• il y a 2 ans
"Je passais mes récréations à appeler les boîtes de prod."

À 24 ans, Nathan Ambrosioni a déjà réalisé 2 longs métrages. Une passion du cinéma qui l'a pris tout petit, devant un film d'horreur. Mais diriger une équipe technique, des acteurs, un film… comment on gère ça quand on est si jeune ? On est allé lui demander à l'occasion du festival d'Angoulême où il présente "Toni, en famille", son deuxième film.
Transcription
00:00Je me disais pas, ça se fait pas ce que je fais d'appeler des producteurs.
00:03J'avais aucun code et je crois que ça m'a aidé à me dire
00:06tout ce que je veux c'est faire des films et j'irai par tous les moyens possibles.
00:09Je m'appelle Nathan Ambrosiani, j'ai 24 ans et je suis le réalisateur de Tony en famille.
00:13Je suis pas du tout un enfant cinéphile particulièrement
00:16mais à mes 12 ans je vois un film d'horreur qui s'appelle Esther
00:19et qui me terrorise et qui me fascine à la fois.
00:22Parce que je suis terrorisé, je suis fasciné
00:24et à partir de ce moment là je passe mes soirées à regarder des films
00:28et à faire des films avec mes amis.
00:29Je passe mes week-ends, mes vacances à tourner des choses,
00:32à couvrir mes amis de faux sang pour refaire des films d'horreur.
00:35Pour m'acheter ma première caméra parce que je voulais une caméra qui filme la nuit
00:37pour recréer des films d'horreur.
00:38Du coup on a une vision infrarouge comme Paranormal Activity
00:40donc j'ai vendu mes consoles de jeux, mes jouets d'enfance
00:43parce que la caméra coûtait une petite somme
00:46et pour aider mes parents à Noël, c'était mon cadeau de Noël.
00:49Et le deuxième tournant de ta 6 défis, c'est Xavier Dolan, c'est ça ?
00:53Effectivement, j'ai choisi Mommy pour la fête des mères
00:55parce que ça s'appelait Maman et Mommy
00:58et je pensais que c'était une comédie légère qui allait faire plaisir à ma mère.
01:02Et c'est vrai que j'étais sur le canapé derrière,
01:04on a deux petits canapés à la maison et ça a été un petit choc quand même.
01:08J'ai eu du mal à me relever et à éteindre la télé.
01:11J'avais 16 ans et effectivement ça m'a permis d'ouvrir ma cinéphilie
01:15à autre chose que le cinéma d'horreur.
01:17Je suis allée un peu sur ton compte Instagram
01:19et j'ai vu qu'il y a une photo de toi avec lui.
01:21Il y a une photo de moi avec lui ?
01:23J'étais tout jeune, comme si j'étais vieux maintenant
01:26mais j'avais 16 ans et j'allais à Cannes parce que je vis à Cannes.
01:30Enfin, je vivais à Grasse, tout près de Cannes.
01:32Et je le croise dans les rues, personne ne le connaît, il a une casquette et tout.
01:35Mais je venais d'écouter 150 interviews la veille de lui
01:38et j'entends sa voix et je me dis « c'est Xavier Dolan ».
01:40Et je cours derrière lui et je lui dis
01:42« je peux avoir une petite photo avec vous, j'ai un film que je présente au marché du film ».
01:45Mais il n'avait évidemment rien à faire, le pauvre, il était en pleine promo,
01:48mais il avait été très gentil.
01:49J'écris les drapeaux de papier, c'était pendant mon année terminale.
01:52Et je n'ai aucun contact dans le milieu du cinéma,
01:54ma famille n'est pas du tout là-dedans et on vit dans le sud de la France.
01:58Et je comprends que ça ne se passe qu'à Paris.
02:00Et donc j'envoie mon scénario par mail, effectivement à des boîtes de prod,
02:03dont j'ai vu les films, qui ne sont pas trop grosses
02:05parce que sinon je me dis qu'elles ne me répondront jamais.
02:07J'envoie et j'appelle, pendant que je passe mes récréations,
02:10à appeler les boîtes de prod et à leur demander.
02:12C'est horrible, ça fait hyper storytelling, l'enfer, alors que c'est vraiment ce qui s'est passé.
02:16Mais je les appelle et je leur demande de lire le film.
02:19Et Stéphanie Doué, de Sensito Films, finit par lire.
02:21Elle m'appelle et me dit « j'ai envie de te rencontrer ».
02:23Donc je sèche les cours pour aller à Paris, pour faire l'aller-retour.
02:26Et elle a beaucoup aimé le film et elle me dit qu'elle a envie de le produire.
02:30Et voilà, les étoiles s'alignent.
02:33Et tes parents, à ce moment-là, ils réagissent comment ?
02:36Mes parents ont été super.
02:39Dès mon adolescence, dès que j'ai commencé à faire des films,
02:41j'ai eu la chance d'avoir des parents qui comprenaient complètement.
02:45C'est vraiment le contraire de s'en foutre.
02:47C'est juste laisser une liberté, mais sans s'en foutre justement.
02:50C'est juste dire « on te comprend et on te laisse faire ».
02:52Ils voyaient que j'étais passionné.
02:53De toute façon, ils ne pouvaient pas m'arrêter.
02:54C'était vraiment tous les soirs, tous les week-ends.
02:55Est-ce que tu te souviens du premier jour de tournage des drapeaux de papier ?
02:59Oui, je m'en souviens très bien.
03:00J'étais extrêmement intimide.
03:01Je me retrouvais face à Noémie Merlan et Guillaume Gouix.
03:04Et toute une équipe, j'avais 20.
03:05Moi, je faisais des films autoproduits, sans argent, avec des potes.
03:08Et là, je me retrouvais avec 20 techniciens professionnels,
03:10tous plus talentueux que les uns que les autres,
03:12qui attendaient que je leur donne des indications de comment ça allait se passer.
03:17Et je me souviens que j'ai sorti mon meilleur jeu d'acteur ce jour-là.
03:20Et j'ai fait croire que j'allais trop bien.
03:23Alors que je l'étais pas, j'étais mortifié à l'intérieur.
03:25Mais en même temps, j'étais terriblement heureux.
03:26C'est une chance, c'est vraiment un privilège de faire du cinéma.
03:28Et j'adore ça.
03:29Et je suis extrêmement reconnaissant de pouvoir faire ce métier.
03:33Donc, c'est un mélange de gratitude, de peur, d'excitation.
03:38Ça vous dirait les Américains « fake it until you make it ».
03:40Exactement.
03:41Et c'était trois jours de ça.
03:42Ça a été trois jours de « fake it until you make it ».
03:44Et au bout de trois jours, je me suis dit
03:46qu'ils sont là pour faire le même film que moi.
03:49Pour faire mon film.
03:50Et qu'il devienne notre film.
03:51Et qu'il devienne un travail collectif.
03:53Et sans eux, le film n'existe pas.
03:55Ce deuxième projet « Tenir en famille »,
03:56tu l'as écrit pour Camille Cotin ?
03:57Oui, je l'ai écrit pour Camille Cotin.
03:59Elle faisait des avant-premières avec Adam Driver
04:01le jour où on lui a envoyé le scénario à Londres.
04:03Avec Lady Gaga et Adam Driver,
04:04je me disais que ça allait être compliqué quand même.
04:06On va pas se mentir Nathan.
04:07J'ai eu la chance qu'elle lise,
04:08qu'elle aime le scénario tout de suite,
04:09qu'elle me rencontre,
04:10qu'on s'entende à merveille.
04:12Je l'adore.
04:13Et voilà, ça s'est fait comme ça.
04:15Le film commence sa vie à Angoulême.
04:18Il sort dans quelques semaines.
04:20Tu es dans quel état d'esprit ?
04:22Je suis extrêmement stressé.
04:23Je suis anxieux, je suis excité.
04:24C'est le même premier jour que les drapeaux de papier.
04:27Je me sens pareil.
04:28J'ai hâte d'être le 6 septembre.
04:29Je suis terrifié.
04:30Et on sait qu'un succès, c'est aléatoire.
04:32Il y a plus de chances de s'écraser
04:34que de faire un succès dans le cinéma.
04:36On va voir.
04:37J'espère que les gens vont y aller le 6 septembre.
04:39Et qu'ils partageront le quotidien de cette famille
04:41avec autant d'enthousiasme qu'on la partage.

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