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“Plus on est dans le déni, plus ça nous arrive dans la face fort.”
L’actrice Judith Chemla revient sur les violences conjugales qu’elle a subies de la part de ses anciens compagnons.
Violences qu’elle raconte dans son livre ‘Notre silence nous a laissées seules’ pour “mettre en lumière les mécanismes qui nous soumettent à la violence”. Pour Brut, elle témoigne.

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Transcription
00:00Bien sûr qu'on a honte, quand on tolère, quand on accepte ça, quand on vit ça,
00:06on a honte d'avoir finalement choisi un conjoint violent, on a honte, on a honte,
00:12on a honte d'oser dire que ça, que ça arrive, on a honte, c'est vrai.
00:23Mais on n'est pas responsable de la violence des autres.
00:28C'est beaucoup pour préserver la cellule familiale que je minimise,
00:32que je me dis, bon, ça va, c'est pas si grave, et puis on peut en rire,
00:37et puis on dépasse ça, et puis le lendemain, il y a des choses merveilleuses,
00:41donc je ne fais pas tout foutre à la poubelle.
00:42C'est très, très dur, quand il y a des enfants, de se dire qu'on est toujours très,
00:48très inféodé à la sacralité de la cellule familiale,
00:51parce que c'est censé être magnifique, et c'est magnifique.
00:55Et même des fois, quand il y a des violences, on partage des moments magnifiques,
00:59c'est ça qui est dur, c'est très dur d'en sortir, de se dire, bon,
01:03il y a des sacrifices à faire, il y a des sacrifices à faire, mais il faut les faire.
01:08Avant de prendre la mesure de ce qu'on subit des fois,
01:13on ne veut surtout pas se voir comme une victime.
01:16C'est insupportable, on déteste ça, nous-mêmes, nous-mêmes.
01:22C'est pour ça qu'on est dans le déni, beaucoup, beaucoup.
01:26Et on a un peu ras-le-bol de se dire,
01:29ah, c'est encore une victime, victime de violences conjugales,
01:32oh là là, le terme, horrible, on n'a pas envie d'entendre ça.
01:37Et puis, on adore tout ce qui est puissant,
01:42donc on n'a pas envie de se reconnaître comme ça.
01:47Pourtant, putain, pourtant il le faut des fois.
01:51Pourtant, en fait, on retrouve son pouvoir
01:53que quand on accepte de regarder vraiment les choses.
01:57On croit protéger ses enfants, en gardant, des fois en restant.
02:02On croit protéger son fils, son père,
02:06en le défendant, même s'il a pu être violent.
02:09Mais en fait, non.
02:10Les violences, plus on est dans le déni, plus ça nous arrive dans la face fort.
02:18Vous voyez, c'est...
02:23Et pour ceux qui la vivent,
02:25c'est-à-dire qu'on va vivre ça jusqu'à ce que ça devienne intolérable.
02:29Et pour ceux qui la commettent et la couvrent.
02:32C'est-à-dire que, par exemple, là, c'est dur ce que je suis en train de faire
02:36parce que ça met en cause des gens publiquement.
02:39Et ce n'est pas mon but premier.
02:40Moi, mon but premier, c'est de me réveiller
02:42et d'aider à ce qu'il y ait un réveil sociétal.
02:45En juillet 2022, donc un an après cette agression
02:49qui fait que j'ai un sursaut et que je pars,
02:52que je décide de sortir de ces relations violentes,
02:59je quitte le père de ma fille, que je porte plainte.
03:03Malgré une condamnation pénale,
03:06je subis encore un harcèlement intolérable, insupportable.
03:10Ce qui me joue aussi des tours,
03:12c'est que je suis consciente que ça ne va pas,
03:15que je le dis, que je formule les choses.
03:17Je ne suis pas en train de dire
03:19tout va bien avec une gueule comme ça.
03:21Non, dès qu'il y a quelque chose qui ne va pas, je peux le dire.
03:26Mais je ne prends pas la mesure de...
03:30Je ne mesure pas à quel point c'est grave
03:33leur déni à eux et le fait que...
03:40qu'il n'y ait pas un vrai désir et une vraie action pour changer en fait.
03:44Je ne comprends pas, je reste dans cet amour éperdu
03:48que j'ai pour eux.
03:51Et je pars de toute façon, je pars vite avec le père de mon fils.
03:56Mon fils n'a même pas un an.
03:58Je sais que ça ne va pas.
04:00Mais je retombe des années plus tard sur une autre relation violente
04:03parce que je n'ai pas...
04:07Je ne suis pas revenue sur ce qui m'a permis de subir ça.
04:12Quel serait ton message ou quelque chose que tu pourrais leur dire
04:15à celles qui nous écoutent ?
04:16On n'a pas de pouvoir sur les autres.
04:18Vous n'avez pas de pouvoir sur votre homme.
04:21Et il ne faut pas qu'il en ait sur vous.
04:24On doit se respecter les uns les autres.
04:26Et je sais que c'est difficile et qu'il faut faire ce trajet.
04:30Il est parfois très long pour oser se dire que ça ne changera pas.
04:36Mais malheureusement, la vérité,
04:40c'est qu'il y a des êtres qui décident de ne pas changer.
04:43Et même quand ils vous disent « je vais changer ceci, pardon »,
04:46c'est des pièges terribles.
04:48C'est des pièges terribles.
04:49C'est oser regarder le réel.
04:52Oser le regarder.
04:54Oser.
04:54Oser le regarder.
04:55Et puis surtout,
04:56moi, ce qui m'a donné de la force à chaque fois,
05:00c'est me dire...
05:01Je ne sais pas ce que ça va enclencher.
05:03C'est juste avant de partir.
05:04Enfin, même des mois avant de partir.
05:06J'ai enclenché une petite chose en moi.
05:08Un petit choix.
05:09Tout petit.
05:10C'est de dire « ma lumière, c'est ma lumière à moi.
05:15Je vais en prendre soin.
05:16Et je ne permettrai à personne de l'éteindre. »

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