• il y a 2 mois
« La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé » est un huis clos glacial, un psychodrame de l’intime, à la fois drôle et cruel, dans lequel une famille, rongée par le silence, va devoir faire face à l’inavouable. Mireille, thanatopractrice réputée, revient dans sa ville natale pour embaumer le corps de sa défunte mère. Elle y retrouve ses trois frères qu’elle a fui trente ans plus tôt. Un retour qui va raviver les fantômes du passé. Qu’a-t-il pu arriver pour que cette famille unie se brise ? Leur rédemption passera par la vérité.

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Transcription
00:00Pour cette première émission, nous recevons Gaëlle Biodano et Julien Personnaz, qui
00:09sont donc les comédiens de la pièce « La nuit où Laurier Gaudreau s'est réveillé »
00:13et qui vont nous parler de leurs personnages sur scène.
00:16Bienvenue et merci d'être là Gaëlle Biodano et Julien Personnaz.
00:21Merci.
00:22Merci beaucoup.
00:23Je vais d'abord commencer par vous Gaëlle.
00:25Qu'est-ce qui vous a attirée dans le rôle de Mireille ?
00:28Quels sont les éléments du personnage qui vous ont touchée ?
00:31En fait, ça a été un peu une conjonction de plusieurs choses.
00:38C'est que quand j'ai découvert ce texte et que j'ai entendu Michel-Marc Bouchard,
00:43puisqu'il était en France pour présenter ce nouveau texte, lire la première page
00:46et le premier monologue de Mireille, donc le personnage que je joue, j'ai tout de
00:50suite été touchée.
00:51C'était aussi au moment où j'étais en train de perdre ma mère et ça parle de
00:55un personnage de Mireille qui revient dans sa banlieue natale pour s'occuper du corps
01:01de sa mère.
01:02Donc, je pense qu'il y a eu aussi un mélange de choses, c'est-à-dire à la fois l'écriture
01:06magnifique de Michel-Marc Bouchard, ce personnage énigmatique de Mireille et puis aussi ce
01:11que j'étais en train de vivre.
01:12Bien sûr, bien sûr.
01:14Donc, très touchant, bouleversant aussi ?
01:16Oui, bouleversant, touchant, questionnant et puis quelque chose comme un appel.
01:22Je dis ça souvent, mais c'est vrai, j'ai acheté le texte dans la foulée, j'ai lu
01:27la pièce et dès le lendemain matin, j'appelais Didier Bringart, le metteur en scène, qui
01:32avait déjà monté une autre pièce de Michel-Marc qui s'appelait « Les muses orphelines »
01:35dans le même théâtre il y a vingt ans et je lui dis « Didier, il faut absolument
01:38monter cette pièce, je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu'il faut la monter.
01:41Il y a quelque chose à dire autour de ça, de la famille, des secrets, du côté cathartique
01:49aussi de cette pièce qui raconte tellement de choses qui peuvent résonner chacun d'entre
01:55nous à divers endroits parce que je pense que chacune, chaque famille porte en elle
02:01des secrets et que le moment un peu qui fait tout exploser, le décès d'un de nos parents
02:07peut parfois faire ressortir aussi des choses comme ça.
02:11Bien sûr.
02:12Et vous, Julien Personnaz, est-ce que vous avez vécu une synchronicité comme ça, telle
02:15que Gaël ou qu'est-ce qui vous a attiré dans ce texte ?
02:19D'abord, quand Gaël et Didier m'ont proposé le texte, j'ai été frappé par la puissance
02:27du texte et sa structure aussi, c'est-à-dire que c'était la première fois que je lisais
02:31une pièce de théâtre qui était structurée comme une série, c'est-à-dire qu'à chaque
02:34fin de scène, j'avais envie de connaître la suite, il y avait une sorte de cliffhanger
02:37comme disent les Américains où on a vraiment envie de connaître la suite et il y a vraiment
02:42une espèce d'accumulation, la puissance et surtout la capacité de Michel-Marc Bouchard,
02:49l'auteur, à parler de sujets très profonds, très violents, mais toujours avec une pointe
02:54d'humour, toujours avec cette espèce de recul d'humour noir qui, du coup, peut permettre
02:59aux spectateurs et aussi aux comédiens de vraiment s'attacher à ces personnages et
03:07à cette histoire.
03:09Oui, parce qu'il y a la tendresse et la cruauté, tout est mélangé dans cette pièce.
03:14Et vous Gaëlle, vous avez préparé votre personnage avec ces émotions si complexes,
03:21vous les vivez comment chaque soir sur scène ?
03:24On se dit souvent quand on sort de scène qu'à chaque fois on fait un petit voyage
03:29quand même, c'est un voyage qu'on fait avec les spectateurs, que les spectateurs
03:33font avec nous, évidemment que nous on fait avec chacun de nos personnages parce que,
03:37comme le disait très bien Julien, Michel-Marc, il a ce talent pour écrire des personnages
03:40forts, complexes, multiples, donc on est tous traversés par tous ces sentiments et encore
03:48plus ces personnages qui portent en eux un secret énorme, chacun à leur niveau, même
03:54parfois certains personnages sans le savoir, comme le personnage d'Eliott par exemple.
03:59Et voilà, après il faut trouver, moi j'aime bien toujours essayer de trouver un endroit
04:04de jonction entre mon personnage et moi, alors après c'est ma petite sauce intérieure,
04:09mes petits secrets, mais en tout cas c'est vrai que le fait d'avoir moi aussi vécu
04:14la disparition de ma mère et puis de ce que c'était que d'accompagner quelqu'un
04:19sur l'après, de voir aussi quelqu'un une fois qu'il est décédé, c'est assez
04:24troublant.
04:25Et puis aussi, il y a eu une préparation avant puisque moi mon personnage est anatopractice,
04:30donc c'est un métier qu'on connaît peu évidemment dans la vie commune et assez
04:34technique, donc j'ai eu la chance de pouvoir faire une séance à distance heureusement
04:40de thanatopraxy, je pense qu'on dit ça comme ça, avec une spécialiste et de voir
04:46exactement quels étaient les vrais gestes à effectuer, pour être le plus crédible
04:51possible sans aller dans tout le détail parce qu'en réalité c'est très long,
04:55beaucoup plus long que ce qui se passe sur scène.
04:57Oui, mais on voit que vous avez l'air de maîtriser le métier en effet sur scène.
05:01Elle le maîtrise excellemment, on a même l'impression qu'elle a fait ça dans une
05:05année.
05:06C'est incroyable, vraiment incroyable.
05:07Et vous, Julien Personnaz, on vous a beaucoup vu à la télévision, au théâtre, au cinéma
05:12et quelle différence notable dans votre approche des personnages dans ces deux formats ?
05:17Dans la manière de travailler, vous voulez dire ?
05:20Oui.
05:21C'est une manière qui est… La difficulté sur un tournage, je trouve, c'est qu'il
05:26faut garder une énergie, c'est-à-dire qu'on peut faire une première prise et
05:29la deuxième prise, on peut la faire 20 minutes plus tard.
05:30Donc, en fonction du contexte de la scène, il faut garder l'énergie qu'a le personnage
05:36à ce moment-là.
05:37Et au théâtre, c'est tout de suite, c'est-à-dire qu'on a, contrairement un peu au cinéma,
05:42on a le droit de refaire des prises au cinéma.
05:45Au théâtre, on fait une erreur, après on a une troupe qui est là pour t'aider à
05:52t'en sortir si jamais.
05:53Mais je trouve que la manière de travailler est beaucoup plus… Pour moi, en tout cas,
05:58personnellement, c'est beaucoup plus compliqué, je trouve, sur un tournage parce que l'attente
06:01est très longue.
06:02Et donc, pour garder l'énergie, garder la concentration, je suis quelqu'un qui peut
06:06me dissiper assez facilement.
06:08Et donc, du coup, c'est vrai que je préfère cette espèce de famille aussi qu'on a beaucoup
06:16plus au théâtre que sur un plateau de tournage parce qu'on est vraiment dans une bulle,
06:20on travaille ensemble et on est vraiment, même si le terme est galvaudé, c'est vraiment
06:23une vraie aventure humaine où chacun est obligé de vivre dans une sorte de colocation,
06:31mais joyeuse.
06:32Enfin, là, en tout cas, en l'occurrence, c'est très, très, très joyeux.
06:33C'est vrai.
06:34Oui, c'est comme une famille sur scène avec de la solidarité, j'imagine, quand
06:37c'est quelque chose qui ne va pas, l'autre rattrape.
06:40Exactement.
06:41Et j'ai l'impression d'autant plus, pardon, je me permets, mais d'autant plus dans cette
06:45pièce où ça parle de famille et où c'est une famille quand même qui vit des rapports
06:48complexes sur scène et on a la chance d'avoir réussi à créer à côté une famille aussi,
06:55une famille artistique et une famille humaine, chacun avec nos personnalités, chacun aussi
07:00avec nos caractères et en même temps, d'arriver à se parler comme une vraie famille et à
07:04construire des liens très forts à côté.
07:07Et je pense que c'était capital aussi pour que la pièce soit un succès.
07:11Complètement.
07:12Et ça se sent quand on voit la pièce, on croit à une vraie famille, en fait, c'est
07:18tout à fait impressionnant.
07:19Les rapports entre vous et les trois frères, avec la belle sœur, c'est fluide, on sent
07:26la force, la force des relations, c'est vrai que c'est impressionnant.
07:29Et Gaëlle, comment vous avez collaboré avec Didier Breingart pour tout le travail de psychologie ?
07:34Comment vous avez été accompagnée ?
07:36Alors, je dirais qu'on a plus vraiment collaboré au début avec Didier sur l'avant, c'est
07:44à dire sur vraiment la création, comment on a porté ensemble ce projet dès qu'on
07:49a eu cette envie commune, comment on a fait en sorte de constituer une équipe puisqu'on
07:53a constitué le casting ensemble.
07:55Moi, il y avait pas mal d'acteurs que je connaissais, avec qui j'avais envie de jouer,
07:59que je n'avais jamais eu cette occasion, donc c'était vraiment pour moi une évidence.
08:03Julien, Benjamin, Margot, Marie, enfin voilà, c'était des gens que je connaissais, avec
08:09qui je n'avais pas toujours eu la possibilité de travailler.
08:12Avec Didier, on s'en est parlé, on a constitué cette équipe, on a préparé des lectures,
08:15on a invité des producteurs et on a eu la chance d'avoir des producteurs qui nous
08:19ont suivis tout de suite.
08:20Donc c'est là où on a vraiment travaillé ensemble avec Didier.
08:24Après, je dirais que sur la mise en scène, moi ayant un rôle quand même important aussi
08:27dans la pièce, comme chacun d'entre nous, je ne me suis pas du tout emparée de la mise
08:32en scène.
08:33C'est vraiment Didier, à partir du moment où l'artistique est entrée en jeu, qui
08:36a pris les rênes avec brio d'ailleurs de cette pièce, et moi je suis restée là à
08:40ma place de comédienne, j'ai déjà bien assez à faire dans cet endroit.
08:45Oui, tout à fait. Et Julien, dans ce huis clos où il y a tellement de tensions, comment
08:50vous avez pu gérer les moments intenses dans la pièce ?
08:54J'ai des partenaires, comme disait Gaëlle, Margot Van Den Plas, Benjamin Pena Maria,
08:58David Macar, je les cite parce que c'est important, ils ont tous une partition
09:02incroyable. David Macar et Marie Montoya, ils ont tous une partition
09:07tellement incroyable que moi, c'est l'une des premières fois que ça m'arrive où
09:11je suis vraiment sur scène spectateur.
09:13Je me dis, je redécouvre tous les soirs le texte et j'essaye le plus
09:18possible de rentrer sur scène en me disant, je ne sais pas ce qui va se passer.
09:21Et donc, je suis dans l'écoute la plus totale de ce qui est dit et de l'importance
09:26et de la puissance des mots. C'est comme ça que j'essaye le plus possible.
09:29D'accord. Et il y a aussi quelque chose sur lequel, dont on n'est pas maître, c'est
09:34les spectateurs. Et parfois, on a des salles qui sont très rieuses, mais
09:38alors vraiment à des endroits qui pourraient paraître dramatiques et donc, ça ne tente
09:41pas du tout. On a des rires, c'est au théâtre ce soir, quoi.
09:44Et parfois, il y a d'autres moments où on a des salles beaucoup plus
09:49« taiseuses », en tout cas, qui sont beaucoup plus dans l'écoute, une écoute
09:53très active, mais on les sent, mais très silencieuses.
09:56Donc, on est obligé, nous aussi, à chaque fois, de s'en jouer différemment, mais
10:01de prendre en compte ça aussi, de s'adapter dans le rythme, dans tout ça.
10:05Et si je peux me permettre de rebondir, je trouve qu'il y a un rire.
10:11La thématique de la pièce n'amène pas forcément au premier abord à se dire « tiens,
10:15je vais rire ». Donc, le public, au début, on a l'impression qu'il est un peu gêné
10:20de rire ou n'ose pas rire et petit à petit rit franchement, quoi, parce qu'il y a
10:25des situations qui sont parfois tellement absurdes et drôles aussi que le public
10:31se marre. Mais c'est vrai que c'est vrai que l'ambiance du public change tous les
10:35soirs et ça nous aide aussi. Enfin, moi, en tout cas.
10:37Ça vous porte. Ça rapporte une fraîcheur aussi à chaque fois.
10:40Bien sûr.
10:41Ah oui, j'imagine.
10:42Et qu'est-ce que vous aimeriez que le public retire de cette pièce ?
10:46Qu'est-ce que c'est quelque chose que vous aimeriez transmettre ?
10:51Est-ce qu'il y a des thèmes de vérité ?
10:54Moi, je pense que le spectacle vivant, après même le cinéma, d'ailleurs,
11:00il y a toujours quelque chose dans une œuvre de cathartique.
11:02Je pense que n'importe qui peut se projeter de près, de loin, avoir vécu ça dans sa
11:08famille, des proches. D'abord, il y a ça.
11:10Donc, ça parle quand même aussi du secret et des dégâts que peut faire un secret
11:14gardé trop longtemps et qui, s'il avait été dévoilé plus tôt, aurait certainement
11:19changé la donne. Donc, ça parle de ça.
11:21Et là-dessus, c'est important.
11:23L'idée, ce n'est pas du tout de donner une leçon, de faire la morale, mais c'est
11:26juste de montrer une situation qui pourra peut-être agir comme révélatrice pour
11:32certains. Voilà, il y a ça.
11:34Et puis aussi d'apporter un moment d'émotion qu'on garde en soi.
11:38Moi, j'aime, en tant que spectatrice, quand je vais voir une pièce, me dire que des
11:41jours après, j'y pense encore.
11:44Et d'une façon ou d'une autre, en me disant la musique était folle, quelle belle
11:49esthétique, les comédiens, c'était époustouflant, le thème.
11:53Enfin, en tout cas, d'en garder quelque chose.
11:55Parce que c'est vrai qu'il y a des pièces ou des films, on sort et puis une semaine
11:57après, on a un peu oublié.
11:59On se dit qu'est-ce que tu as vu ?
12:00On ne se souvient pas. Et voilà, moi, j'aimerais que les spectateurs se disent, même
12:05encore dans quelques mois, mais j'ai vu ça, c'était vraiment incroyable.
12:09Oui, et c'est vrai qu'en sortant de la pièce, je l'ai déjà vue il y a trois
12:12semaines. J'y étais encore et je me souviens de pratiquement tout.
12:17Quand on en parle maintenant, la mise en scène aussi de Die Demangarde est fantastique,
12:22avec des effets vidéo formidables.
12:24Il l'a accompagnée, il a fait une mise en scène extraordinaire, je trouve.
12:28Et tout est très ciselé.
12:30Comme vous le disiez, Julien, on a l'impression d'être dans une série.
12:34On a envie d'avoir la suite, la suite, la suite, la suite, jusqu'à la chute.
12:38On ne s'y attend pas du tout, ce qui est aussi un message.
12:42Oui, c'est un message, un message clair, dont on ne peut pas trop parler.
12:46On divulguerait l'énorme secret final, mais oui, en fait, c'est une pièce, un
12:51message, mais pas moralisatrice, ni donneuse de leçons.
12:54C'est une pièce qui raconte des choses et qui, à son échelle, peut peut-être
13:00faire réfléchir.
13:01Tout à fait. Oui, non, non, non, non, je n'aurais pas mieux dit.
13:05Et alors toi, non, toi, tu ne dis pas qu'est-ce que tu veux que moi, j'en
13:08retire rien. Non, non, c'est vrai que non, mais c'est et puis comme c'est à
13:14l'intérieur, au sein d'une famille très proche, il y a forcément encore une fois
13:19sans révéler forcément le secret, mais il y a forcément dans chaque famille des
13:23non-dits. Et c'est vrai que la thématique, c'est finalement que le silence peut
13:28détruire et que la parole, parfois, peut aider à guérir.
13:33Complètement. En tout cas, vous nous donnez, vous nous donnez vraiment envie,
13:37Gaël Biodano et Julien Personnaz, d'aller voir cette pièce.
13:40Voilà donc la nuit où Laurier Gaudreau s'est réveillé, donc de Michel Marc
13:46Bouchard, qui se joue au Tristan Bernard.
13:49Allez voir tout de suite.
13:50En tout cas, merci à vous.
13:51Merci Marie-Laure.
13:52Merci infiniment. Et à tout de suite pour la prochaine interview dans Seine en Luire.

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