Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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00:00Monsieur Aznavour de Mehdi Idir est grand corps malade.
00:02C'est l'histoire d'un fils de réfugié arménien
00:04qui devient un symbole de la culture française.
00:06J'ai nommé le grand Charles Aznavour, interprété par Tahar Rahim.
00:11Quel est l'angle qu'a choisi, qu'ont choisi les réalisateurs ?
00:14Comme il est rare dans une émission de cinéma
00:16qu'on puisse parler d'un chanteur et de Monsieur Aznavour.
00:18Eh bien, on va aux grands mots, les grands remèdes.
00:20Nous allons montrer tout de suite l'extrait, l'extrait du film que nous avons choisi.
00:24Alors, je pense que tout le monde aura reconnu ce qu'est en train de composer Monsieur Charles.
00:55Accrochez ces villages jusque sous nos fenêtres
00:58Et si n'imble Garni qui nous servait de lit
01:01Ne payait pas de mine, c'est là qu'on s'est connu
01:05Un oranique filet qui nous ramène évidemment sur la scène
01:10où cette chanson immortelle vient d'être créée
01:14et va devenir le classique que nous connaissons tous
01:18et que nous avons tous envie de chanter à ce moment-là dans le film.
01:22Parce que le film va accomplir évidemment ce programme,
01:26c'est-à-dire le programme de nous en faire entendre les grands morceaux de Charles Aznavour,
01:32de trouver des images pour nous raconter sa vie,
01:35pour nous raconter une histoire, puisque vous me posiez la question de l'angle.
01:38Eh bien, moi, j'ai vu ce film de façon très particulière.
01:40Je me suis posé la question, qu'est-ce qui a inspiré ce film ?
01:43Qu'est-ce qui a inspiré narrativement le récit de ce film ?
01:45Et je me suis dit, à un moment donné, c'est incroyable,
01:48il raconte Monsieur Aznavour comme on a raconté Scarface.
01:51C'est exactement ça. Il y a un rapport vraiment entre Scarface et Aznavour.
01:55C'est-à-dire un type qui veut aller au-delà de ses limites,
01:58qui veut absolument le succès, qui ne s'encombre d'aucun scrupule
02:02avec ses amis, avec ses proches, avec ceux qui l'ont aidé.
02:05Quelqu'un qui a une ténacité absolue,
02:08qui va se débarrasser de tous les obstacles pour arriver push into the limit,
02:12comme on disait dans le film de De Palma.
02:15Et d'ailleurs, il y a un montage en accolade à un moment donné
02:19où il fait passer les plusieurs années, au moment où il va s'acheter sa maison,
02:21exactement comme Tony Montana va s'acheter son énorme maison dans le truc.
02:24Et là, à ce moment-là, il met un hip-hop dont le sample est inspiré de Aznavour,
02:28exactement dans la même logique.
02:30Vraiment, je me suis dit, c'est incroyable.
02:32Ils ont pris le modèle narratif du film de De Palma.
02:35Sauf la dernière partie.
02:36La dernière partie, il n'y a pas tellement les montagnes de coke, je vous préviens.
02:39C'était vraiment l'angle pour aborder.
02:41Moi, je suis d'accord avec toi, je n'ai pas pensé à Tony Montana,
02:43mais je trouve qu'il est vraiment abordé du point de vue d'un businessman.
02:46Il anticipe presque la mondialisation de la pop.
02:49On parlait de la pop dans le film précédent.
02:51Ici, il a très vite conscience d'Aznavour.
02:54Il est précurseur de ça de la façon de la publicité importante.
02:57Il faut chanter dans toutes les langues.
02:58Il faut décliner ses tubes dans toutes les langues.
03:00Il faut une formule.
03:02C'est vraiment une formule.
03:03On parle de formule Aznavour.
03:04Mais du coup, je trouve que pour un biopic qui est sponsorisé par la famille,
03:07je trouve que ça en fait une figure assez antipathique.
03:09La famille a été très présente tout le long.
03:10C'est Aznavour qui a choisi les réalisateurs avant sa mort.
03:12Les filles ont supervisé l'écriture.
03:14Il y a le gendre qui coproduit le film, etc.
03:19Après, c'est compliqué parce qu'il est gargantuesque, ce biopic.
03:24C'est-à-dire qu'on va commencer dans la petite enfance,
03:27les années de misère, et on va raconter…
03:29En gros, c'est une vie de vache maigre jusqu'à ce qu'advienne le succès
03:33avec « Je me voyais déjà ».
03:35Et on veut tout raconter.
03:38On veut tout raconter.
03:39Moyennant quoi, pour moi, il y a…
03:41On ne raconte rien.
03:43Oui, parce qu'il y a 30 films en un.
03:46Moi, je suis assez d'accord avec vous.
03:48Il y a un côté feel-good-movie de l'intégration.
03:50Toute la période de la guerre, on insiste à fond sur le sort du petit Arménien
03:55qui vient d'une famille pauvre mais joyeuse,
03:57avec le sort des Juifs et l'échange de regards des Juifs qui passent dans un bus.
04:04Ce n'est pas vraiment ce que j'ai préféré.
04:06Mais il y a quand même la performance de Taharaïm qui, je trouve, peut nous tenir.
04:11Je trouve que cette manière d'avoir même imité jusqu'à son ossature,
04:17de porter ses gestes un petit peu haut,
04:20ça m'a fait un peu l'effet de vagabonder dans la vallée de l'étrange d'Aznavour.
04:25Ce terme qu'on emploie pour les robots,
04:28loin de vouloir comparer Taharaïm à un robot…
04:31Il a changé ses zones de place.
04:33Non, mais il y a une telle ressemblance…
04:36Laisse-moi finir.
04:38Il y a une telle ressemblance que je trouve que les petits décalages entre eux,
04:42c'est-à-dire la voix qui ne va pas tout à fait dans les aigus,
04:44Taharaïm qui lève un peu trop les bras trop souvent,
04:47ça devient un peu monstrueux et assez fascinant.
04:50Ce problème de l'incarnation, c'est terrible à partir du moment où tu ne vois que la performance,
04:55que le maquillage, que cette espèce de chimère qui produit tellement de bizarreries,
04:59mais pas du tout émouvant.
05:02Moi, je ne veux pas aller voir un film pour qu'on me raconte stricto sensu la vie d'Aznavour.
05:07Ça, c'est Wikipédia, ça suffit.
05:09Moi, j'aime beaucoup Aznavour, je connais bien sa musique et je connais à peu près sa vie,
05:13alors je veux bien qu'on me raconte peut-être à ce moment-là quelque chose de microscopique,
05:17mais moi, je veux une vision de cinéaste.
05:19Je ne veux pas l'illustration par le menu,
05:22en accélérant dans les refrains, dans des grands montages musicaux comme ça,
05:27pour aller plus vite, parce que dis-donc, il faut rencontrer tout Paris.
05:30Et puis, t'as vu le gars qui écarquille les yeux ? Tu connais Charles Trenet ?
05:33Et à un moment, je me dis, mais qu'est-ce que c'est que ce bazar ?
05:36C'est un musée grévin qui ne produit pas de cinéma !
05:42J'apprends dans le dossier de presse que les réalisateurs ont connu Aznavour,
05:45mais je ne vois pas ça, là ! J'aurais aimé qu'ils me parlent de leur cœur !