Antoine de Caunes reçoit les talents des films qui font l'actualité cinéma en salles
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00:00Nous sommes là pour parler de votre nouveau projet qui est adapté d'un conte de Jean-Claude Grimbert que vous connaissiez bien, je crois,
00:06et qui s'appelle « La plus précieuse des merchandises ».
00:08Exactement.
00:09Comment est-ce que vous êtes tombé sur ce texte-là et quel a été le déclic pour vous donner l'envie d'en faire un film ?
00:15Effectivement, je connais Jean-Claude depuis toujours. C'est le meilleur ami de mes parents depuis des lustres.
00:21Et le déclic, ça a été vraiment la lecture de ce livre qui est une histoire bouleversante.
00:26C'est un livre où il est question de la Shoah, qui est un événement toujours d'une grande difficulté à aborder,
00:32parce que la littérature permet le non-dit, le cinéma, c'est de l'image, on montre quelque chose.
00:38Vous vous êtes rapidement décidé pour que ce soit plutôt de l'animation que de l'image ?
00:42C'était dans la proposition de départ, en fait. C'était déjà un film d'animation quand on en a parlé.
00:47D'abord, ce n'est pas un film sur la Shoah. Le sujet n'est pas ça, c'est le contexte.
00:52S'il devait y avoir un sujet, c'est les Justes. C'est-à-dire, les Justes, c'est ceux qui ont sauvé des vies, en l'occurrence des Juifs,
01:02sans qu'ils n'y trouvent aucun intérêt. C'est-à-dire, alors, il y avait les résistants, les combattants, etc.
01:07Mais ça, c'est un autre type de héros. C'est vraiment des héros du quotidien.
01:11C'est des gens qui pouvaient être des paysans, des boulangers, des ouvriers, peu importe.
01:16C'est des gens qui, à un moment donné, quand le monde entier avait la tête à l'envers, eux, ils ont gardé la tête froide.
01:22Ils ont fait le choix de l'humanité, de la dignité. Pour moi, eux, ils ont sauvé l'humanité.
01:30Parce que c'est un héroïsme accessible, en fait. Mais effectivement, pour qu'ils existent,
01:35il faut que le contexte dramatique soit quand même raconté dans le cadre d'un film.
01:39Et là, oui, on se heurte à l'indicible, l'immontrable, l'irracontable.
01:44Donc ça, en termes de réalisation, c'est là que les emmerdards arrivent.
01:50Comme le disait Lanzmann, l'auteur de la Shoah, l'impossibilité...
01:53L'auteur de la Shoah, je me serais plutôt Hitler, moi, personnellement.
01:57Alors, l'auteur de la Shoah, le film...
02:00Il lui allait... Alors, il y avait une grande histoire au moment de la sortie du film de Spielberg,
02:06il allait jusqu'à dire qu'en fait, il y avait une impossibilité à fictionaliser autour de la Shoah.
02:12Alors, je crois qu'il avait raison. Mais qu'il avait raison en son temps.
02:17Et que je crois que ce temps, et ça, c'est le rouleau compresseur de l'histoire, on n'y peut rien,
02:22ce temps est en train de... Pas de disparaître, mais de changer.
02:28C'est-à-dire qu'il y a de moins en moins de survivants, il y a de moins en moins de témoignages.
02:33Le temps du témoignage, par la force des choses, on s'en éloigne.
02:37Et un gamin de 10 ans, aujourd'hui, il est né...
02:41On va fêter les 80 ans de la libération de Auschwitz dans quelques mois.
02:44Un gamin de 10 ans, il est né 70 ans après.
02:46Moi, je suis né en 67.
02:48Il a le rapport, ce gamin-là, a le rapport à la Shoah que moi, j'ai avec l'affaire Dreyfus.
02:53C'est-à-dire que c'est très loin, c'est de l'histoire ancienne.
02:56Donc, je crois que les interdits ou presque les dictates lenzmanniens,
03:02à mon sens, il faut les questionner aujourd'hui,
03:05parce qu'on s'adresse à une génération, à des générations qui n'ont plus ce rapport sacré au génocide juif.
03:13Pour eux, c'est de l'histoire.
03:14Et donc, on peut toujours se lamenter de dire mais ça ne les intéresse plus, ça ne les intéresse plus.
03:19On peut aussi se poser la question un tout petit peu différemment en se disant
03:22est-ce qu'il y a d'autres manières dignes, mais d'autres manières de leur raconter.
03:27En tout cas, l'animation, c'est une bonne manière aussi.
03:31Alors, c'est un bon outil.
03:32C'est-à-dire, ce n'est pas parce que c'est de l'animation que c'est gagné.
03:35Ce qui est hyper bien avec l'animation, c'est qu'on n'est pas contraint par le réalisme et la réalité.
03:42C'est-à-dire, quand on regarde un film d'animation,
03:44on a une marge autour du réalisme qui est hyper acceptable.
03:49Et dans cette marge, il y a de la poésie, il y a de la caricature,
03:54il y a de l'onirisme, il y a de l'évocation, il y a de la suggestion.
03:57Et tout ça, quand vous mettez ça dans un film avec des acteurs,
04:00très vite, ça peut apparaître comme lourd.
04:02Là, vous avez cette possibilité de vous échapper, d'évoquer, de suggérer.
04:08Et puis, moi, en tant que fabricant, il y a un autre énorme avantage,
04:12c'est que pour moi, filmer des acteurs ou filmer des figurants,
04:18en leur demandant de prétendre qu'ils sont dans un convoi de déportés
04:22ou en leur demandant de prétendre qu'ils sont dans un camp d'extermination,
04:25il y a un truc qui est potentiellement obscène.
04:28Moi, je n'ai pas envie de me confronter à ça.
04:31Ce n'est pas tout à fait un hasard que vous vous retrouviez avec ce projet sur les bras,
04:35parce que d'abord, Grimberg, vous connaissez bien,
04:38ce texte inouï qui n'attendait qu'une chose, c'est d'être porté à l'écran,
04:42sous forme d'animation, c'est-à-dire à partir de dessin.
04:46Et vous, le dessin, c'est le cœur de votre travail, si je ne m'abuse.
04:49Je dessine beaucoup.
04:50Vous dessinez comme un maniaque.
04:52J'ai vu une bibliothèque entière de carnets de dessin.
04:55Alors, longtemps, j'ai jeté, en fait, parce que je m'en foutais.
05:02En fait, je ne dessinais pas pour produire des images,
05:05je dessinais pour l'acte de dessiner.
05:08Mais comme de la méditation, d'une certaine manière,
05:11ou comme d'autres peuvent faire du yoga, ce genre de trucs,
05:13dessinateur du dimanche, c'est-à-dire que je n'ai aucun égo de dessinateur.
05:19Et donc, du coup, il a fallu que je montre mes dessins
05:25à des gens que je ne connaissais pas nécessairement,
05:27à des gens dont c'est le métier, des dessinateurs.
05:29Il a fallu que je parle à des dessinateurs,
05:31en essayant qu'on trouve un terrain commun.
05:35Ça, par exemple, ce sont des figurants que je voulais mettre à la gare.
05:40Donc, c'est des flics polonais.
05:42Ça, c'est des visages de déportés.
05:45Ça, c'est des soldats russes.
05:50Donc, c'est un peu des recherches, mais c'est à partir de là
05:55où, en fait, après, pour communiquer avec les autres,
05:58je photographie ce dessin-là, je le rends dans ma palette, dans mon iPad,
06:02et je refais avec un trait qui est beaucoup plus simple à travailler pour eux.
06:05Et eux, ils peuvent partir de là.
06:08Mais c'est plus des caractérisations de personnages, des trucs comme ça.
06:11Il était une fois, dans un grand bois,
06:14un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne.
06:18Le froid, la faim, la misère le rendaient la vie bien difficile.
06:25C'est un film presque muet, en tous les cas assez chapelinesque.
06:28Il y a très peu de mots, mais ces mots,
06:31ils sont tenus essentiellement par la voix de Jean-Louis Trintignant.
06:34Vous avez commencé par enregistrer la voix.
06:37Oui, c'est le premier truc que j'ai fait.
06:39Dès qu'on a fini l'adaptation avec Jean-Claude,
06:41on a appelé Jean-Louis, on lui a envoyé le texte.
06:44Il était quasiment aveugle, donc c'est sa femme Marianne qui lui a lu.
06:47Il a aimé. C'est le dernier film qu'il a fait.
06:50Il voulait absolument le faire. Il était hyper content.
06:52On a beaucoup parlé.
06:54Tout d'un coup, il vous sort le texte.
06:56C'est Jean-Louis Trintignant.
06:58C'est une voix mythique.
07:00Quand j'ai lu le livre, j'ai eu l'impression que c'était un classique.
07:03J'ai eu l'impression que l'histoire existait avant même que Jean-Claude ne l'écrive.
07:06Je voulais retrouver ce genre de truc un peu intemporel.
07:11Trintignant, c'est un grand acteur.
07:15C'est une des plus belles voix du cinéma français.
07:18C'est un vieil homme.
07:20Il dit un texte, il a une sagesse, il a une humanité dans sa voix
07:24qui est la même que Jean-Claude Grimbert à 80 ans quand il écrit ce texte-là.
07:29Il a ce côté classique.
07:32Merci Michel.
07:33Merci.