La bande de "Perrine jusqu'à minuit" évoque le refus du Washington Post de se positionner au sujet des candidats à la présidentielle américaine.
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00:00Question sur la presse dans cette élection soulevée par Ulysse Gosset et qui va forcément vous intéresser, Rokhaya Diallo, puisque vous êtes éditorialiste au Washington Post.
00:10Et Ulysse Gosset se pose la question, mais qu'est-ce qui arrive au Washington Post, qui est un des grands piliers démocrates du pays et qui a décidé de ne pas appeler à voter Kamala Harris ?
00:21Oui, c'est ce qu'on pourrait appeler la surprise d'octobre. Alors on n'en a pas parlé beaucoup parce que c'est arrivé à la veille du week-end, vendredi,
00:27alors que le journal s'apprêtait à publier un éditorial appelant à voter démocrate, et bien au dernier moment, le journal a publié un texte disant
00:35« nous ne soutenons aucun candidat parce que nous voulons être indépendants ».
00:39Ça a été une crise terrible dans la rédaction parce que quelques heures avant, un autre texte était prévu et devait être publié appelant à voter Kamala Harris.
00:47Ça a donc été une crise terrible. Il y a eu une démission d'une dizaine d'éditorialistes. L'un des plus grands, Carl Kagan, a parlé d'un acte de capitulation en disant
00:55« voilà ce qui arrive quand des médias sont contrôlés par des grands groupes qui veulent faire des affaires avec l'État fédéral ».
01:01Grande crise, donc démission de journalistes, 2000 lecteurs qui rompent leurs abonnements avec le Washington Post, et surtout la question « pourquoi ? »
01:09parce qu'en fait, ça fait plus d'un quart de siècle que le Washington Post soutient tous les candidats démocrates.
01:15Bon, ne parlons pas des quatre dernières élections, Clinton, Obama, Biden, et là, non, pas de décision en faveur des... alors pourquoi ?
01:23Et tous les regards se tournent vers le nouveau propriétaire du journal. Ce n'est pas un journaliste, c'est un énorme homme d'affaires, l'un des hommes les plus riches du monde.
01:32Ce n'est pas Elon Musk, c'est Jeff Bezos, le patron d'Amazon, milliardaire qui a acheté le journal en 2013.
01:39Et justement, ce fameux vendredi à la veille du week-end, que s'est-il passé ?
01:43Eh bien, les dirigeants de l'une des sociétés de Jeff Bezos, Blue Origin, vous savez, c'est l'une des sociétés qui envoie des touristes dans l'espace, c'est un peu le concurrent d'Elon Musk,
01:52eh bien, Blue Origin a été reçu par des conseillers de Donald Trump. Et pour parler de quoi ? Eh bien, peut-être de l'avenir.
01:58Et donc, on se demande si Jeff Bezos n'a pas empêché la publication de cet appel pour ne pas faire de tort à Donald Trump et surtout pour se rabibocher avec lui,
02:06puisque jusqu'à présent, il avait des relations assez mauvaises, à tel point qu'il avait perdu des gros contrats avec l'administration fédérale.
02:13Donc, est-ce que Jeff Bezos a décidé, finalement, de censurer ces journalistes pour avoir de bonnes relations avec Trump s'il était élu ?
02:21C'est la question qui est posée ouvertement. Alors, attention, parce qu'il y a des grands journaux comme le New York Times, le Philadelphia Inquirer et d'autres qui ont appelé à voter Kamala Harris.
02:30Mais c'est la première fois depuis plus d'un quart de siècle que le Washington Post rompt cette tradition, alors que, vous savez, le Washington Post, c'est le journal du Watergate.
02:38C'est Bob Woodward qui provoque la démission de Richard Nixon.
02:41Oui, donc, c'est un séisme dans l'histoire de ce journal.
02:43Donc, c'est vraiment un journal mythique qui n'est pas exemple d'erreur. Par exemple, pendant la guerre Iran-Irak, on a vu que le journal avait soutenu les fausses thèses sur les armes chimiques que détiendrait Saddam Hussein.
02:54Mais néanmoins, c'est un véritable symbole et c'est, je dirais, d'une certaine manière, une incroyable victoire pour Donald Trump.
03:00Et ce n'est pas la seule, parce que depuis quelques semaines, on remarque que les grands hommes d'affaires de la Silicon Valley sont en train de basculer dans le camp de Donald Trump,
03:08qu'à Wall Street, les grands patrons des grandes sociétés financières se taisent, gardent un silence sur la campagne, mais prennent secrètement des contacts avec les équipes de Trump,
03:17comme s'ils préparaient déjà l'arrivée de Trump à la Maison Blanche.
03:20Ça en dit long sur le climat qui règne aux États-Unis.
03:23Avant de filer aux États-Unis, retrouvez Nicolas Kouadou, notre reporter en Pennsylvanie. Vous y voyez l'ombre de Jeff Bezos, Robert.
03:30C'est ce qui se dit. En tout cas, le climat dans la rédaction est catastrophique.
03:33Vous disiez qu'on a perdu 2 000, que le Washington Post avait perdu 2 000 adhérents. On a perdu 200 000.
03:382 000 le premier jour.
03:40Ce matin, c'était 200 000 et ça continue. 200 000, c'est 8 % du total des 2,5 millions d'abonnés au Washington Post.
03:48Donc, c'est assez énorme. Et si vous allez sur les réseaux sociaux du Washington Post, à chaque post, il y a énormément de commentaires hyper négatifs de personnes qui leur rappellent quand même leur slogan,
03:57qui est « Democracy dies in darkness ». Donc, la démocratie meurt dans l'obscurité et qui, effectivement, montre à quel point, aujourd'hui, il était important de faire un choix très clair.
04:06Donc, dans la rédaction, c'est très compliqué. Il y a énormément de journalistes qui sont plongés dans l'incrédulité.
04:13Il y a vraiment énormément de tensions et, effectivement, tout le monde voit l'ombre de Jeff Bezos.
04:19Et c'est marrant parce que quand il est arrivé dans la rédaction, il y a plein de citations de grands journalistes, etc.
04:24Depuis qu'il est arrivé, la seule influence qui avait été perçue dans la rédaction, c'est la citation de Jeff Bezos qui a été affichée sur les murs.
04:30Et là, effectivement, il y a vraiment une crainte. Et puis, la crainte aussi que ça donne à Donald Trump la latitude pour intimider les médias.
04:36Parce que c'est ça, en fait, qui se passe aujourd'hui. C'est qu'il a été très critique des médias qui contestaient son bilan ou sa politique potentielle.
04:43Et là, on voit que ça marche parce qu'il y a aussi le Los Angeles Times qui a décidé de ne pas soutenir Kamala Harris.
04:49Juste une chose, il faut dire que Jeff Bezos a quand même signé un contrat de 3,2 milliards de dollars avec la NASA
04:56et qu'il voudrait maintenant signer un contrat de 10 milliards de dollars avec le Pentagone pour, vous savez, le fameux cloud, le nuage.
05:02Mais relativisons quand même. Est-ce que ça change la donne ?
05:07La plupart des Américains s'infoment à travers la télévision ou les réseaux sociaux.
05:10Et donc, peut-être que c'est une décision qui agite le monde politico-médiatique.
05:14Mais est-ce que ça aura vraiment de l'importance sur la campagne ? La question est posée.
05:18Ça fait peur sur la liberté de la presse. Pour les journalistes, c'est quand même un signal inquiétant quand on est dans une rédaction
05:22de se dire que c'est le milliardaire qui détient le journal qui va influer sur les positions qu'il prend.