Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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00:00Dans Anora, son huitième long-métrage, Shane Baker raconte le mariage précipité
00:05entre une strip-teaseuse de Brooklyn et le fils d'un oligarque, mais la famille russe
00:10de ce dernier n'est pas du tout d'accord.
00:13Alors est-ce que c'est une comédie romantique, une comédie anti-romantique Frédéric ?
00:16Dire que c'est une comédie romantique ou une comédie anti-romantique, je trouve ça
00:20hyper restrictif en fait, parce que je trouve que le film excède beaucoup ce programme-là,
00:25bien que sur le papier, comme ça, le pitch a l'air d'en être une, puisque vous dites
00:28finalement un mariage entre le client, cette jeune fille qui est une strip-teaseuse, comment
00:33la famille réagit.
00:34Si on devait donner un genre à ce film qui n'en a pas, on pourrait parler de comédie
00:38humaine, et j'insiste sur le terme « humain », car je pense qu'il y a vraiment quelque
00:42chose de l'ordre de la profondeur humaine, un travail de moraliste qui est fait en tout
00:47cas dans le film.
00:48C'est un film, pour vous dire, qui est fait en trois parties.
00:50Trois parties, je vais vous parler simplement d'abord de la troisième partie, c'est
00:54une sorte de déambulation à garde, d'octambule, qui moi, me fait énormément penser à Housebands
00:59de Cassavetes.
01:00Énormément.
01:01Dans la deuxième partie, dont on a beaucoup parlé au Festival de Cannes, on est véritablement
01:05dans un vaudeville, dans un huis clos, bien que ce ne soit pas totalement un huis clos,
01:09parce que par le montage alterné, on est un peu à l'extérieur, c'est totalement
01:12dingo, complètement hystérique, on l'a dit, déglingué à ce moment-là.
01:16Et il y a une première partie qui est la rencontre, et cette partie-là, pour moi, est une étude
01:23d'une finesse incroyable au niveau comportemental sur peut-être le travail du sexe aujourd'hui
01:30dans notre monde et dans notre économie.
01:32Et je vais vous montrer un extrait qui est vraiment la rencontre entre le client et cette
01:36stripteaseuse dans la boîte de nuit, et vous allez voir le flou de ce travail, et regardez
01:41bien simplement la direction d'acteur, pour une fois, regardez les comédiens, regardez
01:44Mickey Madison et Mark Edelstein, et regardez bien comment ils jouent dans cet endroit flou
01:50où elle, elle est forcée de venir travailler, c'est son patron qui est à droite, et regardez
01:55cette rencontre.
02:20C'est le flou, véritablement, qui se joue en ce moment entre cet homme et cette femme
02:50que le film va explorer au cours de ces trois parties, en changeant sans cesse de registre,
02:54et j'aurai l'occasion de revenir à dire à quel point ce film est extraordinaire.
02:58Ce n'est pas la première fois qu'il s'intéresse à une figure de travailleuse du sexe ou travailleur
03:03du sexe.
03:04Qu'est-ce qu'il va chercher, Shane Baker, dans ce métier-là ? Qu'est-ce qui l'intéresse
03:07?
03:08Je dirais la marge, évidemment.
03:11Ce qui est très beau dans ce film-là, c'est qu'il est vraiment à hauteur juste, il y
03:16a beaucoup d'amour vis-à-vis de ces jeunes personnages.
03:19Il n'y a pas de hauteur du jugement.
03:23On est à la bonne justesse, mais c'est aussi quelqu'un qui s'intéresse beaucoup à l'argent
03:27dans son cinéma, en tout cas aux gens qui n'en ont pas, aux gens qui vivent à la marge
03:31du rêve américain.
03:32Et là, on est vraiment dans une sorte d'anticomte de fées capitaliste, qui est vraiment extrêmement
03:40contemporain.
03:41Et plus que Cendrillon, je pense que c'est un remake de Pretty Woman, qui est très différent,
03:46il y a même une citation de négociation qui est vraiment quasiment trait pour trait
03:50avec le film, mais sauf qu'il est hyper juste sur ce que c'est que la génération Z.
03:56C'est un film d'une modernité là-dessus, je pense, assez irréprochable.
04:00C'est quoi l'Amérique de Shane Baker ? C'est quoi l'Amérique qu'il filme ?
04:03Dans ce film, pour moi, c'est très différent des films précédents où on sent vraiment
04:08que c'est un réalisateur qui est né à New York dans les années 70, qui filmait souvent
04:12des milieux très grouillants, etc.
04:14Ce qu'on peut voir au début du film, dans le milieu de la prostitution, des escortes.
04:19Mais ce qui est très différent ici, c'est que finalement, cette jeune femme s'en va
04:24vers quelque chose, vers un vide en fait.
04:26Et il filme des personnages totalement égarés, elle s'égare dans une maison de nouveaux
04:32riches, d'oligarques russes, et donc ça change complètement l'aspect, la physionomie de
04:36son cinéma.
04:37Parce que tout d'un coup, et je suis totalement d'accord avec toi, il y a une forme de candeur
04:42quand il filme ces ados.
04:43Pourtant, on ne parle que de fric, elle veut de l'argent, lui, il veut se détendre avec
04:46des prostituées.
04:47Il a une vraie qualité pour créer aussi une galerie de personnages.
04:50Oui, avec ce magasin de bonbons, rien que ça, je crois que ça raconte les personnages
04:54et leurs enfants.
04:55Vous avez l'air un peu chafouin.
04:56Philippe, qu'est-ce qui se passe ?
04:57Un peu non, mais bon, le film est sympa, mais j'entends que c'est un chef-d'oeuvre.
05:02Attention, peut-être que vous trouverez que c'est un chef-d'oeuvre et ce sera tant mieux
05:06pour vous, mais peut-être aussi que vous trouverez que ce n'est pas un chef-d'oeuvre
05:09et vous vous souviendrez que je vous l'ai dit.
05:11Non, mais c'est bien de ne pas vouloir arriver en disant on va voir le film de l'année parce
05:16que bon…
05:17Je sens une cassure avec Fred là-dessus.
05:19Et pourquoi ce n'est pas le cas ? Qu'est-ce qui vous a dépuis dans le film ?
05:21Mais non, mais ce n'est pas à ce point-là, c'est-à-dire que c'est joliment fait,
05:26pour moi, c'est un grand prix de Deauville, ce n'est pas un grand prix de Cannes, c'est
05:28tout.
05:29C'est l'hérésie.
05:30Arthur et Fred sont choqués.
05:31C'est là où on doit mettre le curseur.
05:36Déjà, c'est énormément trop long.
05:38Je veux dire, 2h20, ce n'est pas possible.
05:40Il faut enlever trois quarts d'heure.
05:41Mais non, en fait, ce n'est pas trop long parce que justement, c'est là le talent
05:44de Sean Baker.
05:45Fred t'a parlé de moraliste et je trouve que c'est très juste parce que Sean Baker,
05:47ce n'est pas un sociologue, ce n'est pas un psychologue.
05:50Il ne va pas chercher à expliquer comment sont arrivés ces personnages, pourquoi ils
05:54sont là, quel est leur passé psychologique.
05:56Tout ça, ça ne l'intéresse pas.
05:57Ce qui l'intéresse, c'est le réel, c'est maintenant.
05:59Il pose des situations et il les déplie jusque dans leur dernier retranchement et c'est
06:03ce qui se passe avec ce morceau de Bravoure centrale.
06:05Il y a une scène où des hommes de main viennent essayer d'arracher Anora.
06:08Ce n'est pas un moment moraliste, ce n'est pas un moment moraliste, c'est un moment
06:12de comédie de Vaudville.
06:14Prenons simplement ce moment-là, ce moment-là de Vaudville.
06:18Il y a un moment donné, Anora, qui va être dépossédée finalement de son mariage puisque
06:24des sbires arrivent pour casser le contrat de mariage, elle devient extrêmement violente
06:28à ce moment-là.
06:29Elle n'arrive plus à se contenir.
06:30Elle n'arrive plus à se contenir et donc, en fait, elle commence à donner même des
06:33coups à un des gorilles qui est là.
06:35Et on demande à un autre gorille de la prendre dans ses bras à ce moment-là pour la maintenir,
06:39c'est-à-dire pour qu'elle évite encore de donner des coups.
06:41Et à ce moment-là, en la maintenant, il la protège contre elle-même.
06:44Il se produit, si tu veux… Ce que j'adore, c'est qu'il y a toujours du flou, de l'ambiguïté,
06:50de la complexité.
06:51On ne peut jamais… Il y a un truc très différent du cinéma actuel.
06:54Moi, j'ai toujours l'impression, de plus en plus dans les films dont on parle, qu'il
06:58y a des personnages qui représentent des idées.
07:01Et en fait, les thèmes découlent de ces idées.
07:04Là, j'ai l'impression que la complexité des personnages nous font accéder à les thèmes.
07:08C'est là où je ne suis pas d'accord avec toi.
07:09Je n'arrive pas à voir la complexité des personnages.
07:10Mais vous n'avez pas été en poste-idée.
07:11Parce que les gens, dans la salle, ils riaient, ils pleuraient.
07:14Mais non, mais que les gens… C'est Greta Gerwig qui dit qu'on a ri, qu'on a pleuré,
07:17on lui a donné la palme.
07:18Heureusement qu'il n'y avait pas Pocahipsta ou le guépard cette année-là.
07:21Je pense qu'elle veut tendre la main à un cinéma indépendant américain qui va tellement
07:25mal que cette palme d'or, c'est une sorte de bouée de sauvetage.
07:29Et je pense aussi que, et je dirais que c'est ce qui me plaît dans le film, c'est cette
07:33partie, ce cœur de screwball-comédie, de comédie déjantée, loufoque, en même temps
07:38assez violente, assez criarde, qui a l'air de… C'est un film extrêmement contemporain
07:43qui en même temps dialogue avec une histoire, un héritage du cinéma américain.
07:47Je pense que c'est ça qu'elle salue.
07:48Après, je retrouve aussi des choses que je n'aime pas chez Sean Baker de toute éternité,
07:54c'est-à-dire sa passion pour filmer les petites fesses des filles dans un club de
07:59striptease.
08:00Il y a quand même toujours une espèce de compréhension.
08:01C'est son travail.
08:02C'est son travail.
08:03Oui, pour moi, c'est ce qu'il met comme quelque chose d'extrêmement comédique.
08:06Oui, mais je vais te dire, au bout d'un moment… Moi, j'ai toujours chez lui, j'avais
08:09ça, j'avais détesté Red Rocket, je m'en souviens, à cause de ça.
08:12Moi, je trouve que son regard toujours sur les jeunes femmes et moi me dérange.
08:17Tu peux raconter une génération complètement biberonnée au porno sans multiplier les étapes de l'horreur.
08:24Mais dans le film, le dégénéré du film, elle, au contraire, c'est un personnage
08:29qui est plein d'illusions, qui est plein de rêves.
08:32Et le dégénéré, c'est quand même le fils de l'oligarque russe.
08:35Qui parle de dégénéré ?
08:37Mais parlons continuellement.
08:39On a l'impression que tu dis qu'il ne veut pas mettre en valeur les femmes ou en tout
08:43cas qu'il les…
08:44C'est un grand héroïne.
08:45Non, c'est pas ça.
08:46Je dis qu'il y a plein de choses dans le cinéma John Baker qu'on a beaucoup vu à l'épreuve.