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Le Tchad rompt ses accords de coopération de défense avec la France. Au même moment, le Sénégal juge la présence militaire française sur son sol incompatible avec sa souveraineté. Décryptage dans notre Grand Angle avec Seidik Abba et Antoine Glaser.

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00:00Générique
00:05L'armée française, une nouvelle fois, a poussé vers la porte de sortie.
00:09Les Tchadiens n'en veulent plus, les Sénégalais non plus.
00:12Les deux pays invoquent leur souveraineté.
00:14On en parle ce soir avec nos deux invités.
00:16Bonsoir Cédric Abba.
00:17Bonsoir.
00:18Merci beaucoup d'être avec nous.
00:19Vous êtes journaliste spécialiste du Sahel.
00:21Et bonsoir à vous également Antoine Glazer.
00:23Bonsoir.
00:24Merci d'être avec nous.
00:25Vous êtes journaliste spécialiste de l'Afrique,
00:27notamment de l'ouvrage Le piège africain de Macron,
00:30du continent à l'Hexagone, ouvrage écrit avec Pascal Hérault,
00:33à retrouver aux éditions Fayard.
00:35Alors Cédric Abba, peut-être une première réaction à cette décision de N'Djamena.
00:39Le Tchad qui rompt ses accords de coopération de défense avec la France,
00:43ça a été une surprise pour vous ?
00:44Oui, je pense qu'il faut être modeste pour reconnaître
00:48qu'on n'a pas vu de signes avant-coureurs de cette annonce,
00:52d'autant que le ministre des Affaires étrangères
00:54a rencontré hier soir le président Déby
00:57et l'entretien s'était visiblement bien passé.
01:00Pendant qu'il reprenait l'avion pour repartir,
01:02cette annonce est intervenue.
01:04Et avant cela, il faut dire que lorsque
01:07Jean-Marie Boquel, l'envoi spécial du président Macron
01:10pour les discussions sur la reconfiguration de la présence militaire française,
01:13s'était rendu au Tchad,
01:15l'option qui était sur la table, c'était plutôt celle de la réduction des effectifs,
01:19mais pas celle de la fin de la coopération militaire.
01:22Je crois qu'il y a eu certains éléments
01:24qui ont accéléré cette décision tchadienne,
01:26on pourra y revenir.
01:27Alors justement, quels éléments ont pu concrètement, Antoine Glazer,
01:30accélérer cette décision tchadienne ?
01:32C'est vrai qu'on peut se demander pourquoi maintenant, finalement ?
01:35Le premier élément, c'est quand même qu'il y a eu
01:38la date un peu anniversaire du 28 novembre.
01:42Le 28 novembre 1958,
01:45c'est la date où a été créée la République du Tchad.
01:49Le Tchad a eu son indépendance en 1960,
01:51mais bon, c'est quand même une date anniversaire.
01:53Je pense qu'il y a peut-être eu une accélération aussi, également,
01:57avec la déclaration du président Bassirou Dioumaïfaye du Sénégal.
02:02Ça veut dire que tous les présidents ont maintenant un seul mot à la bouche,
02:06comme la plupart des jeunes Africains,
02:08c'est « souveraineté ».
02:10Ça, c'est la deuxième chose.
02:12La troisième, c'est que maintenant,
02:15les présidents, ils ont le monde entier dans leur salle d'attente.
02:18Et Mahama Déby, comme les autres présidents,
02:20s'achoque plus à Paris parce qu'il a été adoubé
02:23par le président Emmanuel Macron
02:25quand Mahama Déby a succédé à son père.
02:28C'était le 25 avril 2021.
02:31Il y avait le seul chef, finalement, occidental,
02:35à côté de Mahama Déby, c'était Emmanuel Macron.
02:38Donc, c'est vrai qu'on avait l'impression
02:40qu'il y avait une relation comme ça,
02:42qu'ils étaient un peu noués entre eux,
02:45et surtout que les militaires français
02:48avaient fait suffisamment pression sur le président
02:51pour qu'il aille pour dire, écoutez, monsieur le président,
02:54pour nous, le Tchad, c'est stratégique.
02:57En plus, à l'époque, quand ça a été fait,
02:59il ne faut pas oublier que les militaires tchadiens
03:02ont toujours été intégrés quasiment dans l'armée française
03:06pour combattre avec eux dans le massif des Ifogar.
03:09Ils ont perdu 60 hommes dans le massif des Ifogar
03:13en combattant avec les Français.
03:15Donc, je veux dire, c'est pas...
03:17Moi, je distingue vraiment les déclarations,
03:20et finalement, de Bassirou Dioumaïfai
03:23sur la souveraineté du Sénégal
03:25en demandant aux Français de partir au Sénégal.
03:28Le Tchad, c'est quelque chose de très important
03:32parce que pour l'armée française,
03:34elle était au cœur de l'Afrique en 1900.
03:38Et donc, c'est la pénétration coloniale, c'est 1900.
03:41Donc, le Tchad, c'est vraiment le trapeau,
03:43c'est Hong Kong pour les Anglais, quoi.
03:45– Je posais la question tout à l'heure, pourquoi maintenant ?
03:47Il faut quand même remettre ça dans le contexte politique.
03:50Il y a des législatives qui sont prévues au Tchad
03:52le 29 décembre prochain.
03:54Est-ce qu'on peut imaginer que le président Mahama Titeris Déby
03:57a voulu peut-être satisfaire une opinion publique tchadienne
04:01qui rejette de plus en plus largement
04:03justement cette présence militaire française ?
04:05– Absolument, ce facteur ne doit pas être écarté.
04:07Il y a un premier facteur qui est le contexte sous-régional
04:12dont Antoine a parlé aujourd'hui avec la diversité des partenaires qui sont.
04:17L'offre a changé, il y a une diversité de l'offre
04:20qui fait qu'on peut facilement se défaire de son ancien partenaire.
04:24Mais il y a aussi le fait que les autorités tchadiennes ont compris,
04:29puisque comme on se souvient, le 28 octobre dernier,
04:32il y a eu quand même une attaque importante de Boko Haram
04:36dans le bassin du lac Tchad au cours de laquelle
04:38au moins une quarantaine de soldats ont été tirés
04:40et le président a lancé l'opération Askanit.
04:43Pendant cette opération, il n'y a pas eu de contribution de l'armée française
04:47dans la reconquête que le Tchad a engagée
04:50et ça a créé le sentiment qu'il n'y a pas de valeur ajoutée de cette présence.
04:55Et le contexte électoral dont vous avez parlé
04:58a fait qu'aujourd'hui montrer qu'on est souverainiste,
05:03montrer qu'on veut assumer l'intérêt du Tchad
05:06peut avoir un écho auprès particulièrement de la jeunesse
05:09et il n'est pas exclu que le pouvoir tchadien,
05:12puisque cette élection est quand même un peu controversée.
05:16Vous savez, le principal parti d'opposition,
05:18les transformateurs, n'y participent pas.
05:20Donc le caractère inclusif étant un peu entaché,
05:23en faisant cela, les autorités, le MPS, le parti du président Mahama Déby,
05:28espèrent aussi tirer des dividendes sur le plan électoral en termes de popularité
05:32parce que comme on a pu le voir à travers les réactions qui se sont exprimées,
05:36la plupart des gens, une grande partie de l'opinion,
05:39a favorablement appris du drapeau de souveraineté que le pouvoir a brandi.
05:44Alors que par le passé, traditionnellement,
05:46quand même le Tchad est le dernier allié sahélien.
05:50Lorsque l'armée française a été évincée du Niger,
05:53elle s'est répliée au Tchad.
05:54C'est au Tchad qu'elle s'est répliée
05:56parce qu'elle espérait que sa présence au Tchad serait durable.
05:59Cédric Abed disait à l'instant,
06:01finalement, les Tchadiens n'ont pas vu récemment la valeur ajoutée apportée par l'armée française.
06:07Cela veut dire que l'armée tchadienne ne va pas forcément se tourner vers d'autres partenaires.
06:11Aujourd'hui, elle est capable de lutter contre les attaques djihadistes.
06:15En fait, le président Mahama Déby,
06:17je disais toujours, c'est une expression qu'il a le monde entier dans sa salle d'attente.
06:21Actuellement, au Tchad, par exemple, nos confrères et amis d'Africa Intelligence,
06:26ils ont sorti au mois de juin une information
06:28comme quoi Mahama Déby a signé un contrat avec une société privée américaine pour former ses soldats.
06:36Vous avez les Turcs qui sont maintenant de plus en plus présents.
06:40Nous, ici, à Paris, on ne parle toujours que des Russes.
06:42Mais vous avez les Turcs, vous avez même les Américains dans le truc.
06:45Vous avez aussi les Russes, bien sûr, dans le sud du Tchad.
06:49Vous avez... c'est assez paradoxal.
06:52Par exemple, quand vous parlez à vos militaires français,
06:54ils finissent par dire, bon, allez, House of Africa, Ciao l'Afrique,
06:58et on est très demandés au Proche et au Moyen-Orient.
07:02Et en ce moment, ils vont former énormément de soldats dans les Émirats arabes unis,
07:07sur une grande base française où il y a des avions français, des Rafales.
07:11Mais les Emiratis, maintenant, eux aussi, ils sont au Tchad pour former des soldats tchadiens.
07:16Vous voyez comment la France, en fait, quelque part, c'est la fin d'une période historique.
07:21On vivait un anachronisme historique.
07:23Ce n'était pas normal que la seule puissance extérieure au continent qui ait des bases,
07:28ce soit la France. Je ne parle pas de Djibouti.
07:30Djibouti, c'est toujours... c'est l'Indo-Pacifique, c'est le Proche et le Moyen-Orient.
07:34Ça n'a rien à voir. C'est en dehors de l'Afrique.
07:37Vous avez le monde entier, les Chinois, les Américains.
07:40Donc, encore une fois, on va dire que c'est une période
07:43qui fait que le président Ahmad Daby, très honnêtement,
07:46peut-être que la France, ils n'ont pas fait le boulot qu'il attendait d'eux,
07:50mais globalement, ils voient bien que c'est la fin d'une période.
07:53Et lui, ce qui apporte maintenant à un président africain,
07:56c'est ce que disent les Africains.
07:58Donc, ils sont dans une période historique nouvelle.
08:01Alors, justement, le Sénégal souhaite, lui aussi, la fin de la présence militaire française sur son sol.
08:06Enjeu, là aussi, de souveraineté.
08:08C'est ce qu'a expliqué le président Bassirou Audiomayfaye,
08:11hier, dans une interview à nos confrères de France 2. On l'écoute.
08:14Il y a toujours, aujourd'hui, au Sénégal, une présence militaire française.
08:18Environ 350 soldats, des hommes et des femmes, basés sur plusieurs camps, ici même, à Dakar.
08:24Est-ce que vous êtes favorable à cette présence militaire française dans votre pays ?
08:28Est-ce qu'en tant que Français, vous envisagez de nous voir dans votre pays
08:32avec des chars ou avec des véhicules militaires, des militaires sénégalais, avec des tenues sénégalaises ?
08:39Comme ça, parce que sur le plan historique, la France a esclavagisé, a colonisé et est restée.
08:46Évidemment, je pense que quand vous inversez un peu les rôles,
08:50vous ne concevrez très mal qu'une autre armée, la Chine, la Russie, le Sénégal,
08:55ou n'importe quel autre pays puisse avoir une base militaire en France.
08:59Donc les soldats français doivent partir ?
09:01Il n'y a pas encore de délai de rigueur par rapport à ça.
09:06Et si ça doit être fait, ce sera dit aux autorités françaises,
09:11qui en auront la primeur en suivant les calendriers établis.
09:16Voilà, pas encore de calendrier établi, mais ça rejoint un petit peu ce que disait Antoine Glazer à l'instant.
09:22C'est finalement des décisions qui vont dans le sens de l'histoire et des attentes des populations.
09:27Oui, je crois que le Président a été un peu plus précis dans son interview au Quotidien Le Monde,
09:32où il a expliqué qu'il n'y aura plus de soldats français bientôt au Sénégal.
09:36L'échéance, le calendrier de ce retrait va être discuté.
09:40Mais pour moi, au Sénégal, ça me semble un peu plus cohérent,
09:44puisque ce pouvoir-là a été élu quand même sur un contrat de souverainisme
09:50avec une grande partie de la population.
09:53Déjà avant les élections, le Tandem, Bassirou Dioumaéfaï et son co,
09:57avaient annoncé cette volonté de revoir la présence militaire française,
10:01qu'ils considèrent comme investisse de la colonisation,
10:04et avaient même parlé du franc CFA, puisqu'ils sont dans cette dynamique souverainiste.
10:09Donc le fait aujourd'hui qu'ils annoncent n'est pas surprenant.
10:12À mon avis, c'est cohérent avec les engagements qu'ils ont pris avec une partie de leur opinion,
10:17puisque cet argument a été déterminant quand même dans le choix, dans le succès du PASTEF
10:27lors de la présidentielle de mars et lors de la législative du 17 novembre.
10:31Je pense que là, c'est tout à fait cohérent.
10:33Il y avait déjà cette volonté souverainiste,
10:36donc cette démarche-là répond un peu à une attente qui s'est largement exprimée dans les urnes.
10:42Si on retire les bases militaires françaises au Tchad, au Sénégal,
10:45il restera à peu près combien de militaires français sur le continent africain ?
10:48Actuellement, il y a à peu près 600, 900 en Côte d'Ivoire, il y a 300 environ au Gabon.
10:52Mais le grand problème finalement, parce qu'on parle toujours des bases,
10:55mais ça dépend de ce qu'ils font dans ces bases.
10:57Et par exemple, un pays comme le Sénégal,
11:00ce qui est important, c'est qu'il faut voir qu'il a une position géostratégique extrêmement importante,
11:05au niveau par exemple des écoutes.
11:07Vous avez évidemment des grandes antennes, des choses comme ça.
11:10Quand vous regardez une carte de l'Afrique, voyez bien que le Sénégal, c'est vraiment à la pointe.
11:15D'ailleurs, les Américains, quand il y avait la navette spatiale,
11:17s'ils avaient des problèmes, ils utilisaient le Sénégal.
11:20Donc c'est aussi des sites militaires.
11:23Ce n'est pas simplement des hommes.
11:25Et il restera, même s'ils réduisent en Côte d'Ivoire et au Gabon.
11:28Mais encore une fois, il faut voir ça globalement.
11:32Je veux dire, c'est vrai qu'il y a totalement raison quand tu dis que par exemple,
11:41sur l'histoire de ces bois étonnants au Sénégal,
11:44c'est plus dans l'histoire qu'on s'est dit qu'il dit le pastef, etc.
11:49Par contre, c'est vrai que c'est le tchad.
11:51Le coup de saumon, c'est le tchad.
11:53Mais on ne voit pas ce qu'on va dire.
11:56La Côte d'Ivoire, qu'est-ce que va faire la Côte d'Ivoire, le Gabon ?
12:00Il y a encore des pays d'Afrique francophone aujourd'hui
12:02qui veulent de l'armée française sur leur territoire ?
12:05Je pense que compte tenu de l'histoire différente,
12:08la Côte d'Ivoire et le Gabon,
12:11puisque pendant longtemps, la présence militaire était considérée
12:14comme une assurance-vie au régime qui était en place.
12:17Celui d'Ofebwani, ensuite celui d'Omar Bongo et Léombard même.
12:22Vous savez que c'est la France qui a sauvé le régime de Léombard
12:25face au coup d'État de 1964.
12:28Donc il y a une sorte d'assurance-vie.
12:30Pour moi, j'espère me tromper,
12:33pour l'instant, dans ces deux pays-là,
12:35nous ne sommes pas dans une démarche souverainiste
12:37qui amènerait à exiger un départ immédiat de l'armée française.
12:41Peut-être que le fait contagieux va se faire.
12:43Le fait contagieux sahélien va venir jusqu'au Golfe de Guinée,
12:47va toucher la Côte d'Ivoire et le Gabon.
12:49Mais pour l'instant, je ne suis pas sûr
12:51que ce soit la demande de ces pays-là.
12:53En tout cas, la France, elle, était depuis quelque temps
12:55dans cette démarche, on peut le dire,
12:57de reconfiguration de son dispositif militaire en Afrique.
12:59Lundi, la mission de Jean-Marie Bockel,
13:01qui est l'envoyé spécial personnel du président Emmanuel Macron
13:04sur le continent africain,
13:06a remis au chef de l'État français
13:08son rapport sur cette reconfiguration
13:10du dispositif militaire français en Afrique.
13:13Quelles sont les principales préconisations de ce rapport ?
13:16Il y avait déjà un engagement réel à réduire ses bases.
13:19Il devait y avoir plus qu'une centaine de soldats
13:21dans l'ensemble des bases militaires.
13:23Le Tchad, c'est là où c'est vraiment, encore une fois,
13:26l'annonce du Tchad est extrêmement forte.
13:29D'ailleurs, on voit bien qu'à Paris est estomaqué.
13:31On voit bien qu'il n'y a pas vraiment de réaction.
13:33Il n'y a pas eu de réaction pour l'instant.
13:35Parce que même Jean-Marie Bockel,
13:37qu'il ne faut pas l'oublier non plus,
13:39a perdu un fils, c'est pour ça, à mon avis,
13:42qu'il a été en partie choisi sur ce rapport,
13:44qui a perdu un fils qui était pilote d'hélicoptère dans le Sahel.
13:47En Mali, en 2019.
13:49Et c'est certain que là, c'était...
13:52Lui continuait à dire,
13:54oui, les Français vont rester au Tchad.
13:56Encore une fois, il faut voir ça.
13:58C'est une période historique, ça veut dire.
14:00Les militaires français, ils sont arrivés au Tchad en 1900.
14:04Et là, c'est le retrait sur les côtes.
14:06Qu'est-ce qui va se passer sur les côtes ?
14:08Je suis d'accord avec Sidique,
14:10que sur les côtes, c'est vrai que...
14:12Vous savez, il va y avoir une période difficile aussi électorale
14:15dans un pays comme la Côte d'Ivoire ou au Gabon.
14:17Si à un moment donné, un chef d'État voit que sur le plan électoral,
14:20il peut avoir les jeunes, il peut pousser son avantage
14:23en faisant du souverainisme,
14:25à mon avis, ça peut évoluer.
14:27Il faut guetter aussi ce qui va se passer sur la monnaie, le franc CFA.
14:30Moi, je pense que le rapport de Jean-Marie Bockel
14:33a pêché un peu de n'avoir pas anticipé.
14:36C'est-à-dire qu'il y a une révendication quand même
14:39qui était assez forte sur la suppression des bases militaires
14:42ces derniers mois sur le continent africain,
14:44particulièrement auprès de la jeunesse.
14:46La France aurait pu saisir cette occasion
14:48vraiment pour supprimer complètement les bases.
14:50En choisissant la demi-mesure,
14:52aujourd'hui, elle se retrouve nulle part.
14:54Puisque si au Tchad, par exemple,
14:56le projet était de réduire simplement,
14:59et aujourd'hui, le sentiment qu'on a,
15:02c'est que la France a été poussée vers la sortie au Tchad.
15:04Justement, Cédric Abba, ce sujet, on se souvient d'Emmanuel Macron
15:07arrivant au pouvoir en 2017 avec ce discours
15:09de vouloir essayer de renouveler peut-être les relations
15:12entre le partenariat entre la France et ses anciennes colonies.
15:15On a l'impression que, finalement,
15:17cette volonté de changer de logiciel,
15:19elle n'a pas du tout convaincu les États africains.
15:21Elle ne s'est pas faite, globalement.
15:23La volonté initiale était là, celle de revoir.
15:26Mais pourquoi elle ne s'est pas faite ?
15:28Parce qu'il y a beaucoup de plaisanteurs.
15:30Les diplomates ne sont pas seuls à décider.
15:32Les militaires considèrent l'Afrique
15:34comme un terrain dont ils ont besoin
15:36sur le plan géostratégique,
15:38pour faire des exercices, pour avoir de l'influence.
15:40Donc l'Élysée n'a pas été capable d'imposer,
15:43à mon avis, à ceux qui résistaient à ce changement,
15:46l'Élysée. Et ça, je pense que c'est ça,
15:49l'horreur de la France, comme a dit Antoine,
15:51c'est de n'avoir pas compris que l'Afrique a changé
15:53et qu'il faut changer de paradigme
15:55dans la relation avec l'Afrique,
15:57en faisant de la demi-mesure et la France a raté le virage.
16:00Et Emmanuel Macron, il avait un peu...
16:02C'est comme une ardoise magique.
16:04Il a pensé qu'une ardoise magique,
16:06on faisait comme ça, on sort de l'Afrique francophone,
16:08on va dans l'Afrique anglophone.
16:10Prochain sommet Afrique-France, ça sera au Kenya.
16:14En 2026.
16:16Il reçoit, tout ça se passe au Tchad,
16:18au moment où il reçoit le président du Nigeria.
16:21Un président, il n'y a pas eu de président,
16:23je veux dire, en visite d'État en France depuis 2016.
16:26Il reçoit le président du Nigeria, c'est une claque
16:28aux autres présidents francophones qui lui renvoient la balle.
16:31Il y a quand même eu des efforts en matière de politique mémorielle.
16:34On l'a vu là avec le Sénégal,
16:36on l'a vu avec l'Algérie, on l'a vu avec le Rwanda.
16:38Tout n'est pas resté statique.
16:40Il y a, même au Sénégal,
16:42il y a cette lettre qui a été adressée
16:44pour reconnaître que Tcharoy a été un massacre.
16:47Donc il y a eu une volonté, il y a eu une évolution,
16:49la restitution des biens culturels.
16:51Mais la démarche ne s'est pas achevée.
16:53Il y a un goût d'inachevé.
16:54Elle ne s'est pas poursuivie jusqu'au bout.
16:56Le résultat est mitigé.
16:58Est-ce que le problème finalement,
16:59ce n'est pas cette politique du en même temps
17:01qu'Emmanuel Macron a appliquée, même au continent africain ?
17:04C'est simplement, c'est une espèce d'aveuglement
17:06en pensant qu'il suffisait de faire le discours.
17:08Et c'est un peu triste maintenant
17:10quand on pense à Emmanuel Macron en bras de chemise,
17:12en train de monter les cartes du Sahel,
17:14ce qu'on va faire, etc.
17:16C'est encore toujours cette impression, ce paternalisme,
17:18en pensant que depuis l'Élysée,
17:20vous allez pouvoir changer ce continent.
17:22Vous mettez 5 000 hommes sur 5 millions de kilomètres carrés
17:25dans le Sahel.
17:26Les Américains, il y avait 100 000 hommes
17:28en Afghanistan sur 600 000 kilomètres carrés.
17:30Ils ont fini par partir.
17:32Donc je veux dire, on est dans une période,
17:34encore une fois, d'anachronisme historique
17:36qui ne correspondait plus à rien.
17:37Une dernière question.
17:38Il nous reste une trentaine de secondes.
17:39Vous y croyez-vous, Sidi Kabbah,
17:40à cette réorientation stratégique de la France
17:43vers les pays anglophones du continent africain ?
17:45Non, je pense que c'est la recherche d'une alternative.
17:49Le président Macron s'est rendu en Afrique du Sud.
17:51Le sommet va se faire à Nairobi.
17:55Un de ses meilleurs partenaires en Afrique,
17:58c'est le président du Ghana.
17:59Tout ça ne marche pas, à mon avis.
18:01Et ça sera le mot de la fin.
18:02Merci beaucoup, Sidi Kabbah et Antoine Glazer,
18:04d'avoir répondu à nos questions dans le 64 Minutes
18:06sur TV5MONDE.

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