Category
🗞
NewsTranscription
00:00Europe 1 soir, 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:04Mes camarades de la deuxième heure sont là, Gilles Boutin, bonsoir.
00:07Bonsoir Pierre.
00:08Journaliste spécialisé en politique économique au Figaro.
00:12Bonsoir Jean-Michel Salvatore.
00:13Bonsoir Pierre.
00:14Chroniqueur politique et pour parler de l'avenir des chrétiens d'Orient après les événements en Syrie,
00:19Monseigneur Pascal Gullnisch est avec nous.
00:22Bonsoir Monseigneur.
00:23Bonsoir.
00:24Merci d'être avec nous, vous êtes directeur général de l'Oeuvre d'Orient,
00:26vicaire général de l'Ordinaria des catholiques orientaux en France.
00:30La question est simple, le Premier ministre intérimaire Al-Bashir promet calme et stabilité,
00:36cela dit à une chaîne qui n'est pas méconnue, la chaîne Al Jazeera.
00:41Est-ce que vous croyez en ce calme et à cette stabilité à venir ?
00:46C'est l'une des hypothèses favorables évidemment, à laquelle nous essayons de nous raccrocher.
00:52Il est clair, tout le monde le sait, que les nouveaux dirigeants de la Syrie ont eu un passé djihadiste
00:58et assez violent dans différents théâtres d'opérations, qu'ils ont pris, disent-ils, des distances avec ces attitudes
01:07et jusqu'à présent on n'a pas eu réellement de remontée de faits violents qui soient de nature à créer une panique,
01:17notamment chez les chrétiens de Syrie qui sont ceux avec lesquels on est le plus en contact.
01:21Donc c'est une hypothèse plausible que s'ils ont un peu d'intelligence politique, les nouveaux dirigeants et de pragmatisme,
01:31les nouveaux dirigeants de la Syrie réunissent des conditions pour un renouveau, évidemment.
01:36Il y a aussi des hypothèses plus angoissantes de violences, on a quand même déjà connu Daesh, on a connu Al-Qaïda
01:45et donc effectivement il y a eu une inquiétude, à la fois sur Pâques et pour nous qui sommes aux côtés des chrétiens d'Orient,
01:51mais nous sommes dans une certaine incertitude.
01:54Si je comprends bien et si je résume, la minute et demie que vous nous avez dites à l'instant, Monseigneur, vous êtes un peu entre deux
02:01puisque vous vous appelez au pragmatisme politique de Mohammad Al-Jalouni qui est quand même le fondateur d'Al-Nosra
02:09et on sait ce qu'il y a derrière cela.
02:12Et en même temps vous vous dites que s'il veut avoir une chance en politique, il devrait entre guillemets rester calme et stable,
02:19comme le dit son premier ministre.
02:21Et il ne pourra pas tenir la Syrie comme Daesh a tenu Mossoul et Raqqa par exemple.
02:28Pourquoi ?
02:29Parce que la Syrie c'est d'une autre taille. La Syrie ce sont des villes de plusieurs millions d'habitants avec une population cultivée, formée
02:38et aussi une population diverse.
02:41Il y a toujours des Alaouites, mais il y a aussi des Kurdes, il y a des Sunnites, mais il y a aussi des Chrétiens
02:47et parmi ces Sunnites, tous ne se retrouvent pas derrière cette milice.
02:53Donc il faudra forcément qu'il compose avec d'autres s'il veut instaurer un régime qui ait une certaine pérennité.
03:01Il ne pourra pas tenir la Syrie tout seul.
03:04En plus, on sait bien qu'il y a la Turquie qui est derrière, et derrière la Turquie, on sait aussi qu'il y a les Etats-Unis.
03:10On va s'arrêter là.
03:12Non, il ne faut pas s'arrêter là, puisque Benjamin Netanyahou tout à l'heure, lui ce qui l'intéresse c'est l'Iran.
03:18Et il a très très peur que l'Iran se réimplante pour prendre les mots du premier ministre israélien par une voie ou par une autre en Syrie.
03:27Oui, enfin, le premier ministre israélien a commencé par dire toute sa joie qu'il voyait à faire tomber le régime de Bachar.
03:34Ça n'empêche pas.
03:36Le pro-iranien c'était Bachar.
03:38On peut très bien ne pas aimer l'un et ne pas aimer l'autre.
03:41Oui bien sûr, mais je vois assez mal le nouveau pouvoir laisser l'Iran se réintroduire.
03:47Ça je ne le crois pas du tout, car ce sont des Sunnites très farouches et ils n'ont pas du tout envie que l'Iran s'implante de nouveau en Syrie.
03:56Donc je pense que c'est un échec pour tout ce qui est pro-iranien, comme d'ailleurs c'est un échec pour tout ce qui est pro-russe.
04:03Et donc je ne vois pas du tout comment l'Iran pourrait être de nouveau une menace.
04:07Mais puisque vous me parlez d'Israël, je voudrais aussi attirer l'attention que ce n'est peut-être pas non plus indispensable qu'Israël en profite pour continuer à prendre une partie du Golan supplémentaire.
04:18Je pense qu'Israël occupe une partie du Golan, qu'il a annexé, qui est quand même un territoire internationalement reconnu comme syrien,
04:27et à la lueur des nouveaux événements a pris une autre partie du Golan.
04:34Donc voilà, je trouve qu'il faut peut-être faire attention à ne pas profiter de ces événements.
04:43Jean-Michel, vous avez l'air suspicieux sur cette question du Golan.
04:46Pour M. Golny, j'avais des questions peut-être sur ces chrétiens d'Orient qui sont en Syrie.
04:52Ça représente combien de personnes ? Comment sont-ils organisés ? Est-ce qu'ils sont organisés comme en Occident, en paroisse, en diocèse ?
05:01Ou est-ce que l'organisation est différente ?
05:03Et puis deuxième question, est-ce qu'il y a déjà eu des contacts entre les milices et les évêques de Syrie ?
05:11Alors, combien de divisions ? C'est difficile de répondre, peut-être...
05:16Moi j'ai comme chiffre 3% de la population syrienne et chrétienne, contre 10% en 2011, avant que la guerre civile ne commence.
05:22Oui, c'est assez plausible, parce qu'évidemment, c'est la guerre civile qui a été tragique.
05:27Tout le monde le sait, je pense. Tous ceux qui nous écoutent se remémorent quand même, y compris les attaques au gaz, qui ont été tragiques.
05:35Beaucoup sont partis, et en particulier des chrétiens. Il y a eu des chrétiens qui fuyaient le régime, des jeunes gens qui ne voulaient pas être enrôlés dans l'armée de Bachar.
05:46Donc il y a beaucoup de chrétiens qui sont partis, peut-être qu'ils reviendront eux aussi un jour.
05:50On parle de 500 000 personnes dans les exactions commises par les groupes djihadistes.
05:57Oui, et du régime. Dans ce sens-là, ces églises sont diverses. Il y a donc des églises catholiques, des églises orthodoxes, quelques communautés protestantes.
06:10On le sait, en Orient, les églises sont diverses. Il y a des maronites, il y a des arméniens, il y a des chaldéens qui sont d'origine plutôt irakienne, etc.
06:21Donc il y a cette diversité d'églises qui cohabitent et se rencontrent, et sont en bonne relation les uns avec les autres.
06:28Et pour répondre à votre question, les six évêques catholiques et les évêques orthodoxes d'Alep ont été reçus par les dirigeants de cette milice.
06:37Cet entretien s'est plutôt bien passé.
06:40Je note que plutôt.
06:42Oui, plutôt, parce que...
06:44Ils ont obtenu des garanties de liberté religieuse, sonner les cloches par exemple.
06:49Ils ont obtenu des garanties qu'on allait respecter leurs institutions, respecter leurs églises, que le culte et les actions qu'ils mènent dans leurs écoles, dans leurs lieux de santé.
07:00Il y a des hôpitaux chrétiens à Alep, etc. Ils pouvaient continuer à agir.
07:06Après cela, des rumeurs ont dit que certains avaient demandé à des femmes chrétiennes d'avoir la tête couverte, mais nous ne pouvons pas à ce jour savoir si c'est vraiment le point de vue des responsables.
07:17Il suffit qu'un type dans la rue s'énerve un peu et réclame qu'une femme ait la tête couverte.
07:23Nous ne savons pas si c'est systématique.
07:25Deuxièmement, il y a eu une autre rumeur qui dit qu'on leur demande de ne pas sonner les cloches.
07:29Alors ça peut peut-être faire sourire cette affaire de cloches.
07:32C'est tout à fait fondamental, parce que c'est le symbole du droit à l'existence pour les communautés chrétiennes au Méditerranée.
07:40Je rappelle évidemment que ces communautés chrétiennes étaient là avant les musulmans.
07:43Il y a l'appel du muezzin à la prière.
07:47À l'église, on sonne les cloches.
07:50C'est peut-être plus pratique pour ne pas s'égosiller parfois.
07:54Monsieur Boutin ?
07:56L'une des caractéristiques des islamistes, c'est la patience.
08:00N'avez-vous pas l'impression que nous sommes face à des acteurs qui, on l'a dit abondamment, donnent des gages ?
08:06Ils veulent se montrer sous un jour apaisés.
08:09Leur style même d'expression, même vestimentaire, nous renvoie plutôt à des milices légèrement occidentalisées, qui font penser aux Kurdes.
08:19Ils ne le sont pas.
08:21Dans ce contexte, je pense également aux Kurdes qui, eux, représentent un pôle de stabilité,
08:25et qui sont soutenus plus ou moins par l'Occident, et qui sont combattus par Erdogan.
08:30Ma question pourrait sembler décousue de prime abord.
08:35Ne craignez-vous pas un agenda de long terme de ces islamistes,
08:39qui pour l'instant se montrent sous un jour plutôt rassurant pour pouvoir capter des subsides étrangers pour reconstruire le pays,
08:46tout en sachant que, dans un second temps, il est probable qu'ils se retournent contre les Kurdes,
08:52qui représentent un ennemi intrinsèque pour eux, et qui est aussi une épine dans le pied d'Erdogan,
08:58qui sera très heureux d'aider ses alliés islamistes, puisque c'est lui aussi qui les soutient par derrière.
09:04Donc, ma question, ne craignez-vous pas un agenda sur le long terme de ces islamistes,
09:08et une sorte de talibanisation de la Syrie, avec un agenda rassurant au début,
09:13mais qui va se révéler particulièrement mortifère à la fin ?
09:16Vous me demandez si je le crains, la réponse est oui.
09:19Je vais essayer de développer quand même ma réponse, mais oui, bien sûr que nous le craignons.
09:25Je voulais mettre ce oui en valeur, bien sûr que nous le craignons, vous avez tout à fait raison.
09:31Mais il y a des pistes à creuser.
09:35Par exemple, quand vous dites les Kurdes, les Kurdes sont les ennemis des Turcs,
09:41ou les Turcs sont des ennemis des Kurdes plutôt, ce ne sont pas forcément les ennemis des autres Syriens.
09:47Justement, voilà l'une des composantes qui peut-être aura un rôle à jouer.
09:51Deuxièmement, il faut voir l'état global de la Syrie.
09:55Beaucoup de villes en Syrie ont été rasées, ou la moitié rasée, par l'aviation,
10:01essentiellement l'aviation russe.
10:04Si vous allez à Alep, vous verrez que la moitié précisément où habitaient ces Syriens sunnites a été rasée.
10:13Et par conséquent, se pose la question de la reconstruction.
10:17Or, c'est essentiellement les puissances occidentales qui peuvent reconstruire.
10:21C'est pour ça qu'elles demandaient, pour faire la reconstruction,
10:24elles demandaient à Bachar de faire des gestes, de bouger, de faire quelque chose.
10:29Or, le président Bachar et son gouvernement sont restés dans l'immobilité complète,
10:36en laissant la population à l'abandon.
10:39Aucun geste n'est venu, aucun signe n'a été posé.
10:42Si les actuels dirigeants ont plus d'intelligence de pragmatisme,
10:46ils pourront et devront demander à l'Occident un soutien pour reconstruire ces villes détruites,
10:53pour permettre aux réfugiés de revenir en Syrie.
10:56Parce que pour le moment, s'ils reviennent chez eux, c'est un tas de cailloux leur maison.
11:00Donc si on veut qu'ils reviennent, il faudra reconstruire.
11:02Tout cela ne peut se faire que dans une collaboration où un certain nombre de principes sont maintenus,
11:09notamment le respect des minorités, donc le respect des chrétiens.
11:12Il n'y a pas un avenir terrible pour les chrétiens dans une Syrie radieuse,
11:16ou un avenir magnifique pour les chrétiens dans une Syrie qui s'effondre.
11:22Le sort des chrétiens est lié au sort de la Syrie dans son ensemble.
11:25Mgr Gollnisch, on parle beaucoup de l'instabilité politique qui règne.
11:30Mais d'abord, peut-être rappelons quelle est la mission des chrétiens d'Orient, et en l'occurrence en Syrie.
11:37Je note d'ailleurs que Citadel et Masnod a publié un très beau livre sur l'art des chrétiens d'Orient l'an dernier.
11:44Il est évidemment tout à fait possible de se le procurer alors que les fêtes approchent,
11:49pour comprendre non seulement cet art, mais cette aide.
11:53Cela commence d'abord par l'aide humanitaire.
11:55Je vous remercie de me poser cette question.
11:58Rappelons bien sûr que les chrétiens sont là depuis le début du christianisme.
12:02Saint-Paul, c'est Damas.
12:05L'église, d'une certaine manière, les chrétiens, ça a commencé à Damas.
12:10Ensuite, Antioche, tout ça était en Syrie.
12:13La mission des chrétiens en Syrie, c'est une mission sociale au sens large.
12:19Les chrétiens, en Syrie comme ailleurs, ont des écoles dans lesquelles ils accueillent des élèves chrétiens,
12:25mais aussi des élèves musulmans.
12:27Tout le monde est bienvenu.
12:28Je connais par exemple une école dans le nord du Liban, mais c'est la même problématique.
12:31Une école catholique, où la moitié des élèves est sunnite, la moitié des élèves est chiite.
12:36Grâce à cette école où les élèves sont éduqués ensemble, le quartier est apaisé.
12:42Dans les autres quartiers, il y a des terribles tensions entre suisses et chiites.
12:45Vous avez un rôle de liant et de pacificateur.
12:47Les chrétiens sont souvent ceux qui parlent à tous.
12:49Ce sont des gens qui ont un rôle de culture dans l'éducation à travers les écoles.
12:53C'est aussi des gens qui ont le souci des plus pauvres, des plus fragiles à travers les hôpitaux, les centres de soins.
12:59Ce sont des gens qui ont un patrimoine imposant qui date de 2000 ans, matériel ou immatériel, qu'ils veulent défendre.
13:06Et c'est des gens aussi qui ont une culture ouverte à l'universel.
13:09Beaucoup de ces gens-là parlent français.
13:11Tous les évêques et patriarches que je rencontre, je les connais tous en Syrie, ils parlent tous français.
13:17Et on peut aider les chrétiens d'Orient.
13:19Il y a de multiples organisations où vous pouvez donner pour cet enseignement,
13:24cette lueur d'espoir qu'apportent les chrétiens, et notamment en Syrie.
13:29Merci beaucoup Monseigneur Pascal Gollnisch d'avoir été avec nous sur Europe.