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Plusieurs pays européens ont déjà annoncé suspendre les dossiers d'asile de personnes de nationalité syrienne après la chute du régime de Bachar al-Assad. Il y a actuellement 450 dossiers de demandeurs d’asile syriens en France. 

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00:00...
00:05Avec nous, Moustapha Elmiri.
00:06Vous êtes enseignant-chercheur à Aix-Marseille-Université
00:09au laboratoire d'économie et de sociologie du travail.
00:12Merci d'être avec nous.
00:13Patrick Sos, éditorialiste politique étrangère à BFM TV,
00:16nous accompagne.
00:17Bachar al-Assad, chassé du pouvoir.
00:19Le débat sur l'accueil des réfugiés syriens en Europe
00:21a ressurgi.
00:22Plusieurs pays, dont l'Allemagne, ont annoncé dès hier
00:25un gel des procédures de demande d'asile
00:27pour les exilés syriens.
00:29Idem pour l'Autriche, la Suède, le Danemark,
00:31la Norvège et la Belgique.
00:33Et pour la France, alors ?
00:34La France est en réflexion pour l'instant.
00:37C'est ce que dit à la fois le Quai d'Orsay,
00:39l'OFPRA, qui est l'office d'accueil des réfugiés.
00:43Il y a beaucoup de choses à voir.
00:45On sait qu'il y a des questions de politique intérieure...
00:49Il y a un vide politique.
00:50Il y a un vide politique, déjà.
00:52Vous ne pouvez pas totalement décider
00:54que ça va s'arrêter ou poursuivre.
00:56C'est vrai qu'on est dans une situation...
00:58Ça fait deux jours,
01:00une partie de la classe politique dit
01:02qu'on a remplacé un tirant sanguinaire
01:04par des terroristes sanguinaires.
01:06Il faut renvoyer les Syriens chez eux.
01:08Vous faites allusion à Jordan Bardella.
01:10On va peut-être voir le tweet de Jordan Bardella publié hier.
01:13Au-delà de ça, est-ce qu'il y a un vrai sujet,
01:16un vrai risque de voir les Syriens,
01:18de nombreux Syriens,
01:20quitter leur pays aujourd'hui pour venir en Europe ?
01:23Des nombreux, je ne sais pas, mais des Syriens, oui.
01:25Si vous regardez les images, depuis 48 heures,
01:28du poste frontière, notamment de Masna,
01:31qui est entre le Liban et la Syrie,
01:33ou entre la Syrie et le Liban,
01:34on se concentre sur ce retour dans leur pays
01:37de ces nombreux Syriens
01:38qui étaient au Liban dans des conditions assez terribles.
01:42C'est ce que nous a montré Clotilde Bigot.
01:44Les Syriens qui reviennent, ce sont les plus pauvres,
01:47ceux qui n'avaient pas les moyens
01:49de se payer des passeurs ces dernières années.
01:51Les Syriens qui sont là depuis 10 ans en Allemagne ou en France
01:55ont des diplômes universitaires assez élevés.
01:57Les autres sont restés sur place.
01:59Mais du coup, on oublie de dézoomer un petit peu
02:02ce qu'on voit depuis 48 heures aussi.
02:04C'est un flux énorme de Syriens
02:07qui quittent la Syrie au moins pour aller au Liban.
02:09Pourquoi ? Parce que vous avez un mélange dans la confusion
02:13de gens qui avaient des postes importants,
02:15mais pas assez pour fuir plus loin sous le régime Assad,
02:18des gens issus des minorités qui se disent
02:21qui sont ces nouveaux maîtres, qui ont tout à fait peur.
02:24C'est pour ça que vous avez cette crainte
02:26que des gens aillent au Liban.
02:28J'ai entendu des témoignages de gens qui partaient au Liban,
02:31mais aussi des gens qui vont essayer d'aller plus loin.
02:34J'ai un chiffre, c'est celui de l'Allemagne.
02:36Il y avait encore 46 000 demandes en souffrance d'asile
02:39de la part de Syriens, 10 ans après le début de la révolution.
02:43Ces gens-là sont partis avant la chute du régime.
02:45Moustapha Elmeri, est-ce que c'est votre analyse ?
02:48Est-ce qu'il y a un vrai risque que l'arrivée au pouvoir
02:51de l'armée islamiste pousse vers l'immigration ?
02:54Un certain nombre de Syriens, nombreux Syriens ou pas, d'ailleurs.
02:58Quel est votre sentiment ?
03:00Je ne suis pas convaincu par l'idée
03:02que l'arrivée au pouvoir des nouveaux groupes
03:05va pousser sur la route des millions de Syriens
03:08pour la bonne et simple raison que la Syrie comptait 17 millions
03:11d'habitants et qu'avec Assad, il y a eu 8 500 000 Syriens
03:15qui sont déjà partis.
03:16Une grande partie de la population est déjà partie.
03:19Ils ne seront pas de l'ampleur de ceux qu'on a connus auparavant.
03:23Là où je suis d'accord, c'est qu'il peut y avoir des départs
03:26de gens qui étaient proches du régime
03:28et qui peuvent se sentir, à juste titre, menacés
03:31pour la bonne et simple raison qu'ils ont collaboré
03:34avec les crimes de Bachar el-Assad.
03:36L'autre inconnu, c'est l'installation du nouveau pouvoir.
03:39Il est possible que certaines minorités puissent se sentir
03:42menacées par les islamistes.
03:44Le pédigré du nouveau chef de la rébellion peut laisser craindre
03:48mais dans tous les cas, même s'il y a des départs,
03:51cela ne sera pas différent des premiers départs
03:53de la crise 2013-2015, où il y a eu 8 millions de départs,
03:56dont 80 % se sont concentrés en Turquie, Liban et Jordanie.
04:00C'est important, les chiffres que vous donnez.
04:02Aujourd'hui, si on doit évaluer le nombre de réfugiés syriens
04:07en Europe, ils sont combien en Allemagne,
04:09combien en France, combien ailleurs ?
04:12Avez-vous ces chiffres ?
04:13C'est vraiment là-dessus qu'il faut regarder
04:16parce qu'on a tendance à produire des polémiques médiatiques
04:19qui sont déconnectées du réel.
04:21Je prends le cas de la France.
04:23La France, en plus de 10 ans, n'a reçu que 38 000 Syriens.
04:2638 000, car c'est un des taux les plus bas.
04:28L'Allemagne en a reçu plus de 770 000.
04:31Elle seule, à l'époque, Angela Merkel avait eu
04:33une politique à la fois d'ouverture
04:35mais en même temps de sélection des Syriens les plus diplômés.
04:39Elle a eu une politique de migration choisie
04:41par rapport aux réfugiés syriens.
04:43On n'est pas sur des chiffres énormes.
04:45L'Europe compte entre 1,5 million de Syriens
04:48ou 2 millions de Syriens, tout au plus.
04:50Je le redis, la majorité des Syriens
04:52sont restés en Turquie, plus de 3,8 millions.
04:55Liban, à peu près 1,5 million.
04:57Jordanie, à peu près 800 000.
04:59Les Syriens sont restés dans cette région.
05:01L'Europe compte 1,5 million.
05:03Pour donner une comparaison,
05:05l'Europe a reçu 6 millions de réfugiés ukrainiens.
05:08Vous parlez d'immigration choisie pour les Allemands.
05:11Les 37 000 réfugiés syriens de France,
05:14ils ont quel profil ?
05:16Qu'est-ce qu'ils font ?
05:18Les 38 000 Syriens que la France a reçus,
05:20ce sont des Syriens,
05:21et ça a été rappelé par votre spécialiste,
05:24qui sont arrivés en Europe,
05:25ceux qui étaient le plus dotés en ressources
05:28économiques, culturelles, diplômés.
05:30On a reçu en Europe les Syriens
05:32qui avaient le plus de ressources et de diplômes.
05:35Certainement, ceux-là se sont insérés.
05:37Pour la plupart, ils étaient anglophones,
05:39parlés arabe et anglais pour une grande partie d'entre eux.
05:42En Allemagne, il y a eu une formation en allemand en langue
05:45pour les Syriens arrivés en Allemagne.
05:48En France, il y a eu une insertion de ces Syriens,
05:5038 000, c'est très peu, en réalité, à absorber.
05:53Nous avons reçu en France 69 000 Ukrainiens,
05:56quasiment le double de Syriens,
05:58sans que cela produise des débats ou des polémiques.
06:00Heureusement que l'Europe a joué cette solidarité
06:03avec les 6 millions d'Ukrainiens qui sont partis de chez eux
06:06suite à l'agression russe.
06:08Est-ce que ces Syriens de France, vous allez dire, Patrick,
06:11vont repartir ?
06:12Peut-être.
06:14Certains sont attachés à leur terre.
06:16Dans une structure économique où il n'y a plus rien.
06:19C'est ça aussi, ce débat qui est lancé par la classe politique.
06:22Il est sans doute un peu précoce,
06:24parce qu'on est dans la confusion la plus totale.
06:27Moi, je l'ai vu.
06:28J'ai suivi les Syriens, à Lesbos, en Macédoine,
06:32en Allemagne, en Autriche, sur tous leurs chemins.
06:35Et effectivement, comme le disait monsieur,
06:38beaucoup parlaient anglais.
06:39Il y avait énormément de filières scientifiques,
06:42des gens qui comptaient aussi s'insérer.
06:44On parle quand même de la grande crise.
06:46C'était 2015.
06:47Ce sont des gens qui sont là depuis 10 ans.
06:50C'est pas comme les Ukrainiens qu'on a pu voir en Pologne
06:53ou en Allemagne, qui n'attendent qu'une chose,
06:56que la guerre s'arrête et qu'ils font des allers-retours.
06:59Ce qu'on voit en ce moment, c'est ceux qui étaient
07:02dans des bidonvilles, dans la vallée de la Béka,
07:04qui, depuis 10 ans, vivent sous des tentes dans un pays.
07:07C'est important, ça a été dit, de rappeler le rapport
07:10entre le nombre de réfugiés et la population.
07:13Vous avez le rapport au Liban ou en Jordanie
07:15et en Allemagne ou en France.
07:17Il n'y a pas les mêmes difficultés.
07:19Je comprends que cette question migratoire,
07:22qui est venue très vite, deux jours après la chute
07:24de Bachar el-Assad, est peut-être intimement liée
07:27à des préoccupations de politique intérieure.
07:30Je pense à l'Allemagne, en pleine campagne
07:32pour le législatif de février, où le sujet devient un enjeu.
07:36Un député de la CDU propose en Allemagne
07:38d'affoiter des avions et de donner 1 000 euros
07:41à tous les Syriens qui veulent rentrer au pays.
07:43Les législatives, on vous l'explique,
07:46Olaf Scholz est à la tête d'une coalition
07:48qui est en train de tomber.
07:50On sait que l'Allemagne, c'est à la fois
07:52presque 900 000 réfugiés syriens et des Ukrainiens
07:55qui font l'aller-retour.
07:56C'est difficile, même en dehors de toute politique.
07:59Il a fallu insérer ces gens.
08:01Lorsqu'on dit qu'on les a formés à la langue,
08:03il fallait du logement.
08:05Et puis, vous avez eu aussi l'actualité
08:07des faits divers du terrorisme,
08:09des attaques au couteau commises par des Syriens d'origine.
08:13Tout ça, ça joue.
08:14Vous avez une forte poussée de l'AfD,
08:16c'est-à-dire l'extrême droite.
08:18La CDU, c'est-à-dire des démocrates chrétiens,
08:21disent qu'ils veulent peut-être gagner des sièges
08:24et renforcer leur coalition.
08:25Donc, ça va pousser vraiment vers la droite.
08:28L'Autriche est un peu pareil.
08:29Même si on n'a pas d'élection,
08:31ça viendra peut-être au mois de juillet prochain,
08:34en France, là aussi, on pousse là-dessus.
08:36Alors qu'encore une fois,
08:37on dit que les nouveaux maîtres de la Syrie
08:41sont des terroristes islamistes.
08:43C'est pas tellement mieux pour la sécurité des gens
08:45qui sont partis de Syrie il y a bien longtemps.
08:48C'est peut-être là, d'ailleurs, la source d'inquiétude globale.
08:51C'est qu'au milieu de ces réfugiés syriens,
08:54certes peu nombreux,
08:55se dissimulent de potentiels terroristes.
08:59Oui, ça peut être une des principales inquiétudes,
09:02mais si vous prenez sur l'ensemble des attentats,
09:05c'est à peu près une soixantaine à 64 attentats qui ont été commis.
09:08Une partie ont été commis par des gens venus de Syrie.
09:13Et si vous rapportez ça en Allemagne
09:15sur les 770 000 personnes,
09:17c'est-à-dire que vous avez la majorité des Syriens,
09:19l'écrasante majorité ne sont pas des terroristes
09:22qui se glissent parmi ceux-là, bien sûr, c'est un fait.
09:25Et là-dessus, il y a du travail à faire
09:27pour suivre.
09:28Si vous prenez sur les 1,5 ou 2 millions de Syriens
09:33arrivés en Europe,
09:34nous n'avons pas eu 100 000 ou 200 000 terroristes.
09:37On est sur des cas à moins d'une centaine de personnes,
09:41et certainement, dont certains qui étaient partis
09:44avec cette idée-là.
09:45Patrick ?
09:46Et puis, évidemment, c'est facile de voir que ce sont des Syriens.
09:50Le Syrien, en Allemagne, c'est l'OQTF en France.
09:53C'est tout de suite l'aiguillon
09:54sur lequel on va appuyer politiquement,
09:57mais c'est encore plus fragile en Allemagne qu'en France.
10:00C'est donc beaucoup plus facile, pour l'extrême droite,
10:03de jouer vraiment là-dessus.
10:04Merci à tous les deux.

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