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00:00France Bleu Loire Océan dans Ici Matin, c'est la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes aujourd'hui.
00:05Et l'invité d'Ici Matin avec vous, Nicolas Creuzet, l'organise des stages pour mari et conjoints violents qui ont été condamnés.
00:11Bonjour à vous Sébastien Douault.
00:13Bonjour.
00:13Merci d'être en direct dans le studio d'Ici Matin.
00:15Vous êtes un des responsables de cette association ADAES 44, accompagnement éducatif et social en Loire-Atlantique.
00:21Et au sein de cette association, vous pilotez donc ces stages pour personnes condamnées pour violences conjugales.
00:26Disons-le tout de suite, ce sont des stages obligatoires.
00:28Absolument.
00:29Ça fait partie de leur peine ?
00:30Oui.
00:31Et d'ailleurs, ça coûte cher.
00:33Oui, 300 euros, deux jours de stage, plus un entretien post-stage à dix jours.
00:37Combien de personnes ? Combien de sessions ?
00:39Alors, on en fait beaucoup dans le département du 44.
00:42Donc je précise, pour les deux juridictions de Nantes et Saint-Nazaire, on est à 60 stages par an.
00:46Donc vous imaginez une bonne dizaine de personnes.
00:49Oui, c'est ça. En gros, c'est ça.
00:51Ce qui mobilise beaucoup mes équipes sur le service pénal dont je dépends.
00:54Donc ça fait 600 personnes qui passent entre les mains à peu près par an.
00:58Essentiellement des hommes ?
00:59Dans la très très large majorité, oui.
01:02Dans la très très large majorité des hommes.
01:03Et quel est le profil ?
01:05Est-ce que les violences conjugales sont réservées à un certain type de population ?
01:09Eh bien non. La réponse est non.
01:11Les ventailles des personnes qui se présentent sur ces stages-là sont vraiment très variées.
01:18On a affaire à des personnes qui ne se seraient probablement jamais croisées auparavant,
01:23et qui là, pour une raison particulière de quelque chose qui s'est passé à domicile,
01:26dans un cadre d'intimité, et qui n'auraient jamais dû être,
01:29se retrouvent à s'engager en réflexion avec nous sur ce qui a pu se passer et ce qui ne devrait plus se passer.
01:34Ça va de l'ouvrier, de l'intérimaire, au chirurgien, au professeur de médecine, à l'ingénieur.
01:40L'avocat aussi.
01:42Absolument.
01:44Les ventailles larges.
01:46On peut imaginer, en tout cas vous allez nous le dire, que les hommes quand ils arrivent là, ils ne sont pas contents d'être là.
01:50Oui, je peux vous garantir que quand le stage démarre le matin, les mines sont fermées.
01:54Le cadre est fortement posé, évidemment.
01:57Et l'idée pour nous, c'est de leur situer un peu les choses en affirmant qu'on est là pour les informer.
02:03Et pour les impacter sur ce qui a pu se passer,
02:06et surtout sur ce qu'ils ont certainement un peu minoré, voire beaucoup minoré,
02:09de ce qui s'est joué dans leur cadre d'intimité.
02:11Mais la technique donc, c'est de les faire parler. Il faut qu'ils vous racontent pourquoi ils sont là.
02:15Nous sommes formés à l'école canadienne.
02:18Donc on a, nous, la manière de procéder, c'est le tour de table,
02:23et de les solliciter sur ce qu'ils sont capables de dire de leur situation.
02:26Et donc de là, on tire des fils.
02:27Parce que vous, vous avez le dossier. Vous savez sur chaque cas, en gros, ce qui s'est passé, pourquoi il a été condamné.
02:32On a les éléments. Maintenant, l'important, c'est qu'ils nous resituent, eux, le timing,
02:36la manière dont ils ont été entrepris,
02:38et ce qui s'est passé en termes de procédure judiciaire,
02:41et la façon qu'ils ont, ou pas, d'imaginer les conséquences à l'œuvre de ce qui s'est passé à la maison.
02:45Oui, c'est ça. Parce que l'idée, c'est qu'eux, ils mettent peut-être pas des mots sur quelque chose
02:50qu'ils trouveraient comme un acte banal, alors que c'est un acte pénalement condamné.
02:54Absolument. On a affaire à des personnes qui minimisent grandement ce qui a pu se passer,
02:59qui sont dans une forme de déni pour certains,
03:01mais qui sont, on en fait l'expérience quasiment toutes les semaines,
03:05capables de s'ouvrir et de discuter sur un domaine qui est éminemment difficile,
03:10mais qui est rendu possible parce qu'ils sont entre pairs, en fait.
03:14Et donc, ils enlèvent très vite le comparatif de qui a fait le pire,
03:18pour essayer de situer ce que j'ai fait moi, au regard de ce que je peux comprendre de la situation de l'autre.
03:22C'est comme ça qu'on les amène.
03:23Vous vous animez, donc Sébastien, de hausser les stages au sein de l'association départementale
03:27d'accompagnement éducatif et social de Loire-Atlantique.
03:30Vous disiez tout à l'heure, ça commence par un tour de table.
03:32Mais comment vous désignez le premier qui parle ? Parce que le pire, c'est quand même le premier.
03:36Les animateurs, ils sont avec l'accueil qui est fait dans les minutes d'avant,
03:41la manière qu'ils ont de positionner les choses.
03:43Et puis, tout l'enjeu, c'est d'aller trouver la personne qui va être en situation de prendre une parole.
03:48C'est peut-être la plus ouverte déjà ?
03:50Pas forcément.
03:52Mais la personne dont on va estimer qu'elle va avoir les prérequis et l'attitude susceptibles
03:57de gérer son stress et de pouvoir être à même d'en dire quelque chose.
04:01Après, on est capable de mettre à l'aise.
04:04Parce que l'idée, ce n'est pas d'être moralisateur.
04:06Pense sur le bec, ça ne servirait à rien.
04:08Absolument pas.
04:09Vous avez des partenaires dans ces stages.
04:11Les gendarmes qui viennent notamment pour évoquer les gardes à vue.
04:13Parce que peut-être que certains d'entre vous ne comprennent toujours pas pourquoi ils se sont retrouvés en garde à vue.
04:17La procédure, elle est lourde.
04:18Parce qu'en fait, on est dans du délictuel.
04:20On est dans des choses qui sont passibles de plus de 50 ans d'emprisonnement.
04:24Forcément, il reste très marqué par le fait d'être enquête de flagrance.
04:28Un poli-gendarmerie qui descend à la maison.
04:30Il part.
04:31Ça, il raconte très bien.
04:32Le traumatisme de la garde à vue qui en est un.
04:34C'est impactant.
04:35Maintenant, il faut qu'on définisse le pourquoi.
04:36Sortir de ça, évidemment.
04:38Donc, il y a une démarche de protection.
04:40On a choisi d'incarner fortement au sein de ce stage la manière dont les questions émergent.
04:45Et d'avoir une réponse par un professionnel qui est en situation de discuter avec eux de pourquoi ça s'est passé comme ça.
04:50Donc, le gendarme, les associations de victimes, d'addiction aussi.
04:53Parce qu'il y a un lien qu'on peut faire avec l'alcool, la drogue et la violence.
04:57Statistiquement, en tout cas.
04:59Statistiquement, c'est plus délicat.
05:01Mais on sait la prévalence de prises de toxiques de tout ordre.
05:05L'alcool, oui.
05:08Les médicaments eux aussi.
05:10Le cannabis.
05:11Là, on parle.
05:13L'alcool, souvent.
05:14Et donc, l'importance pour nous d'avoir Addiction France à ce stage là,
05:17c'est d'être sur un degré de réflexion sur la place que prend le produit
05:21dès lors que la personne commence à être très très mal à la maison.
05:25Et en fait, on s'aperçoit qu'ils ont eu, eux, à pouvoir mesurer à certains moments
05:29qu'ils étaient déjà très très mal dans leur circonstance.
05:31Donc, il y a le déclic.
05:32On consomme.
05:33Et après, on perd peut-être le contrôle de certains gestes.
05:35Un mot aussi.
05:36Là, on parle des violences.
05:37Dans l'imaginaire des gens, c'est le bourre-pif.
05:40Ou c'est la claque.
05:41Mais la violence, c'est déjà des mots.
05:43Et parfois, c'est aussi des violences sexuelles.
05:45C'est pas parce qu'on est en couple
05:47qu'on fait ce qu'on veut de sa compagne ou de son compagnon.
05:50Et là, pour le coup, vous l'avez aussi, ça.
05:53La question du consentement.
05:54Pas ce soir, chérie, j'ai pas envie.
05:56On ne l'a pas.
05:57On l'amène.
05:58On l'amène nécessairement.
05:59Parce que c'est clairement le pan des violences
06:01qui se retrouve de loin le plus minoré.
06:04La bonne tradition du devoir conjugal.
06:07Elle est encore très présente.
06:09Malheureusement, c'est 2024, mais on en est encore là.
06:11Donc, on a à définir ce qu'est un viol.
06:13On en a à définir ce qu'est le respect minimal
06:18à avoir dans une relation dite équilibrée et en couple.
06:21Et puis, il y a un autre élément, je vais vous le dire,
06:23en dehors des éléments sexuels,
06:25c'est que la parole est importante.
06:27Et on a une phrase qu'on aime bien rappeler,
06:29c'est qu'Aimé Césaire dit que les mots sont des glaives.
06:32Et les personnes qui se retrouvent en situation
06:34vraiment d'avoir vécu une situation d'emprise à la maison
06:36se souviennent majoritairement des mots employés,
06:39rabaissants au possible.
06:41Et on sait que la trace laissée psychologiquement est hyper importante.
06:43La puissance et la douleur de certains mots.
06:46Merci, restez avec nous Sébastien Daoud.
06:48On va poursuivre cette séquence
06:50et ce moment de discussion avec nos auditeurs à présent.