"C'est extrêmement dangereux de nier le racisme, et venant de la Fédération française de foot, c'est juste surréaliste."
Les mots forts de Lilian Thuram à l'Assemblée nationale à propos du racisme dans le football.
Les mots forts de Lilian Thuram à l'Assemblée nationale à propos du racisme dans le football.
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00:00C'est une violence d'entendre quelqu'un dire qu'il n'y a pas de racisme,
00:05mais que ce soit le président de la Fédération, le président de la République ou n'importe qui.
00:11En fait, c'est nier ce que vous êtes en train de vivre.
00:14Ça veut dire que, quelque part, les personnes qui dénoncent le racisme, ce sont des menteurs.
00:20Mais là encore, ça revient à une culture.
00:23C'est-à-dire qu'en règle générale, les personnes qui dénoncent le racisme
00:27finissent par être vues comme des menteurs.
00:31Et d'ailleurs, moi-même, par exemple, j'ai été éduqué à travers l'idée que si tu subis le racisme,
00:39ce n'est pas grave, tu ne dis rien et tu avances.
00:41Mais tu ne dis rien, tu avances pourquoi ?
00:42Parce que, historiquement, les parents savent très bien que ça va se retourner contre vous.
00:47D'ailleurs, moi-même, au début, quand j'ai commencé à parler de la problématique du racisme,
00:52en fait, il y avait des gens qui me disaient « ça va, tu exagères ».
00:56Ben non, je n'exagère pas.
00:57Et c'est pour cela que c'est extrêmement dangereux de nier le racisme.
01:02Et venant de la Fédération française de foot, c'est juste surréaliste.
01:07C'est-à-dire que la première fois qu'il y a eu un joueur noir en France, ça ne date pas de deux jours.
01:16D'accord ? Je crois que c'est les années 30.
01:19Donc ça veut dire, comment vous, vous pouvez nier le racisme ?
01:25C'est-à-dire que, lorsque vous voyez la composition de l'équipe de France,
01:30comment vous pouvez mépriser ces gens-là ?
01:34En fait, c'est ça que...
01:35Parce que, pour moi, c'est à quel point, dans notre société, on peut mépriser les personnes noires ?
01:43Comment ?
01:44Et pour moi, c'est ça, c'est dire « oh, mais il n'y a pas de racisme ».
01:49Ben si, il y a du racisme dans le foot.
01:51Mais, encore une fois, pourquoi il y a du racisme dans le foot ?
01:54Parce que, dans la société, il y a du racisme.
01:57Le problème, ce n'est pas le foot, c'est la société.
02:00Et la première des choses, si on veut avancer, c'est de reconnaître qu'il y a du racisme.
02:06Et le fait de reconnaître qu'il y a du racisme, c'est simplement dire aussi aux personnes qui subissent le racisme
02:12« en fait, nous sommes conscients de ce que vous vivez et vous avez le droit de dénoncer le racisme ».
02:20Et ça, c'est très important, parce qu'encore une fois, les personnes qui souffrent, c'est une violence.
02:28Et donc, il faut aussi leur dire « vous avez le droit de dénoncer le racisme,
02:33vous avez le droit de vouloir plus de justice, et nous, nous allons vous accompagner.
02:39Parce que, nous aussi, nous pensons que la justice est quelque chose de primordial dans le football et dans la société.
02:46Et donc, être éduqué à comprendre les mécanismes, en fait, c'est fondamental pour se mettre en mouvement.
02:52Pour comprendre qu'effectivement, tout d'abord, tout le changement advient grâce à une minorité de gens.
02:58Parce que très souvent, les joueurs vont se dire « nous ne sommes pas assez nombreux ».
03:04Déjà, ils ont tort, parce qu'en fait, ce n'est pas le nombre qui fait la différence.
03:07C'est une minorité qui fait changer les choses.
03:10Mais la plupart des gens ne connaissent pas l'histoire, donc ils ne savent pas comment appréhender les choses.
03:16Donc, c'est pour cela que je veux répondre à votre question.
03:18Oui, en 2023, la grande majorité des gens ne connaissent pas l'histoire du racisme.
03:24Et donc, ne connaissent pas les stratégies de lutte pour avancer.
03:28Quand je parle d'éducation, c'est aller analyser les choses avec sérieux
03:36et analyser la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui et tirer le fil pour comprendre que ça vient d'un passé.
03:42Honnêtement, si c'est pour dire « non racisme, non sexisme, non à l'homophobie »,
03:50c'est très bien, il faut le faire.
03:53Mais ça ne va pas avancer rapidement.
03:55Et aujourd'hui, c'est ce qu'on fait en fait.
03:59Et c'est pour ça que ça n'avance pas.
04:01Parce que c'est traité d'une façon extrêmement superficielle.