"Des enfants sont rendus à leur violeur, par décision de justice."
Laurence raconte son combat pour sortir sa nièce Karine de la maltraitance de ses parents.
À l'occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, le film "Signalements" d'Eric Métayer, qui raconte l'histoire de Laurence et Karine sera diffusé ce soir à 21h05 sur France 2.
Laurence raconte son combat pour sortir sa nièce Karine de la maltraitance de ses parents.
À l'occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, le film "Signalements" d'Eric Métayer, qui raconte l'histoire de Laurence et Karine sera diffusé ce soir à 21h05 sur France 2.
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00:00Il y a des enfants qui sont rendus à leur violeur par décision de justice.
00:04Je serais morte réellement si je n'étais pas partie de chez eux.
00:08Ce qu'a vécu Karine, d'autres enfants le vivent aujourd'hui.
00:13Mon beau-frère m'a appelé, il me dit tu sais Anne-Marie a l'air très fatiguée.
00:17Est-ce que ça t'embête si en allant travailler demain matin,
00:20je la dépose chez toi et je la reprends le soir avec Karine ?
00:23Tout s'est à peu près bien passé,
00:25sauf qu'Anne-Marie ne poignait pas sa fille dans ses bras,
00:28ne lui donnait pas à boire, ne voulait pas la changer.
00:30Je lui ai dit c'est pas à nous de lui donner le biberon,
00:32c'est à toi de commencer à t'investir.
00:34Là elle me dit ben non en fait j'en veux pas,
00:37sinon je vais lui faire comme l'autre en fait.
00:39Je lui ai dit l'autre ? Mais quel autre ?
00:41Tu as déjà eu un bébé ?
00:42Elle me dit oui, celle que j'ai tuée.
00:43Je n'ai pas été en prison pour vol,
00:45j'ai été en prison parce que j'ai tué ma première fille.
00:47Je lui ai dit mais tu l'as tuée où ta fille ?
00:50Ben chez moi quand elle est née, j'avais pris un ciseau
00:52et effectivement quand on aura accès à la procédure,
00:55la petite avait 174 impacts de coups, de couteaux et de ciseaux.
01:01Donc moi j'ai fait un signalement, c'était le deuxième
01:03puisque la maternité entre temps avait déjà envoyé un signalement de vigilance
01:07et j'ai reçu une lettre un mois plus tard qui me disait
01:10que les services sociaux travaillaient en bonne intelligence avec les parents
01:13et que tout allait bien dans le meilleur des mondes en fait.
01:15Les souvenirs que j'ai globalement chez mes géniteurs
01:18c'est que des moments où j'ai des insultes,
01:21j'ai de la maltraitance, des coups,
01:23on me tire les cheveux, on me trême par terre,
01:25on me met à longueur de temps à l'extérieur
01:27et j'étais petite, je jouais avec ce qu'il se passait,
01:31ce qu'il y avait dehors, c'était une bouteille d'eau
01:33qui était dans l'étang, sur le bord.
01:36Du coup je descends et je veux attraper cette bouteille d'eau
01:39et en fait je suis tombée dedans.
01:41Quelqu'un me rattrape et en fait j'avais tellement peur de me faire frapper
01:46que j'ai attendu que ma robe sèche entièrement pour rentrer.
01:51Tout le monde savait que cette petite fille
01:55était la fille de René et d'Anne-Marie
01:56et qu'elle était dehors toute la journée.
01:58Et les services sociaux n'ont jamais voulu admettre
02:01qu'une mère qui met un enfant au monde,
02:04si elle n'a pas envie d'être mère, elle ne le sera jamais en fait.
02:07Et ils ont fait tout ce qu'il fallait pour la forcer à aimer cette petite fille
02:11dont elle ne voulait pas.
02:12N'ayant pas fait le deuil de cette petite fille,
02:14on ne pouvait pas aimer la deuxième en fait, c'était logique.
02:17Je dis ça à sa décharge parce que je pense que Anne-Marie
02:20aurait été OK pour que sa fille soit élevée par d'autres en fait.
02:23Plus je signale et moins j'ai accès à Karine.
02:26Je suis la méchante, je suis la sorcière.
02:28Il y a eu un appel et en fait avant de se rendre au commissariat,
02:32mon géniteur m'emmène chez le médecin en disant
02:35voilà, il me faut un certificat
02:38en attestant que Karine grandit correctement,
02:42qu'elle n'a aucune trace sur le corps de maltraitance.
02:46Et c'est ce que le médecin va faire.
02:47À aucun moment ce médecin m'a auscultée.
02:50Il met que Karine n'a aucun signe d'agression sexuelle.
02:54Tu te souviens à quel moment, à quel âge,
02:56cette amie de tes parents est venue vivre chez vous ?
02:58Ce monsieur-là est venu vivre au domicile de mes géniteurs.
03:02Il me violait sur ce canapé dans le séjour.
03:05Ces viols étaient contre des trocs d'argent,
03:09de courses, de boissons alcoolisées et de cartouches de cigarettes.
03:14Il faut savoir que dans l'instruction,
03:16Anne-Marie reconnaît qu'à trois reprises,
03:18j'ai surpris Karine nue dans le lit avec Bloody,
03:22une petite fille de 6 ans.
03:23René dit, oui c'est vrai, mais je lui ai dit,
03:26non non, tu ne fais pas ça, tu ne touches pas à ma fille.
03:29Mais ils ne le mettent pas dehors.
03:31J'avais peur, donc c'était juste impossible pour moi
03:34à ce moment-là de pouvoir ouvrir ma bouche.
03:37Quand on vous répète toute la journée,
03:38ferme ta gueule, ferme ta gueule, t'es qu'une merde,
03:41tu ne sers à rien.
03:42Au moment où je suis convoquée avec mes géniteurs au commissariat,
03:48la veille, tous les deux m'ont répété dix fois, vingt fois,
03:53t'avais intérêt de dire ça, autrement ça va mal se passer
03:57quand on quittera le commissariat.
03:59Et ils t'ont promis d'aller manger...
04:01Un McDo.
04:01Et donc je refais des signalements
04:03et je suis convoquée pour dénonciation calomnieuse.
04:06Dès que j'arrive, on me dit, vous êtes placée en garde à vue,
04:09vous n'en avez pas marre de pourrir la vie de votre beau-frère
04:11et de votre belle-sœur,
04:12est-ce que vous vous rendez compte le mal que vous faites à cette petite fille ?
04:15Vous ne comprenez pas cette justice qui vient vous taper dessus
04:18alors que vous essayez juste de sauver une petite fille.
04:20Et on m'a dit, vous savez, on a le pouvoir de faire placer votre petit garçon
04:23parce que vous êtes une mauvaise mère,
04:25vous vous rendez compte, vous pourrissez la vie des gens.
04:28Et là, on a une femme en face de nous
04:31et qui nous dit, vous allez faire une lettre d'excuses.
04:34Alors je dis, une lettre d'excuses à qui ?
04:36À votre beau-frère, à votre belle-sœur, à cette petite fille,
04:40à monsieur Blody que vous avez mis en cause,
04:43et puis à la justice, vous croyez qu'on n'a que ça à faire
04:45que d'écouter des délires d'une femme qui est complètement cinglée ?
04:49Et moi ce jour-là, je me dis, purée,
04:52cette petite fille, elle est violée au moment même
04:54où on me fait faire le rappel à la loi.
04:56Sachant que monsieur Blody avait été condamné
04:59déjà à deux reprises pour des agressions sexuelles
05:02sur ses enfants et sur d'autres personnes.
05:04Ma belle-mère décède et pour des raisons de succession
05:07qui vont être compliquées, mon beau-frère se rapproche de nous.
05:10Et pendant les repas, ma belle-sœur a un moment donné
05:12de dire, moi tu sais, Karine, j'en ai marre.
05:15Je lui dis, moi je n'ai pas vraiment envie d'une autre enfant.
05:17Mais bon, je veux bien faire un effort,
05:19je veux bien essayer de la prendre.
05:21Si ça te soulage, ma foi.
05:23Mon beau-frère me dit, si tu veux, écoute, ouais.
05:26Et donc il nous la confie.
05:27Et en sortant, Karine m'a pris mon bras
05:29et elle me dit, tu sais Laurence,
05:32Bablody m'a fait tout qu'est-ce que tu penses en fait.
05:35Et le lendemain, comme j'avais tout noté,
05:37je rédige mon signalement.
05:38Et un vendredi après-midi, Karine va voir la directrice de l'école.
05:42Et Karine lui fait des révélations.
05:44Et là, la directrice d'école fait immédiatement un signalement.
05:48Appelle le parquet pour savoir.
05:50Et la réponse du parquet, c'est
05:52remettez cette petite fille à ses parents.
05:53L'enquête n'a pas démarré.
05:55Karine sera interrogée une première fois
05:59un mois et demi après.
06:01Mais tes parents, du coup, savent que tu dis des choses.
06:03Et ça va être un jeu entre ses parents, entre René et Anne-Marie
06:07pour lui faire annuler ce qu'elle a dit en fait, dire qu'elle a menti.
06:11Karine leur dit oui.
06:13Mais quand elle sera interrogée,
06:15elle aura le courage de dire à la policière,
06:17mes parents m'ont dit de mentir.
06:19Et ils vont lui dire, est-ce que quelqu'un t'a dit autre chose ?
06:22Elle dit oui.
06:22Ma tante m'a dit de dire toute la vérité
06:25et rien que la vérité.
06:26Et que si je me suis trompée, ce n'était pas grave.
06:28Après, ce qu'il faut préciser aussi, c'est que
06:30j'ai été convoquée au CEDAS.
06:32Où c'est, du coup, mes géniteurs qui m'ont ramenée là-bas.
06:36Et le CEDAS m'a obligée de raconter les choses en leur présence.
06:42Avec eux, et ils me ramenaient chez eux.
06:45Quand je suis repartie chez eux, j'ai vécu un enfer.
06:48Je leur racontais des choses mais horribles.
06:51De la torture.
06:53Ils m'obligent de raconter des faits comme ça, devant eux.
06:58Et me laisser repartir avec eux.
07:00Comment est-ce que c'est possible de faire des choses pareilles ?
07:02Je leur ai dit en fait, à l'aide sociale à l'enfant,
07:04comment est-ce que Karine a pu vivre tout ça
07:06alors que vous interveniez depuis qu'elle est née ?
07:08Vous intervenez depuis qu'elle est née et vous ne l'avez pas protégée.
07:12Une décision de placement est mise en place
07:14pour que Karine soit mise en famille d'accueil.
07:16Karine ne veut pas y aller. Je ne veux pas qu'elle y aille.
07:18En fait, là, on me dit du jour au lendemain,
07:21non, tu as trouvé une stabilité, une famille qui t'aime,
07:24qui s'occupe de toi, qui prend soin de toi.
07:26Non, en fait, il faut que tu partes, que tu ailles ailleurs.
07:28Nous, on avait une ordonnance par laquelle on n'avait plus le droit de voir Karine
07:31parce qu'on était toxiques et nocifs pour cette petite fille.
07:35Et c'est là que l'idée germe dans ma tête de demander l'autorité parentale.
07:39Et je dis à mon beau-frère, tu sais, tu serais soulagée.
07:41Et mon beau-frère me dit, ouais, l'autorité parentale, tu t'occuperais de tout ?
07:46Oui, comme ça, vous auriez pu gérer le coût de Karine, tout ça.
07:49Et il me dit, oui, mais moi, ça va me coûter cher.
07:52Voilà, et je lui dis, ben, combien tu veux ?
07:54Et donc, on demande l'autorité parentale à la JAF.
07:57Elle mandate une enquête.
07:59Elle est extrêmement bonne pour nous et Karine.
08:02Et entre-temps, il y a eu une expertise psychologique
08:05où l'expert met que Karine est en danger de mort si on l'enlève de chez nous.
08:11C'est ça qu'il met.
08:12Et il est venu le dire à la cour d'assises.
08:14Malgré ça, on l'enlève de chez nous, en fait.
08:17Vous comprenez comment on détruit des gamins ?
08:19À ce moment-là, j'avais le droit de les appeler ou d'envoyer des mails.
08:23Quand je l'avais au téléphone, si je disais que quelque chose n'allait pas,
08:26on raccrochait direct.
08:28Parce qu'ils écoutaient, je devais mettre au parleur la conversation.
08:31Les mails, c'était pareil.
08:33C'était un contrôle total.
08:35On passe en cour d'appel.
08:36À la cour d'appel, un procureur vient
08:39et considère que Karine doit nous être rendue.
08:42Voilà, puisqu'elle fugue, elle se met en danger, et voilà.
08:45Et on a la décision en délibérer un mois après.
08:48Ce soir-là, elle est arrivée à la maison et elle n'est plus jamais repartie.
08:51Et j'ai eu l'autorité parentale en juin
08:54et j'ai pu lancer les procédures qui étaient nécessaires.
08:57Depuis sa naissance, c'est-à-dire le 7 juillet 1997,
09:00jusqu'au procès, 21 ans se sont passés.
09:03Bloddy est condamné à 30 ans de prison parce qu'il a d'autres histoires.
09:07Et pendant le procès, on comprend et il avoue
09:10que Karine est la 16e victime.
09:12Et les parents sont condamnés à de la prison avec sursis
09:15pour subordination de témoin.
09:17On a été chercher la complicité, on ne l'a jamais eue.
09:19En 2016, on prend l'initiative,
09:22avec l'accord de tous nos enfants, d'adopter Karine.
09:25Elle est devenue notre fille le 16 février 2016.
09:28La seule chose que je peux lui dire, c'est merci pour tout ce qu'elle a fait.
09:31Parce qu'étant petite, je n'étais pas en capacité de pouvoir dire quelque chose.
09:35J'étais tellement terrifiée, mais merci pour tout.
09:39Je serais morte, réellement, si je n'étais pas partie de chez eux.
09:43C'est ma fille, donc...
09:45J'ai appris qu'on n'avait pas besoin de porter un enfant pour l'aimer.
09:49C'est vraiment quelque chose que je sais aujourd'hui.
09:53Les violences sexuelles, c'est 160 000 enfants par an.
09:56On va bouger quand ?