Les inondations dévastatrices qui ont touché l'Espagne dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 octobre ont coûté la vie à au moins 95 personnes dans le sud-est du pays. Ce bilan, le plus élevé depuis des inondations qui avaient fait 300 morts en octobre 1973 dans le pays, "va augmenter", a prévenu le gouvernement.
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00:00Et avec nous Frédéric Ourdain, bonjour, directeur de recherche CNRS au laboratoire de météorologie dynamique.
00:10Eric Brocardi, porte-parole de la Fédération Nationale des Pompiers de France.
00:14Et puis Marc Hay qui nous accompagne.
00:16Et on va tout de suite aller retrouver Anne-Laure Bance, envoyée spéciale de BFM TV dans la région de Valence.
00:20Anne-Laure, avec vous, on se rend compte depuis ce matin de l'ampleur du chaos,
00:24à quel point les communications sont extrêmement compliquées, les routes encore impraticables.
00:31Oui, tout à fait. Nous nous trouvons ici à Picanha.
00:34Regardez sur ces images en direct de Tombec.
00:37En termes de practicabilité, les ponts ont été complètement détruits.
00:43Celui-ci, par exemple, joigné, ces deux parties de la ville, il n'existe plus.
00:48C'est pour vous permettre de vous rendre compte de la violence du débit des flots
00:53parce que la rivière a vu son niveau monter très rapidement
00:56et elle a été alimentée aussi par les pluies diluviennes qui se sont déversées des rues aux alentours.
01:01Regardez sur ces images en direct également de Tombec,
01:04des pluies qui sont arrivées de ces rues adjacentes pour se déverser dans le cours d'eau.
01:08Et le courant a été tellement fort qu'il a emporté l'intégralité de ce pan de murs.
01:15Beaucoup de quartiers sont encore très enclavés.
01:18Les services municipaux commencent tout juste à déblayer certaines routes pour faciliter les accès,
01:24notamment secours.
01:25Et puis il y a ces sinistrés qui désormais n'ont plus qu'une seule chose à faire,
01:29tenter de récupérer ce qu'ils peuvent sauver parce que beaucoup d'entre eux ont intégralement tout perdu.
01:34Frédéric Courdin, lorsqu'on voit ces images en direct d'Espagne,
01:37on se dit que cela ressemble à des images de guerre.
01:40C'est dire la puissance des éléments.
01:43Parce que finalement, les tempêtes, les grandes tempêtes, on s'habitue à ces grandes tempêtes.
01:48Sauf que là, c'est une puissance considérable qui a été générée.
01:54Oui, c'est des images marquantes.
01:56Ces inondations, il y en a toujours eu, il y en a toujours eu.
02:02Ce qu'on sait, c'est que le réchauffement climatique va produire une augmentation de l'intensité des événements,
02:09plus vieux, c'est-à-dire que plus il fait chaud, plus il y a de vapeur d'eau dans l'atmosphère,
02:13plus ça fait des événements avec beaucoup de précipitations.
02:16Là, on a une illustration de cette année avec les événements Sévenol particulièrement forts qu'il y a eu en France
02:21et maintenant ces événements en Espagne.
02:23C'est un signe très clair du réchauffement climatique.
02:26Ce qu'il faut dire et répéter, c'est que le moteur de la puissance de ces intempéries,
02:30c'est la température des océans et en l'occurrence de la mer Méditerranée.
02:3520 degrés à peu près, c'est bien ça.
02:37Oui, c'est la température des océans.
02:39Les océans sont plus chauds, ils s'évaporent plus.
02:41C'est aussi la température de l'air.
02:42Toute l'atmosphère se réchauffe.
02:44Quand elle se réchauffe, elle peut contenir aussi plus de vapeur d'eau.
02:47La vapeur d'eau, quand elle forme des nuages, des pluies, c'est le moteur des orages.
02:52C'est ça qui renforce les pluies.
02:55C'est à la fois un moteur pour l'énergie des systèmes précipitants et ça augmente aussi les précipitations.
03:01C'est le cumul de ça qui fait que les événements précipitants violents augmentent de façon très marquée.
03:06Frédéric, est-ce que cet effet cumulatif, à un moment, il va s'arrêter ?
03:09On se dit que la Méditerranée est certes à une température très élevée,
03:13mais au fil du temps, au fil de l'hiver, elle va baisser ou pas ?
03:18Oui, elle va continuer à baisser.
03:20Suffisamment pour ne plus générer dans les mois qui viennent des phénomènes de ce type, de cette ampleur ?
03:24On connaît bien, au niveau des événements sévenoles, ça arrive toujours à cette saison.
03:28C'est une conjonction au niveau des saisons qui fait que les températures de la Méditerranée sont chaudes
03:33et qu'il y a de l'air qui pénètre sur les continents et qui fait des événements de pluvieux très forts.
03:38On n'a pas les mêmes au milieu de l'hiver.
03:41C'est des choses saisonnières, mais chaque saison, ça peut être de plus en plus fort.
03:45Avec là, un paramètre aggravant, c'est-à-dire qu'il y a aussi un anticyclone qui actuellement est bloqué sur la France
03:52et en fait, il bloque cette goutte froide qui tourne depuis maintenant plusieurs jours sur la péninsule ibérique
03:57et qui va encore tourner à priori jusqu'en début de semaine prochaine.
04:00Donc ça, c'est aussi un paramètre aggravant sur le front des cumuls de pluie qui touchent le Portugal et l'Espagne.
04:05Est-ce que nos hyperstructures, enfin les hyperstructures de nos villes, sont suffisamment solides
04:12pour continuer à vivre avec ce phénomène qui, de toute évidence, ne va pas s'arrêter ?
04:17Va se répéter d'année en année ?
04:19La preuve que non, c'est qu'on regarde par exemple le fleuve, le Touria, on l'a dévié après les graves inondations de 1957.
04:27Il y avait eu 81 victimes.
04:31Pour éviter que ça ne recommence.
04:33Entre 1965 et 1972, on a décidé de dévier par un canal ce fleuve qui, avant, traversait le centre-ville de Valence.
04:40Maintenant, il passe au sud de l'agglomération de Valence.
04:43C'est vrai qu'il a été élargi, c'est un grand canal.
04:45On s'aperçoit que lorsqu'il tombe maintenant 400-500 litres d'eau mètre carré en l'espace de quelques heures,
04:50ce canal n'arrive pas à contenir toute cette eau.
04:53On aperçoit sur la partie sud de Valence des inondations dramatiques et un bilan humain qui est considérable.
05:00Pas une Porta qui est située vraiment au sud de Valence et durement touchée avec plus de 40 victimes.
05:06Éric Brocardi, lorsqu'on voit ces images, on se dit que les pompiers sont suffisamment armés en termes d'équipement pour intervenir.
05:15Parce que là, ce sont des situations que vous n'avez jamais connues.
05:18On ne sera jamais assez armés de toute façon.
05:20On est complètement en retard par rapport à l'effet de rapidité du dérèglement climatique
05:24et de ses conséquences et des niveaux de force aujourd'hui que nous imposent les aléas climatiques.
05:29Le sujet aujourd'hui, c'est qu'on aimerait avoir chaque pompier à chaque porte de maison, avoir un pompier tout près des habitants.
05:35Aujourd'hui, c'est impossible.
05:36Compte tenu de l'étendue aujourd'hui des dégâts, c'est comme quand ça se passe sur le territoire national.
05:41On est quand même sur un sujet aujourd'hui où on essaie d'être le moteur d'amortisseur sur le sujet des impacts du dérèglement climatique.
05:48Sur la partie espagnole, ils ont une loi, ce qu'on appelle la loi de la sécurité nationale, qui régit l'organisation des secours en place.
05:55Vous avez compris de suite qu'il y avait une mixité entre la partie civile et la partie militaire.
05:59De suite, ils ont été engagés.
06:00L'armée en renforte.
06:02Très tôt et très rapidement.
06:03Chose qui nous, de notre côté, se fait moindre parce qu'on a une organisation qui est à la fois différente,
06:09mais qui permet également de compresser les effets et d'être au plus proche des habitants.
06:12Les images, Éric, de la boue partout.
06:14Comment vous travaillez là-dedans ? C'est à coup de bulldozer.
06:16Il n'y a même plus de pont.
06:18En France, notamment, et je m'en souviens parfaitement, c'était lors des inondations en 2010,
06:23au niveau de la Nartubi, dans le Var, où il y avait les moyens du génie qui étaient venus pour continuer à déblayer.
06:27Là, effectivement, ce sont des moyens de travaux publics généraux pour pouvoir déblayer tout ça,
06:31faire en sorte qu'à un moment donné, on puisse retrouver un semblant de vie sur ces zones-là qui sont dévastées.
06:36Mais il y a aussi un sujet de continuité de recherche.
06:39Parce que si on a mis en place des numéros à la fois pour, en France, sur le territoire national,
06:44pour prendre des nouvelles de ses proches qui vivent à Valence,
06:46et en même temps, à Valence, de prendre un numéro spécifique pour continuer sur les recherches,
06:50soit surtout des levées de doutes en termes de recherche de personnes,
06:52ça veut dire que nécessairement, il y a encore potentiellement des disparus,
06:55qu'on a besoin de lever des doutes sur des zones qui sont extrêmement isolées,
06:59et qu'à partir de là, la nécessité aujourd'hui, c'est de faire extrêmement attention,
07:02dès lors qu'on est sur des zones, de bien quadriller cette zone-là,
07:05et de bien aller jusqu'au bout pour éviter d'oublier quelqu'un.
07:08Frédéric, est-ce qu'il va falloir dire à certains riverains en Europe,
07:12parce qu'on le dit déjà ailleurs, mais en Europe notamment,
07:15qu'il va falloir déménager, détruire des zones d'habitation qui, jusqu'à présent,
07:21ne rencontraient pas de problèmes particuliers ?
07:23Oui, c'est très probable. C'est toute la question de l'adaptation au changement climatique.
07:27Donc là, on est arrivé à 1,5 en réchauffement global.
07:30C'est un réchauffement qui est prévu depuis les années 80, donc ce n'est pas une surprise.
07:34On voit les conséquences en termes d'événements pluvieux, un peu intenses, dramatiques que ça a.
07:39Effectivement, toutes les infrastructures ont été pensées sur des choses
07:43qui n'avaient pas trop bougé depuis des siècles ou des millénaires.
07:47Là, il va falloir adapter tout ça. Donc oui, y compris ça.
07:50On est face à ces deux questions. C'est une très bonne illustration.
07:53En 2003, quand il y avait eu la canicule, on disait aux gens que ça allait être l'été typique dans 15-20 ans.
07:59En gros, l'été typique en termes de température aujourd'hui, ce n'est pas loin de la canicule de 2003.
08:05Là, c'est pareil. Ces événements-là vont s'amplifier.
08:08Là, on est à 1,5 degré. Vu les trajectoires actuellement d'émissions de gaz à effet de serre,
08:14on est plutôt parti vers du 3 degré. Il ne faut pas se cacher que vers du 2 degré.
08:18Donc, il faut projeter ça, ce genre d'événements.
08:21C'est irréversible, Frédéric. C'est irréversible, ce mouvement.
08:24Le mouvement est irréversible. La question, c'est...
08:26Oui, oui, il est irréversible.
08:28Il est irréversible, c'est-à-dire que pour faire... Ce qui compte, c'est le CO2 dans l'atmosphère.
08:32C'est-à-dire combien on a émis de CO2 à partir de la consommation du charbon et du pétrole.
08:36Ce n'est pas compliqué. Et ça ne revient pas en arrière.
08:39La seule façon de faire revenir en arrière, ou sur des temps très longs de milliers d'années,
08:43c'est de stocker le CO2 sous la surface.
08:45Pour l'instant, on ne sait pas faire ça à grande échelle.
08:48Donc, pour l'instant, c'est irréversible.
08:50Donc, la question, ce n'est pas la réversibilité, c'est savoir où on va s'arrêter.
08:53Et où on va s'arrêter, la question, c'est à quelle vitesse on va être capable de diminuer,
08:57voire arrêter les émissions de pétrole et de CO2 dues au pétrole et au charbon.
09:02Et c'est aussi l'anticipation, parce qu'on a déjà ces phénomènes avec un réchauffement de 1,5 degré.
09:07Quelle sera la nature des phénomènes à venir avec un réchauffement de 3 degrés ?
09:11On peut imaginer que leur force sera à nouveau décuplée.
09:15Et pour le coup, il y a beaucoup d'études qui sont menées là-dessus.
09:17Ça motive une grande partie des recherches.
09:19Juste un dernier mot, c'est que depuis tout à l'heure, on parle d'anticipation,
09:21on parle de projection, on parle de ce qui pourrait se passer.
09:24Et on sait qu'en 2022, il y a eu un pacte capacitaire lié à un équipement des feux de forêt
09:29pour les départements et pour les pompiers, qui a été un effort de l'État de ce côté-là.
09:32De ce qu'on attend aujourd'hui, c'est un pacte capacitaire,
09:34et de ne pas attendre les inondations pour avoir aussi cette enveloppe de l'État,
09:38pour pouvoir équiper les départements de moyens de pompe à grande puissance.
09:42On ne va pas attendre les catastrophes pour pouvoir s'armer.