Avoir un enfant, c'était le rêve de Wanda. Pourtant, une fois enceinte, elle a commencé à se sentir mal et à avoir des angoisses, un mal être l'a plus quitté, même après son accouchement. Pendant des mois elle a sombré dans une profonde dépression, a parfois pensé en finir, sans que personne ne l'aide. Comme Wanda aujourd'hui, une mère sur cinq fait une dépression post-partum, dans le plus grand des silences. Et le suicide est devenue la première cause de mortalité maternelle. Alors, comment faire pour aider ces femmes en souffrance, mieux les identifier et les soigner ? C'est la question que s'est posée la sénatrice Véronique Guillotin et que nous avons suivie dans ce reportage. Année de Production :
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00:00J'ai toujours voulu un bébé, c'était quelque chose qui était important pour moi.
00:23À 26 ans, Vanda tombe enceinte pour la première fois.
00:40Mais très vite, elle est submergée par l'angoisse. Elle a peur, peur de perdre son bébé.
00:46À ce moment-là, je n'arrive pas à me raisonner. Je me suis auto-alitée à la maison. Je reste
00:53allongée. Comme ça, il ne lui arrive rien. C'est du repos, on ne sait jamais. Je suis incapable de
00:58retourner travailler. Je me retrouve à deux mois de grossesse, arrêtée jusqu'au terme, toute seule.
01:07Donc, la solitude vient nourrir les angoisses. Et je continue à avancer comme ça en me disant
01:14une fois qu'elle sera dans mes bras, il n'y aura plus d'angoisse. Elle sera là,
01:18je pourrai l'avoir. Et donc, je vise l'accouchement. Je ne me concentre que sur l'accouchement.
01:22Mais après son accouchement, Vanda ne va pas mieux.
01:28J'étais en boucle sur le fait de comment je vais faire pour rentrer à la maison avec mon bébé.
01:35Je ne sais pas m'en occuper. Je préférais que ce soit à mon conjoint. Il avait l'air de gérer.
01:38Ça se passait bien pour lui. De retour chez elle, Vanda sombre. Entre les pleurs de sa fille et le
01:46manque de sommeil, elle n'a pas de répit. Dès qu'elle se réveille, ça me prend la gorge. Ça
01:53m'étouffe. Et plus ça va, plus ces moments-là deviennent insupportables. C'est de la rage que
02:03je finis par ressentir. Ces pleurs m'agressent, je ne les supporte plus. Parfois, elle pleure et
02:07je la mets tranquille dans sa chambre en sécurité. Je descends et je colle ma tête contre la vaisselle
02:12pour que le bruit couvre ses pleurs. Il faut que ça s'arrête. J'attends qu'une chose,
02:22c'est l'heure à laquelle son papa va arriver pour prendre le relais. Je ne peux plus.
02:26Là, je bascule dans une autre phase où je me dis que ma fille serait mieux sans moi.
02:41Si je ne suis pas là, franchement, elle sera plus heureuse avec son papa qu'avec une maman
02:48qui n'y arrive pas. Ce n'est pas tant l'envie de mourir, c'est l'envie que ça s'arrête.
02:56Sauf que je suis incapable de partir, juste partir et laisser mon bébé, parce qu'il y a
03:03la culpabilité. Si je meurs, il n'y a pas de culpabilité, on ne peut pas ressentir
03:07quoi que ce soit quand on est mort. Je ne veux plus. Vanda n'est pas passée à l'acte mais
03:18d'autres oui. Devenir maman peut déclencher un état dépressif. 70% des femmes font un baby blues.
03:28Après leur accouchement, elles se sentent déprimées pendant quelques jours. Quand les
03:35symptômes persistent, plus de deux semaines, on parle de dépression. Une jeune maman sur cinq
03:41est touchée. Et parfois, ces femmes vivent leur souffrance en silence, isolées, et se
03:49donnent la mort. Le suicide est devenu la première cause de mortalité maternelle.
03:53Comment mieux identifier et mieux soigner ces femmes en souffrance ? La sénatrice Véronique
04:07Guillotin veut des réponses. Médecin de formation, elle travaille sur la santé des femmes autour de
04:13l'accouchement. La première cause en fait, le décès étant le suicide chez la femme qui
04:20a accouché pendant la première année de l'enfant. C'est un chiffre qui nous a globalement vraiment
04:26surpris. Le repérage manque aujourd'hui. Il ne paraît quand même pas normal qu'on ait un taux
04:33de suicide aussi important. Elle se rend dans cette unité de psychiatrie périnatale à Metz pour
04:41rencontrer les équipes soignantes. Ici, des familles sont accueillies en consultation avant
04:47et après l'accouchement. On fait des accompagnements parents bébés. Une de nos spécificités, c'est de
04:55pouvoir offrir un espace où les parents peuvent se rendre compte finalement aussi de leur propre
05:00difficulté d'accordage et d'ajustement avec leur bébé. Et puis, on soutient les parents, on s'occupe
05:05d'eux, on les écoute. Merci de nous accueillir chez vous. On est ravis vraiment d'être
05:12dans votre établissement et découvrir ce que vous faites pour les mamans, les enfants et les
05:17papas. Comment vous repérez ? Parce qu'on a compris qu'il y avait peut-être une difficulté de repérage
05:23de ces mamans qui pouvaient déjà avoir des antécédents, mais quelquefois pas, qui étaient
05:28souvent peut-être sous-estimées dans les consultations. Et quelles difficultés vous rencontrez ?
05:32Les difficultés de la dépression du postpartum, elles touchent bien sûr l'adulte qui en est
05:37porteur, qui va se retrouver dans une dépression qui a une forme particulière, où le poids de la
05:42culpabilité est beaucoup plus important, qui va se retrouver avec un vécu assez honteux de cette
05:47situation. Ce qui peut expliquer la difficulté des repérages, puisque l'énoncé de la difficulté
05:53dans laquelle on peut être est moindre du fait de cette représentation honteuse. La maternité est
06:00encore très portée avec des images assez idylliques, assez positives. Et on se retrouve avec bon nombre
06:05de parents qui se retrouvent très isolés dans cette aventure-là, qui devrait être finalement
06:12facile et sympathique. Repérer la dépression maternelle est difficile, car c'est encore un
06:19sujet tabou. Quand on accouche, surtout du premier enfant, on est dans un imaginaire, dans un récit
06:30avec plein d'influences. L'influence de son environnement proche, ses amis, ses parents. Je
06:37pense des images d'une maternité idéale, avec une maman idéale, un papa idéal, et puis un enfant
06:45qu'on a idéalisé aussi. Et en fait, ce n'est pas toujours ça. Un bébé, ça peut pleurer. On peut avoir un enfant
06:51qui pleure énormément. Une maman qui se sent en situation d'échec, avec une forme
06:58presque de culpabilisation, en se disant qu'elle n'est pas une bonne mère.
07:03Ne pas être à la hauteur, c'est ce qu'a ressenti Émilie quand elle est rentrée chez elle après son accouchement.
07:20Ça a été catastrophique, le retour. Beaucoup de cris, beaucoup de pleurs, de la part de tout le monde,
07:29de ma fille, du bébé, de moi. Mon mari aussi, c'était très tendu avec lui. J'étais en colère contre tout le monde.
07:36C'est plus simple de dire comme ça. J'étais en colère contre mon mari qui n'avait pas passé l'aspirateur
07:41avant que je rentre. En colère contre ma fille qui faisait des crises de nerfs pour tout et rien,
07:47comme un enfant de deux ans. J'étais en colère contre mon fils qui arrivait alors qu'on était très bien à trois.
07:54Et puis d'un seul coup, il arrivait et il gâchait un petit peu tout. J'étais en colère contre moi-même aussi,
07:59de ne pas forcément comprendre ce qui se passait et pourquoi je n'étais pas heureuse,
08:03comme toutes les mamans qu'on voit sur les réseaux ou dans notre entourage.
08:07Je voyais des mamans qui avaient quatre, cinq enfants, enceintes du sixième. Oh, c'est génial, on est trop contents.
08:28J'avais un mélange de jalousie et de honte parce que je me disais pourquoi moi, je n'arrive pas à faire ça.
08:36Et puis j'étais jalouse de voir leur vie à elles, dans leur maison, super bien rangée.
08:42L'image que les gens donnent, ça joue beaucoup sur notre morale après.
08:53Je pleurais beaucoup, surtout le soir, une fois que tout le monde était au lit.
08:56J'étais tranquille pour ne pas pleurer. Et du coup, j'allais dans la salle de bain, je m'arrachais les cheveux.
09:07Je me griffais, je plantais les ongles vraiment dans mon bras et j'essayais de m'agripper à quelque chose, finalement.
09:15Pareil, je me cognais la tête dans les murs, je me cognais le bras aussi contre la baignoire.
09:22Mais ça, je ne m'en rendais pas forcément compte tout de suite.
09:24C'était le lendemain matin, je voyais que j'avais des bleus sur le bras, des traces d'ongles.
09:29Donc voilà, c'est vrai que c'est des moments qui semblaient un peu irréels, en fait, à ce moment-là.
09:37Sa descente aux enfers va s'arrêter grâce à sa sage-femme.
09:42Bonjour !
09:43Ça va ?
09:44Ça va, et vous ?
09:45Ça fait longtemps !
09:46Oui, c'est vrai !
09:47Venez rentrer, rentrez.
09:49J'avais continué le suivi psychologue jusqu'aux 18 mois de roban.
09:52Une fois que les médicaments sont terminés, je suis passée.
09:56Oui.
09:57Mais bon, c'est sur la bonne voie.
10:00Je ne veux plus me jeter de la fenêtre.
10:03Les jours qui ont suivi l'accouchement, tout allait bien.
10:06Elle avait eu un plus bel accouchement sur le papier obstétrique allemand-parlant, médicalement parlant.
10:12C'était quand même un accouchement qui s'était mieux passé que pour son aîné.
10:16Du coup, on partait vraiment sur quelque chose de très positif au départ.
10:20Et de façon hyper innocente, ce jour-là, je me suis dit que c'était le bon moment.
10:25Je me suis dit que c'était le bon moment.
10:26Je me suis dit que c'était le bon moment.
10:27Je me suis dit que c'était le bon moment.
10:28Je me suis dit que c'était le bon moment.
10:29et comment est votre morale ?
10:30Et c'est là qu'après, avait découlé, ben non, c'est pas si facile que ça.
10:35Et c'est là qu'après, avait découlé, ben non, c'est pas si facile que ça.
10:36où j'avais commencé à être plus vigilante.
10:38où j'avais commencé à être plus vigilante.
10:40Peu à peu, elle voit Emilie s'enfoncer dans la dépression et lui propose de l'aide,
10:44un suivi en hôpital de jour avec son fils.
10:47un suivi en hôpital de jour avec son fils.
10:50c'est vrai que tellement ça dépasse les conditions d'habitude,
10:53il y avait peu à peu ce qui me les indiquait,
10:56qui vit en hôpital de jour avec son fils.
10:58Ca a été la fin du calvaire qu'on vivait à la maison.
11:02S'il n'y avait pas eu cette réactivité-là,
11:05de ce côté-là, moi, j'aurais jamais eu l'idée
11:07de contacter un hôpital psychiatrique.
11:10Et je sais pas à qui j'en aurais parlé.
11:12C'est un peu compliqué de parler de ça comme ça.
11:15C'est sûr que quand on se sent en confiance,
11:18c'est plus facile, mais...
11:20Du coup, ça a fait un petit électrochoc à tout le monde, je pense.
11:24La sage-femme d'Emilie a su trouver les mots
11:27car elle a été formée à détecter les signes de dépression.
11:30La première chose qu'elle dit, c'est d'abord,
11:33ah non, ça va. C'est quand on l'observe,
11:35quand elle nous parle de carrément autre chose de sa vie.
11:39Et c'est des signes extérieurs qui, après, nous font, nous, l'alerte
11:43et où on va aller reposer la question.
11:46Enfin, quand on la voit interagir avec son bébé,
11:49parfois, elles ont beau nous dire, non, tout va bien,
11:52finalement, alors après, on repose la question la fois d'après,
11:55d'une autre façon, enfin...
11:57Et on leur tend des perches, on ne peut pas les forcer à nous dire,
12:01mais on tend des perches et elles savent qu'on est disponibles.
12:05Musique douce
12:07...
12:15A Paris, Lucie Jolie, psychiatre en péri-natalité,
12:18forme les futures sage-femmes.
12:20...
12:29C'est quoi, la différence
12:30entre le baby blues et la dépression du post-partum ?
12:35Pour le baby blues, il y a une durée de 24 heures à une semaine,
12:38en moyenne, c'est quatre jours.
12:40La dépression péri-natale se manifeste
12:45très souvent par une tristesse de l'humeur
12:48et ça peut se manifester
12:50par, simplement, des douleurs des membres inférieurs,
12:53avec une fatigue.
12:54Il faut prendre en compte les plaintes,
12:57la souffrance des patientes,
12:59et à partir du moment où ça altère le fonctionnement de la personne
13:04et que les symptômes durent plus de 15 jours,
13:06là, on se dira, c'est probablement une dépression.
13:09Et c'est un peu la même chose.
13:11Pendant très longtemps, la psychiatrie péri-natale
13:14s'était orientée sur le développement du nouveau-né.
13:18Et on s'intéressait quand même très peu
13:21à ce qui pouvait arriver aux femmes
13:23pendant cette période de vulnérabilité psychique.
13:26Et donc, je me suis sentie quand même un peu isolée
13:29en tant que praticien dans cette spécialité,
13:32avec un oeil sur l'adulte.
13:34Et c'est que depuis quelques années
13:37que les prises en charge se deviennent plus spécialisées
13:41pour ces femmes pendant cette période.
13:44En tant que sage-femme, vous avez un rôle crucial
13:47parce que vous êtes le premier rempart
13:49face à ces jeunes mères qui sont dans la détresse.
13:54Et vous avez un rôle pivot.
13:55Vous allez devoir coordonner,
13:57vous allez devoir repérer, orienter ces femmes.
14:02La formation, elle est assez aléatoire en fonction du territoire.
14:06Et nous, à Sorbonne Université,
14:09on a la chance de pouvoir former les étudiants de sage-femme.
14:16Et je pense qu'il faut vraiment uniformiser ça sur le territoire.
14:20Et c'est vraiment un enjeu de santé publique.
14:23Donc c'est vraiment très important.
14:31Important au point de parfois sauver des vies.
14:40Pendant des mois, personne n'avait conscience du mal-être de Vanda,
14:44à part Luc, son compagnon.
14:46Mais il se sentait démuni
14:48et il n'a pas su quoi faire pour aider Vanda.
14:53Je voyais bien que ça n'allait pas, que ça n'allait pas.
14:56C'est tellement insidieux aussi.
14:59C'est des choses petit à petit.
15:00On a l'impression que ça va s'arranger.
15:04Mais en fait, c'est évolutif.
15:08Et évolutif de façon négative.
15:11J'étais loin d'imaginer tout ce qu'il peut...
15:15Enfin, tout, en fait.
15:16Celui-là, on le sort.
15:17Ah, bravo !
15:20J'ai toujours essayé d'être le plus possible à l'écoute
15:25et à essayer de trouver des solutions, entre guillemets.
15:30C'est ce qui nous a fait déménager aussi, de venir ici.
15:34Comme sa famille est plus proche
15:36et qu'il y a plus de connaissances dans le coin aussi,
15:39c'est vrai qu'elle était très isolée dans les Côtes-d'Armor.
15:43Il quitte les Côtes-d'Armor pour Saint-Nazaire.
15:46A mon tour.
15:48Puisqu'on arrive dans un lieu où on n'a pas de médecin traitant,
15:51j'ai pas de sage-femme, donc y a pas de suivi médical pour Astrid,
15:54du coup, on prend contact avec la PMI.
15:57On y va en famille, y a mon conjoint et Astrid.
16:01Tant qu'on parle d'Astrid, tout va bien.
16:03Après, elle commence à me poser des questions sur moi
16:07et je m'effondre.
16:09Je m'effondre et là, on me dit que ça va pas du tout.
16:13Ça va pas du tout et vous avez été entendues
16:17et on va pas vous laisser partir comme ça.
16:21A Saint-Nazaire, Vanda est prise en charge,
16:24mise sous traitement et suivie par un psychiatre.
16:27Peu à peu, elle remonte la pente.
16:30Aujourd'hui, elle ne comprend pas pourquoi la sage-femme
16:34qui l'a suivie dans les Côtes-d'Armor n'a rien vu.
16:38Elle m'a suivie pendant un an.
16:40Six mois avant la naissance, six mois après.
16:43Et je pense qu'il y a pas une seule fois
16:45où j'y suis pas allée en pleurs.
16:49Tous les voyants étaient là.
16:51Ça clignotait, fin...
16:53Et ma sage-femme...
16:56Franchement, je comprends pas.
16:58Je comprends pas comment...
17:01Elle était dans une relation d'écoute et de soutien,
17:04mais peut-être qu'elle avait pas les ressources
17:07pour m'orienter à ce moment-là.
17:09L'offre de soins en périnatalité concernant la santé mentale
17:13est inégale sur nos territoires.
17:15On a des territoires,
17:16par le biais d'une PMI bien structurée qui fonctionne bien,
17:20il y a des territoires où l'offre soit n'existe pas,
17:24soit est très pauvre.
17:26Et sur des territoires, même où il peut y avoir de l'offre,
17:29je pense qu'il y a des familles qui n'y ont pas accès,
17:32pour plein de raisons.
17:34Des raisons de mobilité, peut-être,
17:36des raisons de non-connaissance,
17:38une forme d'isolement social.
17:40Nous, on propose de renforcer
17:43le suivi pré- et post-natal au plus près des territoires.
17:51Pour sortir ces familles de l'isolement,
17:54à Bayonne, une équipe de psychiatrie périnatale de l'hôpital
17:58détache quotidiennement deux de ses soignantes.
18:01Julie, la psychomotricienne, et Marie, la sage-femme,
18:05font des visites à domicile.
18:09C'est une équipe mobile.
18:11Le plus possible, on doit aller vers.
18:13C'est vrai que c'est coûteux en temps, en organisation,
18:16que pendant qu'on est en voiture, on ne consulte pas.
18:19On pourrait imaginer qu'on perd du temps,
18:22mais ce que l'on accompagne à domicile est précieux.
18:27Très utile, très allégeant aussi pour les familles.
18:31Et puis, on est dans le milieu de la famille,
18:35vraiment sans fioriture.
18:38Je pense qu'on est au plus proche des besoins des gens
18:41quand on est auprès d'eux, à leur domicile.
18:44Donc oui, c'est central.
18:53Cri d'enfant
18:55Ca faisait combien de temps que cette humeur était moins bonne ?
18:58Vous diriez maintenant qu'on en a un peu parlé ?
19:01C'est venu progressivement, mais je dirais que là...
19:04J'ai un peu du mal, des fois, à dire que j'ai fait des enfants
19:08et que je n'arrive pas à m'en occuper.
19:10Temporairement, vous êtes en difficulté,
19:13et vous ne le faites pas exprès.
19:15Vous le subissez aussi.
19:17C'est un trouble, c'est une maladie. Il faut la soigner.
19:21L'idée, c'était qu'alors qu'on pensait peut-être
19:23qu'il se passait un peu de suivi, on va le resserrer,
19:26et nous, on s'ajuste.
19:27Cri d'enfant
19:29Oh, ben ouais !
19:31Moi, j'aime beaucoup qu'on vienne chez moi,
19:33parce que j'ai l'impression qu'ils rentrent dans ma vie
19:37et qu'ils comprennent mieux les choses.
19:40Je me sens vraiment soutenue,
19:41comme un ami pourrait venir prendre de mes nouvelles.
19:44Je sens vraiment la proximité.
19:46C'est là que je trouve que c'est vraiment différent
19:49d'un autre soutien,
19:50parce qu'il faut toujours se déplacer,
19:52se rendre disponible.
19:54C'est beaucoup d'organisation,
19:55et ça fait une charge mentale supplémentaire.
19:58De devoir se dire qu'il faut que je prenne rendez-vous
20:01avec un psychologue, avec une sage-femme.
20:04Non, là, ils proposent tout.
20:05Et ça, c'est... c'est top.
20:07Cri d'enfant
20:09Tu parles de toi, hein ?
20:10Je sens des fois, elle est à plat ventre,
20:12elle pleure sur ses jambes, ça me fait lever les fesses.
20:15Je sens qu'elle veut avancer.
20:17On sent qu'elle a envie.
20:18Mais elle plie pas encore bien les genoux.
20:21Elle tire par contre.
20:22Attends, on repart.
20:24Oui !
20:25Oh, non !
20:26Musique douce
20:28...
20:32L'unité de psychiatrie périnatale de Bayonne est récente.
20:36Elle existe depuis 2021.
20:40Elle regroupe plusieurs spécialités médicales,
20:43ce qui permet à Marie et Julie, une fois de retour,
20:46de croiser les regards sur les patientes.
20:49...
20:52On fait le point sur la situation de madame D.
20:56Donc, elle a eu un bon vécu de cette consultation.
21:00Elle s'est sentie entendue.
21:02Elle se percevait comme un peu décevante pour nous.
21:05On m'accompagnait depuis longtemps.
21:07Je... Je sentis comme un sentiment de honte.
21:09J'essaie de la rassurer à ce sujet-là
21:12en lui disant que la première année du postpartum est exposante
21:15et qu'on est jamais qu'à six mois.
21:17L'hypothèse, c'est aussi qu'elle traîne, depuis trois ans,
21:20une symptomatologie anxio-dépressive,
21:22ce qu'on appelle des symptômes résiduels qui sont un peu latents
21:26et qui fait que deuxième enfant par-dessus ça,
21:28les difficultés, tout ça, elle est vachement fragilisée.
21:32Depuis qu'on existe, donc, début 2021,
21:35il a fallu qu'on se fasse connaître.
21:37On a rencontré les professionnels, beaucoup d'équipes,
21:40pour se faire connaître.
21:41Les adressages ont commencé timidement la première année
21:45et chaque année, elles doublent.
21:46Je pense que ça va être exponentiel
21:49parce que, aussi, les professionnels repèrent peut-être plus,
21:53repèrent mieux et ont une solution.
21:55Pouvoir se dire que je fais du repérage,
21:57mais derrière, je peux proposer une psychologue de maternité
22:00ou une équipe mobile de psychiatrie,
22:02c'est chercher à repérer mieux et plus.
22:05Donc, oui, la demande a explosé, oui.
22:11Le succès de cette unité de psychiatrie
22:14conforte l'ancien secrétaire d'Etat à la protection de l'enfance,
22:18Adrien Taquet.
22:20C'est lui qui, en 2020, a piloté la création
22:23d'une vingtaine d'équipes de ce type
22:25dans le cadre de la politique des 1 000 premiers jours,
22:29un vaste programme pour prévenir les inégalités dès la grossesse.
22:33Les 1 000 premiers jours, c'est une pure politique de prévention,
22:37très appréciée des professionnels de santé,
22:40qui commence à être connue des Français.
22:42Et en dépit de ça, depuis 2022,
22:44il y a eu un manque d'incarnation,
22:47cette politique publique des 1 000 premiers jours.
22:49J'exprime clairement
22:51mon...
22:54ma tristesse de voir qu'elle n'est pas portée
22:57comme elle l'a pu l'être par le passé.
22:59Les politiques de prévention, si vous ne faites pas
23:02montre d'un minimum de constance,
23:05ça retombe vite, et au final, tout l'argent,
23:07le temps et le talent que vous avez investi
23:09tombent à fond perdus. Voilà.
23:13On a entendu Adrien Taquet
23:15concernant la prise en charge de la santé mentale de l'enfant
23:19et de la famille, et de la pédopsie, voilà.
23:22Moi, je suis éminemment prévention, je me dis qu'à chaque fois
23:25qu'on va pouvoir écouter, désamorcer un problème
23:29qui est à la fois petit, souvent petit au démarrage,
23:31mais qui peut prendre des ampleurs importantes,
23:33à chaque fois, en fait, c'est tout bénef
23:36pour les parents,
23:38pour l'enfant, que l'on va peut-être sortir
23:41d'une situation compliquée, pour les finances publiques,
23:43et moi, je rêverais de voir cette politique des mille jours
23:46un peu s'implanter sur tous les territoires,
23:48parce que je suis convaincue que cette prise en charge globale
23:51pourrait nous aider, en tout cas,
23:54j'allais dire, à réduire nos mauvais indicateurs,
23:57mais en tout cas, à soutenir surtout les familles
23:59qui en ont besoin aujourd'hui.
24:04Aujourd'hui, Émilie n'a plus besoin de soins psychiatriques,
24:08et elle a trouvé sa place avec son fils.
24:11Il ne faut pas toucher un requin qui se prend pour un pâtissier,
24:14car il pourrait te croquer le nez.
24:21Le but de l'hospitalisation,
24:23c'est vraiment essayer de créer du lien avec le bébé.
24:26Donc, j'ai appris à pas stresser,
24:29j'ai appris à voir qu'il m'aimait, quand même,
24:32chanter des petites comptines, le bercer pour l'endormir,
24:35c'était l'école des bébés, quoi.
24:38Oh, oui, mais tu peux toucher une tortue qui chante dans l'huile.
24:43Elle regarde toujours des posts Instagram, mais le vit bien.
24:47Je les regarde et je me dis, j'aimerais pas être comme elle.
24:51Parce que finalement, maintenant, j'ai accepté ma parentalité
24:55avec tous ses défauts.
24:57Mais on voit de plus en plus de comptes Insta aussi
25:00qui parlent justement de la dépression
25:02et qui montrent des mamans en train de pleurer,
25:04des mamans, voilà, qui vont pas bien.
25:06Et ça, c'est bien, ça déculpabilise aussi beaucoup.
25:12Donc, c'est chouette.
25:18En parler, c'est aussi ce qu'a fait Vanda.
25:21Elle s'est investie dans une association de mamans.
25:24On est contentes de se retrouver, de trouver des copines.
25:27On est toutes dans le même bateau
25:29et c'est plus facile d'affronter les vagues.
25:32On m'a pas dit, moi, combien t'étais,
25:34je t'ai centaines de milliers par jour.
25:36Et toi, t'es juste en train de te dire,
25:38mais comment je vais maintenir ce truc en vie ?
25:40C'était le challenge.
25:41Je me suis dit, mais comment ils font, les gens,
25:43pour que leur enfant vive ?
25:44J'avais eu un grand cousin qui était décédé de la morceause
25:47de vie de nourrisson.
25:49Et je pense qu'en fait, j'ai grandi dans cette histoire-là.
25:51Oui, que les nourrissons peuvent vivre comme ça.
25:53Et en fait, du coup, à la materne, je l'emmenais la nuit,
25:56j'allais faire pipi, je l'emmenais avec moi tout le temps.
25:58C'était la beurre de berceau.
26:02J'ai un peu sublimé, on va dire, ma dépression post-partum.
26:06J'avais besoin de me dire, peut-être que je suis passée par là
26:09pour pouvoir aider d'autres mamans à pas vivre ce que moi, j'ai vécu.
26:13Vous, vous allez peut-être avoir la chance que moi, j'ai pas eu,
26:16de trouver une écoute, de trouver d'autres mamans avec qui en parler.
26:20Je me dois de le faire.
26:21Pour le moment, Vanda n'est pas prête à faire un deuxième enfant,
26:25même si parfois, elle y pense.