:34L'idée de ce « moyen » lui serait venue en regardant à la télévision l'émission « A votre âme et conscience » consacrée à l'affaire Jobart.
22:42Pourquoi avoir choisi le petit Robert ? Parce que, comme le dira lui-même Jean-Paul, Robert était un ange.
22:51Jean-Paul se sentait infiniment malheureux, Robert était tout le contraire, un gosse heureux.
23:01Jean-Paul a été condamné à quinze ans de prison et libéré cinq années plus tard. Il avait vingt-trois ans et demi.
23:13Il en est, chers amis, des maladies de l'esprit comme des maladies du corps.
23:18Certaines maladies du corps autrefois extrêmement graves, comme la tuberculose par exemple, peuvent être aujourd'hui guéries complètement par un traitement médical simple, efficace, rapide.
23:30De même, des maladies de l'esprit qui peuvent avoir des conséquences très graves sont guéries de nos jours assez facilement par des psychothérapies.
23:39Encore faut-il qu'il y ait vraiment psychothérapie.
23:44Si Jean-Paul a vraiment été soigné en prison, il est très exaltant de penser que cet enfant qui se croyait un paria va trouver enfin une place dans la société.
23:55Si c'est seulement sa bonne conduite qui a décidé de sa libération, on nous permettra de ne pas être aussi enthousiastes.
24:26Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
24:31Un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
24:36Réalisation et composition musicale, Julien Taro.
24:40Production, Raphaël Mariat.
24:43Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
24:48Remerciements à Roselyne Bellemare.
24:51Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
24:55Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.

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