Le membre du Comité directeur du Crif, David-Olivier Kaminski, revient sur un récent sondage Ipsos : «Les juifs ont aussi fait l'histoire de France et dénier leur place, c'est de l'antisémitisme direct, brutal et profond».
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00:00Tout d'abord, il faut donner un sens aux chiffres, c'est-à-dire qu'en réalité, ce sondage représente une lame de fond de plusieurs milliers, voire millions de personnes, lorsqu'on le prend sur la base notamment de partis politiques.
00:13Deuxième point...
00:14On va y venir sur les partis politiques.
00:15Bien sûr. Deuxième point, c'est quelque chose qui ressort du climat, vous en parlez de manière évidente, et c'est ressenti, mais ce ressenti aujourd'hui est exprimé dans les chiffres.
00:29Ce sont des chiffres qui sont alarmants. Alarmants, bien sûr, pour les Français juifs, et aussi alarmants pour la France, parce qu'il faut rappeler que la présence juive en France, c'est 2 000 ans d'histoire, mais 2 000 ans d'histoire française, c'est-à-dire que les Juifs ont aussi fait l'histoire de France.
00:47Et aujourd'hui, leur dénier leur place en France, c'est de l'antisémitisme direct, brutal, profond par l'élimination d'une certaine forme d'éradication de l'autre. Et ça, c'est la brutalité de ce sondage qui appelle au sursaut, mais plus qu'un sursaut, au réveil de la société française.
01:1264% des Français estiment que les Juifs ont raison d'avoir des craintes de vivre en France. Bon, une fois que c'est ça, qu'est-ce qu'on fait, en fait ? Qu'est-ce qu'on fait ?
01:22Tout d'abord, sans faire de mauvais parallèles, mais en ayant quand même à l'esprit cette réflexion, quand au début des années 30, on a vu émerger un parti politique qu'on n'a pas toujours pris au sérieux, qu'on a probablement laissé faire au début...
01:39– Le parti national socialiste. Les nazis. – Exactement. Et vous l'avez nommé. Donc je parle de celui-ci. Lorsqu'on sait ce qui est advenu une fois l'arrivée au pouvoir de ce parti, c'est-à-dire que sur le plan d'un parti politique,
01:57on a décidé d'avoir quasiment un programme de société qui est l'antisémitisme. Lorsque l'on sait que 25%, c'est-à-dire plusieurs millions de personnes au niveau national lorsqu'on prend le vote, ont une vision favorable du Hamas,
02:15est-ce qu'on imagine le même sondage avec une vision favorable de Daesh ? Le Hamas est un mouvement terroriste, un mouvement qui apprenait la mort de l'autre, l'éradication de l'autre. Et ça, c'est une idée en France qui émerge.
02:31Et en fait, c'est complètement assombrir la société française. C'est la mettre dans une forme d'obscurantisme et se pose la question de savoir quelle France on veut pour aujourd'hui mais pour demain. Et demain, c'est déjà demain, j'ai envie de dire.
02:44C'est-à-dire est-ce qu'on veut la France de l'obscurantisme, la France du dogmatisme, la France des molas ou est-ce qu'on veut la France de l'universalisme comme on l'a toujours connue ?
02:54Disons les choses, les sympathisants France Insoumise sont particulièrement concernés par cette hausse de l'antisémitisme en France. En 2020, 38% des sympathisants et les filles adhéraient à au moins 6 opinions antisémites, ils sont 55% cette année.
03:13C'est le sondage Ipsos qui le dit. Vous parliez des parties, de la montée de l'antisémitisme dans certains partis à l'instant et vous citiez le Parti National Socialiste en Allemagne dans les années 30.
03:23On constate que depuis cette attaque terroriste abominable du 7 octobre et la réponse militaire d'Israël, on a instrumentalisé le conflit qui est un conflit à l'extérieur.
03:40On l'a instrumentalisé en faisant des juifs d'une certaine manière les agents français d'une politique, d'un pays souverain pour lequel ils n'ont pas la nationalité et ils n'ont pas de pouvoir de décision.
03:56Cet amalgame est un amalgame qui concourt à un déchaînement d'antisémitisme. Mais déchaînement d'antisémitisme, soyons clairs, ce n'est pas simplement le rejet superficiel, c'est la haine de l'autre, c'est la violence à l'encontre de l'autre.
04:20Ce sont des mots, des invectives et en réalité c'est éradiquer de la société française le français juif qui pourtant, je le rappelle, ont 2000 ans d'histoire française.
04:31Ce qui existe déjà dans certains quartiers, comme on dit pudiquement.
04:43On l'avait observé dans certains quartiers où on a assisté de manière très triste à la déscolarisation d'un certain nombre d'enfants d'écoles publiques et le déménagement de familles entières de quartiers vers d'autres quartiers plus paisibles. C'est terrible.
04:55– David Kaminsky, ça sera ma dernière question. Est-ce que vous êtes optimiste pour l'avenir et est-ce que vous voyez l'antisémitisme reculer en France à moyen, court, moyen terme ?
05:06– Vous savez, au CRIF on est tous des enfants de la République et quand on a foi en la République, on pense que la République peut vivre un mauvais moment, une zone de turbulence, c'est indéniable, mais que la République ne cèdera pas.
05:22Mais la République, avant tout, c'est du sommet de l'État jusque dans les décisions préfectorales sur le terrain et c'est ce réveil de l'État qui est une digue, bien sûr, pour les français juifs, mais qui se protège lui-même.
05:39C'est-à-dire qu'aujourd'hui, l'État, la France, la République française doit se protéger de cette montée de haine qui est souvent une haine islamiste, il faut le dire aussi, ici sur ce plateau.
05:52Et si elle ne se protège pas, elle en aura toutes les conséquences qui sont déjà annoncées, mais si elle le fait, on retrouvera, j'ai envie de dire, ma douce France.
06:03– Merci beaucoup, espérons-le, on la retrouve.
06:09– On l'espère et on implore les hommes politiques d'être à la hauteur de l'enjeu.