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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 12 novembre 2024 : la comédienne et chanteuse, Françoise Fabian. Elle sort un deuxième album "L'heure d'un rendez-vous".

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Musique
Transcription
00:00Bonjour Françoise Fabian. Bonjour, bonjour. C'est l'art sous toutes ses formes qui vous a d'abord attiré entre Algiers et Paris.
00:06Eric Rohmer a décidé de vous faire confiance et de vous offrir ce rôle magnifique de Maud dans son film de 1969
00:12« Ma nuit chez Maud », après être passé entre les murs du conservateur de Jean Meyer,
00:17metteur en scène de la comédie française. Tout au long de votre carrière, les plus grands vous ont fait confiance
00:23au théâtre, à la télé, au cinéma, Louis Malle, Louise Bugniel, Gilles Grangier,
00:27Michel Deville, Jacques Demy, François Zun, Jean Marais.
00:31C'est bien que vous les suciez comme ça. Quelle merveille.
00:33Mais en plus du jeu, Françoise Fabian, ce que l'on retient c'est votre voix et là aussi Alex Beaupin, Charles Aznavour,
00:41Julien Clerc ou Léonard Lassery n'y sont pas trompés.
00:45Aujourd'hui vous sortez votre deuxième album pour faire suite à celui de 2018, « L'heure d'un rendez-vous ».
00:51Il comporte donc neuf nouvelles chansons écrites par vous, par Elisa Poin et une reprise.
00:56Vous avez commencé à être artiste d'abord au Conservatoire de Musique d'Alger où vous avez appris le piano et l'harmonie.
01:01C'est ça le point de départ d'ailleurs, c'est l'harmonie et le piano ?
01:04Oui, le piano et j'étais au Conservatoire d'Alger.
01:08C'est comme ça que j'ai fait du théâtre, c'est que mon premier flirt était un élève comédien.
01:15Et comme le Conservatoire de Musique était dans le même immeuble que le Conservatoire d'Art Dramatique,
01:22il m'a amenée dans son cours.
01:25Il m'a dit, viens, viens, viens, viens voir le cours de comédien, ça t'amusera beaucoup.
01:30Bon, j'y suis allée.
01:32Et le professeur, Paul Granier, je me souviendrai toujours de son nom, moi qui n'ai pas la mémoire des noms,
01:37j'ai sa photo dans ma chambre d'ailleurs,
01:39et je devais avoir, je ne sais pas, 14 ans à peu près, 14-15 ans.
01:46Et elle m'a dit, vous connaissez des poèmes ?
01:50Je lui ai dit, oui, bien sûr, je connais des poèmes.
01:52Mais montez, dites-nous un poème.
01:55J'étais morte de trac devant les élèves comédiens comme ça.
01:58Et j'ai dit, un poème de Baudelaire.
02:02Et elle m'a dit, c'est très bien.
02:05Et elle a demandé le numéro de téléphone de mon père.
02:08Elle a téléphoné à mon père pour le voir et elle a dit, vous savez, votre fille, elle est très douée.
02:12Si vous voulez, j'aimerais beaucoup lui donner des leçons de comédie et de tragédie gratuitement.
02:18Voilà, j'aimerais la faire travailler parce qu'elle a une nature, elle a quelque chose.
02:23Et papa a dit oui.
02:26Eh bien, j'ai pris deux ans de cours avec elle.
02:30Et elle a dit, est-ce que vous feriez le sacrifice de l'envoyer à Paris
02:33parce que je voudrais la présenter au conservatoire de Paris ?
02:36Et il a dit, oui, j'ai confiance en ma fille et je lui donne cette chance-là.
02:40Effectivement, il y a cette histoire musicale.
02:43Mais ce qui est étonnant, d'ailleurs, c'est que vous ayez mis autant de temps à y revenir, à la musique.
02:47Il y a Alex Bopin qui vous tend la main.
02:49Là, il y a Léonard Lassry.
02:51Et pourtant, c'est comme une évidence que la musique a toujours fait partie de votre vie.
02:55Mais quand je suis arrivée à Paris, j'ai pris des leçons de musique aussi.
02:59Oui, je n'ai pas abandonné la musique, le piano.
03:03Et à un moment donné, je me suis cassé la main et je n'ai plus pu faire de piano.
03:07Et ça a été vraiment un sacrifice pour moi de ne plus pouvoir jouer.
03:11Je voudrais qu'on parle justement de « Que savons-nous de nous ? »
03:15que vous interprétez avec Léonard Lassry.
03:18Cette chanson, elle en dit long sur aussi le regard que vous portez sur le monde.
03:22Bien sûr, bien sûr.
03:24Bien oui, la question se pose toujours.
03:27Et je me la pose toujours moi-même.
03:31Parce que je me sens différente selon le temps qu'il fait,
03:39selon la façon dont j'ai dormi,
03:41la façon dont je dois avoir des rendez-vous dans la journée.
03:50C'est vrai que je me sens différente.
03:52C'est exactement comme si je jouais ma vie.
03:55Je joue la comédie de ma vie.
03:58C'est la première fois que je me dis ça, tiens.
04:03Parce que tout dépend de la façon dont on se lève,
04:08la façon dont on a dormi, les rêves qu'on a pu faire,
04:11les rendez-vous qu'on a dans la journée.
04:14Et ça nous construit.
04:17Je ne suis pas la même aujourd'hui que j'étais hier.
04:21C'est moi, bien sûr, je m'exprime comme je peux.
04:24Mais en même temps, c'est chaque fois une aventure.
04:28Chaque jour est une aventure.
04:30Vous gardez quoi, justement, de cette arrivée à Paris, au début des années 50 ?
04:35J'étais très pauvre.
04:37En Paris, tant que professionnelle,
04:39je n'avais pas les moyens de me payer une vie de luxe.
04:44J'étais dans les petits hôtels, pas chauffée.
04:48J'allais au marché Bussy, je me souviens,
04:51m'acheter du bois.
04:53J'avais un hôtel, rue Saint-André-des-Arts,
04:56où il n'y avait pas de chauffage, j'avais une cheminée.
04:59Alors j'allais au marché Bussy, je cherchais des cajots de bois
05:02pour allumer le feu dans ma cheminée pour me chauffer.
05:05Et personne ne savait que j'étais pauvre.
05:08Je n'étais pas très bien habillée, bien sûr.
05:11Je n'avais pas de coiffeur derrière.
05:13Enfin quoi, j'avais 19 ans, 18 ans, 19 ans.
05:17Et j'avais des copains au conservatoire qui me protégeaient.
05:20Et c'est drôle ça.
05:22Pourquoi me protégeaient-ils tous comme ça ?
05:24Tous mes copains, que ce soit Jean-Paul, Jean-Paul Belmondo,
05:28Marielle, Rochefort et tout ça.
05:32Cela dit, ils étaient tous mariés.
05:34Comme les garçons du conservatoire
05:37pouvaient jusqu'à 21 ans se présenter au conservatoire,
05:40évidemment ils avaient fait leur service militaire
05:42et ils étaient pratiquement tous mariés déjà.
05:44Ça n'a pas duré longtemps leur mariage.
05:46Malheureusement, je crois qu'ils se sont mariés un peu jeunes.
05:49Mais ils me protégeaient.
05:51Ils n'ont jamais essayé quoi que ce soit avec moi.
05:55Et ça, je le jure.
05:57Vous avez toujours eu un caractère très fort, Françoise Fabian.
06:01Vous ne vous êtes jamais laissée faire, c'est ce que je veux dire.
06:03En tout cas, les choses étaient claires.
06:05Oui, claires, oui.
06:07Ça, ça fait partie de votre personnalité.
06:09Oui, les choses étaient claires, il fallait que le soient.
06:11Il fallait que je choisisse aussi.
06:15Je n'étais pas une espèce de chose comme ça,
06:21qu'on met d'un côté et qu'on met de l'autre.
06:24Je savais ce que je voulais.
06:26Je savais comment je devais vivre.
06:28Je savais que je devais respecter mes parents.
06:30Je savais tout ça.
06:33J'étais assez costaud finalement.
06:36Je ne m'en rendais pas compte.
06:38Mais j'ai toujours eu une certaine rigueur.
06:40Quel regard vous portez alors sur ce parcours ?
06:42Sur tout ce que vous avez déjà fait jusqu'à aujourd'hui ?
06:44Sur ce que j'ai fait ?
06:46Oui.
06:47Ce que j'ai fait, je considère ça comme un cadeau.
06:50Mais bien sûr, j'ai eu tellement de bonheur.
06:54J'ai connu des gens tellement merveilleux.
06:56J'ai eu des parents tellement extraordinaires
06:58qui m'ont offert une vie,
07:00qui m'ont permis d'avoir une vie extraordinaire.
07:02J'ai connu des gens merveilleux.
07:04J'ai connu des amis extraordinaires.
07:06Mais j'en perds de plus en plus quand même à mon âge.
07:11Et je ne sais pas.
07:16Est-ce que j'ai envie de l'avenir ?
07:18Je ne crois pas à l'avenir qu'on me propose.
07:22Je n'ai pas envie.
07:24Pourtant, l'avenir que vous nous proposez, on en a envie.
07:27Tant mieux.
07:28C'est cet album.
07:29C'est l'heure d'un rendez-vous.
07:30Vous avez l'œil encore un peu dur, l'oreille.
07:32Là, a priori, vous êtes tellement perfectionniste
07:35et pourtant cet album, c'est vous.
07:38Ah bon ?
07:39Oui.
07:40Je la trouve tellement comme il faut.
07:42Je me demande si je suis si comme il faut que ça.

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