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Transcription
00:00« Je t'aime » est quelque chose qui semble nous engager, mais finalement vise à attendre
00:05une réponse et un engagement de l'autre.
00:07Donc un « je t'aime » peut en effet faire peur à l'autre, parce qu'il exige quelque
00:14part une réponse, et donc c'est une prise de risque, et de risque narcissique, assez
00:22forte.
00:23Imagine que c'est un homme qui correspond à toi.
00:25Mais j'ai pas de rêve, moi, j'ai pas envie d'avoir d'histoire.
00:28Ouais, mais je suis pas là juste pour savoir, quoi.
00:30Non, essaye !
00:31Écoute, des aventures, j'en ai déjà eues, pour le coup, et ça me fait vraiment pas
00:34rêver.
00:35Au contraire, même.
00:36Je sais pas comment te dire.
00:37Tu vois, c'est un peu comme l'escalade.
00:41Voilà.
00:42Bon, ben y a des gens qui adorent ça, et ben moi j'ai le vertige.
00:45J'ai peur, ça me rend complètement folle.
00:47C'est un peu le portrait de trois amies, de trois femmes qui ont, on va dire, un rapport
00:56à l'amour, et des histoires d'amour qui sont particulières, et qui ont peut-être
01:01chacune une conception peut-être différente et de l'amour, et peut-être de l'honnêteté,
01:06ou de la façon de se comporter en amour.
01:10Vous parlez d'aventure, d'escalade, de vertige, de douceur, de calme.
01:16Mais vous parlez pas d'amour.
01:18Oui, mais une aventure qui est peut-être qu'un jeu au départ peut nous faire rencontrer
01:22l'amour.
01:23Mais tu dis ça parce que tu cherches l'amour.
01:24Moi, je crois qu'une rencontre amoureuse, c'est quelque chose qui s'impose.
01:29C'est quelque chose qui nous oblige malgré nous, quelque chose qui nous laisse pas le
01:35choix.
01:36C'est le sentiment que c'est le destin qui intervient.
01:42Ce qui m'intéressait en tout cas avec le personnage de Joanne, c'est qu'en effet,
01:47le fait que son compagnon lui répète « je t'aime », ça a la force à s'interroger
01:52elle-même.
01:53Et en s'interrogeant, elle l'a d'un coup, par une certaine forme de scrupule, on va
02:00dire, et une certaine forme d'exigence, elle se dit « tiens, mon sentiment n'est pas au
02:06rendez-vous comme l'est le sien ». Elle se retrouve dans une situation de se sentir
02:11malhonnête.
02:12Et de cette situation, qui la travaille beaucoup, elle ne voit pas d'autre issue alternative
02:21que de lui dire qu'elle n'est pas amoureuse.
02:24Ce qui va provoquer, et c'est là après le début du film, une série d'incidents
02:31voire d'accidents.
02:32Il y a des gens qui se séparent et qui retrouvent vite quelqu'un.
02:34Il y a aussi des gens qui ne rencontrent jamais plus personne.
02:36Tu peux encore faire un geste pour me retenir ?
02:41Tu n'as toujours aucune nouvelle ?
02:43Vous êtes bien la compagne de M. Victor Arzouillon ?
02:45De toute façon, le premier film de l'histoire, c'était cette histoire de Victor et de Joanne,
02:50et donc de la disparition, mort de Victor, des effets un peu dévastateurs, même tragiques
03:00sur Joanne.
03:02Et j'avais envie en même temps de contrebalancer ça par des récits qui s'entremêlent à
03:09celui-là, celui d'Alice et celui de Rebecca, qui amènent aussi, même s'il y a des moments
03:16difficiles, mais qui amènent une plus grande légèreté, voire fantaisie.
03:22J'avais envie de faire un film où on puisse passer du grave à la fantaisie, au léger,
03:29à une certaine forme de douceur, de tendresse, là-dedans.
03:33On dîne ensemble demain soir, t'as pas oublié ?
03:35Mais non, demain je pars.
03:36Rebecca vient pas ?
03:37Ah non, je vois encore M. X.
03:39M. X ?
03:40Je l'appelle comme ça parce qu'il est marié.
03:42J'ai l'impression que ça la gêne.
03:48Je fais grossière moi, si je prends deux petits-déjs chaque matin.
03:51Ça te dirait très bien d'être plus gros.
03:52Ça te plairait ?
03:54Oui.
03:55Dans ce film, les deux amies, Alice et Rebecca, sont très amies.
04:02Alice est persuadée que son compagnon est très amoureux d'elle.
04:07Elle n'est pas amoureuse, mais ça lui plaît de donner le change.
04:11Elle aime bien cette situation, elle n'aime pas être amoureuse.
04:14Mais le spectateur découvre, lui, que son compagnon, qu'elle croit très amoureux,
04:20a une liaison avec sa meilleure amie.
04:25Une liaison très amoureuse.
04:28Et sa meilleure amie, évidemment, lui ment.
04:30Mais qui a raison, quelque part dans l'histoire ?
04:34Qui est moralement...
04:36Est-ce que c'est Alice parce qu'elle ne dit pas la vérité ?
04:40Elle n'est pas vraiment amoureuse, mais elle est bien avec lui ?
04:42Ou l'autre ne peut pas le dire à son amie ?
04:43Je trouve que les choses ne sont pas facilement aussi décidables que ça.
04:47Tu ne crois pas que c'est...
04:50Que c'est quoi ?
04:51Que c'est... Comment dire ?
04:53De l'amour ?
04:54Non, je ne crois pas, et toi ?
04:55Non, je ne sais pas, je me pose la question, je dis ça comme ça.
05:00Quand on ne sait pas, il faut envisager toutes les éventualités.
05:04Et puis, c'est vrai qu'on s'entend bien tous les deux, non ?
05:07Oui, mais c'est de l'amitié.
05:09Oui, tu as raison.
05:11On est dans une société où tout vise quelque part l'efficacité,
05:18le développement personnel, la performance de sa propre entreprise personnelle,
05:24la grande rationalité, et où je me suis amusé que oui,
05:30que peut-être parfois, que les affaires qui ont à voir par rapport au désir,
05:39pourraient peut-être se régler en amitié à travers une rationalité de service.
05:46C'est quelque chose qui m'amusait pour interroger notre usage lié aux relations sexuelles,
05:55de désacraliser la chose pour presque en saisir les aspects qui peuvent être sacrés.
06:02C'est une façon un peu détournée d'en interroger notre rapport et nos usages.
06:10Est-ce que tu envisagerais de quitter Sandra pour elle ?
06:14Non, mais je me pose la question.
06:17Et cette fille te plaît tant que ça ?
06:19Oui.
06:20Mais si je trompe Sandra, je la trompe elle aussi.
06:22Je ne trouve pas la solution.
06:24Et si je me dis que je dois l'oublier, j'ai le sentiment d'être résigné.
06:26Mais ce n'est pas beau de rester avec Sandra par résignation, non ?
06:29Oui.
06:31Oui ou non ?
06:33Oui, à ce que tu dis.
06:35Qu'est-ce que je dis ?
06:37Non, à la résignation.
06:39Et qu'est-ce que tu en dis ?
06:41Je dis oui.
06:43Enfin, non. Tu m'as compris.
06:45Quand on est sur le point de céder à un cédésir, on est hanté par la littérature,
06:50on est hanté par les films et on est hanté par les histoires autour de nous.
06:54Et on est hanté par les histoires des personnes qui ont cédé,
06:58ça veut dire qu'ils se sont permises avec toutes les bonnes raisons qui les accompagnent.
07:04On ne peut que le comprendre.
07:06Et on est hanté par les histoires des personnes qui, pour d'autres raisons, se sont retenues aussi.
07:13Et qu'est-ce qui va dans la balance faire qu'on va céder ou ne pas céder ?
07:18Mais je crois qu'on est un certain nombre d'être hanté par ces histoires qui ont des effets contradictoires
07:25où nous devons trouver notre propre histoire.
07:28Si je cède, qu'est-ce que va être mon histoire, ma vie ?
07:32Et si je ne cède pas, qu'est-ce que va être ma vie ?
07:35Parce que qu'on cède ou qu'on ne cède pas, si le désir est important, c'est un moment important de sa vie.
07:42Dans tous les cas, on va passer à côté de quelque chose.
07:44Et à partir de ce moment-là, il faudra, de quel bord qu'on passe, se re-raconter sa vie,
07:50retrouver des histoires pour se retrouver soi-même.
07:54Ce sont les histoires qui, quelque part, peuvent nous sauver.
08:20Le moment où j'ai été embrassé ne ressemblait pas tout à fait à ce que j'avais rêvé.
08:23Je m'interdis d'être déçu.
08:25Et j'engageais toute ma volonté à l'aimer tel qu'elle était.
08:29La trahison que j'étais en train de commettre ne devait pas être vaine.
08:33Il fallait qu'entre nous deux, tout semble impérieux.
08:41Nous, ce qui nous intéresse en tant que spectateurs, c'est de suivre le désir d'un personnage.
08:49Le suspense, c'est savoir si le désir du personnage sera satisfait.
08:53Quand deux désirs, quelque part, sont satisfaits, il n'y a plus d'enjeu.
08:58Et il en est un peu comme, justement, de l'érotisme.
09:02L'érotisme joue avec notre désir de voir, d'imaginer.
09:09Mais ce désir n'est pas satisfait, d'une certaine manière.
09:14On joue avec le désir de celui qui aimerait voir, quelque part, davantage.
09:20Le cinéma a à voir avec ça.
09:22Quand un film est fini, chaque spectateur a fait son propre film.
09:25Et il l'a fait en entrelaçant son propre imaginaire, sa propre intimité, ses propres images avec celles du film.
09:33Donc, il ne faut pas que tout lui soit montré.
09:36Il faut que des choses soient cachées.
09:38Il faut qu'il y ait des choses à imaginer.
09:40Il faut que le spectateur soit actif.
09:42Le travail de metteur en scène est de susciter l'imagination en permanence du spectateur.

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