ANATOMIE D'UNE SCENE — Les dessous d'une cascade en voiture, le making-of des effets spéciaux, le choix de la musique… Guillaume Canet et le réalisateur Just Philippot racontent les secrets de la scène clef du film "Acide".
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Court métrageTranscription
00:00On a chorégraphié en très très peu de temps une séquence qui était assez compliquée.
00:03J'ai eu la chance d'avoir une caméra embarquée dans une voiture, pilotée par Guillaume,
00:08et j'ai vécu une sorte de cinéma en mouvement,
00:11parce que moi j'étais à l'arrière et c'était assez fun.
00:15Il faut raconter quand même que quand je suis arrivé sur le plateau,
00:18on m'a dit que je ne pouvais pas conduire.
00:23On m'a dit non, mais il y a un cascadeur qui va te doubler.
00:26Je dis mais pour faire quoi ?
00:28Pour doubler en voiture et puis rentrer dans le champ avec la voiture.
00:33Je dis quoi, pour rouler dans le champ là, vous allez prendre un cascadeur ?
00:37Bah oui, donc là en train de voir les solutions pour pas qu'on voit que ce soit pas toi qui conduise.
00:41Je me rendais compte qu'ils étaient en train de l'emmerder à trouver tout un truc de mise en scène
00:46pour pas qu'on voit que ce n'était pas moi qui étais au volant,
00:49pour un truc hyper facile à faire.
00:51Je leur ai dit mais les gars, ça je l'ai fait 20 000 fois avec les deux cheveux de mon père,
00:56je roulais dans les champs, j'avais 12 ans quoi.
01:00Il y avait un contrebas, mais comme ça, il y avait un truc ridicule.
01:08Tout l'enjeu de cette séquence qu'on regarde avec Guillaume,
01:11ça a été d'imaginer un temps long.
01:13Je ne pouvais pas avoir une séquence de deux minutes qui tabassait tout.
01:17Moi, j'ai fait le pari d'une séquence qui dure
01:19et on a une sensation comme ça que la menace ne s'arrête pas,
01:22que les personnages sont constamment dans une espèce de mouvement permanent.
01:25On a fait le pari d'une séquence épuisante,
01:28mais à l'image d'un film qui devait être éprouvant.
01:31Donc, il fallait réussir à avoir des scènes d'action
01:33comme ça qu'ils soient capables de gérer cette dynamique
01:37en ayant des 100 mètres à parcourir.
01:40Là, ce qu'on ne dit pas, c'est que Guillaume s'était promis 100 mètres
01:43avant les nombreux 100 mètres en criant que tu as vécu sur ce plateau.
01:48Il court pas mal le mec pour 50 ballets.
01:50Il court très bien.
01:52Là, on va avoir mon plan préféré du film.
01:54Quand elle arrive en courant et que les chevaux galopent.
01:57On a ce plan large comme ça, avec les chevaux qui galopent,
02:01avec elle qui court dans le pré pendant que je viens de la retrouver.
02:05Je trouve que c'est un plan sublime.
02:07C'est vraiment un tableau, ce plan.
02:10C'est marrant parce que, pareil, je me surpose avant ce petit plan.
02:13Enfin, je dis ce petit plan parce qu'on l'a fait qu'une fois.
02:16En fait, c'est aussi des films qui sont compliqués à faire,
02:19qui sont compliqués à monter, qui sont compliqués à tourner.
02:22Et c'est vrai qu'on n'a jamais le temps nécessaire pour réussir,
02:25je dirais presque, à faire de façon confortable des scènes qui sont très ambitieuses.
02:29Parfois, on tente des trucs.
02:30Et il y a eu un truc assez magique, c'est les chevaux qui étaient derrière.
02:33Ils ont épousé le mouvement de Selma, de Patience qui court.
02:37Et on a la sensation que tout le monde suit dans le même sens avec un moment magique
02:43parce que les chevaux ont pris le mouvement de Selma et sont partis vers Guillaume.
02:46Et ça, on l'a fait une fois.
02:47Cette scène-là, vous l'avez répétée ?
02:50Celle-là, là ?
02:52Non, parce que c'est des scènes plutôt d'action.
02:56Ce n'est pas des scènes qu'on répète vraiment.
02:59On a eu une discussion sur la cohérence qu'elle me laisse en voiture, que je traverse.
03:05J'avais besoin de comprendre, géographiquement parlant, où était le centre-équestre.
03:10Pourquoi je partais à pied pendant qu'elle prenait la voiture ?
03:13Est-ce que ce n'était pas plus rapide de rester dans la voiture avec elle ?
03:16Est-ce que ce n'était pas ça qui nous arrangeait ?
03:18C'est parce qu'on avait besoin qu'après, il le retrouve avec la voiture.
03:20Donc moi, c'était des questions que je posais à juste pour essayer de comprendre
03:24ce qui motivait mon personnage à sortir de la voiture et à couper.
03:27Et après, je comprenais qu'il y avait un détour à faire en voiture.
03:31Les VFX interviennent à un moment où on a besoin d'aller plus loin dans l'univers.
03:39On démarre sur des choses qui sont très en direct.
03:41Et progressivement, au montage, on incorpore des nuages,
03:45on incorpore des extensions de décors, on incorpore tout un langage
03:49qui finalement doit simplement épouser des formes très réalistes
03:53d'un travail qui a été un travail de sculpture.
03:55Les gros plans sur le sol et sur les feuilles...
03:57Ça, c'est un travail direct par mon équipe SFX Plateau
04:01qui a proposé ces petites touches comme ça, une sorte de composition secrète.
04:06Parce que pareil, il y a fait des choses.
04:08Et donc, il nous a proposé une composition capable à la fois d'être porteur de fumée
04:14et en même temps, de créer une espèce d'effet de corrosion.
04:16Il n'y a pas d'effet de corrosion.
04:17Simplement, c'est cette goutte qui prend une forme et qui est intensifiée au son.
04:21Et c'est ça qui est magnifique.
04:29Pour faire une aparté sur la musique, moi, j'ai trouvé mon langage avec Rob à la fin.
04:33Je lui ai dit, écoute, je veux des instruments malades.
04:35Je veux des instruments qui ont fait la guerre.
04:36Je veux des instruments qui souffrent.
04:38Donc, je veux une musique qui ne soit jamais tenue, qui bouge.
04:41Je veux un orchestre qui joue faux.
04:42Il me faut de la matière.
04:43En fait, je veux aussi créer un environnement musical qui n'est pas très serein.
04:47Et il a trouvé cette espèce de violoncelle, comme ça, de râclement, de vagues.
04:53Enfin, il a tenté vraiment d'épouser les formes d'une menace qui arriverait lentement, mais sûrement.
05:05Là, à cet endroit-là, c'est sûr que ces gouttes, elles tombaient.
05:08Il fallait les souligner.
05:10Et la flûte est devenue une sorte d'élément musical assez intéressant,
05:15parce que dans cette flûte, il y a l'idée de l'air.
05:17Dans l'idée de l'air, il y a l'idée d'une note qui est parfois pas tenue, qui peut être agressive.
05:21Enfin, c'était un instrument qu'on modulait assez bien
05:23et qui épousait cette espèce de rapport assez minimaliste à l'image.
05:26C'est-à-dire qu'on attend une pluie et moi, je filmais les premières gouttes.
05:29Donc, il fallait éviter d'avoir une espèce de musique tonitruante
05:33pour un effet qui était quand même relativement petit, tenu.
05:36Mais une fois de plus, ce qui me permettait de proposer un langage musical.
05:39La musique, mais les effets sonores et notamment cet effet de corrosion,
05:43cette fumée qu'on entend.
05:45Et quand vous regardez cette scène aujourd'hui,
05:47est-ce qu'elle est différente ou à quel point elle est différente
05:49de la façon dont vous l'avez imaginée quand elle a été écrite ?
05:52Alors, il faut être modeste.
05:56Vous avez des décors en tête, mais en fait, vous ne les trouvez jamais réellement.
05:59Donc, tout votre travail, c'est constamment de quitter les désirs d'un scénario
06:03pour vous confronter aux réalités qui sont des réalités parfois assez rudimentaires.
06:09Le temps qu'on n'a pas, les moyens qu'on a moins,
06:11le décor qui n'est pas exactement pareil.
06:13Votre but, c'est de...
06:15Enfin, l'objectif que j'avais, c'était de redésirer des images
06:17que j'avais déjà très fabriquées dans ma tête,
06:20mais qu'il fallait oublier pour en découvrir de nouvelles.
06:22J'ai envie de dire que c'est constamment le film que j'avais en tête,
06:25sauf que je l'ai découvert moi sur le plateau.
06:27Et vraiment, je suis dans une logique de non-frustration
06:30parce que ce n'est pas comme ça qu'on fabrique ces images.
06:32Et puis moi, j'avais envie d'être surpris par Guillaume, Laetitia, Patience.
06:36Enfin, surpris d'un aléa du direct.
06:39Le propre du cinéma, c'est peut-être de recréer du direct
06:42à un endroit où tout le monde travaille dans le direct
06:43puisque tout est hyper préparé.