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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 12 décembre 2024 : L’auteur de bande dessinée Achdé. Il signe avec Jul au scénario "Les aventures de Lucky Luke d'après Morris : Un cow-boy sous pression" aux éditions Dargaud.

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Amusant
Transcription
00:00Bonjour H.D.
00:01Bonjour.
00:02Votre pseudonyme est né à partir de vos initiales, donc de votre nom de naissance.
00:05Vous êtes presque né illustrateur, scénariste et dessinateur de BD.
00:08Il ne vous a manqué à la naissance que ce qui n'était pas dans le placenta,
00:12c'est-à-dire le stylo.
00:13Vous êtes un amoureux de la photo ancienne et du crayon, au point de faire
00:16de vos dessins des polaroïds ou clichés en les soyant tellement
00:19qu'ils ont le grain de l'argentique.
00:21Entre cette attirance pour le dessin et la publication de vos histoires,
00:24il y a eu un bref détour dans le paramédical qui vous a servi à prendre
00:28conscience qu'un feutre pouvait aussi soigner, amuser, faire du bien
00:32là où ça fait mal.
00:33Depuis 20 ans, depuis 2004, vous avez remplacé Maurice.
00:36Il faut préciser qu'il vous avait adoubé, le monsieur, quand même,
00:39avec votre reprise de Rantemplon en strip.
00:41Aujourd'hui, vous êtes de retour avec Jules au scénario, avec un cow-boy
00:45sous pression. C'est la première fois que notre cow-boy solitaire,
00:48issu de l'Ouest américain, est confronté à la modernité industrielle
00:50de l'Amérique, avec au menu des syndicats, des patrons, des ouvriers.
00:53Cette aventure raconte les barons de la bière allemande,
00:57ceux qui font briller les yeux des amateurs de saloon,
01:01des déserts de l'Arizona aux montagnes de l'Oregon.
01:03L'histoire, elle est bel et bien vraie, même si elle est très, très loin
01:06de ce qu'on peut imaginer du Far West.
01:08En 1830, qu'on précise bien les choses, alors que le prix des denrées
01:12de base avait mené à la famine.
01:15Il y a plus de 3 millions d'Allemands ont quitté l'Allemagne
01:19pour se diriger vers l'Amérique.
01:22C'est là que la bière est arrivée, parce qu'effectivement, si on prend
01:25le village de Saint-Louis, par exemple, un quart des personnes qui habitaient
01:29après cet exode parlaient allemand.
01:31Et donc, il a fallu aussi leur donner la boisson qu'ils aimaient.
01:34C'est comme ça que la bière est arrivée.
01:35Oui, à Milwaukee, c'était typique.
01:38Mais vous savez, c'est pour ça que l'actualité aujourd'hui
01:42est complètement dingue, c'est-à-dire que tout se percute.
01:44Par exemple, dans notre album, dans Un Cowboy sous pression,
01:49on parle, par exemple, de l'arrière-grand-père de Trump,
01:52qui est bel et bien un immigrant.
01:54Donc, ce qui est quand même assez fou, parce que tous les Américains
01:56sont des immigrants et des émigrés.
01:58Et son arrière-grand-père, finalement, il a fait de l'argent
02:03en faisant quoi ? En faisant des bordels.
02:05Il faut dire le mot comme il est.
02:07Donc, si vous voulez, ces émigrations successives,
02:13notamment avec les Allemands qui sont arrivés en grand nombre,
02:16elles faisaient suite à l'émigration aussi des Français,
02:19puisque à Saint-Louis, on parlait de Saint-Louis tout à l'heure,
02:22Saint-Louis, on parlait le français, c'était ce qu'on appelait le français du Missouri.
02:26Puis après, il y a eu des Suédois.
02:27Et puis après, ça a été évidemment le grand exode israélite et puis italien.
02:33Donc, ce sont des pays, des populations qui arrivent et qui s'ajoutent.
02:38Et tout est vrai.
02:39Quand on parle de la German Belt, c'est-à-dire cette ceinture allemande,
02:44c'est vrai, vous aviez toute une série de villes et de villages
02:48où on ne parlait que l'allemand.
02:49Ça peut paraître dingue, mais on a une vision très hollywoodienne,
02:52finalement, de la conquête de l'Ouest.
02:54Quand vous descendiez dans le Sud, on ne parlait que le français.
02:57Il faut savoir qu'il a fallu que ce soit Roosevelt qui interdise qu'on parle le français
03:00et débaptisait énormément de villes et de villages en anglais.
03:04Au départ, vous avez du chaussé les pantoufles de Maurice.
03:07On ne va pas se mentir, ça n'a été pas simple.
03:10Ce n'est jamais simple quand on reprend derrière une légende.
03:13Quelqu'un qui a apporté autant, ne serait-ce que pour les aficionados de la première heure,
03:18souvent en la dent très dure, les puristes.
03:21Et finalement, ça a fonctionné dès le départ.
03:23Comme si vous avez déjà transmis cette âme-là.
03:27Disons que quand en 2002, on m'a annoncé que j'allais reprendre,
03:33c'est vrai qu'au départ, on n'y croit pas.
03:35Sur le moment, on ne réalise pas.
03:36C'est très schizophrénique au début, parce que vous travaillez, vous préparez vos
03:41essais, vous faites des gros bars, vous essayez de vous mettre vraiment dans le style.
03:46Et quand vous arrivez le matin et que vous voyez plein de Luc-et-Luc partout, vous vous dites
03:49mais c'est moi qui fais ça. Donc, c'est très schizophrénique à tel point que
03:54moi, j'étais excessivement admiratif.
03:55Je suis d'une génération qui a été bercée par les grandes séries et par les
04:00grands auteurs. Donc, ça va de Maurice à Uderzo, évidemment,
04:05des grands scénaristes, René Goscinny, Raoul Covin.
04:08Et donc, en fait, j'ai toujours été très admiratif, mais aussi très respectueux.
04:12Peut-être parce que quand vous avez 4-5 ans et que vous découvrez Luc-et-Luc, le
04:16jour où vous rencontrez le monsieur qui dessine Luc-et-Luc, il se passe quelque
04:20chose. Donc, en fait, je raconte toujours ce côté un peu dingue.
04:26Ce qui m'est arrivé, c'est un peu comme si un jeune guitariste qui fait de la
04:29guitare dans son appartement, un jour, on tape à la porte et
04:33il y a Mick Jagger qui lui dit ce soir, tu fais un concert avec les
04:37Rolling Stones. Bon, c'est un peu ce qui m'est arrivé.
04:40Au départ, effectivement, il y a cette envie de garder l'âme
04:44d'eux. Et puis, au fil du temps, vous avez commencé à vous dire qu'il fallait
04:47qu'il évolue, ce Luc-et-Luc.
04:49Et en même temps, il ne vieillit jamais, ce garçon.
04:52C'est-à-dire que c'est assez incroyable.
04:53Le miracle de la BD.
04:55Il a toujours son physique d'Apollon, d'athlète.
04:59Voilà, à un moment donné, d'ailleurs, je ne vais pas tout dévoiler, mais il se
05:01met torse nu.
05:02Ce fois-ci, je me déshabille.
05:03Effectivement, mais même en dessin, c'est assez impressionnant.
05:06Ce qui permet de dire une chose, c'est que
05:11de temps en temps, quand même, vous insufflez le fait qu'il vieillit.
05:13Donc là, il a mal au dos.
05:15Alors ça, c'est une très bonne idée de Jules.
05:17C'est-à-dire d'imaginer, ce qui est tout à fait vrai, qu'un cow-boy,
05:22quand vous passez 12 heures sur un cheval, je vais vous dire, pour avoir été
05:26sur un cheval aussi, au bout d'un moment, vous avez tiré pas mal
05:31partout. C'est assez ciblé, on va dire.
05:34Mais oui, c'était des gens qui faisaient un travail excessivement physique,
05:37excessivement ingrat.
05:39C'est tout le temps dans la poussière.
05:40Donc, c'est vrai que c'était très dur.
05:42Le petit détachement que je peux avoir avec Maurice correspond essentiellement
05:45aujourd'hui au découpage.
05:46Voilà, quand je redécoupe des planches, je lui insiffle un
05:50découpage qui est un peu différent.
05:52Maurice et Goscinny, notamment, étaient de la génération du pastiche de cinéma.
05:57Maintenant, on est plus dans le pastiche de la série télé, c'est-à-dire avec un
06:01découpage plus rapide.
06:02Les gens ont l'habitude des séries, ça va plus rapide, les ellipses sont plus
06:05rapides. Donc, c'est peut-être cette différence.
06:07Pour terminer, Lucky Luke est effectivement célèbre.
06:11C'est une légende. Il a dépassé
06:14le stade du simple personnage de bande dessinée.
06:17Il est sur notre photo de famille, sur plusieurs générations.
06:21C'est important, ça, d'être aujourd'hui ce digne représentant HD ?
06:26Ah oui, c'est sûr.
06:27Souvent, je dis, je suis son parrain, c'est-à-dire que je ne suis pas son
06:31papa, puisque son papa, c'était Maurice.
06:34Donc, moi, je suis son parrain et j'espère que le jour où je ne pourrai plus
06:37dessiner ou je ne le dessinerai plus, que quelqu'un d'un derrière
06:42prendra la suite et continuera ses aventures.
06:46Moi, ce qui m'a véritablement épaté, c'est que j'ai
06:50quand même voyagé dans le monde entier avec Lucky Luke.
06:53Que ce soit en Chine, que ce soit au Canada, que ce soit
06:59en Croatie, que ce soit en Afrique, les gens connaissent Lucky Luke.
07:02Et ça, c'est la magie.
07:04C'est-à-dire que Maurice avait un très beau mot.
07:06Il disait une chose qui est très vraie. Il disait...
07:11Je ne suis rien, je suis derrière Lucky Luke.
07:13Qui on connaît ? On ne connaît pas Maurice, on connaît Lucky Luke.
07:17Et lui, ça lui plaisait.
07:19Et je pense que c'était ça.
07:20Et je pense que c'est ça aussi qu'il avait compris, qu'il a poussé
07:25à faire reprendre la série.
07:26Et en l'occurrence, j'ai eu cette très grande chance.
07:29C'est qu'il avait bien compris qu'il l'avait dépassé.
07:33Il était bien au-dessus de lui.
07:35On n'est pas grand chose.
07:36Moi, c'est Lucky Luke qu'on vient trouver quand on vient à une dédicace.
07:41Même si c'est une dédicace d'HD, on vient retrouver le héros de son
07:45enfance. Et puis, il y a une transmission.

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