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"On veut prendre les gens par le col et ne plus les lâcher."

Dans leur nouveau film, "Une année difficile", ils mettent en scène deux mondes qui s'opposent autour de l'écologie. Caméra à l'épaule, tournage à l'iPhone, montage... Les réalisateurs Olivier Nakache et Éric Toledano racontent comment ils ont réussi à créer la tension de leur scène d'ouverture.
Transcription
00:00Ce matin-là, pratiquement tout a émerdé, on peut le dire.
00:03L'électricité du centre commercial a été coupée.
00:08Donc il y avait 300 figurants dans le noir
00:10qui se préparaient, les maquilleuses qui faisaient avec leur portable, avec l'iPhone.
00:15Donc nous, on continue à faire des vannes en disant,
00:17c'est le début, c'est peut-être, voilà.
00:20Il y a comme ça des fois les choses qui ne se mettent pas en place.
00:23Et évidemment, à un moment ou à un autre,
00:25il y a des gens qui sont venus du centre commercial,
00:26qui ont réparé, ça s'est rallumé.
00:28Mais les premiers moments étaient un peu chaotiques en termes de tournage.
00:38On veut prendre les gens par le col et ne plus les lâcher.
00:42On ne va pas commencer par des choses,
00:44des explications douces ou un repas ou des rencontres.
00:47On veut rentrer presque par effraction dans la vie des gens.
00:53Là, on a une OMI qui marche déterminée.
00:56Et l'idée, c'est de décrire tout un tas de gens
01:00sans avoir aucune idée d'où ils se rendent et pourquoi ils y vont.
01:04Et on sent et on comprend que chacun a l'air tendu.
01:10Cette séquence à l'écriture, on ne savait pas comment la nommer.
01:12Donc à un moment, on l'appelait le Ocean Eleven presque.
01:15C'est-à-dire qu'on ne sait pas ce qui se prépare, ce qui se trame.
01:18On se doute qu'ils n'ont pas des têtes de gens qui vont braquer une banque,
01:22mais on sent qu'il se passe, il se trame quelque chose.
01:24Et donc, cette tension agrémentée de la musique.
01:32Qui crée une tension, un battement de cœur permanent.
01:35On va vous expliquer pourquoi on est là.
01:37On est là pour réveiller les consciences et vous dire
01:40d'arrêter cette surconsommation.
01:42C'est une mascarade qui détruit la planète,
01:44qui détruit les écosystèmes, dont les fluides humains, qui nous mettent en danger.
01:48Voilà, il y a cette confrontation face à face,
01:50chant contre chant, qui est un petit peu l'idée générale du film.
01:54Deux mondes, deux pôles qui s'opposent.
01:56Pourquoi en scène d'ouverture ?
01:58Parce que finalement, c'est ça la photographie de l'époque.
02:00C'est-à-dire deux camps qui pensent différemment
02:03sur comment on doit se comporter dans la vie.
02:06Des gens qui disent arrêtez d'aller consommer,
02:09d'autres qui disent laissez-moi tranquille,
02:11parce que j'ai pris ma journée et que j'attends depuis 6 heures du matin.
02:15Et là, arrive notre héros, de dos.
02:17Ça, on aime bien l'idée qu'il ne soit pas tout de suite dévoilé.
02:22Qu'est-ce qui se passe ?
02:24Ils nous bloquent.
02:26L'utilisation aussi des téléphones.
02:28Ils filment tout, ils mettent tout sur les réseaux.
02:30Donc, c'est des vidéos qu'on a vues.
02:31Passer par le téléphone et ressortir du téléphone,
02:34c'est presque une façon de rentrer dans la réalité et d'en sortir.
02:38Et de se donner une limite entre la fiction et la réalité.
02:41Effectivement, ils filmaient vraiment pendant la prise.
02:44Et donc, on a récupéré les prises de iPhone.
02:47Et au moment du montage, de temps en temps,
02:48on regardait ce qui avait été pris dans le vif.
02:50Et ça donnait presque des piqûres de réalité au milieu.
02:53C'est vraiment le début du tournage.
02:55C'est vraiment les premiers jours du tournage où on a tourné cette scène.
02:58Pour la première confrontation entre Pio Marmaille et Noémie Vernon,
03:01c'est vraiment la première seconde du tournage.
03:03Et ça aussi, ça nous plaît.
03:05C'est difficile de garder l'ordre chronologique quand on tourne.
03:07Mais quand on peut le faire, c'est ça qui est super.
03:09Parce qu'il n'y a pas d'antériorité d'amitié.
03:11Il n'y a pas d'antériorité de tournage.
03:12Il n'y a rien. On rentre directement dans le vif.
03:15Il y a aussi une caméra très embarquée.
03:17C'est-à-dire que quand elle fend la foule,
03:19il y a quelqu'un qui est à l'épaule et qui suit derrière
03:21et qui est un peu dans la foule pour qu'on ait ce sentiment
03:24de fendre la foule en même temps.
03:26On voulait vraiment être au plus proche des personnages
03:28et ressentir ce qu'ils ressentent comme ça quand on est dans une foule,
03:31quand il y a une tension, quand il y a un frottement,
03:33quand on sent que ça peut péter en un quart de seconde,
03:37qu'il y a de la violence qui est encore un petit peu contenue,
03:39mais c'est très agressif.
03:40Et c'est vrai qu'il fallait être nerveux, heurté.
03:43Et là, il y a quelque chose qu'on a fait qui est très, très, très, très rare.
03:47C'est pour optimiser le temps.
03:49Eric est parti avec une caméra faire des choses en haut
03:52et moi, j'étais dans les sous-sols en bas pour tourner.
03:54Donc, on s'est séparés, ce qui n'arrive quasiment jamais.
03:57Mais là, on n'avait pas le choix au vu du nombre de plans à faire
04:00et du temps de tournage.
04:02On a dû splitter et c'est vrai, c'était marrant.
04:05Alors, il descendait voir ce qu'on avait fait en bas, je montais.
04:08En bas, c'est l'arrivée de la caméra dans le parking.
04:11Pendant que moi, je faisais des arrivées de plus haut, des choses comme ça.
04:14Parce qu'on avait pris du retard et une journée de tournage, c'est un sablier
04:18et qu'à un moment, le soir, il faut partir avec tout
04:20et que comme on avait eu du retard, deux heures ou trois heures de retard
04:23avec ce problème d'électricité, on a mis la gomme derrière.
04:26Mais bon, ça fait partie des contraintes motrices.
04:29Et c'est vrai que là, dans ces quatre, cinq jours,
04:32on est sur le qui-vive, notre monteur.
04:34Il s'appelle Dorian, avec qui on a tout fait depuis le début
04:36et on lui envoie très, très vite les rushs pour que déjà, lui,
04:39il y a son regard extérieur qui analyse déjà
04:42si par hasard, il manquait quelque chose.
04:44Vu qu'on est dans le même décor et qu'on n'y retournera pas,
04:46vu que c'est très compliqué.
04:48Il faut qu'à la fin du tournage, avec lui, on ait une discussion
04:52pour qu'il nous dise c'est bon, les gars, on a ce qu'il faut.
04:53Les quatre caméras, voilà, il y a un petit côté avec le numérique
04:56où on peut se noyer et que la contrainte, elle est quand même,
04:59des fois, elle est quand même mobilisatrice de quelque chose d'assez fort
05:04et que parfois, à force de tout faire, on croit gagner du temps.
05:07Mais finalement, on ne sait pas si on en gagne vraiment.
05:09On n'a pas d'efficacité.
05:10On se dilue.
05:11Justement, une fois que le tournage est fini,
05:13le montage de cette scène, ça passe comment ?
05:14C'est une première proposition du monteur qui donne une vision
05:20et ensuite, nous, on revoit tout ce qu'on a fait.
05:22C'est ça qui est très long.
05:23C'est pour ça qu'on a fait presque sept ou huit mois de montage
05:26parce qu'on est obligé de tout revoir et de tout reprendre.
05:29On fait des groupes de montage de scènes et on sélectionne des plans
05:33et on dit voilà, on voudrait ce plan dans le film, on voudrait ce plan.
05:36Et après, lui, c'est lui qui a la fibre et le rythme,
05:40qui essaye de mettre les plans qu'on aime bien
05:42pour qu'ils coexistent bien avec les autres.
05:44Quand vous regardez la scène aujourd'hui,
05:47à quel point elle est proche ou différente
05:50de comment vous l'aviez imaginée au début, quand vous l'avez écrite ?
05:53Ce qui est intéressant, c'est qu'au fil des repérages du tournage et du montage,
05:59ce qu'on avait imaginé, ça s'efface en fait.
06:02Ça s'efface un peu.
06:03Ça s'efface un peu parce que maintenant, il y a le concret.
06:05Finalement, ce qu'on imaginait est vite remplacé par ce qu'on voit,
06:09ce qu'on filme, ce qu'on cadre, ce qu'on monte et le film finit.
06:12On rationalise un peu, il a raison, mais on n'est pas si loin.

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