• il y a 5 heures
Transcription
00:00Ami Babinot, bonjour. Nous recevons pour vous ce jour l'auteur Makoba qui a écrit Les griffes
00:13de l'orpaillage clandestin. Découvrons-la ensemble. Bonjour M. Ma, bienvenue à Abidjan.net.
00:18Bonjour madame.
00:19Les griffes de l'orpaillage clandestin, comment avez-vous choisi ce titre si évocateur?
00:26Merci beaucoup. Comme vous le dites, le titre est évocateur. Les griffes, ici, c'est l'image d'une
00:31métaphore. Nous comparons l'orpaillage clandestin qui est l'extraction traditionnelle de l'or.
00:36Donc nous comparons cette activité à un animal féroce, à un carnassier tel que le lion affamé
00:41qui dévore les vies humaines et principalement les jeunes qui, au lieu de s'adonner aux études,
00:47s'attellent à chercher de l'or. Mais la finalité n'est pas bonne dans la mesure où l'image même
00:53est parlante. Nous voyons un jeune homme en tenue scolaire avec une seule jambe sur des béquilles.
00:57Donc l'orpaillage clandestin est une activité qui, au lieu de construire la vie, la détruit.
01:02C'est par toutes ces réflexions que nous avons donné ce titre.
01:05Justement, vous venez de le mentionner, sur la première de couverture, on aperçoit un élève,
01:10Mentoka, héros de l'œuvre, amputé du pied gauche avec des béquilles. Cette image est
01:15choquante en référence avec le titre. On pourrait dire que ce sont les griffes de ce
01:19orpaillage clandestin. Pouvez-vous nous parler de votre héros?
01:22Le héros, le personnage principal, c'est Mentoka. Chez nous, quand je dis chez nous,
01:28je veux parler du peuple, non? Puisque moi-même, je suis originaire de Danané, à l'ouest de la
01:31Côte d'Ivoire. La plupart des noms qu'on donne aux enfants, je dis bien la plupart,
01:34ont une connotation proverbiale. Le proverbe consiste donc à dire, en très peu de mots,
01:40beaucoup de choses. Mentoka, qui veut dire celui qui construit l'humain, celui qui se fie à vous,
01:44est un jeune homme qui, en cas de quatrième, va découvrir les richesses de l'orpaillage
01:49clandestin. Il va gagner beaucoup d'argent. Il va donc donner d'eau aux études et s'acheter
01:53un engin à deux roues, c'est-à-dire une grosse moto. Mais malheureusement, cet argent qu'il gagne
01:58là, va le conduire à sa perte. Puisque étant enfant, étant à l'école, ce sont les études
02:01qui ouvrent la porte du succès d'un monde meilleur. Qu'est-ce que vous avez voulu montrer
02:06à travers ce qui est arrivé à Mentoka? De par la première image, ou du moins de par l'image,
02:13c'est une leçon. Par ce texte, par cette oeuvre, je veux sensibiliser la jeunesse. Surtout les
02:17élèves. Ils sont dans les zones minières. Il faut dire que leur place, ce n'est pas sur un site
02:21d'orpaillage clandestin. Ce qu'on appelle dans les livres, c'est dit le faro. Le faro, tiré du
02:25langage ivoirien, ça vient du mot farouté. Parce que qui farote, c'est celui qui a beaucoup d'argent.
02:29Or, lorsqu'on revient du site d'orpaillage clandestin, on a beaucoup d'argent. Et quand ce
02:32toit-là est vendu, Mentoka et ses amis se font voir à travers l'école, à travers le village,
02:36à travers la ville. Quelqu'un ou un enfant qui est à l'école, ses parents s'investissent.
02:41Mettre un enfant à l'école, c'est un investissement à long terme. Et c'est pourquoi les parents se
02:44sont investis. Il faut que l'enfant prenne conscience pour travailler, pour faire honneur,
02:48non seulement à ses parents, mais à ceux qui l'ont vu naître et grandir. Pour que plus tard,
02:52le travail ou la fonction qu'il va occuper soit une fonction stable et respectée. L'orpaillage
02:56clandestin, comme son nom le dit, tout ce qui est clandestin est illicite, c'est défendu,
03:00ou même c'est interdit. Étant enfant, étant élève, sa place n'est pas sur un site d'orpaillage
03:04clandestin. Vous l'avez mentionné, des adolescents abandonnent l'école pour s'adonner à
03:08l'exploitation illicite de l'or. Qu'est-ce que vous pouvez dire sur cette quête du gain facile qui
03:13t'a laissé tomber l'école ? La place de l'enfant, c'est à l'école. C'est l'école qui forme,
03:17qui éduque. Tout enfant étant dans une zone minière, c'est généralement attenté. Parce que
03:22c'est de l'argent rapide. Les grammes de l'or, par exemple, ça vacille de 20 000 francs à 25 000
03:26francs. Et lorsqu'il se laisse emporter par ce gain facile, sans peut-être le savoir, c'est
03:30sa vie qui est en train de... C'est sa déchéance ou du moins son échec dans la vie active qu'il est
03:34en train de préparer. À travers cette œuvre, à travers le personnel de METOKA, le message que
03:38nous lançons, c'est de sensibiliser tous ces enfants. Et cette sensibilisation-là doit commencer
03:42d'abord au sein de la famille. Parce que lorsque ces enfants vont sur ces sites dangereux, sans
03:47toutefois que les parents eux-mêmes les fassent à soi pour les parler, ils pensent que la sensibilisation
03:51doit commencer à la maison. Également, à travers les livres. Parce que nous ne faisons pas,
03:55même s'il y en a qui n'aiment pas lire, mais il faut que cette sensibilisation-là soit
04:00pérennisée par l'écriture. C'est pourquoi souvent dans mes activités, c'est dans les lycées que je
04:05fais des conférences. J'offre des livres, je parle au cœur de ces enfants pour leur dire,
04:09leur payage existe de manière légale lorsque ces personnes-là constituent des dossiers au
04:14ministère. Mais pas les enfants. Les enfants doivent aller à l'école. C'est une fois encore
04:18ce message-là que nous lançons à travers cette œuvre. Plusieurs drames se sont déroulés dans
04:23l'œuvre, à savoir la mort des amis de Mentoka et son amputation. Pourquoi lier ces drames à cette
04:29quête de l'or ? Qu'est-ce que vous voulez qu'on retienne à travers cela ? La première chose,
04:33il faut dire qu'il fallait chercher de l'or, c'est d'aller en Brousse, où les conditions de vie ne
04:37sont aucunement réunies. Par ailleurs, ce qu'on rencontre là-bas, ce sont des personnes âgées.
04:41C'est des gens qui viennent avec chacun sa conscience. Par ailleurs, descendre dans le
04:45sous-sol et faire creuser, faire souvent, je dirais, une sorte de tunnel sans pilier,
04:51ça fait appel à la mort. Parce qu'une fois que la botte de terre descend, tout ce qui est
04:56sous terre reste. Ça, c'est un des deux. Lorsque les orpailleurs, qui le plus souvent ne se connaissent
05:02même pas, peuvent s'affronter avec des machettes, avec tout ce qu'ils ont. Et parmi eux, il y en a
05:07qui sont armés, parce qu'ils sont tous les seuls qui vivent. Lorsqu'il y a un danger, il y en a qui
05:12veulent se défendre. Vu cet univers, l'enfant n'a pas sa place là-bas. Il y a tellement de dangers
05:16qui sont liés à l'orpailleur clandestin. C'est pourquoi l'État l'interdit. C'est pourquoi il y a
05:19une brigade de lutte contre l'orpailleur clandestin. C'est toujours la sensibilisation
05:23que les autorités elles-mêmes prennent des dispositions dans ces zones-là pour dire que
05:27ce n'est pas seulement dans les champs de cacao que nous rencontrons des enfants. Sur les sites
05:31d'orpailleurs clandestins, ils sont nombreux. Et ils délaissent l'école au profit de cette
05:35activité lucrative, mais extrêmement dangereuse. Quel conseil pouvez-vous donner à ceux qui
05:39pratiquent l'orpaillage clandestin ? L'orpailleur clandestin, comme je le disais tantôt, ce n'est
05:44pas une activité qui est dédiée aux enfants. Il y a un travail qui doit être fait. Les personnes
05:49qui sont appelées à conjuguer leurs efforts pour que les conseils soient donnés en synergie,
05:55à commencer par les chefs du village, les pères de famille, à commencer par les autorités
05:59administratives du village, pour dire qu'il faut maintenir une certaine stratégie pour les enfants,
06:04pour les élèves surtout. Parce que je vous avoue que dans les zones où il y a de l'or,
06:08tout devient cher. Parce que les gens te disent que l'argent circule. Dans une zone où il y a de
06:12l'or, l'insécurité est grandissante. Parce que celui qui vient chercher de l'or, vous ne le connaissez
06:16pas. Dans la zone où il y a de l'or, les villages sont pleins, si je peux m'exprimer ainsi, parce
06:21que ce sont les étrangers qui viennent au village. Et les coups d'eau sont empoisonnés avec les
06:25produits chimiques qu'ils utilisent. C'est toute la population, pour ne pas dire toute la société
06:29qui est exposée. Il y a tellement de conséquences qui sont liées à l'orpailleur clandestin,
06:32si bien que chacun se demande s'il n'est pas exposé. Vous avez bien voulu utiliser votre plume pour
06:38mettre en lumière et lancer un appel face aux maux de Yiriba. Êtes-vous un auteur engagé ? Un
06:43auteur engagé, je dirais oui parce que quand un auteur écrit, c'est pour porter un message. Quand
06:48un écrivain écrit, c'est pour dénoncer un fait. C'est pour pointer une plaie sociale. Les solutions,
06:53il n'y en a pas, mais il attire l'attention de tout le monde pour dire qu'il y a un danger. Et
06:59l'orpailleur clandestin n'est qu'un maillon de cette chaîne-là. Dans ces localités, il y a
07:05également le phénomène du taxi-moto. La plupart des conduiteurs sont des jeunes, des adolescents,
07:09qui sont désécolarisés pour la plupart et qui roulent ces engins-là. Ils n'ont aucune formation,
07:13ils n'ont aucun document issu d'une auto-école et ce sont eux qui provoquent des incidents mortels.
07:18Est-ce que vous voyez ? Donc, tout cela réunit pour dire qu'il y a plusieurs plaies comme ça,
07:22il y a plusieurs phénomènes qu'il faut vraiment indexer, qu'il faut expliquer pour que les
07:27solutions doivent être prises. Et c'est là pour un avenir meilleur de tous ces enfants-là parce
07:31que j'avoue qu'ils sont exposés. Et la jeunesse est la partie de la société la plus malléable,
07:36la plus sensible, qui est donc couverte à toutes sortes de maux de plaies sociales.
07:40Avez-vous d'autres œuvres ? Si oui, lesquelles ? Et quelles sont les thématiques que vous y abordez ?
07:45Il faut dire que ma première œuvre a été publiée en 2019, le titre, c'est « Souvenirs d'un enfant
07:49soldat », donc la thématique de la jeunesse. Et la deuxième, c'est ce que nous sommes en train de
07:54décrypter, les griffes de l'orpailleur clandestin, paru en 2021. Et le dernier bébé dont on a fait la
07:59dédicace le 4 juillet 2024 à la librairie Siloué, ici à Carrefour, c'est « La lettre d'un jeune
08:05migrant ». Le titre est également évocateur. Je reste toujours sur la même thématique, la jeunesse.
08:09Et c'est écrit dans un style sobre, dépouillé de toute emphase, il n'y a pas de mots difficiles,
08:13je veux dire, un enfant de 6e jusqu'au vieillard de 90 ans peut écrire cette œuvre. Je suis en
08:18train d'écrire la 4e, elle est avancée, mais ce sera une surprise. Qu'est-ce que vous voulez dire
08:22à cette jeunesse pour laquelle vous écrivez ? Comme je l'ai dit, c'est toujours l'heure de
08:27donner des conseils pour dire que c'est l'homme même qui fait son avenir, c'est l'homme qui se
08:30construit. Quand je prends par exemple la dernière œuvre, on n'est pas mieux ailleurs, on est mieux
08:35que chez soi. Mais il faut savoir saisir les opportunités, puis les transformer. Parce que
08:39aller ailleurs, c'est l'inconnu, c'est rencontrer l'inconnu. Vous ne savez pas ce qui vous attend
08:43là-bas. Malheureusement, les jeunes, malgré toute la sensibilisation que nous faisons,
08:47que les hommes de lettre, que les médias font, il y en a qui vont, n'arrivent pas à destination.
08:50Il vaut mieux se contenter de ce qu'on a que de se laisser happer par l'illusion, parce que
08:54ce n'est pas évident de réussir. Et en voulant partir, je parle toujours de la troisième œuvre,
08:58dans ce pays, il faut aller de manière légale. À l'image de l'empaillage clandestin,
09:01ce voyage-là, c'est un voyage qui est interdit. Cette entretien est terminé,
09:05vous pouvez regarder la caméra et éviter nos babineaux à lire les griffes de l'empaillage
09:10clandestin. Les griffes de l'empaillage clandestin, comme je l'ai dit, c'est une œuvre qui sensibilise
09:16la jeunesse ivoirienne, africaine. Parce que partout où il y a un site d'empaillage clandestin,
09:21les jeunes ont tendance à délaisser l'école pour y être, pour avoir de l'argent au déterminant
09:25des études qui constituent, déterminent le socle de leur vie future. Et donc j'invite chacun à lire
09:30ce livre-là pour son bien personnel, pour également donner des conseils à ceux qui sont
09:34dans ces zones. Et notre souhait, mon souhait serait quand même de faire une tournée de sensibilisation
09:39dans ces zones-là, pour que chacun puisse comprendre le bien fondé de cette œuvre. Pour
09:45que chacun puisse comprendre que dans ces zones minières, effectivement, les enfants sont en
09:48danger. Pour que chacun puisse comprendre que c'est par l'école que l'enfant peut se former et
09:52pour avoir une vie meilleure plus tard. Et pas par des voies, je dirais, incertaines, pas des
09:59moyens financés, c'est important, mais qui sont éphémères. Donc c'est ce conseil-là que je
10:03voudrais, c'est ce mot-là que je voulais lancer à l'endroit de tous les lecteurs.
10:06Merci M. Mah d'avoir accepté notre invitation dans l'espace littéraire sur avision.net.
10:12Vos baby notes, n'hésitez pas à vous procurer les griffes de l'empaillage clandestin. Vous
10:17verrez comment la recherche du gain facile peut nous conduire à notre perte. À très vite pour une
10:23nouvelle émission.

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