Poser cette question : la France peut-elle se passer de l'Afrique ? induit le corollaire : l'Afrique peut-elle se passer de la France ? A cette deuxième interrogation, il semblerait que l'affirmative soit en train de se produire au regard d'une Afrique de plus en plus mondialisée par ses échanges économiques diversifiés, sa défense sous-traitée à des régimes autoritaires, une diplomatie axée autour de la souveraineté d'États-nations et une volonté politique d'assumer son destin en solo .Parmi les derniers évènements en date, il y a le Sénégal prenant ses distances avec l'allié traditionnel et ce souffle décolonial attisé par des puissances cupides et autoritaires. Quant à la France ? Son attachement à l'Afrique ne cesse de subir des déconvenues : même si quelques bases militaires demeurent, l'essentiel de notre armée a quitté ce continent africain suite à des coups d'État et à l'amplification d'un sentiment antifrançais. Notre influence diplomatique s'est réduite, concurrencée qu'elle est par le reste du monde, et notamment par un glissement géostratégique de l'Afrique vers ce Sud global impulsé par la Chine et la Russie. Demeure toutefois une francophonie axée sur la présence de la langue française et un attrait pour notre culture, notamment au sein de la diaspora africaine et des binationaux. Reste la coopération économique franco-africaine: un peu plus de 5% du commerce extérieur de la France, environ 70 milliards d'euros, importations et exportations inclues, soit le quart en volume du marché chinois et l'équivalent de l'Allemagne. On peut ajouter les incertitudes qui pèsent sur le Franc CFA. Bref, des connivences demeurent mais l'Afrique a moins besoin de la France et réciproquement.
Émile Malet reçoit :
- Antoine Glaser, journaliste et essayiste,
- Calixte Beyala , écrivaine franco-camerounaise, grand prix du roman de l'Académie française,
- Etienne Giros, président de CIAN et de l'EBCAM,
- Rachid Temal, sénateur PS,
- Kerfalla Yansané, ancien ministre, ancien ambassadeur, Guinée.
Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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- Calixte Beyala , écrivaine franco-camerounaise, grand prix du roman de l'Académie française,
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- Rachid Temal, sénateur PS,
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Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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NewsTranscription
00:00Générique
00:02...
00:23Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde.
00:26La France peut-elle se passer de l'Afrique
00:30? Poser cette question,
00:31la France peut-elle se passer de l'Afrique,
00:35implique le corollaire
00:36l'Afrique peut-elle se passer de la France ?
00:39A cette deuxième interrogation,
00:42il semblerait que l'affirmative soit en train de se produire
00:45au regard d'une Afrique de plus en plus mondialisée,
00:49par ses échanges économiques diversifiés,
00:52sa défense sous-traitée, bien souvent,
00:54à des régimes autoritaires,
00:56une diplomatie axée autour de la souveraineté d'Etat-nation
01:01et une volonté politique d'assumer son destin en solo.
01:06Parmi les derniers événements en date,
01:08il y a le Sénégal,
01:10prenant ses distances avec l'allié traditionnel
01:13et ce souffle décolonial
01:15attisé par des puissances cupides et autoritaires.
01:19Quant à la France,
01:21son attachement à l'Afrique ne cesse de subir des déconvenus,
01:25même si quelques bases militaires demeurent.
01:28L'essentiel de notre armée a quitté ce continent africain
01:32suite à des coups d'Etat
01:34et à l'amplification d'un sentiment anti-français.
01:38Notre influence diplomatique s'est réduite,
01:41concurrencée qu'elle est par le reste du monde,
01:44et notamment par un glissement géostratégique de l'Afrique
01:48vers ce sud global impulsé par la Chine et la Russie.
01:53Demeure, toutefois, une francophonie axée
01:56sur la présence de la langue française
01:58et un attrait pour notre culture,
02:00notamment au sein de la diaspora africaine
02:04et des binationaux.
02:05Reste la coopération économique franco-africaine.
02:09Un peu plus de 5 % du commerce extérieur de la France,
02:13environ 70 milliards d'euros,
02:16importation et exportation inclus,
02:19soit le quart en volume du marché chinois,
02:22et l'équivalent de l'Allemagne.
02:24On peut ajouter les incertitudes qui pèsent sur le France CFA.
02:29Bref, des connivences demeurent, des intérêts aussi,
02:33mais l'Afrique a moins besoin de la France,
02:36et réciproquement.
02:38Nous allons évoquer ce tableau contrasté
02:41avec mes invités que je vous présente.
02:43Antoine Glazer, journaliste et essayiste,
02:47qui est souvent avec nous dans ces émissions.
02:50Calix Beyala, vous êtes écrivaine franco-camerounaise.
02:55Je rappelle, pour ceux qui ne le savent pas,
02:58vous êtes grand prix du roman de l'Académie française.
03:01Etienne Girose, vous êtes président du Cian et de l'Ebcam.
03:05Vous nous direz ce que ça signifie, ces initiales.
03:08Rachid Temal, vous êtes sénateur, Parti socialiste.
03:13Kherfala Yansané, vous êtes ancien ministre
03:16et ancien ambassadeur pour la Guinée.
03:19Et là, nous vous avons en visioconférence
03:22depuis Dakar.
03:24Merci.
03:25Et donc, avant de vous poser cette première question,
03:28je vais vous aller, avec moi, visionner cet extrait,
03:32cet archive de l'Assemblée nationale,
03:35avec Dominique Strauss-Kahn,
03:37ancien ministre de l'Economie et des Finances.
03:42La réforme de la coopération
03:44que le gouvernement vient de mettre en place
03:47consacre la plus grande partie de son aide
03:51à ce que nous appelons dorénavant
03:53la zone de solidarité prioritaire, avec Charles Josselin,
03:56dont l'Afrique subsaharienne.
03:59Et donc, je crois qu'il est inexact de dire
04:02que la France et l'Union européenne
04:04sont aujourd'hui absentes en Afrique.
04:06Juste quelques chiffres pour fixer les idées.
04:0944 % de l'aide bilatérale française
04:12va vers l'Afrique subsaharienne.
04:14C'est, en pourcentage du PIB, 16 fois ce que font les Américains,
04:1916 fois, 5 fois ce que font les Japonais.
04:23Et en montant, me direz-vous, en montant,
04:26la France reste, vers l'Afrique subsaharienne,
04:28le 1er contributeur.
04:30S'il ne fallait qu'une illustration
04:32pour montrer l'importance de notre effort,
04:34ayez à l'esprit, M. le député,
04:36que ce que la France consacre à l'Afrique subsaharienne
04:40par le biais de l'Union européenne,
04:42c'est-à-dire le budget communautaire
04:44ou le Fonds européen de développement,
04:45est à soi seul supérieur à la totalité de l'aide américaine.
04:51Au-delà de cela, vous savez que,
04:54conformément à la Convention de l'OME,
04:57près de 96 %, presque la totalité des produits
05:00qui sont exportés par ces pays
05:02entre en franchise de droits de douane
05:04dans l'Union européenne.
05:07Alors, nous venons d'écouter Dominique Strauss-Kahn.
05:10Vous nous direz ce que vous en pensez,
05:13si on en est au même niveau de coopération,
05:16d'autant plus qu'entre 2000 et 2020,
05:19la France a vu ses parts de marché en Afrique réduites de moitié.
05:24L'Afrique s'est mondialisée au détriment de la France.
05:28Comment l'expliquer ?
05:30Et en termes de coût avantage,
05:32à qui profite et à qui pâtit
05:34cette économie fortement concurrentielle ?
05:38Antoine Glaser.
05:39En fait, on a l'impression
05:41que, finalement, la France n'a pas vu l'Afrique se mondialiser.
05:45C'est vrai, quand on entend Dominique Strauss-Kahn,
05:48on a l'impression que c'était un autre siècle.
05:50Il y a eu une période, ce qu'on appelle post-coloniale,
05:53des indépendants jusqu'à la chute du Burgh de Berlin,
05:56en 89-90, où la France, il n'y avait pas de compétition,
05:59puisque les propres partenaires de la France,
06:02au nom de la lutte contre l'Union soviétique,
06:04lui laissaient des marchés captifs.
06:06Vous avez un système intégré, politique, militaire, financier,
06:09tout le monde connaît le terme, la France-Afrique.
06:12C'était un système intégré.
06:13C'est l'histoire qui parlait. C'était une période historique.
06:17Et à la chute du Burgh de Berlin, en 89-90,
06:19tout le monde sous Mitterrand regardait, finalement,
06:22que la réunification de l'Allemagne
06:25et à considérer que la France était toujours chez elle, en Afrique.
06:28Sauf qu'au fur et à mesure, même l'armée française,
06:31récemment, même encore,
06:34trouvait hors sol dans le Sahel,
06:36parce que vous n'aviez pas ce tissu de coopérant,
06:38de relations, de présence française.
06:41Encore une fois, pour moi, c'est un anachronisme historique.
06:45Ca veut dire qu'on est restés trop longtemps
06:48et on ne s'est pas intéressés à l'Afrique.
06:50On a exporté vers l'Afrique notre constitution,
06:53notre langue, ce qui est une bonne chose,
06:55mais aussi notre façon d'être,
06:57toutes nos économies, etc., en Afrique,
07:01qui étaient vraiment sur des marchés captifs.
07:04Et à un certain moment donné, on s'est trouvés
07:06en défassage, au lieu de s'intéresser
07:08à l'Afrique réelle, à l'Afrique des Africains,
07:11sur le plan historique, sur les plans...
07:13Parce qu'encore une fois, moi, je ne sais pas,
07:17des jugements de valeur.
07:19C'était des périodes historiques données.
07:21On n'a pas vu les changements historiques.
07:23Même quand les Chinois sont arrivés en Afrique,
07:26on disait, de toute façon, les Chinois, les Africains,
07:29ils détesteront les Chinois.
07:31Des bêtises, en fait.
07:33C'était vraiment une période historique.
07:35Les Chinois ont dormi en Afrique, l'Afrique s'est mondialisée.
07:38C'était tout à fait normal. C'est une situation normale.
07:41On va avoir un point de vue africain.
07:44Kherfala Yansané, qu'en pensez-vous ?
07:47Ecoutez, je pense que, d'abord, je vous remercie
07:50pour l'invitation et pour cette émission très importante.
07:54Je pense qu'effectivement, le monde change,
07:58et il change très, très vite.
07:59Et le constat que, personnellement, j'ai fait,
08:03c'est que les présidents successifs de la France,
08:08après De Gaulle,
08:09ont réfléchi, ont agi un peu en zigzag.
08:17Pompidou a essayé de mettre fin à la France-Afrique,
08:21mais il n'a pas réussi.
08:23Giscard, qui n'était pas gaulliste,
08:25s'est trouvé prisonnier du système
08:28et l'a continué, malheureusement, avec les scandales qu'on connaît.
08:32Mitterrand est venu aggraver les choses,
08:36bien qu'il y ait eu, entre-temps, le discours de Lavaule,
08:40mais, malheureusement,
08:43le règne de Mitterrand a été émaillé,
08:49également, de scandales, depuis le Rwanda jusqu'à d'autres.
08:53Et, bon, avec le népotisme, avec son fils,
08:56qui était en charge de l'Afrique,
09:00Chirac a voulu reprendre les choses
09:05là où De Gaulle avait laissé, en faisant revenir...
09:10...Gavre.
09:11Et, bon, il y avait la guerre
09:14entre ce qu'on appelait les modernes et les anciens.
09:18Bon, je pense que tout ça,
09:22c'est pas très clair.
09:24Bon, Sarkozy est venu avec sa fougue
09:27en disant que la France-Afrique, c'est fini,
09:29mais, malheureusement, ça a continué.
09:31Hollande, qui ne connaissait pas l'Afrique,
09:37a été pris de court par les événements du Mali.
09:40Il s'est conduit en chef de guerre,
09:43il a fait ce qu'il a pu.
09:45Macron, qui est beaucoup plus jeune,
09:47qui n'a pas de mémoire coloniale,
09:50est venu en disant, cette fois-ci,
09:53malheureusement, quand il a commencé,
09:55il a voulu d'abord s'adresser directement,
09:58comme on dit, aux populations, aux jeunes.
10:01Et on a vu les discussions qui ont mal tourné.
10:07Dans les événements qui sont passés au Maroc,
10:10avec le troulement de terre,
10:12il a essayé également, là, d'aller par-dessus la tête du roi
10:17pour s'adresser aux populations du Maroc.
10:19Et là, également, je pense...
10:21Donc, pour me résumer,
10:23il y a eu toute une série de maladresses
10:25au niveau des chefs, des présidents successifs français,
10:31si bien que l'image est un peu brouillée en Afrique,
10:35où, heureusement ou malheureusement,
10:38il y a un changement de génération.
10:40Vous avez dû apprendre le décès de M. Mactar Mbo,
10:43qui était le directeur général de l'UNESCO,
10:48qui était un des, disons, un des piliers du quartier latin.
10:53Il a étudié à la Sorbonne.
10:55Et nous autres, je peux dire que nous sommes
10:58les espèces en voie de disparition.
11:01Nous sommes les derniers représentants de cette Afrique
11:06qui a connu le quartier latin
11:08et qui avait des liens personnels
11:11avec le personnel universitaire et politique français.
11:15Donc, aujourd'hui, je pense que le champ africain
11:21est pratiquement inconnu d'une bonne partie des leaders.
11:26On va rentrer dans le détail, M. Yossane.
11:29Alors, Etienne Giraud, quand vous entendez ça,
11:32vous acquiescez ou vous dites
11:34que c'est toujours vif, etc. ?
11:38J'acquiesce et je corrige.
11:40J'acquiesce parce que, ce qu'a expliqué Antoine Glazer,
11:44il y a eu un grand virage dans les années 90,
11:46la chute du mur de Berlin,
11:48mais aussi le début des politiques de stabilisation,
11:51qui ont beaucoup changé l'économie et la structure
11:54des Etats africains, dans la décennie 90.
11:56Et donc, après une période de relations relativement exclusives
12:00avec les anciens colonisateurs, au plan économique,
12:03et même politique, l'Afrique s'est ouverte,
12:05ça a été dit, une nouvelle génération est arrivée,
12:08Internet est arrivé, et l'Afrique est entrée
12:11dans la mondialisation économique.
12:13Et le résultat, c'est que des nouveaux acteurs
12:16sont arrivés, nommément la Chine, l'Inde, la Turquie,
12:19qui n'étaient pas là avant, et même la Russie.
12:21Il faut voir que la présence française,
12:24au moins sur le plan économique, mais aussi sur le plan diplomatique,
12:27se trouve comme un village qui a eu l'habitude
12:31d'avoir un boulanger et un seul.
12:34Et un bon jour, la population du village augmente beaucoup
12:37et un deuxième boulanger s'installe.
12:39Du jour au lendemain, la part de marché
12:42de ce boulanger initial va baisser.
12:44C'est ce qui nous arrive.
12:45Donc, je pense qu'il faut arrêter de dire
12:47que la France, notamment pour les entreprises françaises,
12:51est en train de perdre pied, et qu'on a à faire
12:53une nouvelle concurrence, qui est très bien.
12:56Si les Chinois n'étaient pas là, il y aurait eu un tiers
12:59de croissance africaine en moins entre 2000 et 2020.
13:02Après, il faut corriger... Je corrige juste une chose.
13:05La présence économique, et donc la présence des entreprises,
13:08à la part de l'aide publique, est encore très présente en Afrique.
13:12Je ne vais pas vous assommer de chiffres,
13:14un ou deux.
13:15On va rentrer dans le détail.
13:17Quand même un ou deux.
13:19Nous avons doublé les exportations françaises
13:23en Afrique entre 2000 et 2020.
13:25Mais comme le marché s'est beaucoup agrandi,
13:28nous avons divisé notre part de marché par deux.
13:30Donc, on a augmenté notre exportation
13:33dans un marché qui a été multiplié
13:35beaucoup plus que notre part à nous.
13:37Et la deuxième chose qu'il faut dire,
13:39parce que ça éclairera notre débat,
13:41c'est que la présence des entreprises françaises
13:44s'installe sur place, avec des filiales, des succursales,
13:47ce que ne font pas tous les autres.
13:49Vous avez parlé de l'EPCAP dans ma fonction.
13:51C'est les entreprises européennes qui sont investies en Afrique.
13:55Donc, j'ai une place, une plateforme de comparaison
13:58avec nos amis européens.
13:59Je peux vous dire, je le vois,
14:01que nous, les Français, on s'installe sur place.
14:04Ce ne sont pas les exportations.
14:05C'est le stock des investissements,
14:07qu'on appelle les investissements directs à l'étranger.
14:11Il ne faut pas se tromper dans l'analyse.
14:13On a un point de vue économique.
14:15Je vais vous demander un point de vue culturel
14:17et un point de vue politique.
14:19Kalix Béiala, j'ai entendu, là,
14:22avec M. Yansane, dire
14:24que l'esprit Saint-Germain-des-Prés n'est plus là,
14:28la mondialisation a gommé ça.
14:30Ca veut dire, à votre avis,
14:32que l'attrait culturel pour la France n'est plus le même ?
14:36Ca serait difficile à dire oui ou non.
14:39C'est vraiment beaucoup plus complexe que ça.
14:41Pourquoi ?
14:42Parce que, tout simplement, dans les analyses,
14:45on exclut les relations humaines.
14:47Les relations humaines,
14:49je parle des relations amicales,
14:51des relations personnelles, amoureuses, les mariages.
14:55Il y a énormément de consanguinités
14:58entre la France et l'Afrique francophone, notamment.
15:01Donc, ces brisures-là sont peut-être très fantasmées
15:06par le politique, où c'est réel, d'ailleurs,
15:09et par l'économique.
15:10Je veux dire, si on se tient juste,
15:12si on se tient à ses paramètres, on va se tromper.
15:15Personne ne veut quitter la France,
15:17et la France ne va pas quitter l'Afrique.
15:19Il faut arrêter de croire que cela se passera
15:23parce que la part du marché a tel endroit baissé,
15:25parce que les politiques ne s'entendent pas.
15:28Je vais vous dire quelque chose.
15:30Ce qui se passe, en réalité, pour moi,
15:32qui ne suis ni une politique, mais une femme de terrain,
15:35c'est une rancœur.
15:37Une rancœur que les jeunes Africains
15:40ont à l'égard de la France,
15:43c'est-à-dire qu'elle avait installé,
15:45dans les années 60, des hommes
15:48qui ont fait énormément de mal à ce continent.
15:51Et la jeunesse africaine a estimé,
15:54ça, je vous le dis honnêtement,
15:56que la France aurait dû les aider à se débarrasser de ces tyrans
16:01qui étaient peut-être nécessaires à une époque,
16:03mais qui ne l'est plus.
16:04Vous remarquerez que les pays où la France a le plus de difficultés,
16:08ce sont les pays où la jeunesse est débarrassée de ces tyrans.
16:12Là, vous prenez, par exemple, le Gabon.
16:14La France n'a pas particulièrement de problèmes au Gabon,
16:17où quelqu'un est arrivé, etc.
16:19Mais au Mali, où les gens ont dû se battre,
16:22ou au Burkina Faso,
16:25là, vous avez de sérieux problèmes
16:27parce qu'ils estiment que la France,
16:29qui n'est pas monsieur tout le monde,
16:32qui sont les responsables, les politiques,
16:34n'ont pas aidé la jeunesse africaine.
16:37Oui, mais qu'est-ce qu'il y a, là ?
16:39Vous dites qu'humainement, ça demeure.
16:42C'est-à-dire, vous nous aimez et nous vous aimons.
16:45Vous ne pouvez rien faire.
16:46D'accord. Acceptons ce diagnostic sentimental.
16:51Mais est-ce qu'en termes d'influence,
16:54par exemple, vous, qui êtes une romancière,
16:58vous pensez que l'Afrique considère toujours
17:02que la France est le pays de la grande littérature,
17:06etc., etc.
17:08Si vous voulez, cet attachement culturel,
17:10ou même cet attachement culturel, c'est délité.
17:14Non, ça ne s'est pas délité.
17:16Ca dépend des classes sociales.
17:18Il ne faut pas non plus voir tout en sombre.
17:20Non, ce n'est pas vrai.
17:22Je vais dire qu'il y a encore des gens
17:24qui aiment beaucoup la culture française.
17:26Mais la mondialisation est passée par là.
17:29Pas tant que ça dans les pays francophones.
17:32Pas tant que ça.
17:33Ce qu'on pourrait, par exemple, reprocher à la France,
17:36c'est de ne pas tenir à ses comptes
17:38des cultures africaines, par exemple.
17:40C'est tout.
17:42Mais je vais dire qu'il n'y a personne qui va dire
17:44qu'à partir de maintenant, j'aime le chinois,
17:47je m'en vais juste apprendre le chinois, etc.
17:50Non, les choses se font beaucoup plus vers l'Occident,
17:53auquel la France appartient,
17:57que vers la Chine ou la Russie.
17:59Je ne vois pas beaucoup de demandes d'étudiants africains
18:02voulant s'installer en Russie.
18:04Très bien. Alors, Rachid Temal,
18:06sur la coopération politique,
18:08est-ce que vous avez le sentiment
18:11que politiquement,
18:13les deux pays, réciproquement,
18:17s'intéressent moins ?
18:19Disons, la France d'un côté,
18:22peut-être l'Europe aussi,
18:24et de l'autre côté, l'Afrique.
18:26Il y a moins d'intérêt politique
18:29dans la collaboration, dans la coopération.
18:32Si on parle de relation, il faut regarder les deux côtés.
18:35Sachant qu'on dit France et Afrique,
18:37avec toute la diversité du continent africain,
18:40on va au moins rester à l'Afrique francophone.
18:43Mais ça en dit beaucoup aussi
18:45sur comment la France se voit elle-même.
18:47La réalité, c'est qu'aujourd'hui,
18:49une France, depuis de nombreuses années,
18:52recroqueville sur elle-même,
18:53s'interroge sur son identité, etc.,
18:55c'est moins d'ouverture vers l'Afrique.
18:58Aujourd'hui, c'est toujours ce regard critique.
19:00Aujourd'hui, un Africain, c'est bien souvent
19:03un immigrant clandestin putatif.
19:07C'est aussi ça qu'il y a comme regard.
19:09Il faut aussi changer cela.
19:11Et puis, la France, je partage ce qu'elle a dit,
19:13c'est-à-dire que la France n'a pas compris
19:16que l'Afrique, sa jeunesse, ses Etats,
19:18rentaient dans la mondialisation.
19:20Quand vous êtes un jeune en Algérie,
19:22Burkina Faso ou autre,
19:24est-ce qu'après les indépendances
19:26et les régimes, vous vivez mieux ou moins bien ?
19:29Les gens s'interrogent.
19:30On peut essayer d'autres choses.
19:32C'est ce côté-là.
19:33Sur le continent africain, j'entends,
19:36mais attention de ne pas tomber de la France-Afrique
19:39à plus de France en Afrique.
19:40Il y a plein de sujets.
19:42D'un point de vue avant, jusque-là,
19:44la France, quand elle s'exprimait
19:46dans les instances internationales,
19:48il y avait une cinquantaine d'Etats d'ARL.
19:50Aujourd'hui, c'est plus le cas.
19:52Ca pose la question de la puissance française.
19:54Du côté africain, la vérité,
19:56c'est qu'ils sont entrés
19:58dans une logique de marchandisation.
20:00Je le reste, mais chacun fera ce qu'il voudra.
20:02Quand vous parlez avec la Chine,
20:04la curse des droits de l'homme, des droits,
20:07n'existe pas. Ce sont des chèques.
20:09Quand vous êtes avec les Russes,
20:11la sécurité, on le voit en Centrafrique,
20:13au Mali, on voit d'autres choses.
20:15Dans les deux côtés, il y a, je pense,
20:17un besoin de se repenser.
20:19Je termine d'un mot.
20:20Sur la coopération économique,
20:22on a fait le loi de programmation.
20:24Aujourd'hui, on n'est pas à la hauteur
20:26des ambitions que nous devons avoir.
20:28Je pense que la question, c'est que,
20:30soit on continue à faire que le lien historique
20:33lié à la colonisation et à la décolonisation
20:35continue à se déliter,
20:37même s'il y a les entreprises,
20:38soit, des deux côtés, il y a à s'interroger
20:41sur ce qu'on peut faire ensemble ou pas.
20:43C'est une révolution copernicienne
20:45des deux côtés.
20:46Rachid Temal, est-ce que vous pensez
20:49qu'on peut parler globalement
20:51de relations politiques
20:53entre la France et l'Afrique,
20:55où il faut rentrer ?
20:56Ca n'est pas pareil avec l'Algérie et le Maroc,
20:59ça n'est pas pareil avec le Gabon
21:01ou la Côte d'Ivoire,
21:03ça n'est pas pareil avec l'Afrique du Sud
21:05ou le Kenya ?
21:07Il y a des approches.
21:08L'histoire n'est pas la même,
21:10le type de relation n'est pas le même.
21:12Aujourd'hui, si vous prenez, par exemple,
21:14le Maghreb, dans le paysage politique français,
21:17la seule question, quand on regarde le Maghreb,
21:20je parle de la France,
21:21immigration clandestine et au QUT,
21:23il faut les renvoyer,
21:25islamisation,
21:26basta.
21:27Il y a d'autres sujets, je veux dire.
21:29On voit sur le Sahel,
21:31c'est des questions aussi d'ordre économique
21:33et aussi d'ordre diplomatique
21:35et de coopération.
21:36Mais la France avait tenté pendant de nombreuses années
21:40les 3D, défense, diplomatie et développement.
21:44Le modèle ne fonctionne plus.
21:45Je crois que là aussi, il faut qu'on se réinvente.
21:48Je pense qu'on ne peut pas se dire
21:50que c'est tout le continent africain.
21:52Voilà notre rapport.
21:53Vous voulez intervenir ?
21:56Oui, je voudrais, avec votre permission,
21:58compléter un peu
22:02la présentation de Mme Biala sur le plan culturel.
22:05Je pense qu'aujourd'hui,
22:08les étudiants africains ont beaucoup de mal
22:11à venir en France.
22:14Beaucoup de mal à venir en France, à s'inscrire
22:17et à faire des études correctement.
22:20Et parce qu'il y a cet amalgame,
22:23il y a ce discours politique
22:25qui voit un tout africain énigré
22:30et avec, malheureusement,
22:34la stigmatisation avec la criminalité.
22:37Donc je pense qu'il faut peut-être que, sur le plan humain,
22:41les politiques essayent de donner un autre discours,
22:45un autre narratif dans les relations
22:48entre la France et l'Afrique.
22:50N'oublions pas la dette de sang
22:52des pays africains vis-à-vis de la France.
22:54N'oublions pas les trentes glorieuses
22:57qui ont attiré de nombreux Maghrébins,
23:00de nombreux Africains, dans les usines françaises
23:03et qui, humainement, sont restés.
23:06Et il y a un appel d'air, après eux...
23:08Monsieur le ministre,
23:10on entend aussi beaucoup d'Africains
23:14critiquer la France sur un plan identitaire.
23:18Il y a quand même aussi un sentiment antifrançais
23:21qu'on entend.
23:22Et est-ce que vous croyez qu'on va rester éternellement
23:26sur cette question coloniale ?
23:28Aucun pays ne veut vivre avec une dette coloniale.
23:32Je pense qu'il faut essayer de solder le passé
23:35de manière lucide.
23:36Mais jusqu'à quand on va le solder ?
23:39Écoutez, c'est une question de leadership.
23:42Comme je vous ai dit,
23:44les présidents successifs français
23:47ont hésité à aborder la question.
23:50Macron, récemment,
23:53a commissionné des historiens
23:56pour parler des relations avec l'Algérie.
23:58On a le problème...
24:00Vous avez bien vu que ça n'a pas marché.
24:02Oui, on a vu le problème de la restitution
24:04des biens culturels africains.
24:08Ça a commencé, mais il y a quelque chose qui patine.
24:12Donc, je pense, quelque part,
24:15il y a des blocages.
24:16Il faut vraiment des grands dirigeants de part et d'autre
24:19pour que nous puissions tirer un trait
24:23et puis avancer.
24:25Mais il faut que les discours politiques soient cohérents.
24:28Merci. Rachid Temal voulait intervenir.
24:30Sur la colonisation,
24:32par exemple, la France a du mal avec son discours.
24:35Je ne dis pas qu'il ne faut pas continuer des années durant,
24:39mais vous n'avez pas encore un grand discours
24:41d'un grand président sur la colonisation,
24:43pour acter cela.
24:45Deuxième point sur l'image de la France.
24:47Je viens de remettre un rapport en tant que rapporteur
24:50sur les ingérences étrangères, en France, dans le monde, etc.
24:53La réalité, c'est qu'il n'y a pas de narratif français en Afrique.
24:57Qu'est-ce qu'on raconte ?
24:59Face à ça, vous avez des narratifs russes, chinois,
25:02qui s'appuient sur des réalités, plus ou moins vraies,
25:05mais qui construisent des choses, un discours.
25:08Le problème, c'est qu'on n'a plus de narratif.
25:10C'est quoi, la France ?
25:11Rachetez-moi, sans polémique.
25:14Est-ce que vous ne pensez pas
25:16que la question des relations franco-algériennes,
25:19c'est devenu un narratif de politique intérieure
25:24pour l'Algérie ?
25:25Et la France ?
25:26Vous avez aujourd'hui des forces politiques en France
25:29qui réclament la rupture des accords sur le poste postcolonial.
25:33C'est aussi un objet de politique française.
25:35Vous parlez du regroupement familial
25:38au niveau de l'immigration ?
25:40Encore une fois, je vais vous donner d'un mot sur l'Algérie.
25:43Sur la guerre d'Algérie,
25:44personne ne peut dire les choses très tranquillement.
25:47La gauche a fait les lois spéciales
25:51qui ont ouvert la porte à la torture.
25:54La droite est arrivée, après le 13 mai 1958,
25:56dans des conditions que chacun sait,
25:58pour garder l'Algérie française.
26:00Comme aucun n'a été clé dans cette affaire-là,
26:03tout le monde se tait.
26:04C'est un grand absent de la politique française.
26:07Je n'ai toujours pas entendu un grand discours d'un président,
26:10même si Emmanuel Macron a fait beaucoup sur ce qu'était
26:13notre présidence pendant 132 ans en Algérie,
26:16ce que ça a causé et comment on solde les choses.
26:18Si on attend toujours la partie algérienne,
26:21la colonisation, c'est d'abord une question française.
26:23En France, cette question-là n'a pas été traitée
26:26à sa juste dimension.
26:28Commençons par dire que c'était la France en Algérie,
26:31et voilà où nous en sommes.
26:32Il faut solder nous-mêmes avant de demander aux autres.
26:35Vous voulez dire quelque chose ?
26:37Oui, je pense que quand on est dans ce genre de débat,
26:40on ne peut pas prendre des particularismes.
26:42Je parlerais de la guerre au Cameroun.
26:44Je pense qu'il faut travailler pour s'en sortir
26:47sur des colonnes vertébrales,
26:49une colonne vertébrale commune.
26:51C'est vrai que l'Algérie et le Cameroun
26:53sont les deux seuls pays francophones
26:55à avoir fait une guerre de libération.
26:58Voilà. Donc c'est tellement particulier qu'on ne peut...
27:01On ne peut pas, sinon on biaise le sujet.
27:05La question est...
27:07Justement, je ne suis pas d'accord avec vous sur un point.
27:10Il n'y a pas un seul chef d'Etat
27:13qui a pu tenir un discours cohérent sur l'Afrique.
27:16Un seul chef d'Etat français.
27:18Il y a eu une politique d'évitement.
27:20Même quand Macron...
27:21J'ai la même chose que vous ?
27:23Même quand Macron a fait semblant de réunir des gamins,
27:26c'était de l'évitement.
27:28Il ne voulait pas affronter les problèmes.
27:30Il a refusé de rencontrer les politiques.
27:32Il a refusé de rencontrer les grands intellectuels africains.
27:36Vous ne résoudrez pas ce problème.
27:38C'est un dialogue...
27:39C'est pas tout à fait exact.
27:41On a même donné le prix Goncourt à un écrivain.
27:44Mais si, il y a des écrivains africains.
27:46J'ai reçu le prix de l'Académie française.
27:48On ne résout pas ça avec un prix.
27:50On résout ce problème dans le dialogue collectif,
27:54dans un dialogue entre la France et ses pays,
27:58individuellement, colonisés et globalement.
28:01Donc, il faut que la France accepte de regarder son histoire
28:04telle qu'elle a été.
28:06C'est une histoire douloureuse de part et d'autre,
28:09mais il y a des parties belles.
28:10J'ai commencé par aborder ces parties
28:13qui ne seront pas défaites.
28:15On va se battre, on va s'engueuler, on va s'enfermer,
28:18mais nous avons énormément de consanguinité.
28:20Ne l'oubliez jamais dans les débats.
28:23Personne ne partira nulle part.
28:25On ne va pas rester que là-dessus,
28:28mais pour purger ce sujet-là.
28:30Et pourquoi...
28:31Pourquoi la France
28:34se retrouve avec un traitement particulier
28:38de cette réminiscence éternelle de son histoire coloniale ?
28:42C'est pas le cas d'autres pays européens
28:45qui ont également eu des expériences coloniales.
28:49J'ai deux réponses.
28:51La première, je pense que maintenant,
28:53on va passer... Le sujet, c'est la France en Afrique.
28:56On va passer, finalement, de l'Afrique en France.
28:59On voit même, on commence à déraper sur l'Afrique en France.
29:03Le sujet n'est plus de la France en Afrique.
29:05L'Afrique s'est mondialisée.
29:07Si on ne s'intéresse pas à l'Afrique des Africains,
29:10on n'existera plus.
29:11Si on ne s'intéresse pas à leur histoire, on n'existera plus.
29:15Par contre, il y a un vrai sujet, l'Afrique en France.
29:18C'est pour ça qu'Emmanuel Macron,
29:20quand vous allez à la cellule africaine de l'Elysée,
29:23d'abord, c'est une femme d'origine africaine
29:25et qui s'intéresse au diaspora.
29:27Son promotionnaire, qui était avec lui à l'ENA,
29:30Aurélien Lechevalier,
29:31directeur général de la mondialisation du Quai d'Orsay,
29:35il vient d'être nommé directeur de cabinet
29:37du nouveau ministre des Affaires étrangères.
29:40C'est lui qui a créé ce conseil présidentiel africain,
29:43qui a été ambassadeur en Afrique du Sud.
29:45Il a des gens qui s'intéressent au diaspora.
29:48On voit qu'on est en train, sans avoir rien soldé,
29:50de faire l'Afrique en France.
29:52Et Emmanuel Macron, où est-ce qu'il ira
29:55au prochain sommet Afrique-France ?
29:57Il ira au Kenya,
29:59parce que lui, il a tiré l'ardoise magique
30:01sur toute cette période postcoloniale
30:04dont il ne veut pas entendre parler.
30:06Il se dit, moi, j'ai les problèmes avec l'Algérie et le Cameroun,
30:09je les solde en donnant ça à des historiens,
30:12de rapports des historiens,
30:13comme il a fait à un certain moment donné pour le Rwanda,
30:17l'Algérie avec Majama Stora,
30:19le Cameroun avec une historienne, Karine Ramondi,
30:23et puis je passe à autre chose.
30:26Et donc, je considère que, voilà,
30:30l'Afrique, je vais faire mon sommet au Kenya,
30:32alors qu'effectivement, il avait plutôt invité
30:35les sociétés civiles africaines
30:37en se nommant les chefs d'Etat.
30:39Ca veut dire que la diplomatie d'influence de la France,
30:42c'est pas rien. Vous aviez...
30:44Quand vous voyez le nombre de chefs d'Etat
30:48qui ont été formés,
30:50vous aviez 30 chefs d'Etat africains
30:52ou dans le monde qui avaient été formés en France,
30:55vous en aviez environ 60 aux Etats-Unis, etc.
30:57Au niveau de cette diplomatie d'influence,
31:00si vous empêchez les Africains de venir en France,
31:03vous allez avoir du ressentiment.
31:05C'est ça, le problème. On dit l'Afrique, l'Afrique,
31:08et on ferme totalement, on se bunkérise.
31:10C'est ça, le fond du problème.
31:12Au lieu de... On se bunkérise
31:13et on s'intéresse pas à l'Afrique des Africains.
31:16Jérôme, si vous voulez bien,
31:18on va laisser ce volet-là
31:21et nous allons passer au volet économique.
31:25Dans de nombreux domaines,
31:27infrastructures, transports,
31:30produits manufacturés,
31:32la France n'est plus un vecteur du développement en Afrique.
31:37Comment vous expliquez
31:40que le marché français a perdu de son attractivité ?
31:45Le marché africain pour la France, vous voulez dire.
31:48-"Le marché africain pour la France
31:50et le marché français pour l'Afrique".
31:52Les deux volets en termes de double attractivité.
31:55Il faut entrer un peu dans le détail,
31:57parce que les analyses globales peuvent conduire à des erreurs.
32:01J'ai expliqué tout à l'heure que les entreprises françaises
32:04étaient toujours présentes et s'intéressaient à l'Afrique.
32:07D'abord, on va laisser de côté, on reviendra après,
32:10l'aide publique au développement,
32:12qui a augmenté ces dernières années.
32:14Elle est aujourd'hui à 0,52 ou 0,53 %, je crois, du PIB.
32:18-"Avant, c'était du 1,3 milliard."
32:20-"Oui, d'accord, mais bon."
32:22Au jour où je parle, elle a augmenté.
32:24-"C'est beaucoup plus de prêts que de l'aide."
32:27-"L'aide va devenir du financement."
32:29-"C'est un sujet, car quand les PPP ont parlé,
32:31ça ne marche pas."
32:32-"En ce qui concerne les entreprises,
32:35aussi, là, quelques chiffres sans vous assommer,
32:375 000 entreprises installées en Afrique,
32:41100 milliards d'euros de chiffre d'affaires,
32:43c'est plus que les activités et le commerce avec la Chine
32:46ou quelques pays européens,
32:48des montants d'investissement sur place,
32:5265 milliards d'euros,
32:53le deuxième pays après l'Angleterre investit en Afrique,
32:56la Chine est cinquième,
32:57on peut nous ressasser du matin au soir.
33:00-"La Chine est cinquième en matière d'investissement."
33:03-"En stock d'investissement sur place,
33:05les IDE, les investissements directs à l'étranger."
33:08En Afrique...
33:09-"Nous, on est en seconde position,
33:11avant l'Allemagne."
33:12-"Oui, bien sûr."
33:13Le premier, c'est la Grande-Bretagne,
33:16les Etats-Unis en troisième, la Chine en cinquième.
33:19Ca prouve que nous sommes toujours présents.
33:21Et enfin, 700 000 employés, j'ai oublié de le dire,
33:24sur place, 10 000 sites.
33:26Les trois premiers pays, en termes de business,
33:28pour les entreprises françaises en Afrique,
33:31ce ne sont pas des entreprises francophones.
33:33Je voudrais dire que la France,
33:35c'est l'Afrique francophone des entreprises françaises.
33:38Le premier, c'est l'Afrique du Sud, le deuxième, l'Egypte,
33:41le troisième, le Nigéria.
33:43En termes de volume d'activité,
33:44en termes de business des entreprises françaises.
33:47Trois pays anglophones qui ne parlent pas français.
33:50Donc, nous sommes encore présents.
33:52-"Avec le pétrole", il faut quand même le dire.
33:55Le poids du total est important.
33:56Pas en Afrique du Sud, qui est le premier.
33:59Ni en Égypte.
34:00-"Au Nigéria."
34:01D'accord, en Nigéria, oui, mais pas en Égypte.
34:04Et...
34:05Après, je voudrais apporter une autre précision.
34:07Les entreprises françaises, elles ont perdu pied,
34:10ça, c'est vrai, depuis 30 ans, dans certains secteurs,
34:13mais elles sont très fortes dans l'autre.
34:16Je vais vous citer les secteurs où la France, au fond,
34:18a de facto quitté l'Afrique.
34:20Les mines, il y a 50 ans, très fort.
34:23-"Alors que le BRGM était..."
34:25Je sais, mais maintenant, il n'y en a plus.
34:27Deuxième exemple qui va frapper tout le monde,
34:30c'est l'automobile.
34:31Peugeot, Renault, etc.
34:32Inondaient le marché africain il y a 50 ans, il n'y en a plus.
34:35Celle de l'ambassadeur de France, non, je plaisante,
34:38mais autrement, c'est des voitures asiatiques.
34:41Pas parce que la France s'est désintéressée de l'Afrique,
34:44parce que la France a perdu en compétitivité.
34:47L'Afrique n'est que le signe apparent
34:51de la baisse de compétitivité de nos exportations.
34:53Les Peugeot n'ont pas décidé d'arrêter de les vendre,
34:56c'est simplement qu'elles sont trop chères
34:59et ne correspondent pas aux besoins de la population africaine.
35:02Les Asiatiques ont su le faire.
35:04C'est un peu pareil dans le domaine financier,
35:06où les banques françaises se sont avec le temps retirées
35:10et les dernières réfléchissent à leur retraite.
35:12La Société Générale reste, elle est en train de partir,
35:15mais les Anglais aussi sont en train de partir.
35:18Donc, le système bancaire africain s'africanise,
35:20puisque c'est en général des banques...
35:23Oui, Maroc.
35:24Monsieur Giraud,
35:25est-ce que vous pouvez donner quelques renseignements chiffrés
35:29en matière de banques commerciales
35:33entre l'Afrique,
35:36tout le continent et la France ?
35:39On est déficitaire, on est bénéficiaire si on prend...
35:43C'est les filiales et on est bénéficiaire.
35:46Elles gagnent de l'argent, mais elles sont petites.
35:48Globalement, on est bénéficiaire.
35:50Il faut que vos auditeurs comprennent bien.
35:53Et aussi, je voudrais que vous apportiez aussi un élément.
35:56On a parlé de relations commerciales
36:00entre les continents,
36:01mais je voudrais aussi que vous disiez
36:03ce qu'il en est en termes d'investissement,
36:06puisque, avec l'AFD, l'Agence française de développement,
36:10nous avons une banque d'investissement.
36:13Est-ce qu'on investit suffisamment
36:15ou ça a baissé à ce niveau-là ?
36:17Je vais vous répondre.
36:20D'abord, il faut comprendre une chose,
36:23c'est que les entreprises, elles sont très investies sur place
36:27et, évidemment, elles regardent la taille du marché
36:30par rapport aux risques qu'elles ressentent.
36:32Même si toutes les banques, on parlait des banques tout à l'heure,
36:36en Afrique, gagnaient de l'argent,
36:38le chiffre d'affaires et la part de leur activité étaient faibles,
36:42entre 1 et 2 %.
36:43Et si les entreprises ressentent, à tort, à mon avis,
36:47une impression de risque élevée en Afrique,
36:50elles comparent la vision du risque qu'elles ont
36:53à la taille du marché.
36:54Si la vision du risque est plus élevée que la taille du marché,
36:57elles se retirent.
36:59C'est le premier élément de réponse.
37:01Deuxièmement, pour l'aide publique au développement et l'AFD.
37:04Le chiffre, selon les années,
37:06est entre 4 et 7 milliards, selon les années.
37:10Je rappelle que l'AFD n'investit pas, ou très peu.
37:13L'AFD, c'est une banque,
37:14et elle finance, à des conditions préférentielles,
37:17le développement en Afrique.
37:19Nous sommes le deuxième ou le troisième,
37:21ou quelquefois le premier, selon les cas,
37:24et selon les pays, apporteurs d'aide.
37:26Voilà comment ça se passe.
37:27Rachid Temal, je vous laisserai donner votre point de vue là-dessus,
37:31mais je voudrais que vous l'élargissiez à cette question.
37:35Est-ce que, finalement, la coopération franco-africaine,
37:39il vaudrait peut-être mieux l'élargir
37:42à une coopération euro-africaine ?
37:46Voilà.
37:47Déjà, on a du mal si on l'élargit à l'euro.
37:49Ils n'ont pas le même rapport que nous, les Européens.
37:52C'est comme pour la stratégie indo-pacifique,
37:55comme pour les autres.
37:56Sur l'AFD, j'ai été rapporteur de la loi de programmation.
37:59D'abord, on appelle ça une agence, c'est une banque.
38:02On donne des contraintes.
38:04Qu'est-ce qu'elle doit faire, la banque ?
38:06Elle doit gagner de l'argent.
38:08Les encours, c'est globalement 12 à 14 milliards.
38:12Mais dedans, il y a 30 % d'aides,
38:1560 % d'emprunts, de prêts.
38:17Comment ça se passe ? L'AFD doit poser sur le marché.
38:20C'est pas seulement sur le continent africain.
38:23La Chine, ça peut être la Turquie.
38:25C'est ça, le vrai sujet.
38:27Nous, nous avons essayé de dire...
38:29La loi disait qu'il y avait 19 pays prioritaires.
38:31Tous l'Afrique subsaharienne, sauf plus Haïti.
38:34Le président, seul, a décidé de changer.
38:37Maintenant, c'est des principes, etc.
38:39Je pense qu'il faut...
38:40J'ai plaidé, mais on n'a pas été entendus,
38:43pour dire qu'il faut séparer les choses.
38:45Il faut qu'il y ait une agence qui fasse du don.
38:48Là, c'est comment, concrètement, on développe un certain nombre
38:51de prêts, parce qu'il y a des Etats qui peuvent...
38:54Comme beaucoup d'Etats, ce sont des contraintes financières,
38:57elles ne peuvent plus emprunter.
38:59Vous avez des Etats africains qui ont besoin de l'AFD,
39:02mais comme leur critère d'emprunt fait qu'ils sont...
39:05C'est impossible.
39:06Ca ne marche pas.
39:07Est-ce que c'est vrai qu'il y a des dons
39:09faits par la France à l'Algérie ?
39:13Est-ce que c'est fait qu'à des pays africains pauvres ?
39:17Mais est-ce que cette aide au développement,
39:20elle est faite également vis-à-vis de pays africains
39:25qui sont développés et qui ont une économie solide
39:27comme l'Algérie ?
39:28Je ne suis pas spécialiste, je ne suis pas dans l'administration.
39:32L'aide va aux 19 pays dans lesquels il n'y a pas l'Algérie,
39:35mais c'est pour demander à l'AFD.
39:37Par contre, sur les prêts, je vous le redis,
39:40il y a l'Inde, il y a la Turquie,
39:41il y a...
39:43La Chine.
39:44C'est là où on marche.
39:45Quand vous êtes dans celui-là et vous vous dites
39:48que les montants conséquents d'emprunts pour ces pays-là
39:51sont beaucoup plus importants que les 19 pays prioritaires,
39:55là aussi, il faut qu'on arrête de gargariser de mots.
39:58Je pense qu'il faut dire qu'il y a le don,
40:00il y a le prêt.
40:01Le prêt, c'est l'individualité de business,
40:04le don, c'est comment aider les gens.
40:06Après, ce n'est pas l'économie,
40:08mais c'est vrai qu'aujourd'hui, on pourrait plus participer
40:11à des projets structurants, parce que l'AFD, c'est quoi ?
40:14C'est dire qu'on va aider sur les questions d'électricité,
40:17les questions d'eau potable,
40:19qui sont des éléments structurants
40:21qui permettent de construire ensuite des projets de développement.
40:25Je pense que c'est là-dessus qu'on doit voir,
40:27mais tant que ça restera une banque...
40:29Un dernier point, il y a une aide qui existe
40:32sur les transactions financières.
40:33Aujourd'hui, elle est limitée à seulement 30 %
40:36qui va à l'aide.
40:37Tout le reste va au budget de l'Etat français.
40:40Là aussi, il y a des choses à revoir.
40:43On a lu et écrit, il y a quelques mois,
40:45que la France perdait la main en Afrique,
40:48que la politique africaine de la France
40:50était moins bonne qu'elle ne le fut.
40:53Je voudrais rappeler simplement que si aujourd'hui,
40:56l'aide publique au développement dans le monde entier
40:59vers les pays en développement est en quelque sorte sauvée
41:02et au minimum assurée par rapport aux années précédentes,
41:05c'est parce que le président français,
41:07parce que le gouvernement français au sein du G7,
41:10au sein de l'Union européenne,
41:11ont agi dans ce sens.
41:13Donc je voudrais, en conclusion, dire à M. le député
41:16que sa question était tout à fait opportune
41:19et que le développement de l'Afrique
41:23tient à la volonté de notre pays.
41:24On a écouté Jacques Godefroy,
41:27ancien ministre de la Coopération.
41:30C'était il y a quelques années,
41:31je pourrais dire quelques décennies,
41:34mais aujourd'hui, Antoine Glazer,
41:37dans la question des migrations,
41:39les démographes considèrent
41:42que l'Europe
41:44est un céphalogramme plat
41:47au niveau de sa démographie,
41:50de sa fécondité,
41:52et les projections concernant l'Afrique
41:56sont considérées comme alarmantes
41:59dans de nombreux milieux politiques,
42:03économiques et européens.
42:05Est-ce que la question de l'immigration
42:10plomberait, en quelque sorte,
42:12ce développement entre la France et l'Afrique ?
42:15Parce que c'est réel, les projections.
42:19D'abord, tout ce qui est démographie,
42:21c'est alarmant, mais pas pour les Africains.
42:24Pour eux, ce sera la grande puissance démographique de demain.
42:28Donc déjà, il ne faut pas se tromper.
42:30Je veux dire, on globalise,
42:32mais encore une fois,
42:34le débat, on est au-delà même de ce débat,
42:38puisqu'il y a déjà l'Afrique en France.
42:40Vous avez déjà beaucoup de Français d'origine africaine.
42:43Du fait de l'histoire, vous n'allez pas refaire l'histoire.
42:47Donc, vous commencez à gérer déjà,
42:50pas simplement à fermer les frontières,
42:52à vous bounqueriser,
42:53vous commencez déjà à voir ce qui se passe.
42:56On parlait tout à l'heure...
42:57Ce qui est terrible, c'est qu'ici, on parle de l'immigration,
43:01de ce que les gens voient bien quand ils vont dans des restaurants,
43:05dans les cuisines,
43:06il y a uniquement des Africains,
43:08et souvent des clandestins.
43:10Les patrons des restaurants sont bien contents de les avoir.
43:14Donc, il faut bien voir ça.
43:16On disait tout à l'heure,
43:17les forces, ce qu'on aimerait, les forces vives de l'Afrique,
43:21où est-ce qu'ils vont ? Ils vont aux Etats-Unis,
43:24car on les empêche de venir dans nos universités.
43:27On a bloqué.
43:28Du coup, on va dire que c'est l'immigration,
43:30les pauvres, les machins,
43:32mais on a un rapport avec l'Afrique
43:34qui est totalement schizophrénique.
43:36On a été dans ces pays pendant un certain nombre de périodes
43:39en faisant, en considérant qu'on s'intéressait,
43:42il fallait pas simplement être francophone,
43:44il fallait être francophile,
43:46c'est-à-dire aimer la France, connaître l'histoire de France,
43:49tout connaître sur la France,
43:51mais on s'intéressait pas aux Africains tels qu'ils sont.
43:54Par contre, aux Etats-Unis,
43:56vous avez les sciences africaines dans tous les sens.
43:59J'ai connu, c'était au Gabon,
44:00un docteur qui s'intéressait à l'hiboga
44:03sur les arbres.
44:04Il me dit qu'il a demandé
44:06à ce que les pharmaciens français viennent chez lui,
44:09qu'il y ait que les Américains.
44:11On voit bien qu'on est dans une période...
44:13Moi, je refuse de parler de l'immigration en général
44:17de cette façon-là. Ca n'a pas de sens.
44:19Ce qu'on va perdre, c'est toute notre diplomatie d'influence
44:22dans le monde, parce que nos propres partenaires européens,
44:26je le vois bien, ils ont leur propre politique,
44:28et ça se voit au niveau de l'européen,
44:31ils ont leur propre stratégie.
44:32Thierry Breton s'est fait virer au niveau européen.
44:35Tout ça est lié.
44:36Ca veut dire que si vous avez une attitude,
44:39si vous vous bunkerisez,
44:40si vous n'avez pas une attitude ouverte sur le continent,
44:44on ne peut pas déplacer la géographie.
44:47L'Afrique est là.
44:48Il faut faire avec cette Afrique-là.
44:51Khalix Beyala,
44:52vous vivez en France et au Cameroun.
44:56Donc, vous connaissez les deux pays.
44:59Est-ce que vous pensez
45:02qu'il y aura une immigration africaine accrue
45:07du fait de la démographie africaine,
45:10qui est infiniment plus vive que la démographie européenne ?
45:16A votre avis ?
45:17Emile, est-ce que je peux vous dire quelque chose ?
45:20Oui.
45:21J'ai l'impression que vous ne nous écoutez pas.
45:24Vraiment, c'est un vrai malaise que j'ai.
45:26C'est-à-dire que j'ai l'impression
45:28qu'en France, on pense à notre place,
45:32on nous dit ce que nous voulons, ce que nous devons être,
45:35sans nous demander notre avis.
45:37Et ce sentiment est puissant.
45:39Moi, je le ressens.
45:41J'imagine, moi qui suis en France depuis des décennies,
45:44j'imagine que l'Africain le ressentirait,
45:47qu'il n'est pas venu 10 millions de fois plus.
45:50Est-ce qu'à un moment,
45:52on a posé la question aux Africains de savoir
45:54si de cette économie ils veulent,
45:57est-ce qu'ils veulent de cette aide-là,
45:59de ce type de développement-là ?
46:01Personne ne nous interroge jamais sur nos désirs.
46:04C'est comme si on n'existait pas.
46:06Et je pense que le grand mal ne vient ni de l'économie,
46:09ça vient de ce qu'on peut rappeler,
46:12le fait de ne pas voir l'autre, de l'ignorer,
46:15peut-être même de le mépriser.
46:17Je pense que le mal vient de là.
46:19Et tant que l'élite française ne changerait pas sa vision de moi,
46:24rien ne changera.
46:25Vous pouvez me dire qu'on a mis tel à tel endroit,
46:28mais ce n'est pas tel en tel endroit qui change la donne,
46:31c'est la pensée de tel à tel endroit, cher ami.
46:35Donc, je vais vous dire,
46:37les Africains n'ont pas à gérer la crise démographique de l'Occident.
46:40L'Occident a choisi...
46:42– Oui, mais là, on parle de la démographie en Afrique.
46:44– Justement, les Africains aiment faire leurs enfants.
46:48Ils estiment que c'est une richesse.
46:51Chaque femme aime faire 4, 5, 6 enfants,
46:54et l'Afrique est tellement, excusez-moi, grande,
46:57qu'il y a à peine 0,2% des Africains qui partent.
47:01L'immigration africaine est d'abord inter-africaine.
47:05Et notre continent, et là, je dis notre continent,
47:08est si vaste qu'elle pourrait contenir les 2 milliards
47:11ou 3 milliards d'êtres humains sans problème.
47:13Et la seule chose à faire, c'est le développement.
47:17Permettez-nous de ne plus avoir nos dictateurs,
47:20tous ces gens qui nous suscitaient,
47:21mais pas forcément la France, qui nous écrasent,
47:24qui sont sur place, qui sont d'autres Africains.
47:27Et ça, là, on a l'impression que dès qu'il y a un petit dictateur
47:30qui naît quelque part, la France, bon, on dit pour aller saluer.
47:33– Vous savez bien qu'on faisait le reproche à la France
47:36de se mêler de la politique intérieure des États africains,
47:40et maintenant, elle ne s'en occupe plus.
47:41– C'est faux.
47:42Elle s'en occupe toujours, mais de manière désastreuse.
47:45Je suis désolée quand on donne la parole à des tirants-ichis
47:49pour les exposer pendant qu'ils tirent sur leur peuple.
47:52Voilà les vrais problèmes, c'est humain.
47:54Vous savez, l'économie, c'est fait par les hommes.
47:57Donc, ça, là, on va toujours régler.
47:59Et la France ira nulle part.
48:00– On vous a écouté, M. Giros, vous vouliez intervenir là-dessus.
48:04– On est complètement dans la schizophrénie
48:06dans notre relation avec l'Afrique.
48:07– Voilà.
48:08– On nous demande de conserver et de protéger l'autonomie
48:13et la souveraineté des pays africains, de ne pas intervenir.
48:16Vous venez de le faire.
48:17Mais d'un autre côté, il y a une demi-heure,
48:19vous avez dit, vous avez soutenu des dictateurs
48:22et il aurait fallu nous aider à les chasser.
48:24Donc, c'est difficile aussi pour nous de, soit on intervient,
48:29soit on n'intervient pas, et dans quel sens ?
48:31Donc, je pense que le mieux, c'est de ne pas intervenir
48:34au plan politique et de laisser les Africains
48:35mettre de leur destin.
48:37Deuxièmement, dans le récit entre la France et l'Afrique,
48:39on a quand même en ce moment quelques handicaps
48:41à surmonter chez nous, Français.
48:43Le premier, c'est évidemment ce sujet qu'on a déjà évoqué,
48:46est-ce qu'on se tourne vers le passé ou est-ce qu'on se tourne vers l'avenir ?
48:49Je vois qu'au niveau européen, vous l'avez dit,
48:51on ne se tourne pas vers le passé.
48:52Les Anglais, qui ont eu un passé colonial aussi,
48:54n'ont pas les mêmes débats que nous, en France,
48:57et ils viennent plutôt de chez nous,
48:59de notre côté, les débats sur la colonisation,
49:02et ça complique le dialogue.
49:03Deuxièmement, il y a l'histoire des visas,
49:05on ne va pas y revenir, mais ça,
49:07des visas délivrés aux Africains pour venir en France,
49:10mais ça, beaucoup de gens au niveau du gouvernement le savent,
49:12en tout cas, ça ne bouge pas, ça, c'est un problème.
49:14Troisièmement, il y a le débat national en France
49:17qui pèse,
49:18qui pèse sur notre dialogue et la vision
49:21que nous pouvons avoir entre nous, de notre proximité.
49:24Tout ça, c'est des difficultés...
49:26M. Giroud, comme vous avez la parole,
49:28je voudrais vous poser ce complément de question.
49:31Est-ce que, par rapport à ce que vous venez de dire,
49:35faudrait-il réorienter la relation France-Afrique
49:39de la sphère publique,
49:41c'est-à-dire diplomatie, militaire, politique,
49:43vers la sphère privée,
49:45c'est-à-dire l'économie et les entreprises ?
49:47Vous avez tout dit, je pourrais même répondre oui,
49:50mais je vais expliquer pourquoi.
49:52Aujourd'hui, la relation entre la France et l'Afrique,
49:56elle est difficile pour les raisons que j'ai dites,
49:58donc il faut l'orienter vers la sphère privée
50:01où les entreprises qui portent cette sphère privée
50:04sont bien vues.
50:05Moi, qui fréquente, connaît l'Afrique,
50:07travaille et vit depuis 40 ans,
50:10je le vois bien.
50:11La politique, le sentiment antifrançais
50:13évoqué tout à l'heure, pour moi, n'existe pas.
50:16Il n'y a pas de sentiment antifrançais.
50:18Il y a un sentiment antipolitique français,
50:20qui n'est pas la même chose.
50:22Il y a une envie de France, chez les Africains,
50:24et comme chez nous, il devrait y avoir
50:27une envie d'Afrique plus forte.
50:28Pour le manifester, il faut passer par les entreprises.
50:31Les entreprises françaises en Afrique,
50:34elles travaillent bien,
50:35elles sont respectueuses, citoyennes,
50:37et elles font de l'ARSE correctement,
50:39beaucoup plus que d'autres nouveaux acteurs.
50:42Il y a toujours des mauvais canards.
50:44Donc, on est un bon vecteur pour se rapprocher.
50:46Merci. Monsieur le ministre,
50:48qu'est-ce que vous pensez de cette question,
50:51de cette problématique d'orienter vers la sphère privée ?
50:55Et pardonnez-moi, on a très peu de temps.
50:59Peut-être juste un petit mot sur l'immigration.
51:02Je pense qu'il faut que le narratif change,
51:05parce que les gens émigrent pour des raisons
51:08qui, malheureusement, sont communes à nous tous.
51:12Et à la France, à l'Europe et aux Africains.
51:15Je suis à Dakar, je me promène sur les plages,
51:19je vois des bateaux, des pirogues qui sont là, vides,
51:23parce que les jeunes n'ont plus de poissons.
51:26Ils n'ont pas de poissons parce qu'il y a des accords de pêche
51:29entre l'Europe et le Sénégal
51:31qui autorisent les chalutiers européens à venir pêcher,
51:35mais tel que le poisson finit par disparaître.
51:40Donc, il y a cet aspect.
51:42N'oublions pas également l'histoire du Sahel,
51:45avec tout ce qui s'est passé avec la Libye,
51:48ou la chute...
51:50Il nous reste peu de temps, M. Jansanet.
51:53Sur la réorientation vers la sphère privée,
51:56vous êtes favorable à cette idée-là ?
51:59Écoutez, je constate ici la liste que j'ai.
52:02J'ai toutes les grandes entreprises françaises en Afrique,
52:05depuis Air France jusqu'à Alstom,
52:08jusqu'à la RATP, jusqu'à Danone.
52:11Donc, je pense que la France peut compter
52:15sur ses avantages comparatifs,
52:17à savoir la connaissance du terrain,
52:20la connaissance des hommes,
52:21ma condition d'avoir un comportement,
52:26une analyse qui soit plus lucide
52:28que ce qui se passait avant.
52:30Auparavant, on pensait qu'on avait le monopole,
52:33qu'on pouvait se permettre tout.
52:35Donc, je pense que les relations
52:37du secteur privé français et africain,
52:39à mon avis, sont un modèle plus performant
52:43que la relation qu'on a avec la Chine ou la Russie.
52:46Merci beaucoup, Rachid Temal, sur ce point.
52:49Il faut marcher sur les deux jambes.
52:51Il faut un secteur privé très important,
52:53mais aussi un secteur public.
52:54On l'a dit pour des questions de stratégie,
52:56de diplomatie, de défense,
52:59de recherche, d'université.
53:01On voit bien que c'est l'un avec l'autre.
53:03Le problème qu'on a eu, c'est qu'aujourd'hui,
53:05il y a un problème d'organisation et de coordination.
53:08Il faut les deux jambes.
53:09Antoine Glazer, on arrive un peu à la fin de cette émission.
53:14Non, mais on arrive à la fin de cette émission.
53:17Juste un pronostic.
53:20Est-ce qu'on pourra retrouver un âge d'or franco-africain ?
53:25Le jour, on apprendra de l'Afrique.
53:28Le jour, on apprendra de l'Afrique.
53:30On a été assimilationniste.
53:32Il faut un peu apprendre de l'Afrique.
53:34D'après vous, c'est raton.
53:36Et vous, Kalix Béiala,
53:38un âge d'or à nouveau, après...
53:42Je suis sous la même position qu'Antoine,
53:45mais j'aimerais quand même vous dire, monsieur,
53:48que quand on vous demande ce que j'ai demandé,
53:50c'est parce que c'est vous qui avez mis ces hommes en place.
53:54Il a demandé qu'on ne s'occupe plus de rien en Afrique,
53:58la politique. Il faut enlever ces hommes
54:00que la France a mis en place.
54:02Ils sont là. Depuis que je suis né, je les connais.
54:05Ils tiennent les règnes du pouvoir et ils nous étouffent.
54:08C'est notre responsabilité d'enlever ces hommes ?
54:10C'est la France qui a positionné ces hommes.
54:13Il y a fort longtemps, vous l'avez peut-être oublié,
54:16mais c'est la réalité.
54:17Il y a des élections, les élections.
54:19Non, mais c'est truqué, cher ami.
54:21Les élections sont truquées.
54:23Il y a des armées qui tirent sur les peuples.
54:25On ne peut pas s'en sortir sans que...
54:27Dans ces cas-là, en particulier, on est de l'aide.
54:30C'est la France qui a mis ces hommes en place
54:33et personne ne me démentirait.
54:35Bien. C'est votre avis, monsieur Iansané ?
54:38La France...
54:40Ecoutez-moi.
54:41Quand je regarde le paysage africain,
54:43je constate qu'il y a trois grands groupes.
54:46Il y a, d'un côté, les pays du Sahel,
54:49qui ont pris la tournure que l'on connaît.
54:51Au milieu, il y a le Sénégal,
54:54qui, pour moi, est une sorte de modèle de transition
54:57de ce que pourraient être les relations
55:00entre la France et l'Afrique.
55:01Et, de l'autre côté, il y a tout le marais
55:04des autres pays qui sont encore dans la France-Afrique.
55:08Donc, je pense que la France devrait pouvoir,
55:10parce qu'elle a encore des leviers,
55:12aider ces pays à évoluer pacifiquement
55:15pour ne pas aller dans l'autre extrême,
55:17dans le cas du Sahel. Voilà.
55:19Merci. Si vous voulez, on va s'en tenir là.
55:22Il me reste à vous présenter une brève bibliographie.
55:26Alors, Antoine Glazer,
55:27vous avez publié, il y a quelque temps déjà,
55:30arrogant comme un Français en Afrique,
55:33vous restez sur ce diagnostic.
55:35Oui, tant qu'on n'aura pas appris de l'Afrique, absolument.
55:39Mais on apprend.
55:40Je voudrais signaler les cahiers du CIAN,
55:44donc de la coopération.
55:46Vous vous intéressez globalement à toute l'Afrique ?
55:50Les 54 pays.
55:52Est-ce qu'il y a quelque chose
55:56que vous voulez signaler comme publication,
55:58Rachid Temal, sur l'Afrique ?
56:01En tout cas, juste au moins,
56:03que l'on lance le concours de la colonisation et de la guerre d'Algérie,
56:07c'est important dans beaucoup d'écoles françaises.
56:10C'est aussi ça, ce regard croisé d'une belle histoire française.
56:13Vous préparez un roman.
56:15Oui, et moi, j'aimerais bien.
56:17Vous pouvez nous en dire un mot ?
56:19J'ai découvert la Nouvelle-Afrique
56:21depuis que je me suis installée il y a quatre ans.
56:24Tous les rapports entre les hommes et les femmes,
56:27qui ne sont pas ce qui est dit ici,
56:30c'est-à-dire les femmes, en Afrique, prennent leur autonomie,
56:33ne veulent pas forcément se marier, sont très indépendantes.
56:37Cette nouvelle vision de la femme africaine,
56:39nous ne l'avons pas encore, et je travaille dessus.
56:42Merci de travailler sur ce sujet,
56:44qui nous touchera quand vous publierez votre nouveau roman.
56:48Écoutez, il me reste à vous remercier,
56:51madame, messieurs,
56:53d'avoir combien éclairé cette conversation
56:57sur les relations France-Afrique.
56:59On a vu qu'il y avait des points de convergence,
57:02des dissensions, mais c'est un sujet important.
57:05Il ne pourrait pas en être autrement.
57:07Je voudrais remercier l'équipe de LCP,
57:10qui permet la réalisation de cette émission,
57:13et je vous dis à bientôt.