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00:00Bonjour Edi Ponce, merci beaucoup d'être avec nous Edi Ponce, vous étiez invité effectivement avec des caricaturistes du monde entier à dessiner votre colère contre l'emprise des religions sur vos libertés
00:13et votre croquis a été sélectionné pour être publié, vous l'avez d'ailleurs avec vous sur votre téléphone portable, est-ce que vous pourriez nous le décrire ?
00:22Oui alors, si vous voulez, c'est vrai que depuis l'attaque de Charlie Hebdo il y a 10 ans, moi en tant que dessinateur, ça fait plus de 40 ans que je fais ce métier
00:33et jamais je n'avais eu à réfléchir avant de faire un dessin comme ça sur, voyons, par où on peut passer, étant d'origine espagnole et sachant que les dessinateurs espagnols
00:43pendant la dictature franquiste trouvaient plein de ressources pour justement pouvoir critiquer le régime sans se faire choper par la censure,
00:52c'est vrai qu'il y a toujours des biais par le dessin et je suis passé par un biais, c'est là que je voulais en venir, c'est-à-dire que le dessin est tout simple,
01:00il y a un porte-manteau avec trois chapeaux, une tiare chrétienne, un chapeau juif avec des frisettes et un turban mahométain,
01:13et ce porte-manteau est placé devant une porte où est marqué « Rizothérapie, thérapie par le rire », c'est-à-dire que ma suggestion c'est que ces gens-là apprennent à rire.
01:27Voilà le dessin qui a été choisi parmi les 350 dessins venus du monde entier pour figurer dans cette édition.
01:34Donc c'est de laisser un petit peu à la porte ces convictions, ces croyances, pour essayer de vivre ensemble si je comprends bien la portée de votre message,
01:42donc le biais que vous avez choisi c'est celui de la porte en fait ?
01:48C'est ça qu'il y a de génial dans le dessin, c'est que quand on fait un dessin, on ne réfléchit pas forcément à tout ce que vous dites.
01:55Il y a une part d'inconscient aussi, c'est-à-dire que je n'avais pas réfléchi au fait qu'on laissait les religions devant la porte,
02:02parce que pour moi elles sont à l'intérieur, mais c'est une très bonne lecture du dessin aussi, que je n'avais pas envisagé,
02:08et elle me plaît énormément parce qu'effectivement soit on les laisse à la porte, soit on rentre, y compris avec sa religion dans la tête,
02:14mais surtout on apprend qu'ici on peut en rire, et le rire ne tue pas, contrairement au Kalachnikov.
02:22Alors on va y revenir, effectivement...
02:24Encore que j'ai connu quelqu'un qui était mort de rire, je vous le dis, soit dit en passant.
02:28Dites-moi Ediponce, à qui vous avez pensé quand vous l'avez dessiné ce croquis ?
02:33J'ai pensé forcément à la chance que j'avais de continuer à dessiner, et le fait que tous ses amis, ses camarades,
02:41même si j'en connaissais qu'un, je connaissais personnellement Wolinsky, mais tous les autres étaient...
02:46Et les dessinateurs de presse, Wolinsky, ils appelaient ses frères.
02:49Dans une préface qu'il avait eu la gentillesse de me faire sur un bouquin, il parlait de ses frères, donc j'ai senti ça.
02:56C'était tout et n'importe quoi sur le cigare.
02:58Oui, le bouquin sur le cigare, c'est ça.
03:00Vous aussi.
03:02Et donc, j'ai pensé à eux, forcément, qui n'avaient plus cette possibilité, c'était leur moyen d'expression,
03:08leur moyen de vie, parce que c'est vraiment où décider, c'est vivre.
03:12Hier, c'était encore la colère, l'assidération d'il y a dix ans, aujourd'hui, c'est vraiment de la tristesse.
03:20On dit que la force du dessin est dans le coup de crayon, mon cul, il est dans le coup de gomme,
03:25qui s'est révélé bien inutile pour effacer le cauchemar du 7 janvier.
03:28Ça, Ediponce, c'est ce que vous avez écrit avant-hier.
03:31Oui, parce que c'est vrai qu'on aimerait gommer certains événements qui se sont passés dans la vie.
03:36Alors, les gommer, ça ne veut pas dire les oublier, au contraire.
03:39C'est pour ça que la gomme, elle n'a pas agi, c'est-à-dire qu'il n'est pas eu lieu.
03:44On aimerait que certaines choses n'aient pas eu lieu, maintenant qu'elles ont eu lieu,
03:47c'est vrai qu'on ne peut pas les gommer, au contraire, il faut vraiment s'en rappeler.
03:50Mais est-ce que cette gomme dont vous parlez, et pour continuer à garder cette image,
03:55vous ne l'utilisez pas plus aujourd'hui qu'avant ? Autrement dit, est-ce que vous ne vous censurez pas plus ?
04:00Il est clair qu'aujourd'hui, on se censure.
04:02Moi, en tout cas, excusez-moi, je ne parle pas pour les autres, moi je me censure beaucoup plus.
04:06Il faut beaucoup plus réfléchir dès qu'on aborde certains thèmes, surtout autour de la religion.
04:13Mais pas uniquement la religion, pas uniquement l'islam, c'est-à-dire même les chrétiens,
04:19bien sûr la religion juive qui est aussi...
04:25Avant, on faisait moins gaffe.
04:27Il y avait une espèce d'humour potache, c'était accepté, point barre.
04:30Et ça n'avait rien à voir ni avec l'antisémitisme, ni envie d'être anti-chrétien, ni anti-islamique.
04:35C'était simplement le plaisir de rire, en fait.
04:37C'est le plaisir de rire et l'importance de rire.
04:40D'où l'importance de rire, parce que, bien sûr, c'est dans notre civilisation, c'est dans notre culture.
04:46Mais d'abord, c'est rire de soi-même.
04:50Et donc, c'est très très important, oui, bien sûr.
04:547h52, vous écoutez ici Gare Le Zer, notre invité ce matin, Ediponce, dessinateur de presse et caricaturiste nîmois.
05:01Ediponce, on voit et on en parle que la jeune génération n'est pas forcément à l'aise avec le fait de caricaturer toutes les religions.
05:09Je voudrais d'ailleurs, à ce sujet, vous faire écouter ce que nous disait Margot, qui est en classe de troisième dans un collège de Mandone.
05:14Je pense qu'on ne peut pas tout caricaturer, parce que même si le blasphème n'est pas puni par la loi,
05:20ça reste quand même assez offensant pour n'importe quelle religion.
05:24Donc non, on ne peut pas tout caricaturer.
05:26Qu'est-ce que ça vous inspire ?
05:27Ça m'inspire qu'il ne faut pas le cantonner à la religion, alors.
05:31C'est-à-dire qu'un jour, ça va être le blasphème.
05:34Moi, je suis athée. J'ai toujours été athée.
05:37La majorité de la population française est athée. Est-ce que quelqu'un s'en rend compte de ça, quand même ?
05:42Je suis d'accord avec vous, mais ce que j'entends là, c'est que c'est une jeune.
05:46Oui, mais il faut leur expliquer. Moi, je me rends dans les collèges, j'essaie d'expliquer.
05:49La tolérance n'est peut-être plus forcément la même chez les jeunes que dans la génération plus ancienne.
05:53Il faut être délicat. Il faut écouter ce qu'ils disent.
05:56En même temps, il faut savoir si eux-mêmes en souffrent.
05:58On a l'impression d'un retour en arrière, quand même.
06:00Ah oui, complètement. Pas que sur ça.
06:02Pas que sur ça. Sur les revendications des femmes, sur plein de choses, on revient en arrière.
06:08Y compris aux États-Unis, la dernière déclaration de Trump sur les transgenres.
06:12En fait, ça devient hallucinant.
06:14Mais cette petite Margot, si vous la viez en face de vous, qu'est-ce que vous lui diriez ?
06:16Margot, je lui dirais, écoute Margot, je suis prêt à ne pas faire un dessin pour ne pas t'offenser.
06:20Mais il faut que tu comprennes aussi pourquoi j'aurais pu faire ce dessin.
06:24C'est tout. Et sans acrimonie, sans animosité vis-à-vis d'elle.
06:28Et aussi comprendre que, est-ce que c'est elle qui pense ça ?
06:31Ou est-ce que c'est quelqu'un qui lui a dit qu'il fallait penser ça ?
06:35Parce que mon collège, on est encore dans cet âge un peu maléable.
06:38Oui, on est influençable.
06:39Peut-être qu'on peut aussi l'inviter, cette jeune Margot, à ouvrir le numéro spécial.
06:43Mais je parlerai avec elle, certainement.
06:44Pourquoi pas, on lance l'invitation.
06:46Je rappelle aussi que vous avez votre dessin dans Charlie Hebdo, dans le numéro spécial.
06:51Je vous remercie beaucoup.
06:52Et dans Midi Libre, tous les samedis.
06:54Et dans Midi, tous les samedis. Pas trop dur le réveil ce matin ?
06:57Non, ce n'est pas le réveil qui est dur, c'est de sortir de chez moi.
06:59Parce que j'ai la chance de travailler à côté de ma chambre.
07:03Bon, écoutez, je vous remercie beaucoup.
07:06C'est moi qui vous remercie.