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00:007h-9h, Europe 1 Matin, l'édito politique sur Europe 1 avec Le Figaro. Bonjour Vincent Trémolet de Villers, bonjour Dimitri,
00:08bonjour Anissa, bonjour à tous. Bon Vincent, ça devait être la semaine dernière, puis hier soir.
00:13Bon, on nous annonce maintenant un Premier Ministre ce matin. Pourquoi tant d'intermoiement ?
00:17J'ai l'impression que c'est pascalien cette histoire. Vous savez, Blaise Pascal disait qu'un roi sans divertissement était un homme plein de misère.
00:25Eh bien, on peut dire la même chose d'un Président sans remaniement. La nomination d'un Premier Ministre pour notre Président, c'est le divertissement suprême.
00:33C'est une pièce où il y a le personnage principal et le deus ex machina. Et il en oublie pendant quelques jours la fin du pouvoir, tant le moment est flatteur.
00:41Les scènes se passent dans le décor de l'Elysée. Les personnages depuis deux ans sont à peu près toujours les mêmes.
00:45François Bayrou, Sébastien Lecornu, Catherine Vautrin, Bernard Cazeneuve. En général, Alexis Kohler joue le rôle du souffleur et les chaînes d'infos, celui du cœur antique.
00:54Mais cette fois, Dimitri, on sent vraiment qu'on est au bout de la série. La pièce est tellement mauvaise, les comédiens tellement prévisibles, qu'hier soir,
01:02quand Emmanuel Macron était dans l'avion et que nous en étions à Roland Lescure, c'est-à-dire un ministre de second rang, ancien socialiste qui s'était opposé frontalement à Bruno Retailleau,
01:12j'ai vraiment trouvé que l'intrigue ne tenait plus debout et j'ai craqué. Je me suis dit, théâtre pour théâtre, autant voir une bonne pièce.
01:19J'ai couru voir Fabrice Luchini, qui est au théâtre de l'atelier, dit Victor Hugo, et j'ai très bien fait. Côté gouvernement, il ne s'est rien passé, tandis que sur la scène, c'était un éblouissement.
01:28Alors, Luchini, Victor Hugo, c'est sûr qu'on est loin de la politique, là.
01:31De la marre au crapaud des petites ambitions, c'est évident. Luchini et Hugo, c'est plutôt la voûte étoilée du génie. Mais détrompez-vous, ce spectacle n'est pas en décalage avec la crise politique que nous vivons.
01:40Il en est même un remède. On y trouve, c'est bien simple, tout ce qui manque aujourd'hui à la vie publique. La langue, d'abord, qui retrouve ses nuances et ses couleurs.
01:47Une langue qui ne se réduit plus aux sabires mécaniques devenus insupportables. Vous savez, dans cette séquence qui est la nôtre, le maître des horloges a exposé sa nouvelle grammaire pour que le socle commun écoute mieux les lignes rouges et respecte l'accord de non-censure défendu par l'arc républicain.
02:01Afouera la novlangue, on retrouve celle de Victor Hugo. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, ni les voiles au loin descendant vers Arfleur. Luchini réveille le souffle des grandes orgues et le murmure de l'eau sur la mousse.
02:14Il offre aussi, dans son spectacle, le plaisir irremplaçable de la transmission avec une fraîcheur contagieuse. Le comédien parvient, par la force de l'admiration, à remuer nos âmes.
02:24La justesse de son interprétation nous rend les notes que la cresselle médiatique massacre du matin au soir.
02:30Puis enfin, l'exil à Guernesey, c'est de la politique. Et Beaux-Endormis, c'est un poème sur la naissance d'Israël. Luchini l'interprète magnifiquement. La poésie qui rejoint la géopolitique, ça s'appelle, il me semble, la civilisation.
02:43Bon Vincent, tout ça c'est très bien, mais ça ne nous donne pas le nom du Premier Ministre.
02:47Rassurez-vous Dimitri, nous finirons bien par l'avoir et nous vous raconterons chaque matin les équilibres du nouveau gouvernement, les tensions entre membres du socle commun, les vexations entre Matignon et l'Elysée.
02:57Mais je vous assure que hier soir au théâtre de l'Atelier, le suspens était plus fort en entendant le récit de la mort tragique de la fille de Victor Hugo qu'en attendant un hypothétique communiqué de l'Elysée.
03:07Et puis l'un des prodiges de Luchini, c'est qu'il parvient à restaurer le silence. Par la beauté des textes, il éteint un à un les bruits de la ville, nettoie les oreilles de ce qui les encombre et entr'ouvre la porte du sanctuaire intérieur.
03:19Ce qui nous rappelle au fond, c'est la richesse inépuisable du patrimoine immatériel de notre pays et il nous parle lui aussi de la dette, celle que nous devons à Baudelaire, Rimbaud, Hugo, Peggy, une dette mirobolante que l'on ne pourra jamais rembourser.
03:34L'édito poétique ce matin, très beau, politique bien sûr, sur Europe 1, merci beaucoup Vincent Trémolet de Villers, bravo.
03:40Et puis à lundi, on aura peut-être un premier minut.
03:42Et puis vous pourrez nous lire de la poésie comme vous le faites si bien chaque matin sur Europe 1.