Category
🗞
NewsTranscription
00:00C'est donc pour aider les adultes victimes d'incestes dans leur jeunesse, un traumatisme qui ressurgit parfois des années après,
00:05et bien pour aider à parler et à se reconstruire, une toute nouvelle association vient de voir le jour dans le département Simon Colbocq.
00:11Nous recevons ce matin l'une des trois fondatrices de cette association.
00:15Bonjour Marie.
00:16Bonjour Simon.
00:16Votre association s'appelle La Vie 66, Association d'accompagnement des victimes d'incestes.
00:21C'est donc, Sébastien le disait, pour les adultes victimes d'incestes dans leur jeunesse.
00:25Ce sont des adultes qui découvrent parfois très tardivement les violences qu'ils ont subies.
00:30C'est ce qui vous est arrivé, vous Marie, est-ce que vous pouvez nous raconter ?
00:33Oui, c'est tout à fait ce qui m'est arrivé.
00:35Il y a trois ans, en fait, lors d'une thérapie, une séance thérapeutique,
00:40il m'est revenu, en fait, des flashs d'une agression sexuelle pendant mon enfance.
00:49Voilà, donc j'avais complètement occulté de ma mémoire ces événements-là.
00:55Vous aviez quel âge au moment de cette accélération ?
00:57J'avais entre 6 et 10 ans.
00:59Et aujourd'hui vous avez ?
01:00J'ai 47 ans, donc ça m'est revenu il y a trois ans.
01:03Comment vous en êtes-vous rendu compte ? Quel a été le déclic ?
01:06Alors ça n'a pas été un déclic, ça a été assez progressif.
01:11En fait, je me suis beaucoup questionnée, pardon, parce que j'ai eu un vécu de violences conjugales,
01:16et je me suis beaucoup questionnée, enfin qui a duré plus de 15 ans.
01:20Je me suis beaucoup questionnée au départ sur le pourquoi monsieur avait eu ce type d'attitude.
01:26C'est toujours plus facile de se questionner sur l'autre que sur soi, dans un premier temps.
01:30Et ensuite, je me suis posé la question,
01:33qu'est-ce qui a fait qu'à un moment donné, la violence physique au départ et ensuite psychologique,
01:38ça ne m'avait pas heurté, en fait, je n'avais pas pris conscience que ce n'était pas normal.
01:43Et de questionnement en questionnement, finalement, m'est arrivée la remontée de ce vécu.
01:49Mais vous étiez avec un psy ?
01:51J'étais avec un thérapeute, oui.
01:53J'ai fait beaucoup de thérapie, beaucoup de questionnements, d'introspection,
01:57et à un moment donné, quand c'est le moment, je pense que ça ressort.
02:01Comment vous avez réagi ? Comment on réagit quand on réalise qu'il y a près de 30 ans en arrière,
02:05même un peu plus que ça, on a été agressé ?
02:08Alors on réagit, c'est très violent.
02:10On n'y croit pas au départ, surtout quand c'est un membre de la famille,
02:14enfin surtout, je ne sais pas, mais en tout cas, moi c'était un membre de ma famille,
02:17on n'y croit pas du tout, on s'est dit peut-être qu'on est folle,
02:20peut-être que c'est difficilement, on ne se représente pas ce genre de violence.
02:26Donc c'est très violent, il y a tout un monde, une partie de ma vie qui s'effondre, finalement.
02:32Donc voilà, c'est difficile.
02:36Est-ce que vous en avez parlé, justement, au sein de votre famille ?
02:40Alors quand j'ai été sûre de moi, parce que j'ai eu plein de doutes pendant quelques mois,
02:45quand finalement mon corps a parlé, c'est-à-dire qu'à un moment donné,
02:48j'ai eu envie de vomir en voyant la personne ou bloquée chez moi parce qu'elle était venue,
02:54où là il n'y a plus de doute en fait,
02:57je suis allée dire que je savais, que ça m'était revenu à mémoire.
03:04Comment est-ce que votre famille a réagi ?
03:06La conséquence, en tout cas la mienne, ça a été un rejet et une exclusion de la famille.
03:15Aujourd'hui, donc ça fait trois ans...
03:17C'est vous qui étiez exclue de la famille ?
03:19Oui, c'est ça. C'est difficile en fait.
03:21Non seulement on a été victime enfant, et en plus quand on a le courage,
03:25alors je ne sais pas si c'est du courage en tout cas...
03:27Oui c'est du courage.
03:28Quand on a le courage d'aller dire, je sais ce que tu as fait,
03:33et que finalement, la conséquence c'est qu'il n'y a plus du tout de lien familial,
03:39mais pas forcément de toute la famille en fait.
03:42C'est une omerta.
03:44Est-ce que vous n'avez pas voulu croire pendant 30 ans sur vos proches,
03:51vos anciens proches, votre ancienne famille,
03:53qui ne veut pas voir la réalité en face ?
03:56Qui ne veut pas voir, qui a peur de voir.
04:01Après je ne suis pas du tout à leur place.
04:03Chacun fait comme il peut.
04:04Il y a des personnes qui ne peuvent pas grand-chose en tout cas.
04:06Je précise que vous avez déposé plainte, et qu'une enquête a été ouverte.
04:11Une question que vous vous êtes sans doute posée,
04:13et que sans doute les auditeurs se posent ce matin,
04:16c'est comment est-ce possible quand on a été agressé sexuellement dans son enfance ?
04:20Vous nous disiez entre 6 et 10 ans, donc on n'est pas tout petit.
04:24C'est un âge où on peut quand même se souvenir des chocs,
04:27où on a mémoire déjà à cet âge-là.
04:29Comment est-ce qu'on peut oublier un tel choc,
04:31et comment ça ressurgit 30 ans après ?
04:34Je ne suis pas professionnelle sur le thème,
04:37mais je me suis beaucoup renseignée,
04:38ça m'a fait beaucoup de bien de ce côté-là.
04:41Le cerveau, à un moment donné, l'événement est tellement violent,
04:46tellement inattendu, tellement impensable,
04:49que le cerveau fait une course disjoncte
04:52pour permettre à l'enfant ou à la personne, la victime, de survivre.
04:57Et ça a créé cette amnésie traumatique.
05:00C'est un mécanisme de survie et de défense.
05:03Il est 7h53, sur France Bleu Roussillon,
05:05notre invité Simon Kolbock dans ICI Matin.
05:07Marie est co-fondatrice d'une association
05:09pour libérer la parole des adultes victimes d'incestes dans leur jeunesse.
05:12Et quand on entend votre récit, votre histoire,
05:14Marie, on comprend mieux effectivement que vous aviez voulu fonder cette association.
05:19La Vie 66, premier groupe de parole, c'est ce soir à Perpignan.
05:23Combien de participants ? Qui sont ces participants ?
05:26Participantes d'ailleurs, des hommes, des femmes ?
05:29Aujourd'hui, c'est des participantes.
05:31On démarre le groupe ce soir, on va être quatre.
05:35Je dis « on » parce que je vais participer pour cette première session
05:38au groupe de parole en tant que victime.
05:41C'est vraiment un groupe de parole, c'est un espace sécurisé
05:45où la victime peut venir libérer sa parole,
05:48pour la première fois ou pas,
05:51dans un climat de confiance, de sécurité, de bienveillance,
05:55pour créer du lien, un soutien.
05:58C'est important.
06:00Le fait d'être en groupe, ça aide justement à libérer la parole ?
06:03Ou au contraire, est-ce que ça peut aussi inhiber ?
06:05Je pense que ça dépend des personnes.
06:07Je ne sais pas si des personnes qui n'en ont jamais parlé
06:09pour différentes raisons, honte, culpabilité,
06:11qui sont tout à fait louables.
06:14Je ne sais pas si spontanément on viendrait dans un groupe de parole.
06:18Je sais que les personnes qui vont participer au groupe de ce soir
06:21en ont déjà parlé, au moins à quelqu'un.
06:24C'est notre première mission, on va dire,
06:29pour aider et soutenir les victimes.
06:32Dans le département, on parle régulièrement d'une autre association
06:35qui se bat contre les violences faites aux enfants.
06:39C'est l'association Les Papillons,
06:41qui vient d'ailleurs d'ouvrir une maison à Saint-Estève.
06:44L'association est présidée par Laurent Boyer,
06:46qu'on a reçue ici sur France Bleu Roussillon,
06:48association à laquelle vous avez d'ailleurs été bénévole.
06:51Est-ce que vous diriez que les choses sont enfin peut-être
06:55en train de changer concernant l'inceste en France ?
06:57Ou est-ce que, malgré tout, ça reste un tabou très important ?
07:00Je pense qu'effectivement, il y a des choses qui sont en train de changer.
07:03La preuve avait la création de l'association Les Papillons,
07:06l'ouverture de la maison, la création de notre association également.
07:10Je pense quand même que ça reste tabou.
07:12C'est un mot puissant, un mot qui fait peur,
07:15un mot qui va au-delà de nos représentations,
07:18de nos capacités de représentation.
07:20Je trouve que c'est vraiment important
07:22de continuer à sensibiliser le grand public,
07:24les professionnels, sur cette thématique-là,
07:28sur la prise en charge.
07:30Chaque association a son rôle à jouer sur différents niveaux.
07:34Votre association est toute nouvelle.
07:36Elle s'appelle La Vie, l'association d'accompagnement des victimes d'inceste.
07:40La Vie 66. Vous avez une page Facebook, si on veut en savoir plus.
07:44Il y a un numéro de téléphone et un adresse mail.
07:46Je propose qu'on les laisse au standard de France Bleu Roussillon.
07:48S'il y a des auditeurs qui veulent en savoir plus,
07:50on leur transmettra les coordonnées.
07:52C'est donc, dans un premier temps, votre association, on l'a dit,
07:54pour les adultes qui ont été victimes d'inceste dans leur enfance.
07:58Et prochainement, vous voulez aussi l'ouvrir à des adultes
08:01dont les enfants ont été victimes d'inceste, pour les accompagner.
08:05Il y a un groupe qui est en cours de constitution,
08:07pour les parents dont les enfants sont victimes.
08:10Et très certainement, début janvier, une permanence aussi téléphonique
08:14ou physique pour les personnes pour qui ce serait difficile de participer à un groupe.
08:18Merci pour votre témoignage ce matin, Marie.
08:21L'association, c'est La Vie 66. Bonne journée.
08:24Merci.
08:26Et vous pouvez réécouter nos invités de la matinale,
08:28les invités d'ici matin, c'est sur l'application ICI, tout simplement.
08:31ICI. Allez, dans un instant, on va se détendre un petit peu au marché,
08:35avec les commerçantes, les commerçants, l'ambiance de nos marchés,
08:38l'organisation orientale, c'est chaque jour dans ICI matin.
08:41Et dans un instant, je suis sûr qu'il y a de bons produits à partager.
08:44J'en suis persuadé, on va vérifier.
08:49ICI matin, revient dans un instant.
09:09ICI matin. Actus locales, musique et bonne humeur.
09:14Sur France Bleu Roussillon.
09:177h58 entre Perpignan et La Mer, une ville de caractère.