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00:00Vous écoutez Culture Média sur Europe 1, 9h30, 11h avec Thomas Hill et votre invité ce matin Thomas.
00:06Oui, je reçois ce matin le journaliste documentariste Patrice Duhamel qui nous raconte dans un doc à voir sur France.tv
00:12les coulisses de la dissolution de l'Assemblée Nationale annoncée par Emmanuel Macron le 9 juin dernier.
00:16Une décision qui a pris tout le monde de court.
00:19Nous avions notre verre de champagne à la main pour fêter les résultats et on a posé le verre de champagne.
00:25Ma première réaction, mais tout de suite, péché d'orgueil.
00:29Alors je ne peux pas vous dire que je comprends la décision, spontanément.
00:34J'imaginais pas une seconde qu'il pourrait la décider ce jour-là et comme ça.
00:39Bon c'est trop beau, c'est trop beau une occasion pareille, donc la gourmandise aussi est là.
00:46Et vous l'entendez, ce qui est fort dans ce doc c'est que vous avez obtenu, Patrice Duhamel,
00:50des interviews de tous les pontes de la vie politique française de François Hollande à Nicolas Sarkozy
00:55en passant par Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou, Marine Le Pen, Xavier Bertrand, même Lucie Castex dans votre doc.
01:02Laurent Berger, qui est très bon d'ailleurs.
01:04Qui est très bon et qui fait des révélations.
01:06Ça c'est la force de vos réseaux, ceux de Michel Cotta, Jean Garrigue aussi qui vous ont aidé pour ces interviews.
01:11Oui, puis on a fait ça très vite, on a fait ça, les interviews, en 4 ou 5 semaines.
01:17Juste avant et juste après la nomination de Michel Barnier.
01:22Et ce qui nous a surpris, et ce qui m'a surpris, c'est la facilité avec laquelle on a obtenu des réponses.
01:30Ce qui n'était pas évident, il n'y a pas forcément des gens qui ont envie de commenter des événements comme ceux-là
01:36alors que le film continue, parce qu'on ne connaît pas la fin.
01:39D'ailleurs Nicolas Sarkozy dans le film dit, c'est rare dans sa bouche en général,
01:44il a une réponse un peu à tout, catégorique.
01:47Et là il dit, j'ai aucune idée de la manière dont ça va se terminer.
01:50Je ne peux pas vous répondre, c'est impossible.
01:52Alors il en manque quand même un au-delà du principal responsable, évidemment Emmanuel Macron.
01:56C'est celui qui a vu son gouvernement tomber à cause de cette décision, Gabriel Attal.
01:59Vous lui avez proposé, j'imagine.
02:01Oui, oui, j'ai vraiment insisté et il ne voulait pas.
02:04Alors j'ai cru comprendre qu'il n'avait pas trop envie d'approuver la dissolution, c'était impossible.
02:12Mais de critiquer le président de la République à la télévision.
02:16Oui, ça lui posait un petit cas de conscience.
02:17Ah, parce qu'en dehors il n'a pas de problème ?
02:19Ah non, non, en dehors il est très critique, ça on le sait.
02:21Et alors on a entendu là, dans l'extrait, Jean-François Copé qui parle de péché d'orgueil
02:26à propos de cette décision du président de la République.
02:29C'est comme ça que vous l'analysez, vous aussi Patrice Duhamel, ou vous avez d'autres explications ?
02:33En réalité c'est extraordinairement difficile.
02:35D'ailleurs c'est une autre leçon de ce documentaire et de tous ces témoignages.
02:38Parce que c'est quand même des responsables qui ont vu beaucoup de choses dans la vie politique.
02:42Ils ne sont pas tous jeunes et donc ils ont vu des dissolutions,
02:48ils ont vu des changements de gouvernement, ils ont vu des élections présidentielles.
02:52Ils ont vu la dissolution ratée de Jacques Chirac.
02:54Oui, ils ont du mal à comprendre ce qui s'est passé.
02:57Alors, le président il dit deux choses.
03:00Il dit un, de toute façon on aurait été censuré au moment du budget.
03:05Donc il vaut mieux dissoudre maintenant.
03:08Sauf qu'il a eu la dissolution, il a perdu les élections dans la foulée.
03:12Et la censure il l'a eu quand même.
03:14Donc de ce point de vue là, ce n'est pas un triomphe tactique.
03:17Et l'autre raison c'est qu'il pensait, ce qui est assez étrange d'ailleurs,
03:22parce que personne ne peut penser ça quand on est à ce niveau là, je pense, de responsabilité.
03:27Que la gauche était tellement divisée qu'il y aurait deux candidats de gauche.
03:31Et que donc ces candidats lui seraient plus facilement au second tour.
03:34Ils seraient incapables de s'unir.
03:36Erreur d'analyse parce que lourde.
03:38Parce que dans l'histoire politique de la Ve République,
03:41à chaque fois qu'il y a eu une situation de cette nature avant une élection,
03:44à chaque fois la gauche, même si elle est en désaccord sur le fond, il y a des accords électoraux.
03:49C'est peut-être François Hollande qui a l'explication finalement la plus pertinente.
03:53C'est souvent un très bon analyse de la vie politique, François Hollande.
03:56Et lui il dit qu'il espérait sans doute, Emmanuel Macron, un réflexe de peur de la part des Français.
04:01Et c'est vrai qu'il avait sans doute en tête le coup du Général de Gaulle en 68 finalement.
04:06Oui mais alors d'abord Emmanuel Macron c'est pas le Général de Gaulle.
04:11A Matignon je ne sais pas faire injure à Gabriel Attal que de dire que Georges Pompidou c'était quand même un peu autre chose.
04:19Et en 68 la France était à feu et à sang.
04:25Général de Gaulle est parti la veille, le film n'a absolument rien à voir.
04:30Et il avait senti le moment où il fallait renverser la table,
04:36juste au moment où les Français étaient en train de basculer.
04:39Vous êtes tous les trois beaucoup trop jeunes, vous vous en souvenez pas,
04:42peut-être que vos parents ou vos grands-parents vous l'ont raconté,
04:45mais il n'y avait plus d'essence, les gens ne pouvaient plus prendre leur voiture,
04:48la télévision était en grève, etc.
04:52Ça n'a vraiment pas grand chose à voir.
04:54Ce qui ressort du film, à l'expérience de ceux qui ont eu les plus grandes responsabilités,
05:00président, premier ministre, c'est qu'une dissolution c'est fait pour résoudre une crise.
05:04Pour la résoudre.
05:06Là il a perdu une élection européenne, c'est pas une crise ouverte.
05:10Il est affaibli, c'est pas une crise ouverte.
05:12Et donc cette dissolution du 9 juin, elle ouvre une crise.
05:16Donc c'est pas franchement ça l'objectif de la dissolution,
05:19tel que le Général de Gaulle l'avait imaginé dans la Constitution.
05:23Mais c'est la seule fois d'ailleurs en 68 où ça a marché,
05:27parce qu'en général les dissolutions elles ne fonctionnent que dans la foulée d'une présidentielle.
05:30En 62 aussi ça a fonctionné avec De Gaulle,
05:33le gouvernement de Pompidou avait été censuré,
05:36mais là l'enjeu c'était l'élection du président au suffrage universel,
05:40il y avait eu l'attentat du petit Clamart contre De Gaulle et sa femme, etc.
05:44Donc le climat là aussi, le contexte avait absolument rien à voir.
05:47Et alors ce qui est amusant c'est qu'il n'y en a pas un évidemment
05:49pour vous dire que cette dissolution était une bonne idée,
05:52ou assumée, qu'ils avaient même peut-être pu le conseiller à Emmanuel Macron à une période.
05:57Vous croyez vraiment qu'il a pris cette décision tout seul dans son coin ?
06:00Écoutez, moi j'ai connu tous les présidents sauf De Gaulle.
06:05Je n'avais pas des relations intimes avec tous,
06:08de proximité ou amicales, mais je l'ai tous parlé.
06:12Les présidents ils sont toujours seuls quand ils prennent des décisions de cette nature, toujours.
06:18Mais François Hollande dont vous parliez dit
06:22c'est la décision d'un homme seul qu'il apprend seul.
06:27Et effectivement, contrairement à ce qui a été dit sur les conseillers
06:31qui lui auraient suggéré d'eux, etc.
06:33Une décision comme ça c'est le président qui l'apprend.
06:36Et il n'a pas, évidemment, moi j'ai deux ou trois responsables politiques
06:41dont je ne vais pas citer les noms qui lui ont parlé
06:43dans les deux heures qui ont précédé l'annonce.
06:46Et qui m'ont tous dit la même chose.
06:49Il justifiait sa décision.
06:52Et eux, droite-gauche, lui disaient
06:56« Non, monsieur le président, vous allez voir, la gauche va se rassembler.
06:59Faites pas ça ! »
07:00Et voilà, il l'a fait quand même.
07:02Et ça a été une catastrophe effectivement pour son camp.
07:04Et vous racontez aussi dans ce doc, Patrice Duhamel,
07:06les suites de la dissolution.
07:09Et on va continuer à en parler dans un instant.
07:11Ce sera après le journal des médias de Julien Pichonnet.
07:13Oui, le journal des médias qui arrive dans un instant.
07:15Avec un sujet qui vous intéresse beaucoup aussi, Patrice Duhamel,
07:18les audiences d'hier soir.
07:19Absolument.
07:20Et puis on va parler du retour du Big Deal.
07:22Ça y est, ça se précise.
07:23Ça sera le 2 janvier et vous entendrez Vincent Lagaffe
07:27dans un instant sur Europe 1 tout de suite.
07:34Merci beaucoup d'être avec nous pour la suite de Culture Média.
07:36Dans un instant, nous serons avec la chanteuse Elena et Axel Ramirez,
07:41l'humoriste.
07:42Mais d'abord, nous passons encore quelques minutes
07:44avec le journaliste Patrice Duhamel qui signe
07:48« Dissolution, histoire d'un séisme politique »,
07:50un documentaire réalisé par Pauline Pallier
07:52qui est à voir sur la plateforme France.tv.
07:55Et en fait, vous expliquez dans ce documentaire, Patrice,
07:59que sa première erreur politique à Emmanuel Macron,
08:02c'est d'avoir changé de Premier ministre en janvier
08:05et remplacer Élisabeth Borne par Gabriel Attal.
08:07C'est Édouard Philippe qui explique ça très bien
08:10dans le détail.
08:12Effectivement, il dit qu'il fallait mieux garder
08:15Élisabeth Borne jusqu'à l'élection européenne,
08:18sachant que le résultat serait sans doute moyen ou médiocre.
08:21Mais à ce moment-là, derrière une défaite électorale,
08:25il y a un fusible.
08:28Le Premier ministre ou la Première ministre,
08:30c'est souvent ça sous la Ve République.
08:32Et à ce moment-là, tenter un nouveau départ,
08:34essayer de déclencher une nouvelle dynamique
08:36avec un nouveau Premier ministre qui aurait été Gabriel Attal.
08:40Alors que là, il n'avait plus rien en fait.
08:42Il n'avait plus d'autres solutions finalement ?
08:44Il y a toujours des solutions.
08:46Il pouvait d'abord, s'il considérait qu'il y avait
08:50un risque de censure à l'automne,
08:53il pouvait très bien attendre l'automne.
08:55Il y a les Jeux Olympiques qui arrivaient,
08:57et qui se sont passés comme on le sait,
08:59c'est-à-dire vraiment parfaitement.
09:01On peut lui reprocher beaucoup de choses,
09:03mais que ce soit les Jeux Olympiques, Notre-Dame, etc.
09:05Il y a des paris qu'il fait, qu'il réussit.
09:07Celui-là, il l'a raté.
09:09Peut-être que les élections n'auraient pas été les mêmes,
09:12justement, après les Jeux Olympiques.
09:14Surtout, je pense que si le gouvernement avait été censuré
09:18sur le budget comme il l'a été la semaine dernière,
09:21là les Français auraient compris pourquoi il y avait des solutions.
09:25Le gouvernement est censuré,
09:27le gouvernement démissionne,
09:29le Président dissout.
09:30Là, le Français pouvait comprendre.
09:32Mais le soir d'un échec aux Européennes,
09:35après avoir dit pendant la campagne
09:37qu'il n'y aurait pas de conséquences politiques,
09:39c'était difficile à comprendre.
09:41Et c'est ça qui ressort de ce film.
09:44C'est assez spectaculaire qu'autant de,
09:46je vous le disais tout à l'heure,
09:4819 témoins,
09:50les plus importants de la vie politique actuelle,
09:53qui disent tous un peu,
09:55alors chacun sous sa forme, avec son étiquette,
09:57ses convictions, etc.,
09:58mais qui disent tous un peu la même chose.
10:00Ça n'avait pas de sens.
10:01Qui est très spectaculaire.
10:03Et puis vous racontez aussi dans ce doc, Patrice Duhamel,
10:05les suites de la dissolution,
10:07et le feuilleton un peu long intitulé
10:09« Qui sera le nouveau Premier Ministre ? »
10:11Ça, ça nous a occupé tout l'été.
10:13Et en fait, on se rend compte que ça,
10:15ça n'est pas joué à grand-chose.
10:17Je crois que d'ailleurs, c'est la première fois,
10:19en tout cas, que j'entends l'ancien leader de la CFDT,
10:21Laurent Berger,
10:22révéler que l'Élysée lui a bien proposé
10:24d'être Premier Ministre.
10:25Voilà, et qui explique que lui,
10:27c'est un ancien patron d'une grande centrale syndicale,
10:29la première de France, maintenant la CFDT,
10:31qu'il est dans la société civile,
10:33qu'il veut y rester, et que voilà,
10:35la politique est un métier,
10:37il faut avoir le cœur bien accroché.
10:41Ça ne veut pas dire que Laurent Berger ne l'a pas,
10:43mais je veux dire, aller affronter
10:45une Assemblée Nationale telle qu'elle est
10:47actuellement,
10:49Michel Barnier expliquait que,
10:51et Laurent Wauquiez d'ailleurs, dans le film,
10:53expliquait qu'il n'avait pas été à l'Assemblée depuis
10:55plusieurs années, puisque président de région,
10:57président du gouvernement, et qu'il avait été
10:59très surpris et choqué,
11:01parce que les téléspectateurs,
11:03ils voient l'Assemblée, ils entendent des bruits,
11:05les gens s'engueulent, ils voient ça à la télé.
11:07Mais quand vous êtes devant le mur,
11:09ils sont tout prêts, les députés,
11:11vous les voyez à quelques mètres,
11:13vous entendez tout ce qu'ils disent,
11:15parfois les injures,
11:17etc.
11:19C'est incroyablement difficile,
11:21c'est pour ça que je ne crois pas beaucoup, moi,
11:23cette hypothèse qui revient régulièrement
11:25du Premier ministre technique.
11:27Parce que Premier ministre technique, ça veut dire qu'il n'est
11:29passé pas un élu. Donc quelqu'un
11:31qui n'est pas élu, qui arrive, c'est un chaudron.
11:33Il a intérêt déjà à avoir la technique pour
11:35savoir parler devant un tel chaudron, parce que ça, c'est pas simple.
11:37Laurent Wauquiez, justement,
11:39qui vous confie que c'est lui qui aurait
11:41soufflé le nom de Michel Barnier,
11:43la veille de sa nomination.
11:45Il explique qu'il a
11:47d'abord parlé avec Barnier,
11:49qu'il a vraiment retiré le sentiment
11:51que Barnier l'intéressait,
11:53qu'il se sentait prêt. Et dans la foulée,
11:55il appelle le Président,
11:57qui lui dit, oui, pourquoi pas,
11:59d'ailleurs, le secrétaire général de l'Élysée,
12:01Alexis Collère, qui a joué un rôle très important dans tout ça,
12:03m'en avait
12:05parlé. Effectivement, il y avait un
12:07contact régulier entre Michel Barnier
12:09et le secrétaire général de l'Élysée
12:11depuis le lendemain de la
12:13dissolution. Et à l'arrivée, son gouvernement
12:15aura tenu 91 jours.
12:17L'Élysée a annoncé vouloir nommer un nouveau
12:19Premier ministre, là, dans les 48 heures.
12:21Est-ce que vous avez un pronostic,
12:23vous, Patrice Duhamel ?
12:25Écoutez, j'ai l'impression que ça change
12:27quasiment d'heure à heure.
12:29Hier soir, le grand favori, c'était
12:31François Bayrou.
12:33Hier après-midi, il y avait
12:35un nouveau nom qui était celui de l'ancien
12:37ministre centriste,
12:39Jean-Louis Borloo.
12:41Effectivement, ce qui ressortait de la réunion
12:43hier à l'Élysée, c'est qu'un centriste,
12:45ça avait du sens,
12:47qu'il avait de bonnes relations, comme c'est le cas.
12:49Plutôt centre droit ?
12:51Non, ce centriste,
12:53ce qu'on appelle le groupe central,
12:55le bloc central. Il y a des termes
12:57en ce moment, le socle commun, le bloc
12:59central, c'est un peu compliqué.
13:01Madame Vautrin, c'est déjà oublié ?
13:03Non, non.
13:05Ce matin, on reparle
13:07de Sébastien Lecornu,
13:09le ministre des Armées, mais ça peut être
13:11aussi François Bayrou.
13:13Et puis peut-être un nouveau nom qui va sortir du chapeau.
13:15Les trois derniers
13:17premiers ministres,
13:19Edouard Philippe,
13:21quand il a été nommé,
13:23grosse surprise.
13:25Jean Castex, grosse surprise.
13:27Elisabeth Borne, on pensait que ça serait
13:29Madame Vautrin, ça a été elle au dernier moment.
13:31Et Gabriel Attal,
13:33grosse surprise, on l'a su au dernier moment.
13:35Et Michel Barnier,
13:37décision le 4 septembre après-midi,
13:39nomination le 5.
13:41Emmanuel Macron aime bien surprendre.
13:43Il aime bien surprendre,
13:45il aime bien surprendre,
13:47il aime bien surprendre,
13:49et c'est parfois un peu
13:51étrange.
13:53Objectivement, il ne peut pas se tromper.
13:55Parce qu'un gouvernement
13:57censuré mercredi dernier,
13:59ça fait juste une semaine,
14:01il ne peut pas se permettre de prendre un risque
14:03d'avoir un premier ministre qui serait censuré
14:05dans les semaines ou les trois mois qui viennent.
14:07Dissolution, histoire d'un séisme politique.
14:09C'est un scénario politique en réalité.
14:11Exactement, réalisé de très belle
14:13manière par Pauline Pallier, c'est à voir
14:15sur la plateforme france.tv.
14:17Merci beaucoup.
14:19Bonne journée.