Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
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00:00Emmanuelle Ducrox, c'est à vous Emmanuelle, des manifestations d'agriculteurs dans toute la France qui disent non au MERCOSUR.
00:08Est-ce que les agriculteurs français ont raison de s'inquiéter de cet accord entre l'Union Européenne et le marché commun d'Amérique du Sud, racontez-nous.
00:15Oui, pour certains secteurs, la viande bovine, la volaille, le sucre, le miel, le maïs, qui vont être soumis à une concurrence tout sauf loyale,
00:21puisque les pays sud-américains ont accès à des méthodes de production interdites de longue date ici.
00:26Des hormones et des antibiotiques de croissance pour l'élevage, des pesticides dont certains sont prohibés sur nos cultures depuis des décennies.
00:33Certains secteurs comme le vin, les produits laitiers pourraient en profiter, mais ça ne va pas compenser les potentielles destructions.
00:39La France, c'est le premier producteur agricole européen, elle est en première ligne face au MERCOSUR.
00:44Y a-t-il moyen d'empêcher cela ?
00:45Il y a une solution évidente, c'est celle de refuser le MERCOSUR, c'est celle qui est mise en avant par l'intégralité de notre classe politique.
00:51Et pour cause, c'est sa façon de se rattraper aux branches, parce qu'il y en avait une autre de solution pour éviter le MERCOSUR,
00:58pour éviter que ce ne soit vécu comme un drame agricole, et cette même classe politique a refusé de l'envisager depuis des décennies, et malgré les alertes.
01:05Le MERCOSUR, c'est un paravent bien commode.
01:07Mais alors, c'était quoi cette solution ?
01:09Mais d'abord, c'était de soigner la compétitivité de l'agriculture française qui a été massacrée à grands coups de bureaucratie délirante,
01:16contradictoire, de fiscalité écrasante sur toute la chaîne de production alimentaire.
01:20Et ça, ça l'a empêché de se moderniser, de gagner en productivité.
01:23Le coût de notre travail est prohibitif alors que c'est crucial.
01:27Le prix d'un fruit, par exemple, il est composé entre 50 et 60% du coût de la main d'oeuvre.
01:32Les surcoûts de notre travail agricole se chiffrent à 22% par rapport à l'Allemagne,
01:37avec l'Espagne, le différentiel est proche de 35%, et de 45% avec les Pays-Bas.
01:43On ne parle pas de pays du MERCOSUR, on parle de nos voisins.
01:46Il aurait fallu s'en préoccuper, mais personne n'a voulu le faire.
01:48Personne n'a voulu faire les économies qui doivent aller avec les allégements de charges.
01:52Donc même avec nos voisins, l'agriculture française ne joue pas à armes égales ?
01:56Non, la France surinterprète les règles environnementales européennes qui sont déjà les plus rigoureuses du monde.
02:01Que ce soit pour la gestion des zones humides, qui sont importantes pour les grandes cultures,
02:05pour le fatras administratif qui entoure les installations d'élevage ou pour les phytosanitaires.
02:10Je vous ai raconté ici comment la France a saboté sa filière noisette
02:14en interdisant un produit insecticide qui est autorisé partout en Europe.
02:18Et bien ce sabotage, il est aussi à l'oeuvre sur les salades, les pommes, les poires, les betteraves, les pommes de terre, le blé, et j'en oublie.
02:25La France lave tellement plus blanc que blanc que son agriculture devient transparente.
02:29Et on a flingué en 30 ans notre plus beau secteur.
02:32Ça explique que notre déficit commercial agricole se creuse ?
02:35Oui, ça aurait dû alerter les gouvernements successifs.
02:38Notre pays est aussi passé de la seconde à la sixième place mondiale des exportations agricoles en 15 ans.
02:43On importe désormais 60% des volailles, 40 à 60% des fruits et légumes et plus de 20% du bœuf.
02:48Et ces importations se font depuis chez nos voisins avant de venir avoir le bout du monde.
02:53Autant dire que le Mercosur, c'est le dernier clou d'un cercueil que la France a cloué elle-même depuis des décennies.
02:59Sans ces punitions auto-infligées, notre agriculture réagirait offensivement et elle pourrait tout à fait faire face au Mercosur.
03:06Signature Europe 1, Emmanuel Ducrot. Merci Emmanuel.