"Le pire c'était de voir les cadavres des autres prisonniers qui mourraient suite à la torture ou aux maladies."
Un quotidien de torture, de mort, de maladie. Arrêté en 2012, Najah Albukaï raconte l'horreur qu'il a vécu dans une prison syrienne, le centre 227.
Ce quotidien, il l'a dessiné et mis dans un livre : "Tous témoins", chez Actes Sud.
Un quotidien de torture, de mort, de maladie. Arrêté en 2012, Najah Albukaï raconte l'horreur qu'il a vécu dans une prison syrienne, le centre 227.
Ce quotidien, il l'a dessiné et mis dans un livre : "Tous témoins", chez Actes Sud.
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00:00Ils m'ont attaché avec des fils en plastique et des fils d'électricité et j'avais le corps vraiment plein de traces de frappes et de coups de partout sur mon corps.
00:14Najal Bukhaï, artiste, peintre et graveur, née en Syrie. Ils m'ont arrêté en 2012.
00:21J'ai été accusé de participer à des manifestations, troubles publics et affaiblissement des sentiments nationaux.
00:29Vous avez été conduit dans un centre qu'on appelle le centre 227. Est-ce que vous pouvez nous décrire cette prison ?
00:38En fait, c'est un bâtiment administratif qui se retrouve dans un quartier où il y a plusieurs centres d'administration qui appartiennent aux services de renseignement.
00:51Dans le rez-de-chaussée, ils avaient aménagé une sorte de cellule pour faire arrêter une centaine de prisonniers et il y avait le sous-sol avec des cellules, une vingtaine de cellules peut-être.
01:10Je me rappelle qu'on était au moins 2400 prisonniers. C'est les calculs qu'on faisait d'après les repas qu'on donnait, surtout les galettes de pain.
01:22Donc on a supposé qu'on était entre 2300 et 2400. Au centre 227, je me rappelle, il y avait toutes sortes de populations, des intellectuels, des ouvriers, des artisans.
01:35Il y avait des médecins, des jeunes de différents âges, de 12 ans jusqu'à 90 ans. Il y avait toutes les catégories de la société syrienne.
01:50Vous avez dit 12 ans ?
01:52Oui, il y avait des garçons, un garçon, mais il y avait même plus qu'ils n'avaient même pas 12 ans. Les conditions sanitaires étaient très réduites.
02:02Donc on mourait à cause des diarrhées ou à cause de la gale ou des infections ou des furontes qui tuaient vraiment les gens.
02:14Ou sous la torture, soit la chaise allemande ou l'électricité ou juste d'étouffer un prisonnier à la main ou avec un bras de plomberie.
02:28Vous avez subi ce genre de torture ?
02:31Comme tous les prisonniers. Le pire, c'était de voir les cadavres des prisonniers qui mouraient, soit suite à la torture ou aux maladies.
02:44Vous étiez chargé de déplacer les cadavres ?
02:48Oui, c'était un travail quotidien, le matin et le soir. Il fallait sortir les cadavres chaque jour et les déposer dans des camions jusqu'au lendemain,
03:01où il y avait des camions qui prenaient ces cadavres et les conduisaient vers les fosses communes.
03:09Des fois, on craignait d'être transférés à la prison de Sidnaya. Jusqu'à un jour, j'ai eu un agent qui m'appelait et qui me disait que ma famille essayait de me faire sortir.
03:22Et là, j'ai compris qu'il y avait des renseignements à faire et c'est ma femme qui s'en occupait de payer une grande somme à l'époque.
03:33J'ai quitté Damas deux mois après ma libération. Quand j'ai mis les pieds au Liban, à Beyrouth, avec ma petite famille, j'avais ramené mon carnet de dessin et j'ai acheté un stylo bille noir.
03:51Et tous les souvenirs que j'ai pas osé dessiner à Damas, ils ont commencé à sortir. Il y avait un mélange de vouloir documenter et archiver et en même temps sortir la beauté cruelle de dessin des êtres humains et des corps suppliés.
04:13Et en même temps, une sorte de thérapie.
04:17Vous avez ressenti une émotion toute particulière en découvrant les images de ces milliers de prisonniers qui sont libérés des prisons syriennes ?
04:29De voir des prisonniers qui couraient dans la rue avec leur corps fatigué, on ne peut pas empêcher les larmes de couler devant ces images. C'est un exemple pour tout le Moyen-Orient en fait.
04:45Et un exemple pour chaque dirigeant qui croit un jour qu'il pouvait être un dictateur.