• il y a 2 mois
Les fleurs prennent l’avion pour arriver jusqu’à nous en 10 jours. Peu écoresponsables, elles contiennent beaucoup de pesticides qui nuisent à la santé des fleuristes. Comment alléger l’empreinte carbone des fleurs et les rendre durables ? Comment éviter les produits phytosanitaires ? Hortense Harang, cofondatrice de Fleurs d’ici, répond à ces questions.

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Transcription
00:00L'invité de Smart Impact, c'est Hortense Arand, bonjour.
00:09Bonjour Thomas.
00:10Bienvenue, heureux de vous accueillir.
00:11Vous êtes la présidente, la co-fondatrice de Fleurs d'ici.
00:14Pourquoi vous l'avez créée, c'était il y a quoi, 7 ans, en 2017 ?
00:17Oui, tout à fait.
00:18Fleurs d'ici, on l'a créée pour répondre à une problématique qui n'était encore
00:22pas très connue des Françaises et des Français à l'époque, c'est le fait que 85% des
00:26fleurs coupées vendues en France sont importées de pays en voie de développement, essentiellement
00:32le Kenya, l'Ethiopie, la Colombie, et on avait perdu 90% des horticulteurs en France
00:38dans les 50 dernières années, donc il était urgent de vrai à la relocalisation de cette
00:43filière.
00:44Vous étiez déjà venu nous en parler ici, mais je voudrais qu'on revienne peut-être
00:48au constat de départ, le voyage d'une fleur classique, et après on va parler de ce que
00:55vous faites vous.
00:56Mais c'est quoi le voyage d'une fleur classique ?
00:57Autrefois, les Pays-Bas produisaient sur leur territoire des fleurs puisqu'ils avaient
01:04des pôles d'air et puis ils avaient du gaz, donc avec leurs ressources en gaz, ils avaient
01:09fait des serres, etc.
01:10Et puis progressivement, le coût de l'énergie s'est renchéri dans les années 70 et donc
01:14la production s'est déportée dans des pays où l'ensoleillement est constant, 12h de
01:19soleil, 12h de nuit, c'est-à-dire les pays qui sont sur l'équateur, donc l'équateur,
01:24c'est la Colombie pour l'Amérique latine et le Kenya et l'Ethiopie pour l'Afrique,
01:28qui sont devenus…
01:29Pardon de vous interrompre, j'essaie de m'en empêcher, mais j'ai toujours plein
01:33de questions.
01:34Donc ça veut dire qu'on continue de se dire que les fleurs viennent des Pays-Bas,
01:42sauf qu'en fait elles viennent de beaucoup plus loin et on n'en est pas forcément
01:44conscient, c'est ça l'évolution ?
01:45Absolument.
01:46Aujourd'hui, les fleurs, elles prennent l'avion avant de prendre un camion.
01:50Elles font beaucoup de kilomètres puisqu'effectivement elles sont cultivées dans des énormes fermes
01:55florales.
01:56La situation de la Colombie est dramatique à cet égard, parce que c'est des mers de
01:59plastique et des terrains qui sont aujourd'hui couverts de plastique, puisque c'est des
02:05serres.
02:06Elles sont coupées, elles sont traitées, on en reparlera je crois puisque c'est l'actualité
02:09malheureusement, et ensuite on les met dans des avions cargo réfrigérés, elles arrivent
02:16en Hollande à Alsemire où elles passent sur une espèce de Wall Street des fleurs,
02:21ça s'appelle le marché de gros de Alsemire où leur prix est fixé, c'est la bourse
02:24mondiale des fleurs.
02:25Et ensuite elles sont réexpédiées, soit en avion, soit en camion, vers les pays où
02:33elles seront enfin distribuées.
02:34Et donc il y a une semaine, deux semaines, combien de temps se passe-t-il avant que la
02:42fleur arrive chez le fleuriste ?
02:43On estime qu'il y a en moyenne dix jours entre le moment où la fleur est coupée et
02:46le moment où elle arrive chez le fleuriste, et ensuite le fleuriste, entre le moment où
02:50il la reçoit et le moment où vous l'achetez, il peut y avoir 4-5 jours.
02:55Alors comment on les conserve ? Et là on tombe dans l'enjeu des produits et notamment
03:00des pesticides qui sont utilisés.
03:01Absolument, moi j'ai coutume de dire que les fleurs elles sont botoxées, donc en gros
03:07on leur fait effectivement subir des traitements à base de polymère plastique pour les figer,
03:12c'est pour ça que, je ne sais pas si vous avez fait l'expérience, mais beaucoup d'entre
03:15nous l'ont fait, quand vous achetez des roses en bouton, c'est très rare qu'elles s'épanouissent.
03:20Parce qu'en fait on a arrêté leur croissance, donc on a enlevé leur parfum, on a arrêté
03:25leur croissance, elles resteront en bouton, elles faneront, elles dessécheront, mais
03:30elles ne s'épanouiront pas.
03:31Alors que le cycle normal d'une rose c'est de s'ouvrir et les pétales qui tombent à
03:34la fin.
03:35Mais ça, ça n'existe plus parce que précisément on leur a fait absorber comme du botox, des
03:42polymères plastiques qui les bloquent.
03:44On reparlera de cet enjeu et de l'enjeu des pesticides, parce que c'est un enjeu malheureusement
03:50important et d'actualité, mais qu'est-ce que vous, vous avez changé ? Fleurs françaises
03:54déjà, est-ce qu'il y avait, vous nous disiez on avait perdu beaucoup d'horticulteurs,
03:57donc la filière elle était souffroteuse, qu'est-ce que vous avez changé ?
04:01Absolument, quand on est arrivé en 2017, d'ailleurs les personnes qui étaient sur
04:06le marché à l'époque nous ont dit mais vous n'y arriverez jamais, c'est impossible,
04:09il n'y a pas assez de production, on a perdu trop de gens dans la filière etc.
04:14Et nous on croyait dans le fait que s'il y a de la demande des consommateurs, il y
04:18aura de l'offre et que progressivement il y aura de plus en plus de gens qui vont se
04:21mettre à faire des fleurs.
04:22Ce en quoi on ne s'est pas trompé puisqu'aujourd'hui il y a 10% de fermes florales en plus qu'il
04:26y a 5 ans et il y a une ferme florale qui ouvre par semaine en France.
04:30Donc c'est un des exemples avec le safran et d'autres plantes, j'entendais un reportage
04:35sur le piment d'Espelette il n'y a pas très longtemps, c'est quelques rares segments
04:39de l'agriculture où on a inversé la tendance grâce à la prise de conscience des consommateurs
04:44qui progressivement sont allés chez leurs fleuristes pour leur demander des fleurs
04:48françaises.
04:49Parce que des fleurs françaises il en existe quand même partout sur le territoire et en
04:53toutes saisons.
04:54Contrairement à ce qu'on pourrait penser, il y a des fleurs, y compris au mois de janvier,
04:59mais ça implique de consommer selon le rythme des saisons.
05:03Et alors c'était la question que j'allais vous poser, c'est-à-dire qu'on l'a complètement
05:06oublié, mais c'est absurde d'acheter des roses toute l'année.
05:10Absolument, vous pouvez acheter des fleurs toute l'année, c'est même recommandé, mais
05:14des roses, la saison de floraison des roses sous nos latitudes, c'est du mois de mai
05:19jusqu'au mois de novembre à peu près, parce qu'il y a une deuxième floraison.
05:23Mais en revanche, au moment de la Saint-Valentin, qui est donc le 14 février pour mémoire,
05:29et dont le symbole est devenu la rose rouge, c'est une absurdité, c'est-à-dire qu'il
05:33faut mieux consommer du mimosa, des pavots, des giroflées, et vous offrirez des fleurs
05:41qui ont du parfum, bien souvent, ce qui fera une différence avec cette sans-piternelle
05:45rose rouge qu'on a privée de son âme, puisque c'est comme ça qu'on appelle le parfum,
05:48ça s'appelle l'âme.
05:49Et donc effectivement, il est tout à fait possible de consommer des fleurs locales et
05:55de saison, en toute saison, partout en France.
05:58Je reviens sur les pesticides, parce qu'il y a eu malheureusement le décès de cette
06:03petite fille de 12 ans en 2022, Émy Marivin, c'est quoi son histoire ? Pourquoi ça nous
06:08amène à se poser la question de l'usage des pesticides et de leur danger pour les
06:15fleuristes ?
06:16C'est une histoire qui est très triste, et je voudrais dire toute ma sympathie pour
06:21Laure Marivin, qui est donc la maman d'Émy, qui était fleuriste, qui travaillait plutôt
06:27chez un grossiste, et qui manipulait à ce titre des grandes quantités de fleurs dans
06:32des espaces parfois un peu restreints, comme beaucoup de fleuristes en fait, quand vous
06:36réceptionnez les fleurs, comme je l'ai dit, elles ont fait parfois des milliers de kilomètres,
06:41et les fleuristes travaillent souvent dans des tout petits espaces, pas très ventilés,
06:45et sans protection.
06:46Et donc cette dame, Laure, était enceinte de sa fille Émy quand elle travaillait, et
06:53manifestement, ça a été reconnu par le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides,
06:58que sa fille est malheureusement morte d'une leucémie, qu'elle aurait contractée pendant
07:05la grossesse, et au contact de ces fleurs qui, comme on le sait, il y a eu des études,
07:1260 millions de consommateurs ont fait une étude, Hugo Clément dans son émission sur
07:16France 5 a refait des tests, aujourd'hui on le sait, il y a jusqu'à 43 substances
07:21sur chaque fleur, y compris des produits phytosanitaires qui sont interdits en France
07:26et en Europe, qui ne sont pas permis par les législations.
07:28Le scandale total, c'est que ces pesticides sont produits en Europe, envoyés en Afrique,
07:35et les produits reviennent.
07:36Bref.
07:37Mais effectivement, il n'y a pas de réglementation phytosanitaire sur les fleurs comme il peut
07:40y en avoir sur les fruits et les légumes, sur lesquels quand même il y a un contrôle
07:43à l'entrée.
07:44Est-ce que c'est en train de changer ou pas ? Parce que là, il y a une prise de conscience,
07:48il y a une médiatisation, peut-être de votre part, une sensibilisation des pouvoirs publics,
07:55est-ce que c'est en train de changer ?
07:56Le véritable changement, ce serait qu'à l'échelle de l'Union Européenne, il y ait
08:01une réglementation qui s'applique, comme pour les fruits et légumes, pour imposer
08:05des contrôles aux frontières et vérifier la teneur en pesticides des fleurs qu'on
08:10importe.
08:11Parce que même si on ne les consomme pas, dans le sens où on ne les mange pas, on ne
08:13les ingère pas, elles font quand même partie de notre environnement, elles peuvent dégager
08:20dans l'air un certain nombre de substances qui ne sont pas forcément très bonnes pour
08:24la santé.
08:25Donc oui, il y a quand même aujourd'hui, je pense, une prise de conscience sur ces
08:28sujets, mais la réglementation est en retard.
08:31Et de la part des fleuristes, est-ce qu'ils se protègent mieux ?
08:34Je pense que les fleuristes, en revanche, aujourd'hui, déjà, ce que je voudrais dire,
08:38c'est que les fleuristes n'y sont pour rien dans cette situation, c'est les premières
08:41victimes et que ce n'est pas de leur côté qu'il faut chercher la responsabilité.
08:48Les fleuristes cherchent de plus en plus à travailler de façon avec des fleurs locales
08:54qui, elles, par définition, d'abord respectent la réglementation environnementale, et par
09:00ailleurs, les fleurs qui sont locales et de saison, ça veut dire que c'est des fleurs
09:04qui vont pousser dans un environnement naturel, c'est-à-dire en plein champ ou dans le respect
09:10des saisons.
09:11Ce qui fait qu'on a besoin d'utiliser des produits phytosanitaires, c'est qu'on va
09:13contre la nature de la plante, on la fait pousser hors saison, avec une grande densité,
09:18c'est ça qui la fragilise, et donc à partir du moment où on respecte le rythme des saisons,
09:23on va éviter quand même déjà tout un tas de traitements.

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