"Le fait d'avoir en quelques secondes de l'eau dans notre robinet, c'est une question qu'on ne se pose pas, mais qu'on va devoir se poser demain."
LA SEMAINE DE L'EAU — Ne pas avoir d'eau potable au robinet, c'est déjà une réalité en France. Flux de touristes, sécheresses, agriculture… certaines régions de France sont régulièrement confrontées à une demande trop élevée en comparaison aux réserves disponibles. Résultat : des villages entiers régulièrement privés d'eau.
Emma Haziza, hydrologue, alerte sur l'avenir de la gestion de l'eau en France.
#Brutlasemainedeleau 2/9
LA SEMAINE DE L'EAU — Ne pas avoir d'eau potable au robinet, c'est déjà une réalité en France. Flux de touristes, sécheresses, agriculture… certaines régions de France sont régulièrement confrontées à une demande trop élevée en comparaison aux réserves disponibles. Résultat : des villages entiers régulièrement privés d'eau.
Emma Haziza, hydrologue, alerte sur l'avenir de la gestion de l'eau en France.
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00:00Il y a des zones qui sont déjà concernées de manière systémique à des risques de stress hydrique majeurs.
00:07Et donc on voit ici toute cette zone derrière Nantes qui va être confrontée à des stress chroniques.
00:14On a aussi des bordures littorales atlantiques qui sont particulièrement confrontées aussi à un manque d'eau.
00:21Et puis là, on voit très bien l'état des Pyrénées-Orientales et de la situation de ces masses d'eau
00:27et de ces arrêtés continus permanents de restrictions d'alimentation en eau potable
00:32qui posent la question de la pérennité de certains systèmes économiques aussi.
00:35Dans tous les cas, ce que l'on est en train de comprendre, c'est qu'on est vulnérable
00:39et qu'on peut basculer d'une situation à une autre beaucoup plus vite que ce qu'on imaginait.
00:44Il suffit d'avoir quelques jours de canicule pour que tout ce qui a été acquis en termes de pluie
00:49durant le printemps risque de s'effacer.
00:51Ici, c'est une des analyses data que l'on a réalisées.
00:54On essaye de comprendre le nombre de jours qui ont été confrontés à des niveaux de restrictions d'eau au niveau préfectoral.
01:05Pourquoi ? Parce qu'on a atteint un tel niveau qu'à un moment donné, il va y avoir une interdiction de certains usages.
01:10Et donc, le fait que ces jours s'additionnent dans le temps avec l'évolution des températures,
01:16avec l'évolution des niveaux des nappes phréatiques ou bien des niveaux des cours d'eau superficielles,
01:22on va croiser toutes ces informations avec les arrivées de potentiels touristes chaque année.
01:28On voit à quel point, en fin de compte, les données de ces dernières années nous racontent un bout d'histoire.
01:34Si on croise à ça les projections climatiques, on est en train de comprendre là où on va.
01:39On est en train de découvrir notre vulnérabilité.
01:42C'est-à-dire que tant qu'on n'avait pas un réchauffement massif, des canicules à répétition,
01:47en réalité, on ne savait pas vraiment comment les territoires allaient réagir.
01:50Là, on est en train de se rendre compte qu'on a des villes qui ressortent très clairement.
01:54La ville de Toulouse, l'Occitanie, est une région qui est extrêmement vulnérable.
01:58On a les Pyrénées-Orientales et on l'a vu.
02:01Toutes ces villes qui sont situées en bord de mer, comme Argelès-sur-Mer, Canet-Roussillon ou Saint-Cyprien,
02:06sont des villes qui sont soumises à des sécheresses multiples
02:10et qui ne font qu'exacerber le manque d'eau sur les territoires.
02:15On voit très bien qu'il y a déjà des conflits qui se jouent entre, d'un côté, les agriculteurs et les arboriculteurs,
02:22parce que c'est une zone qui fabrique beaucoup de nos fruits et de nos légumes,
02:26et puis en même temps, les hôteliers.
02:29On voit que le service du tourisme se confronte à l'agriculture
02:32et qu'en fin de compte, tout ça n'utilise que la même eau.
02:35Quand on regarde aujourd'hui et qu'on croise les données de tous les flux touristiques
02:39et de leur consommation en eau,
02:41si on prend une année-type comme celle de 2019 avant le confinement,
02:45ou bien 2022 après le confinement et puis avec une année de sécheresse historique,
02:49on se rend compte qu'on a, bien sûr, des départements comme la Corse du Sud,
02:54le Var, mais aussi la Gironde, qui vont être extrêmement touchés et vulnérables,
02:59parce qu'on amène un flux de population supplémentaire dans un endroit
03:04qui est déjà soumis à un niveau de stress hydrique très important.
03:08Ce stress hydrique plus ce stress touristique fait qu'à un moment donné,
03:12on tient des limites, mais jusqu'à quand ?
03:14La question voudra se la poser, parce que de l'autre côté de la frontière,
03:18au niveau espagnol, ils sont sur le point de ne plus pouvoir accueillir de touristes,
03:22et donc on est en train de confronter des usages,
03:25des usages agricoles très importants localement,
03:28qui vont se confronter avec des usages industriels,
03:30mais surtout avec l'usage qui était prioritaire jusque-là,
03:34c'est l'adduction en eau potable, c'est-à-dire le fait qu'on puisse avoir,
03:37en l'espace de quelques secondes, de l'eau dans notre robinet.
03:40C'est une question qu'on ne se pose pas, mais qu'on va devoir se poser demain.
03:44Pourquoi ? Parce qu'en 2022, on a eu plus de 1300 communes
03:47qui ont été en rupture d'alimentation en eau potable,
03:50ou au moins qui ont connu des coupures effectives.
03:53Et ça, on n'était absolument pas prêts en France,
03:56on est habitués à une eau abondante, immédiate, presque magique,
03:59en l'espace de quelques secondes.
04:01C'est le futur sur lequel on est en train d'aller.
04:03Une commune en rupture d'alimentation en eau potable,
04:05ça peut se jouer à plusieurs niveaux.
04:07D'abord, il peut y avoir une rupture nette,
04:09et donc la commune va être alimentée par des bouteilles d'eau de source
04:14ou d'eau minérale en phase de crise,
04:17et ça signifie dans un second temps souvent qu'elle va être alimentée
04:21par des camions citernes qui vont remplir les réservoirs
04:24pour pouvoir malgré tout avoir de l'eau quelques heures dans la journée.
04:28Pour avoir visité des villages et des villes qui ont été dans ces états de rupture,
04:32ça signifie qu'on va peut-être avoir deux heures dans sa journée
04:36pour aller prendre sa douche, faire sa vaisselle, laver son linge.
04:39C'est un usage quotidien de l'eau qui semblait complètement acquis
04:43et qui dans des villages, en 2022 ou encore en 2023, ne l'a plus été.
04:48En fait, on n'est pas tous égaux par rapport à notre ressource en eau
04:51parce qu'on n'a pas tous la même géologie sous nos pieds,
04:53et donc certains ont des zones, par exemple comme la Bretagne,
04:57qui n'ont pas de capacité en eau souterraine.
05:00La seule capacité qu'on a pour accueillir de l'eau, c'est de l'eau de surface.
05:04Et donc ça signifie qu'on n'a pas de réservoir.
05:06Par contre, si vous allez à Paris, on a 40 ans de réservoir,
05:09on pourrait tenir 40 ans de sécheresse.
05:11Donc on n'est vraiment pas tous égaux, il faut en prendre conscience,
05:14comprendre que là où on habite, il faudra préserver l'eau qu'on a,
05:18et donc il faut absolument que tous les habitants soient capables de comprendre
05:21que peut-être là, on peut prendre un bain, ce n'est pas bien grave en soi,
05:26et puis dans un autre endroit, ça l'est beaucoup plus.
05:29Et donc réussir à trouver des solutions ensemble.
05:32Par contre, ce qui est sûr, et ça c'est quelque chose qu'on ne dit pas assez,
05:35et je crois qu'il faut aujourd'hui que tout le monde le comprenne,
05:38bien sûr que c'est toujours mieux de prendre une douche qu'un bain,
05:41c'est toujours mieux d'avoir des solutions qui vont économiser l'eau,
05:44et on en a besoin, mais ce n'est pas ça notre vrai sujet.
05:47Notre vrai sujet, c'est finalement ce que l'on mange,
05:49parce qu'on mange de l'eau, on mange de l'eau à travers notre steak,
05:52on mange de l'eau à travers le poulet qu'on mange, qui a lui-même mangé du soja,
05:56on mange de l'eau à travers nos habits, c'est-à-dire nos vêtements,
06:00on peut consommer des quantités d'eau énormes,
06:03et on mange de l'eau parce qu'on boit du lait,
06:05et donc en fait la vache a dû boire beaucoup,
06:07et puis ensuite toute la phase de production a besoin d'eau,
06:10et donc avoir une idée de cette empreinte eau,
06:12avoir une idée de ce qui se cache derrière nos usages,
06:15comprendre que tous les jours, ce n'est pas juste une douche ou un bain,
06:18mais c'est les 5000 à 7000 litres d'eau cachées dans notre quotidien,
06:22dans ce que l'on va acheter, qui vont avoir un impact aujourd'hui,
06:25et sur certaines zones, on ne peut plus continuer comme ça.