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Rencontre avec Louis Duc, Fives Group - Lantana Environnement

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Sport
Transcription
00:00Est-ce que tu peux commencer tout simplement en te présentant ?
00:03Louis Duc. Louis Duc, 41 ans, je suis plutôt jeune maintenant.
00:09J'ai une vingtaine d'années de course au large derrière moi avec un peu de mini, un peu de Figaro, beaucoup de classe 40,
00:18des péripéties aussi un petit peu, il m'arrivait quelques bricoles.
00:22J'ai arrêté l'école assez vite, en 1ère S à 17 ans, pour aller bosser sur les bateaux à Lorient.
00:29Moi, je suis normand d'origine, je suis né à Cherbourg, j'ai vécu un peu à Caen,
00:33et puis à un moment donné, en 1ère S, j'ai décidé de tout plaquer,
00:37et puis d'aller bosser dans un chantier naval de bord à Cherbourg, JMV Industrie,
00:40qui construisait des bateaux du Vendée Globe à l'époque.
00:42Et puis Alvin Mabir m'a mis un peu dans sa valise, et il m'a emmené sur le trimaran Foncia,
00:46à l'assemblage du trimaran Foncia, dans les années 2001, pour la Route du Rhum 2002, je crois, en 2001.
00:53Et je suis arrivé pour participer à la construction de ce bateau, à la fin de construction de ce bateau-là.
00:57Donc je suis arrivé à Lorient en 2001, et puis j'ai commencé à avoir envie de faire la mini-transat.
01:02Donc on a rencontré du monde par là, des Benoît Lequin, des Pierrick Moreau.
01:06C'était au tout début de la base, parce qu'on voit qu'il y a énormément de regards construits partout,
01:10plein d'entreprises qui se sont créées, plein de pontons, une grande marina et tout,
01:13mais là-bas, avant, il n'y avait rien.
01:15Et donc j'ai été là-bas un peu avant que ça se développe,
01:19et c'est intéressant de voir tout ce mouvement qui s'est mis en place.
01:22Et puis ensuite, j'ai fait mon chemin.
01:24À quel moment tu t'es dit que la course au large allait devenir ton métier ?
01:29Je crois que j'avais 6 mois, à peu près.
01:31À partir du moment où on m'a mis un bateau devant moi, une petite annexe,
01:33je savais que c'est ça que j'allais faire après.
01:35En vrai, c'est un peu vrai, en fait.
01:37Moi, je suis donc issu d'un petit port de pêche à Carteret, dans la Manche.
01:42Et j'ai été l'école primaire avec les fils de pêcheurs.
01:45Mes parents étaient des plaisanciers navigants.
01:48Ma famille, ils sont des gens qui naviguent beaucoup.
01:50Mes grands-parents avaient des bateaux de plaisance.
01:52J'ai été le premier hors des bateaux de plaisance, peut-être aussi, à l'époque.
01:55Donc on m'a mis dans ce port de Carteret assez tôt, avec un environnement marin.
02:00Et puis, moi, j'y suis resté.
02:02Et donc, le soir, j'étais toujours sur le port.
02:04Le week-end, j'étais soit en croisière avec mes parents,
02:06soit à bricoler des bateaux pour y aller moi-même.
02:08Et puis, à l'âge de 6-7 ans, on m'a donné une annexe pourrie,
02:11j'ai bricolé, j'ai mis des mots, des bouts de or, des dérives sur les côtés,
02:15des bouts de voile récupérés, des draps au début.
02:18C'est un peu mon prototype que j'ai bricolé, amélioré depuis que je suis gamin.
02:22Et donc, moi, j'ai découvert un peu la notion de la course au large.
02:26D'abord, il y avait mes parents qui suivaient ça.
02:28Ils étaient passionnés d'entendre des informations de la mi-transat,
02:31de la route du Rhum, du Vendée Globe, de toutes les grandes courses,
02:33les trophées Jules Verne.
02:34Et moi, mes premiers grands souvenirs de course au large,
02:36c'était le trophée Jolonne de Bruno Perron.
02:38Je ne sais même plus en quelle année c'était,
02:40mais tu as l'histoire de dire, on va faire le tour du monde en 80 jours
02:43et battre Jules Verne, l'histoire de Fias Fogg.
02:46Moi, je trouvais ça génial.
02:47Et puis, en fait, ils ont réussi à le faire, je crois que c'était à quelques heures près.
02:50Et j'étais à un âge où je commençais à comprendre ce que c'était.
02:53Et puis, depuis, je m'en suis passionné.
02:54J'ai toujours voulu faire ça.
02:56De tout début, je voulais être pêcheur comme mes copains de maternelle.
02:58Et puis après, je voulais faire de la course au large.
03:00C'est assez vite quand même.
03:01Et donc, à partir du moment où j'ai compris ça, on m'a dit,
03:03l'école, de toute façon, c'est obligatoire jusqu'à 16 ans.
03:05Je me suis dit, il faut choisir une solution pour quitter l'école à 16 ans.
03:08Ce que j'ai à peu près réussi à faire.
03:10Mais, assez vite quand même,
03:13t'as la particularité d'être un marin,
03:18les mains dans le cambouis régulièrement.
03:21La construction, la conception, la réparation, l'amélioration.
03:28A priori, j'ai l'impression, une particularité que tu as,
03:32d'avoir toujours été dans le fer.
03:34Moi, j'étais passionné à un moment du circuit qui n'était pas encore normal à l'époque.
03:37Mais, je voyais les Fujicolors avec des maëlles, des grandes voiles,
03:40des bras, des rives, des trucs.
03:43Et du coup, j'avais envie de faire ça avec mes petits jouets.
03:45Donc, j'étais tout le temps en train de faire ça.
03:47Donc, j'ai commencé à 7 ans.
03:48Puis, je n'ai pas trop arrêté, en fait, après.
03:50Donc, je me suis mis à...
03:53Je ne suis pas fils de menuisier ou d'ébéniste.
03:57Donc, je n'ai pas des mains en or comme peuvent l'avoir un gamin
04:00qui a 14-15 ans et qui commence à toucher des outils
04:02et qui fait déjà des trucs super.
04:04Ce n'est pas forcément le cas.
04:05Moi, je suis débrouillard, mais pas forcément le plus grand des manuels.
04:08Et par contre, on m'a mis à apprendre à construire des bateaux chez JMV.
04:12Donc, j'ai appris à faire un peu de composite, à me débrouiller avec des outils.
04:15Puis, avec ces capacités-là, j'ai fait ce que j'ai pu.
04:17Et puis, en 2003, j'ai eu l'occasion de racheter une épave de mini.
04:21J'avais 18 ans, un truc comme ça.
04:23Et même, c'était avant 2003.
04:25En 2001, pardon.
04:27Et donc, 2001-2002, j'ai dû racheter ça.
04:29Une épave de mini que j'ai reconstruit.
04:31Et puis, j'ai commencé à vouloir me qualifier pour faire la Mini Transat.
04:34Donc, d'abord, en ne rachetant que du matériel d'occasion sur mon bateau.
04:37En bossant pour aller acheter des pièces qui me manquaient.
04:40Donc, j'allais chez Banque Populaire acheter un petit afficheur, un autre truc.
04:44Récupérer un autre bout de pilote sur quelqu'un d'autre.
04:47Et puis, j'ai fait mon bateau comme ça pour la Mini.
04:49Parce que j'ai participé, au final, en 2005.
04:52Donc, j'ai mis trois ans.
04:53D'abord, à réparer le bateau.
04:55Puis ensuite, aller me qualifier.
04:57Et puis, être au départ de cette course.
04:59Il fallait trouver un petit peu de fonds aussi.
05:00Parce que, voilà.
05:01Moi, tout l'argent que je gagnais, je devais gagner le SMIC.
05:03Et ça repartait dans mes bateaux.
05:04Je n'y vais pas avec grand-chose.
05:05J'ai eu beau la chance d'avoir des copains qui m'ont hébergé à Lorient pendant des années.
05:08Ce qui m'a permis de mettre un peu mes sous dans mon bateau.
05:11Et puis, voilà.
05:12J'ai eu l'occasion de faire la Mini assez jeune.
05:14Avec des déboires.
05:15Parce que j'ai dématé.
05:16J'étais un peu jeune et fou aussi à l'époque.
05:18Je n'avais pas aucune limite.
05:19Et donc, j'ai fait un peu l'imbécile.
05:21Et puis, j'ai dématé un peu avant les îles Louis IV Vert.
05:24Et puis, je n'avais pas tellement envie d'arrêter.
05:27Donc, j'ai rematé en mer.
05:29Mon mât était cassé.
05:30Je l'ai remonté à bord.
05:31J'ai tout remis comme je pouvais.
05:33J'ai remis un gréement avec un seul étage de barre de flèche.
05:35J'enlève l'étage.
05:36Et j'étais prêt à repartir.
05:37Et puis là, il y a un bateau-compagnonneur qui est venu me voir.
05:39Bateau-compagnonneur que j'avais construit.
05:40J'ai participé à la construction quelques années avant.
05:42Il me dit, qu'est-ce que tu veux faire ?
05:44Je continue moi.
05:45Je vais au Brésil.
05:46Il me dit, ce n'est peut-être pas l'idée.
05:48Ils m'ont dit, tu vas soit au Cap Vert, soit à Dakar.
05:50Le Cap Vert, je ne voyais pas comment je ramènerais mon bateau.
05:52Donc, je suis allé à Dakar sous grande fortune.
05:54Je me suis retrouvé au Sénégal à 21 ans, tout seul,
05:58à me débrouiller avec mon machin sous grande fortune,
06:00qui fonctionnait bien.
06:01Et en fait, pour faire mon grande fortune,
06:03je me suis inspiré de ce qu'avait fait Yves Parlier sur son bateau.
06:07Il avait fait une chèvre devant, sur son étrave,
06:10un matreau derrière pour surélever son mât.
06:13Et il avait basculé son mât avec des drisses.
06:16J'ai refait exactement pareil en mini.
06:18C'est plus petit, c'est plus facile, mais ça prend moins de temps.
06:20Et donc, en quelques heures, j'avais rematé.
06:22J'ai refait un gréement et rematé mon bateau.
06:24Et c'est ce qu'a fait Adrien Hardy deux ans après,
06:27avec son mini brossard.
06:29Alors, ça veut dire qu'il y a des images du Vendée Globe qui t'ont marqué.
06:33Tu parles d'Yves Parlier, là, à l'instant.
06:35Est-ce que tu en as d'autres comme ça en tête,
06:36puisque tes parents t'ont assez vite branché sur la course au large ?
06:40Dans les différentes éditions du Vendée Globe,
06:42qu'est-ce que tu retiens comme skipper, comme histoire,
06:45comme édition qui t'ont marqué ?
06:48L'année qui m'a le plus marqué, c'est vraiment l'édition que j'ai le plus suivie,
06:52parce que je commençais à grandir un peu.
06:55Donc, il y a eu l'édition d'Adama Gauthier, mais ça, c'était 92.
06:58J'étais encore un peu jeune, une dizaine d'années, un peu moins de 10 ans.
07:01Donc, tu ne captes pas tout.
07:02Par contre, quatre ans après, pour le Vendée Globe de Houguin,
07:04qui était à Normand, un grand village, donc pas très loin de chez nous,
07:07et qui avait quelqu'un qu'il connaissait, Houguin.
07:09Forcément, tu crées un peu des liens.
07:11Il y avait à l'époque Albert Mabillard, qui avait déjà son Imoca,
07:14qui n'était pas un Imoca, un Open 60.
07:16Donc, j'étais déjà intégré dans ces images-là, ces circuits-là.
07:20Et donc, le Vendée Globe 96, qui a été extrêmement violent,
07:23il m'a énormément marqué.
07:24Je le suivais tous les jours, journée par jour, les pointages, les trucs.
07:27J'ai dit que j'avais piqué une petite radio.
07:30J'étais en pension, après, au collège.
07:32Et donc, j'avais une petite radio, et je me planquais le soir pour écouter les infos,
07:35pour avoir l'abri d'informations, avec un classement,
07:37avec aussi les histoires d'abord d'Inélie Thierry Dubois,
07:42Thierry Rouffe, Bouilly Mort, tout ça.
07:44Moi, c'est des choses qui m'ont beaucoup marqué, quand j'étais gamin.
07:47Et voilà, j'avais besoin de ces informations-là.
07:49Je me souviens de l'histoire de Thierry Rouffe.
07:51Je n'y croyais pas, moi, qu'il pouvait être disparu en mer.
07:54Et donc, j'étais persuadé qu'on allait le voir arriver au Sape de Lannes.
07:58Et donc, je comptais les jours, je faisais des calculs de distance, de temps.
08:01Il pourrait arriver à peu près à ce moment-là, mais en fait, il n'est jamais arrivé.
08:03Et voilà, cette édition, elle m'a beaucoup marqué.
08:05Et donc, l'édition d'Auguin 96, je crois que c'était une très belle édition,
08:09avec Hervé Laurent aussi, qui arrive en troisième position du Vendée.
08:14Moi, je redécouvre un peu ce bonhomme-là, à cette époque-là.
08:17J'étais en admiration devant ce gars-là, qui est parti il y a quelque temps.
08:21Et puis, j'ai eu l'occasion de rencontrer tous ces gars-là après.
08:24Donc, j'étais assez rapidement, quand je suis arrivé sur l'Orient,
08:28j'ai eu l'occasion de rencontrer les gens qui m'ont fait rêver quand j'étais plus jeune.
08:31Et Hervé, il en a fait partie.
08:32Et puis, j'ai même eu l'occasion de bosser avec lui, après, sur de la météo.
08:36On est devenus amis, tout ça. Donc, voilà un peu l'histoire.
08:38Et à quel moment, tu te dis satisfait, ça peut être la mienne aussi.
08:41Moi aussi, je peux participer au Vendée Globe.
08:44Quand j'ai 7 ans, j'ai dit, de toute façon, il va falloir que je fasse ça, c'est obligé.
08:47Non, mais ce qui est vrai, c'est que je suis un peu borné, déterminé.
08:52Et quand j'ai décidé d'aller faire de la course, je rêvais.
08:55Je m'étais dit, tu sais, quand tu es tout gamin, tu te dis,
08:57si jamais j'arrive un jour à faire un mi-transat, ce sera génial.
08:59Puis après, le Figaro, ça te fait rêver.
09:01Puis moi, un jour, faire un tour du monde en solitaire, c'est ce qu'il y a de mieux.
09:04Et j'ai envie de faire ça absolument. Il faut que j'arrive à faire ça.
09:06Donc, depuis que je suis gamin et que mon objectif, c'est de faire de la course, c'est d'arriver à ça.
09:10Donc, depuis le début, en fait.
09:12Et alors maintenant, tu y es.
09:14Raconte-nous un peu ce FIV Lantana, ce projet et où tu en es dans ton tableau de marche.
09:23On est maintenant à deux mois de la course.
09:26Voilà, elle est là. C'est la dernière ligne droite. Comment tu te sens ?
09:31Alors moi, je me sens très bien parce que j'ai une histoire sur ce bateau qui est assez prenante.
09:37Comme tous les coureurs, en fait.
09:39Chaque coureur a une belle histoire avec son bateau et d'une autre aussi.
09:42Cette histoire, elle a commencé en 2020.
09:46On a racheté le bateau de Clément Giraud qui avait subi un incendie au départ de la JAB 2019.
09:51Et ce bateau-là, il a été dit non réparable par les assureurs, par les experts, par tout ça.
09:57Et puis, moi, j'ai entrepris le fait de dire, on va racheter le bateau pour le refaire.
10:03Et ça, c'était pendant le premier confinement.
10:06Pendant le premier confinement, si on se souvient bien, on se disait,
10:09on ne sait pas si la course au large va continuer à exister,
10:11s'il y aura encore des sponsors dans la voile ou dans le sport.
10:15Ça se trouve, on va tous mourir.
10:17Et pendant cette période-là, j'ai proposé aux deux personnes qui sont assis avec moi,
10:20Jérôme Lepoutre et Marc Devavoin, de racheter ce bateau en épave.
10:24Donc, on m'a pris un peu pour un cinglé au début.
10:26Et après, on a compris que finalement, la vie n'allait pas s'arrêter au Covid
10:29et que ça allait repartir un peu après.
10:31Et puis, on a fait une proposition à Fortil, qui était propriétaire du bateau,
10:35de racheter ce bateau pas très cher, la valeur de la franchise d'assurance.
10:39Comme ça, ça remet tout le monde d'accord.
10:41Ce qui a fini par être accepté un peu plus tard.
10:43Et donc, c'était un peu un pari au début, parce qu'on disait, le composite, il y a énormément de boulot.
10:49Par contre, il y a aussi beaucoup de matériel qui est sauvable.
10:52Et donc, moi, j'avais déjà été me promener un peu dans le bateau.
10:54Et puis, on sait bien comment ça se passe quand on veut refaire un bateau pour les assurances.
10:58Les assurances, on regarde refabriquer à équivalence de la construction d'origine.
11:03C'est-à-dire, emprunt imprégné carbone, fait par un chantier, il y a un taux d'horaire qui est élevé.
11:08Donc, si on veut faire ça, ça ne sert à rien.
11:11Si, par contre, on crée une équipe pour nous-mêmes réparer le bateau,
11:13c'est peut-être un peu différent, on peut peut-être y arriver.
11:15Et donc, c'est ce que j'ai entrepris.
11:17Donc, quand on a lancé cette opération-là, on avait 200 000 euros, pour être clair.
11:22Ça ne me dérange pas de parler de ça.
11:24On avait 200 000 euros qui dataient du classe 40 d'avant.
11:27Il se trouve qu'on avait une petite histoire avant.
11:29On avait couru quelques années en classe 40.
11:31Et puis, j'ai perdu le bateau.
11:33Pareil, au retour de la JAL en 2019.
11:35On a fait 40 000 de mer.
11:36Le bateau était perdu.
11:37Et puis, on a été remboursé par l'assurance.
11:39On a remboursé les emprunts.
11:40Et à la fin, l'opération nous a ramené 200 000,
11:43ce qui est une partie d'investissement de ce qu'on avait gagné avant.
11:45C'est ce qui reste à la fin de ce projet.
11:47Et donc, on a choisi de les réinvestir sur l'IMOCA.
11:49Donc, on rachète l'IMOCA en épave.
11:51Et puis, on commence à analyser un petit peu le composite.
11:54On a eu des bonnes surprises.
11:55D'abord, on s'est aperçus que les pots intérieurs, forcément, étaient cramés.
11:59On voyait le carbone qui pendait comme ça sur les cloisons.
12:01On voyait bien que c'était mort.
12:03Mais après, on ne savait pas jusqu'où ça allait.
12:04Mais ça, c'est toute l'interrogation.
12:06Pour savoir, ça coûte un peu de rond aussi d'aller fouiller.
12:09Donc, on a commencé à tout démonter dans le bateau et analyser le composite.
12:12Et on s'est aperçus un truc intéressant.
12:14C'est que toutes les pots intérieurs cramés.
12:16Après, c'était une nid d'abeille au milieu du Nomex,
12:18ce qu'il y a sur tous les bateaux aussi actuellement.
12:20Et de l'autre côté, la peau de carbone qui est à la peau extérieure.
12:22On s'est aperçus que, en analysant un endroit sain du bateau
12:27et un endroit extrêmement abîmé, on a envoyé ça en analyse.
12:30Et le retour d'analyse, c'était de dire,
12:32on voit que d'un côté, la peau est cramée.
12:34Le Nomex est un petit peu abîmé sur 5-6 mm.
12:37Et par contre, de l'autre côté, le collage est extrêmement bon.
12:40Et on voit bien qu'il y a une surchauffe à l'endroit le plus abîmé par rapport à l'autre.
12:44Mais en fait, quand on analyse le composite,
12:46il y a une meilleure qualité à l'endroit où il y a eu une surchauffe.
12:48C'est-à-dire qu'il a subi une deuxième cuisson.
12:50Et finalement, le collage de la peau extérieure est extrêmement bon.
12:53C'est-à-dire que nous, quand on découpe,
12:55on sait globalement ce qui est sauvable ou pas sauvable,
12:57ce qui était un hyper bon signe.
12:59On s'est aperçus après que le Nomex, dans les Formules 1, en bagnole,
13:03il était utilisé comme produit anti-feu aussi, ce qu'on ne savait pas.
13:07Et donc, ça a permis de sauver le bateau.
13:09Donc, on a embauché une petite équipe pour reconstruire ça,
13:12accompagnée de Marc Lefebvre, qui est le patron du chantier 22,
13:15Christian Bride, qui est un dinosaure et un mercenaire du composite
13:18qui va un peu partout dans le monde.
13:20Et puis, ces deux gars-là ont été les piliers pour reconstruire,
13:24pour m'aider à reconstruire ce bateau avec les gens que j'ai embauchés.
13:26Donc, on a fait une équipe de jeunes avec des stagiaires
13:28qui revenaient du bureau d'études,
13:30des gamins qu'on a embauchés qui cherchaient un métier,
13:32qui aujourd'hui est un des gars qui bosse avec moi encore en préparation,
13:35qu'on a formés avec nous, que j'ai rencontrés en école de voile.
13:38Et puis, on a créé notre petite équipe.
13:40Moi, j'avais estimé la reconstruction du bateau à une enveloppe de 500 000 euros.
13:45Donc, on avait déjà 200, il en manquait 300.
13:47500 000 euros, c'est aussi un peu une valeur d'occasion de ce genre de bateau.
13:50Donc, c'est comme un pari.
13:52Parce que tu es tenu dans un bateau comme peut-être celui de Seine-Marseille
13:55ou d'autres bateaux, il y en a avant dans ce 300 000 et 400 000.
13:58Et puis, tu as des bateaux dans la même génération, à 600 000, 700 000, 800 000.
14:01Donc, on est quand même dans la fourchette basse de ce genre de bateau d'occase.
14:04Tu te dis, bon, est-ce que c'est malin ?
14:06En même temps, on n'a pas les ronds pour acheter un bateau d'occase.
14:08On n'a pas les ronds pour acheter un bateau en épave.
14:10Donc, ça nous donne une base.
14:12Et puis, un projet pour lancer, pour aussi monter notre projet.
14:15Et donc, il manque 300 000.
14:17Ça, c'est toujours la base.
14:18On va voir les banques, forcément.
14:19Les banques, on leur dit, nous, on va réparer le bateau.
14:22Et puis, si on ne trouve pas de sponsor, on revend le bateau, puis on rembourse.
14:25Ça n'a pas suffi pour convaincre les banques.
14:28Donc, on ne s'est pas démonté.
14:29Il faut trouver une autre solution.
14:30Et donc, pour ça, je me suis dit, on va essayer de s'inspirer des plateformes
14:36de crowlending sur le net.
14:37Donc, pas du crowfunding qui est du don, mais du crowlending qui est du prêt.
14:40Et il y a beaucoup de boîtes qui font ça.
14:42Typiquement, tu veux agrandir ta boulangerie.
14:47Tu veux rajouter un bâtiment dans ton industrie.
14:50Soit tu empruntes à la banque, mais ça va prendre 6 ou 8 mois avant d'avoir les prêts.
14:55Soit tu trouves une autre solution.
14:56Et puis, tu peux placer tes projets sur des sites comme ça.
14:59Et puis, souvent, quand ton projet est bien monté, en une nuit,
15:02tu retrouves tes investissements.
15:03Parce que les gens viennent le placer, mais à des taux très élevés.
15:06Et puis, finalement, ton emprunt bancaire, tu l'obtiens.
15:08Et puis, tu rembourses ton prêt de plateforme rapidement.
15:13C'est ça, le principe.
15:14Puis ça, je me dis, bon, pour nous, c'est pas mal.
15:16Parce qu'on pourrait essayer de placer notre projet là-dessus.
15:18Mais le truc, c'est que ça va nous amener un certain volume de gens.
15:22Ça peut nous amener à une façon légale aussi d'avoir du prêt.
15:25Parce qu'il faut savoir que donner de l'argent, c'est très facile.
15:28En prêter, c'est très compliqué à une entreprise.
15:30Il y a des règles très strictes.
15:31Et donc, on s'aperçoit que ce n'est pas si simple que ça.
15:33Donc, la plateforme nous amène le côté légal et le côté aussi facile d'accès.
15:38Et finalement, les plateformes, d'abord, notre projet ne les intéresse pas trop
15:41parce que la prise de risque est élevée.
15:43Et puis, finalement, les taux à 8-10%, pour nous, ça ne nous intéresse pas non plus.
15:46Donc, je me dis, est-ce qu'on ne pourrait pas squeezer les plateformes ?
15:48Comment on peut faire ?
15:49Et donc, on a commencé à se renseigner avec un gestionnaire patrimoine,
15:52un cabinet d'avocats qui a commencé à fouiller un petit peu.
15:55Et on a trouvé une solution qui s'appelle le préobligataire.
15:58Sauf que le préobligataire, il faut d'abord être en SAS.
16:01Non, être en SRL. Il faut changer de statut.
16:03Et puis, il faut faire ça dans un montant maximum de 150 personnes.
16:10Il ne faut pas qu'il y ait plus de 150 personnes qui prêtent de l'argent.
16:12Sinon, ça devient une banque.
16:13Ce qui n'est pas notre objectif.
16:15Donc, nous, on s'est dit, on recherche 300 000 euros.
16:18Avec 150 000, on est capable déjà de réparer le composite,
16:20pas de remettre le bateau en route, mais déjà au moins ça.
16:22Donc, il faut au moins réunir ça.
16:23Donc, on s'est dit, on va proposer un préobligataire.
16:27C'est-à-dire, on propose aux gens de se substituer aux banques
16:30sous un contrat bien précis.
16:32On leur propose de nous prêter de l'argent
16:34avec un petit taux d'intérêt qu'on met en place, qu'on choisit nous-mêmes, 2%.
16:37Et puis, on va voir ce qui se passe.
16:39Et donc, on a bossé le dossier beaucoup.
16:41J'espérais que ça se lance en février.
16:43Au final, ça a été mis en route en avril.
16:45Et entre deux, on continuait à réparer le bateau avec les moyens qu'on avait encore.
16:48Donc, on était en train de faire fondre nos petites économies
16:50pour relancer la réparation.
16:52Et à côté de ça, on préparait le préobligataire,
16:54sans savoir si on allait avoir un euro.
16:55Et donc, quand on a lancé cette opération,
16:57on l'a appelé « Votre Répargne Autour du Monde ».
16:59C'était un petit clin d'œil à notre ami Bertrand Debrock,
17:01qui a appelé sur le bateau « Votre Nom Autour du Monde » avec des dons.
17:04Donc, nous, on a dit « Ce sera Votre Répargne Autour du Monde, cette opération ».
17:07Ce qui était rigolo.
17:08Et quand on en parlait, les gens disaient
17:10« C'est super, ça a l'air génial ce que tu fais. »
17:11On n'a rien compris, mais ça a l'air génial.
17:13Donc, on a lancé ça, mais ça a fait parler un petit peu.
17:15Le Vendée Globe nous a beaucoup aidés aussi,
17:17parce qu'ils nous ont fait parler un petit peu sur le Vendée Live.
17:19Les médias du Vendée ont fait parler un petit peu de notre projet aussi,
17:22parce qu'on était, quelque part, le premier skipper hors Vendée Globe
17:26à venir s'inscrire dans la logique de participer au Vendée 2024.
17:30Donc, finalement, ça plaisait à tout le monde de parler un petit peu de nous.
17:34Donc, ça a commencé à prendre comme ça.
17:36Et puis, quand l'opération « Votre Répargne Autour du Monde » a été prête,
17:40on l'a mise en ligne.
17:42Et là, on a eu la grande surprise de voir que ça a bien fonctionné.
17:44En 40 jours, on a réuni les 300 000 euros qu'il nous fallait.
17:48On aurait pu en réunir plus, mais on avait bloqué le prêt à 300 000,
17:50parce que c'était ce qu'on était capable de rembourser dans notre montage.
17:53Donc, on a eu 135 personnes exactement qui ont participé,
17:57avec des montants plus ou moins élevés ou pas.
17:59Et puis, ça a fonctionné.
18:01Forcément, tu as des gens de ta famille qui vont faire un petit peu.
18:04Et puis, tu as des gens du réseau plus proche ou moins proche.
18:06Et puis, il y a des gens en Italie, en Allemagne, en Belgique.
18:09On est aux États-Unis, qui se sont passés par le Vendée Globe.
18:12Et là, on proposait aux gens de devenir acteurs d'un bateau.
18:15Et donc, on a réuni ces fonds-là pour faire ça.
18:18Et ça s'est bien passé, du coup, parce que ça permet de réparer le bateau.
18:21Et en parallèle de cette histoire, je vous la fais complète.
18:24En parallèle, en février-mars, il y a Marie Tabarly,
18:27avec qui on se connaissait déjà depuis un paquet de temps,
18:29sans être tout le temps proches, mais voilà, tous les six mois, tous les ans,
18:33on avait un petit coup de fil, un petit mot, un machin.
18:35Donc, on se suivait mutuellement sur nos projets.
18:37Et Marie, elle m'appelle, elle me dit « Tiens, j'ai vu que tu lances un truc,
18:39tu as récupéré ce bateau, c'est génial.
18:41Moi, ce bateau, j'ai été la marraine de ce bateau à un moment donné avec Clément.
18:44Moi, ça me passionne. Écoute, si je peux t'aider, si je peux trouver mon réseau,
18:48je vais le faire, parce que je trouve que ton histoire,
18:50elle change des trucs qu'on voit d'habitude. Donc, j'ai envie de t'aider. »
18:52Je lui dis « Écoute, c'est super, c'est cool. »
18:54Et puis, elle me dit « Si jamais tu fais la Jagvap, donc là, on est en février 2021.
18:59La Jagvap, c'est en novembre 2021, donc quelques mois après.
19:02Si jamais tu fais la Jag, moi, je veux bien ramener le bateau avec toi. »
19:05Je lui dis « Écoute, la Marie, la Jagvap, le bateau, il est en kit dans le chantier,
19:08il est complètement démonté, il n'y a plus de roues, plus de cloison, il n'y a plus rien.
19:10Je n'ai pas un rond. Je ne suis pas sûr que je la fasse quand même.
19:13Ce n'est pas gagné. »
19:14Et puis, elle me dit « Écoute, c'était comme ça. »
19:16Puis bon, je raccroche, puis je cogite.
19:18Je me dis « En fait, si je fais l'historique, si je fais le planning sans parler d'argent,
19:22on a prévu de remettre le bateau à l'eau en août, potentiellement.
19:25La Jagvap, c'est début novembre.
19:32Donc, je la rappelle le lendemain matin.
19:34Je lui dis « Écoute, Marie, est-ce que tu veux faire la Jag avec moi ? »
19:36Et puis, Marie me dit « Mais ce n'était pas ça la question. »
19:38Je lui dis « Ben, écoute. »
19:39Et puis, elle me dit « Ben oui. »
19:40Et donc, du coup, on se met deux mois devant nous pour voir si on arrive à amener notre réseau
19:46à trouver des sponsors cette fois.
19:48Et donc, on se lance là-dedans.
19:50Donc, moi, d'un côté, on a le chantier de reconstruction du bateau.
19:53De l'autre côté, j'ai le montage du propriétaire pour trouver les fonds pour réparer le bateau.
19:57Et le troisième dossier, c'est de trouver des sponsors pour commencer à courir.
20:00Donc, ça fait beaucoup de choses pour un seul bonhomme.
20:02Et finalement, tu y arrives.
20:03Et finalement, j'y arrive parce que je suis bien entouré.
20:05Parce qu'il y a une équipe de reconstruction qui est là.
20:07Moi, je suis présent sur le chantier tous les jours.
20:08Mais je ne mets pas les mains dans la colle pour le coup.
20:10Ce que j'avais fait, ce que je faisais avant, parce que j'ai arrêté de le faire.
20:13De toute façon, je m'étais dit que sur ce projet-là,
20:15ça ne sert à rien que le skipper mette les mains dans la colle trop
20:17puisque de toute façon, il ne va rien faire tout seul.
20:19Donc, il vaut mieux se concentrer à trouver les fonds
20:21pour payer les mecs qui vont bosser sur le bateau.
20:23Et puis, par contre, suivre les dossiers en permanence.
20:25Mettre un peu d'adoucissement un peu partout quand il faut.
20:28Quand les tempéraments montent et tout ça.
20:30Et d'être présent en permanence avec l'équipe.
20:32De comprendre ce qui se passe en permanence.
20:33De faire tous les choix sur le bateau.
20:35Mais par contre, de ne pas venir bosser techniquement sur le bateau.
20:38Parce qu'il y a bien d'autres choses à faire.
20:40Donc, on a finalement réussi à mettre le bateau comme prévu en août à l'eau.
20:45Ce qui était pour nous un événement extraordinaire.
20:47A participer à la Jaguar.
20:49Et puis, à participer à la Jaguar avec Marie qui a trouvé un petit peu de fonds.
20:51Et moi aussi en parallèle.
20:52Et donc, on arrive à boucler ça.
20:54Et à faire une très belle Jagvab.
20:56En 2021, on finit, je ne sais plus...
20:5814e.
20:5914e, peut-être bien.
21:00Derrière Apicil, mais devant des foilers, devant des trucs.
21:03Pour nous, c'était inespéré.
21:04Parce qu'il n'y avait aucun de nous deux qui n'avait jamais couru en Imoca.
21:06Donc, ça nous fait une belle histoire.
21:08Et puis, Marie, depuis, c'est ma meilleure amie.
21:11Et alors, depuis, il y a eu pas mal de courses.
21:14Il y a eu des très belles courses.
21:15Des très bonnes surprises.
21:16T'es monté en niveau aussi, forcément.
21:19Exactement.
21:20Après cette Jagvab, il s'est quand même passé des trucs.
21:22Puisqu'à l'aller, on a fait la Jag avec Marie.
21:25Mais au retour, j'avais confié le bateau à une équipe.
21:27Et puis, ils ont pris le mat sur la tronche, sur le coin.
21:29Je retourne.
21:30Donc, il a fallu remonter tout le projet pour retrouver les fonds.
21:32Remettre un mort.
21:33Modifier le bateau.
21:34Et en fait, quand on a imaginé la réparation de ce bateau en 2020, 2021.
21:39Avant la Jagvab.
21:40Du coup, sur la reconstruction du bateau.
21:42On avait imaginé avec le groupe Lombard.
21:45Eric Leveu notamment.
21:46La plateforme qu'on rêverait d'avoir à partir de ce bateau-là.
21:49C'est-à-dire qu'on avait imaginé tout un tas de modifications.
21:52Et puis de se dire, on peut amurer le bateau.
21:54Et donc, la première chose, c'était de remettre le bateau à la jauge IMOCA 2016.
21:57Remettre de la quête à fond sur le bateau.
21:59Avancer les amures.
22:00Mettre des dérives portantes.
22:01Et mettre un peu d'ergonomie dans tout ça.
22:03Donc, ça, c'était la plateforme rêvée.
22:05J'ai dit, bon, après maintenant, on va revenir un peu pragmatique.
22:07Et puis, on a commencé par contre à modifier le bateau.
22:09Tout ce qui était cassé, on a commencé à le remodifier pour aller mieux.
22:12Donc, dès le début, dans le chantier, on ne s'est pas condamné de reconstruire à l'identique.
22:16On a commencé à modifier le bateau.
22:18Donc, on a reculé les balastes.
22:20On a reculé le moteur de 3 m.
22:21On a reculé le groupe hydraulique.
22:23Donc, tout un tas de trucs qui étaient installés dans le bateau.
22:25On s'est amusé à aller dans la configuration dans laquelle on voudrait aller.
22:28Donc, on a commencé comme ça, mais avec des moyens raisonnés.
22:31Et donc, la deuxième année, on prend le mât sur la tronche.
22:33Donc, c'est un coup dur.
22:34Finalement, on retrouve un mât qui est un tout petit peu plus court.
22:36C'était exactement ce qu'on voulait faire.
22:37On voulait couper l'autre mât d'un mètre.
22:39Donc, finalement, on rachète le mât de Gabart de 2012.
22:41Et qui est 80 cm plus court que le nôtre.
22:43Donc, tiens, super.
22:44C'est-à-dire qu'on peut aussi gagner pendant le bulbe.
22:46Ce qui était prévu.
22:47Et puis, ça permet de continuer notre démarche.
22:49Et j'avais prévu aussi de mettre les dérives un peu portantes.
22:52Qui sont des dérives verdiées.
22:54Comme avait le cam sur son bateau.
22:56Comme avait maintenant Lazard.
22:58Lazard, c'est la piscine.
22:59Donc, voilà.
23:00Ça permet d'upgrader un peu le bateau comme on l'imaginait.
23:02Tous les ans, on a réussi à modifier le bateau un petit peu à chaque fois.
23:05Et maintenant, on arrive à la plateforme qu'on voulait.
23:07Donc, c'est ça qui est génial.
23:08C'est qu'en 3-4 ans, on a continué de faire évoluer ce bateau.
23:10Et on obtient ce qu'on veut à la fin.
23:12Ce qui était complètement inimaginable au début.
23:14Génial, ce tableau.
23:16Raconte-nous maintenant comment toi, tu vas te situer dans cette flotte des dériveurs.
23:21Qui va constituer l'un des attraits de ce Vendée Globe.
23:24Il y a évidemment les foilers.
23:26Qui, si la météo leur permet, risquent de s'échapper.
23:29On verra.
23:30Mais il y a, de toute façon, un match qui va nous passionner.
23:34Parce qu'il y a une galerie de personnages et de profils hyper intéressantes.
23:38C'est cette flotte des dériveurs.
23:40Raconte-nous un peu cette flotte des dériveurs.
23:41Et comment toi, tu te positionnes là-dedans.
23:43Elle est super cette flotte des dériveurs.
23:45Parce qu'on se retrouve avec une quinzaine de bateaux.
23:48Un truc comme ça.
23:49Une quinzaine de bateaux.
23:50Avec là-dedans, je dirais 5 à 7 coureurs qui sortent un petit peu du lot.
23:54Qui sont tous des anciens compétiteurs d'autre chose.
23:56Je pense à Sam Marcé.
23:57Parce qu'il a couru sur plein d'autres bateaux.
23:59À Tanguy Le Turquet.
24:01Qui a aussi un passif de coureur de bon niveau.
24:03On a notre ami Pépin.
24:06Benjamin Ferré.
24:07Qui vient de tout à l'heure, je crois.
24:08Qui, pareil, a un super bateau à dérive.
24:10Et qui domine aussi souvent la flotte.
24:12On a Violette qui est arrivée avec le bateau de Jean.
24:15Qui est un peu un historiche du mien aussi.
24:17Donc, c'est peut-être la première fois où on a une D2 sur le Vendée Globe.
24:22Qui fait de la compétition à bon niveau.
24:24Peut-être, on peut même dire haut niveau.
24:26Je pense qu'on a le droit de le dire.
24:27Et ça, c'est super.
24:28Parce que finalement, avec des budgets réduits.
24:29On arrive à se tirer vers le haut ensemble.
24:31Et puis à faire des bonnes performances.
24:33Il y a eu un très bon truc.
24:34C'était à 30 Jacques Vabre.
24:35On se retrouve sur la Jacques Vabre.
24:36Avec 3-4 bateaux dans le nord.
24:382-3 bateaux comme Violette.
24:40Et puis Conrad aussi.
24:41Coleman qui est dans ce groupe de bateaux qui vont bien.
24:43Et puis, à un moment donné, nos bateaux à 100%.
24:46Puis à la fin, ça fait des belles trajectoires.
24:48Ça fait du suspense.
24:49Et on se retrouve, nous, à finir.
24:51Je ne dis pas de B12 ou B14, d'ailleurs.
24:53Sur cette Jacques Vabre.
24:54Il y a 30 bateaux.
24:55Avec 7 foilers derrière nous.
24:56Parce qu'on s'est tirés vers le haut.
24:57On a fait des trajectoires différentes.
24:58Nos bateaux à dérille, ils sont intéressants aussi.
25:00Parce qu'ils accélèrent moins que les foilers.
25:02Donc, ça nous permet de faire des trajectoires un peu différentes d'eux.
25:04Et quelquefois, ça peut fonctionner mieux.
25:06Et justement, sur ce Vendée.
25:08Comment tu envisages cette flotte sur 3 mois ?
25:11Alors, moi, je pense que...
25:12Mais ça n'engage que moi.
25:13Et je ne sais pas qui d'entre nous.
25:15Mais je suis sûr qu'il y aura un bateau à dérille dans les 10 premiers.
25:17Parce qu'à chaque transat, on a vu ça.
25:18Il y a toujours des bateaux à dérille.
25:19Ils ont les 10-12.
25:20Et plus la navigation est longue.
25:22Plus la course est longue.
25:23Plus les bateaux à dérille s'en sortent bien.
25:24Parce qu'il y a forcément des avarices sur les foilers.
25:26Sur nous aussi.
25:27Mais un foiler qui a une patte en moins, il va moins vite que nous.
25:29Et donc, il y aura malheureusement forcément des foilers qui auront des soucis.
25:33Et donc, certains bateaux à dérille arriveront à naviguer à 100%.
25:38Je ne dis pas que ce sera moi.
25:39Mais par contre, je suis sûr qu'il y aura un bateau à dérille extrêmement bien placé.
25:42Et ça, c'est super.
25:43Parce que ce qu'on a vu aussi déjà il y a 4 ans avec le CAM qui finit 4e.
25:47Et puis, Damien Seguin, pareil, il finit 4e, 5e, 6e.
25:50Donc, on avait un groupe de bateaux à dérille qui était très bien.
25:52Alors effectivement, les foilers étaient moins rapides qu'avant, que maintenant.
25:55Il y avait moins aussi.
25:57Mais ça a prouvé qu'on n'était pas obsolète complètement par rapport à l'ensemble de la flotte.
26:02Et je pense que les bateaux à dérille qui vont se tirer un peu la bourre,
26:05ils pourraient bien terminer.
26:07Après, dans mon cas à moi, mon but, ça reste quand même comme tout le monde quand tu es bisous,
26:12c'est de finir ce Tour du Monde le mieux possible, bien sûr.
26:15Mais je crois que si je dois mettre le frein pour finir correctement
26:20et finir déjà ce Tour du Monde, je crois que je pourrais être le plus ravi à l'arrivée.
26:25Comment tu l'envisages ce Tour du Monde ? C'est effectivement le premier pour toi.
26:29Quel est ton imaginaire là-dessus ? Comment tu le visualises ?
26:34C'est assez dur parce qu'à la fois, j'aime bien la compétition, j'adore la compétition.
26:38J'adore mener mes bateaux à 100%.
26:40Ça m'a vu quelques surprises de temps en temps.
26:42Et à la fois, je crois que sur un Vendée Globe, il ne faut surtout pas faire ça.
26:46Je vais essayer de me calmer. Je vais essayer de naviguer correctement, calmement.
26:50Et puis d'avoir toujours un coup d'avance sur ce qui va se passer.
26:55Essayer de réduire un petit peu plus tôt que ce que je fais d'habitude
26:58pour avoir un bateau le plus marin possible et naviguer en sens marin.
27:02Et d'essayer de ne pas se faire surprendre par des trucs et puis de bien finir.
27:06C'est ça l'objectif. C'est de finir ce Tour du Monde avec un bateau qui ressort propre,
27:10avec une belle performance.
27:12Si il y a une belle performance à la clef, ce sera génial.
27:14Mais je crois qu'aujourd'hui, si on finit ce Tour du Monde, je crois que ce sera déjà exceptionnel.
27:18Il faut se rappeler quand même que sur le Vendée Globe, il y a 4 ans, sur 30 bateaux,
27:22je crois qu'il y a quelques abandons. Il y en a peut-être 3 ou 4, peut-être 4 ou 5.
27:25C'était extrêmement rare qu'il y ait aussi peu d'abandons.
27:28Mais il y a quand même eu beaucoup d'éditions où il y a un mec sur deux qui arrive.
27:31Il ne faut pas l'oublier.
27:32Et donc, ça peut être le cas sur 40 bateaux. On peut avoir 20 abandons.
27:36Ça peut arriver. Et je ne veux surtout pas être dans ceux-là.
27:39Donc, je pense qu'il faut finir.
27:41En termes de marin, d'homme, comment tu l'envisages,
27:48ce long tunnel de 3 mois de solitude à bord, à naviguer ?
27:54Est-ce que c'est un truc qui t'inquiète, la longueur ou pas du tout ?
27:56Non, ça ne m'inquiète pas.
27:57Vous savez, ça fait une vingtaine d'années que je cours, que je me bats pour ça.
28:02J'ai dû faire une bonne vingtaine de transats en cours, sans convoyage,
28:06des Jacques Vabre, des machins, des transats anglais, tout comme ça.
28:09A chaque fois que j'ai pu me révéler en course, c'est plutôt dans des conditions difficiles.
28:12Donc, je n'appréhende pas ça.
28:14La longueur de la course, je me dis qu'il y a plein de gens qui ont réussi à le faire,
28:18qui n'étaient pas adaptés à le faire et finalement qui ont bien fini.
28:21Donc, je me dis qu'il n'y a pas de raison que ça ne se passe pas bien.
28:23En termes de solitude, je crois qu'on est quand même beaucoup accompagnés maintenant
28:28avec tout un tas de communications sur nos bateaux.
28:30On ne parle pas de ce qui se passait à l'ancienne où il n'y avait pas de moyens de communication.
28:34Là, maintenant, on a quand même accès à des WhatsApp, à des machins, du téléphone.
28:38Si tu fais ta mer toutes les cinq minutes, tu peux le faire.
28:40Ce n'est pas ce que je vais faire, mais ce n'est pas tellement ma façon de naviguer non plus.
28:43Mais au final, on a accès aux gens facilement.
28:47Tu restes tout seul sur ton bateau.
28:49Je crois que ça, ça me plaît.
28:52Peut-être que je ne dirais pas ça dans six mois, mais là, aujourd'hui, ça me plaît, ce côté-là.
28:56J'ai envie de découvrir ça.
28:58Ça me plaît aussi d'avoir un truc dans la longueur, d'aller découvrir les mers du Sud.
29:01C'est ça qui me fait rêver depuis que j'étais gamin.
29:04Peut-être que je ne dirais pas ça, pareil, dans six mois,
29:06mais aller naviguer dans des mers comme ça, formées, dans des conditions avec des dépressions qui passent tout le temps,
29:10des fronts qui passent et tout, c'est ce qui m'éclate le plus.
29:12Moi, je préfère une trottinette en Atlantique Nord qu'une trottinette dans les Aligées.
29:15Je pense que je suis peut-être plus configuré pour des mers du Sud que de l'Atlantique Sud.
29:20Pareil, c'est ce que je pense, mais ce n'est peut-être pas le cas. On verra bien.
29:24Tu l'as dit, le Vendée Globe a toujours fait partie de ton environnement, de ton imaginaire.
29:31Est-ce que depuis que tu sais que tu vas y participer,
29:35tu as cherché à échanger avec ceux qui l'ont fait, plus à aller chercher des informations,
29:42notamment sur le Pacifique et toutes ces parties du parcours que tu ne connais pas ?
29:47Je n'ai pas attendu d'aller au Vendée Globe pour ça.
29:50Ça fait des années que je cause là-dessus, notamment avec des gens comme Hervé.
29:53Hervé Laurent, Alvar Mabir, il n'a pas forcément fait le Vendée,
29:56mais il a été plein de fois faire des Wheatbread, des Volvo, des trucs comme ça.
30:00Il y a beaucoup de gens, beaucoup de coureurs avec qui on est assez proche, avec qui on échange.
30:04J'ai lu énormément de bouquins du Vendée Globe, de tous les coureurs qui en sont sortis.
30:07Je n'ai pas attendu les trois derniers mois pour savoir ce qui allait se passer.
30:11Après, je rêve devant ça depuis des années.
30:14Par contre, c'est vrai, c'est que là maintenant, depuis qu'on a lancé ce projet il y a quatre ans,
30:18tu passes d'un truc qui te fait rêver à une réalité.
30:20Donc, il ne faut pas confondre les deux.
30:22Depuis qu'on sait qu'on se bat pour ça, ce n'est plus un rêve, c'est un but, ce qui n'est plus pareil.
30:27Donc, il ne faut pas se dire que ça va être super.
30:29Non, il faut être hyper concentré, millimétré, faire les choses bien, petit à petit,
30:33préparer son bateau, avoir des échéances.
30:35On a essayé de faire ça pendant quatre ans, entre les modifications du bateau, la préparation,
30:39les routes du Rhum, les trucs comme ça, les Jacques Vabre.
30:42Petit à petit équiper le bateau au fur et à mesure avec une logique de préparation pour aller à ça.
30:46J'essaie de ne pas en rêver, mais plutôt de faire ça comme un but, un objectif.
30:51Qu'est-ce que tu as préparé spécifiquement pour ta vie à bord ?
30:56On sait que forcément, vous passez par plein de climats différents,
30:59mais qu'il y a un mois dans le froid à faire.
31:02Est-ce que tu as prévu des choses spécifiques ?
31:05J'ai presque honte. J'ai mis un chauffage dans le bateau.
31:08Jamais je n'aurais imaginé faire un truc pareil.
31:11Mais en écoutant un peu les récits d'un copain, Yannick Bestaven,
31:16qui m'expliquait que quelquefois, dans le sud, il n'est pas emmené de chauffage,
31:19mais il allumait le moteur pour pouvoir avoir un peu de chaleur et essayer de sécher des affaires.
31:23Je me dis que s'il a fait ça, c'est un peu con.
31:26Finalement, avoir un truc qui consomme très peu, avoir un peu de chauffage,
31:30ça permet d'assécher l'électronique, d'assécher le bateau.
31:34Quelque part, ça m'est déjà arrivé de naviguer en Atlantique Nord,
31:37quand ça caille, être trempé tout le temps.
31:39Tu es inefficace totale parce que tu ne bouges plus quand tu es trempé et quand tu as froid.
31:42Donc, je me dis qu'un petit coup de chauffage là-dedans,
31:44c'est peut-être un bon gain en performance pour aller rouler ou dérouler une voile assez rapidement.
31:49Si tu sais que tu vas te tremper dehors ou que tu vas cailler dehors
31:51et que tu peux rentrer te réchauffer, tu vas y aller vraiment.
31:53Alors que finalement, quand tu es un peu trempé et que tu grelottes à l'intérieur,
31:57ça n'est pas hyper agréable et du coup, tu peux être moins performant.
32:01C'est ça qui m'a motivé à faire ça.
32:03C'est des discussions sur un ponton mécanique.
32:07En fait, il faut savoir qu'on emmène tout un tas de colle,
32:10mais finalement, l'humidité et la colle, ces deux trucs ne sont pas trop compatibles.
32:13Et donc, c'est vrai que quand tu peux faire sécher un peu,
32:15même pour réparer une voile, pour réparer un truc,
32:17c'est sûr que ce ne sera pas néfaste de mettre un coup de chaud là-dedans.
32:20Pour tout ce qui est vie du bonhomme, confort, dormir, récupérer,
32:27gérer le bonhomme vraiment sur la longueur
32:30et savoir les moments où il faut se ménager en vue d'un gros coup de vent,
32:37beaucoup de manœuvres, voilà.
32:39Comment tu envisages ça, la gestion humaine ?
32:41C'est pareil, j'ai fait deux trucs de dingue encore.
32:43J'ai mis une panette dans mon bateau, mais cette fois accessible pour dormir vraiment.
32:47Et je l'ai testé sur mon convoyage en venant ici et j'ai dormi extraordinairement bien.
32:51Et j'ai mis un petit siège de veille à ma table à cartes dans lequel je peux aussi dormir.
32:55Donc ça, pareil, c'est un truc que je n'avais jamais fait dans tous les bateaux que j'ai toujours eus.
32:58Donc pareil, en confort, j'estime que je suis au top du top.
33:01Et donc, après, comment je vais gérer mon sommeil par rapport à des manœuvres,
33:06par rapport à la trajectoire et tout ?
33:08Je pense que c'est pas… Peut-être que je me trompe,
33:10mais ce n'est pas plus compliqué que sur une transat,
33:12puisqu'on est plus dans la longueur, donc on est peut-être plus dans l'anticipation.
33:15Et comme on va naviguer avec des échéances météorologiques régulières,
33:18normalement, on doit être capable, sauf imprévu,
33:21de savoir qu'à tel et tel moment, il ne faut pas dormir,
33:24il faut se préparer à prendre un riz plus tôt,
33:26il faut être dans l'anticipation permanente, et du coup, tu sais quand il faut aller te reposer.
33:29Alors en transat, on le fait déjà, mais on a envie de réduire au dernier moment
33:33parce qu'il y a du mille à gagner pile-poil.
33:36Sur le Vendée, peut-être qu'il faut anticiper un peu plus
33:38et naviguer avec un peu plus de sens marin.
33:40Et donc, je pense que c'est peut-être d'un côté plus reposant de naviguer comme ça.
33:45Mais peut-être que je me trompe.
33:47Et côté loisirs, côté j'essaie de m'échapper un peu
33:50et de me détendre et de sortir de ma compète,
33:53comment tu prépares ça ?
33:55Alors, je n'ai pas l'habitude d'emmener beaucoup d'autres trucs.
33:58On me demande souvent si j'emmène de la musique, des livres et tout.
34:03En course, jamais.
34:05En convoyage, souvent, j'emmène des bouquins,
34:08j'écoute la musique des gars qui sont avec moi et tout.
34:10Mais en course, jamais.
34:12Et là, je vais quand même, pour l'emmener des trucs,
34:14j'ai missionné mes frères et sœurs pour me faire une playlist de films et de musique
34:18que je découvrirai sur l'eau.
34:20J'espère que ça marchera avec ce que j'ai.
34:22Et puis, peut-être que j'embarquerai quelques bouquins
34:24pour passer un peu la tête de temps en temps.
34:27Et ça se trouve, je reviendrai, les bouquins n'ont pas été touchés, c'est possible.
34:30Donc voilà, je vais faire ça, je pense.
34:33Sur l'aspect communication,
34:36communiquer avec la Terre dans un sens et dans l'autre,
34:40envoyer des images, raconter ton histoire.
34:43Comment tu envisages ça, toi ?
34:45Est-ce que c'est une part très importante de ton voyage ?
34:49Est-ce que pas du tout, mais t'es contraint, donc tu le fais ?
34:52Quelle position tu as là-dessus ?
34:55C'est un bon mélange de tout ça.
34:57Alors déjà, le mot contrainte, c'est un truc que j'aime pas trop.
35:00Mais par contre, partager notre histoire,
35:04partager avec les gens qui nous ont soutenus.
35:06Parce qu'il faut savoir que chaque projet a énormément de gens derrière soi.
35:10Et moi, j'ai eu un pôle de partenaires énorme,
35:13avec beaucoup de gens derrière tout ça.
35:15Beaucoup de gens qui ont soutenu le projet, qui ont fait des coups de main.
35:17Donc pour tous ces gens-là, il faut absolument raconter notre histoire.
35:19Et je suis content de la partager, mais à ma manière.
35:22Et donc ça peut être des petites vidéos, des trucs comme ça.
35:25Moi, ce que j'adore en mer, c'est d'avoir accès à des petites visios.
35:28Alors ça peut être même visio ou même vocale.
35:31Toi, tu parles en WhatsApp avec 20 personnes en face,
35:34ou avec du monde qui écoute un peu ce que tu racontes.
35:36C'est assez rigolo d'avoir des échanges comme ça,
35:38parce que pour nous, on parle naturellement,
35:40on raconte les bêtises qui nous sont arrivées,
35:42la méthode qu'on a sur le moment.
35:44Et puis en fait, à terre, quand tu as la même information,
35:46mais quand tu es de l'autre côté de la barrière,
35:48tu écoutes ça avec des yeux comme ça.
35:50Et finalement, en mer, tu discutes un peu naturellement, sincèrement.
35:53Et que tu aies 5 ou 1 000 personnes qui écoutent, ça change rien.
35:56Et ça, c'est assez sympa de faire ça.
35:58Moi, j'aime bien échanger comme ça.
36:00Filmer comme ça, faire des selfies, ça ne m'amuse pas du tout.
36:02Il faudra qu'on le fasse quand même.
36:04Mais faire des vidéos où, salut, ça va, je me suis lavé le ventre tout à l'heure,
36:07ça ne m'amuse pas du tout non plus.
36:09Peut-être que je crois que je vais le faire un peu si on n'a rien à raconter,
36:11mais j'éviterais de faire ça.
36:13Mais par contre, partager l'histoire avec plaisir
36:16et de la meilleure façon possible.
36:18Et partager le sport aussi.
36:20Tu peux nous raconter ce qui est en train de se passer
36:22en termes de régate, avec tes enjeux à toi.
36:24Bien sûr, c'est ça avec.
36:26Voilà, n'hésite pas.
36:28C'est ce qui m'éclate aussi.
36:30C'est ce qui est le plus facile à raconter.
36:32C'est peut-être ce qui ennuie le plus certaines personnes dans le public.
36:34Puisque finalement, j'ai abattu de 3 degrés,
36:36j'ai pris 0-2-2, tout le monde s'en fout.
36:38Nous, c'est ce qui nous amuse par contre.
36:40Donc c'est ça qu'il faut éviter de dire, je pense.
36:42Mais par contre, il y aura forcément du gyrex où il n'est pas loin.
36:44Tant qu'il dit le turc et dit machin,
36:46on va se bagarrer ensemble.
36:48J'espère en tout cas.
36:50Et donc, forcément, partager tout ça
36:52où on aura envie de le faire, c'est plutôt assez naturel.
36:54J'imagine qu'à 40 bateaux,
36:56on va en croiser quand même quelques-uns de temps en temps.
36:58Donc ça va être sympa de pouvoir partager ça avec les gens.
37:00Donc ça, ça va être super.
37:02En fait, partager la compétition, c'est assez facile.
37:04C'est la suite qui est différente.
37:06De partager d'autres choses que les autres ne font pas.
37:08C'est ça qu'on a envie de faire.
37:10Et alors justement, en termes de navigation en flotte,
37:14comment tu gardes ton rythme à toi
37:20sans être influencé par les autres ?
37:22Comment tu joues stratégiquement ?
37:24Comment tu envisages ça,
37:26la compétition vraiment au contact, en flotte,
37:30face à tes adversaires ?
37:32Comment gérer ta trajectoire ?
37:34Comment être influencé ou influencer les autres ?
37:38Voilà, toute cette relation à distance
37:40que vous avez dans le match.
37:42En fait, je pense que c'est comme sur chaque transat.
37:44Il ne va pas falloir faire justement pareil.
37:46En fait, on a envie de regarder les autres à l'AIS.
37:50Si on arrive à les avoir,
37:52quelque part, ça peut arriver,
37:54qu'on soit à 5-6 000 les uns des autres.
37:56Et donc, tu as envie de te mettre dans le jeu,
37:58de renvoyer ta toile avant lui,
38:00d'anticiper une manœuvre avant lui.
38:02Et donc là, c'est le jeu de la compétition
38:04qui reprend le dessus.
38:06Et il faut aussi se faire se calmer
38:08parce que si tu t'emmènes à 5 bateaux là-dedans,
38:10il y a moyen de tirer plus que ce qu'on devrait faire
38:12sur les bateaux et d'engendrer de la casse.
38:14Je pense que ça, c'est dangereux.
38:16A la fois, c'est hyper motivant
38:18et c'est ce qu'on vient rechercher.
38:20Mais c'est important d'arriver à gérer
38:22cette envie-là.
38:24Et puis, côté trajectoire,
38:26moi, j'aime bien faire mes trajectoires
38:28en fonction de la météo que j'ai en face de moi,
38:30imaginer des scénarios.
38:32Et si les autres ne font pas pareil,
38:34ça m'amuse encore plus.
38:36Mais je ne vais pas faire un truc différent
38:38pour faire un truc différent.
38:40Par contre, si je vois qu'il y a des opportunités
38:42qui se créent, qui me plaisent,
38:44même si elles sont avec un peu de prise de risque,
38:46j'aurais envie d'y aller quand même.
38:48C'est un des grands marqueurs que sont
38:50le dégolfage, l'équateur,
38:52avec le poteau noir.
38:54Et puis derrière, l'entrée dans les 40e,
38:56Bonne Espérance et la suite.
38:58Est-ce que tu peux me faire un petit peu...
39:00Oui, parce que j'ai bien compris
39:02que vous séquenciez quand même beaucoup de choses.
39:04Déroule-moi un peu ton séquençage.
39:06En fait, le départ, c'est comme une train de jack-vape
39:08qui va vers le Brésil, sauf qu'il y a un truc
39:10beaucoup plus simple, c'est qu'on n'a pas
39:12toute la branche à se faire.
39:14Une jack-vape, c'est-à-dire qu'on part
39:16au passage du Ratsin, donc les renverses de courant,
39:18beaucoup de vent de sud-ouest, nord-ouest,
39:20donc on est au près tout le temps pendant 3 jours.
39:22Là, finalement, en partant des Sables d'Olonne,
39:24on peut avoir une certaine chance de dégolfer rapidement.
39:26Il y a quand même souvent des Vendée Globe
39:28qui ont quasiment une trentaine d'heures
39:30et t'es déjà cap Finistère et t'es déjà en short
39:32peut-être pas le lendemain du départ,
39:34mais quasiment. Donc ça ne s'est pas toujours passé
39:36comme ça, mais quelquefois ça l'est.
39:38Donc finalement,
39:40je dirais que du parti des Sables d'Olonne
39:42jusqu'à la latitude d'Itajai,
39:44je dis Itajai au hasard
39:46parce qu'on a eu deux jack-vapes qui sont allées là-bas,
39:48c'est des parcours que finalement on a énormément travaillé
39:50déjà, donc finalement on n'a pas trop de
39:52surprises, c'est pas le mot, mais on a déjà
39:54beaucoup étudié ces parcours-là, on connaît bien les fonctionnements
39:56de l'Atlantique, ça ne veut pas dire qu'on ne va pas se faire avoir,
39:58mais en tout cas, c'est des schémas de parcours
40:00qu'on connaît un peu par cœur dans la théorie.
40:02Donc ça, il y a
40:04ces schémas-là, c'est super
40:06je trouve de partir là-dedans,
40:08parce qu'on n'est pas
40:10dépaysé par les premières
40:12semaines de course. Ensuite,
40:14ça se complique un peu, parce qu'on va commencer
40:16par contourner l'Anticyclone de Sainte-Hélène,
40:18moi je compare ça un peu à l'Anticyclone des Açores
40:20quand tu rentres de Transat, donc il faut aller un peu contourner
40:22ce truc-là, des dépressions
40:24qui commencent à allonger un peu toute l'Argentine,
40:26tout ça, et puis après il y a l'accès
40:28aux Mers du Sud. Donc
40:30je vais découper ça déjà de la phase
40:32qu'on connaît bien jusqu'à Itajai,
40:34la suite où tu as le début
40:36qui arrive, le début des Mers du Sud,
40:38donc il y a encore une phase où il fait encore
40:40bon, et finalement, en fait ce qui est drôle
40:42c'est que tu pars, t'es en polaire,
40:44t'es embobiné partout, assez rapidement
40:46tu ressors le shirt et les t-shirts, et puis
40:48petit à petit, ça repart dans le froid,
40:50petit à petit, crac crac, et puis finalement t'arrives pendant
40:52je sais pas, 30, 35 jours, peut-être plus
40:54dans les Mers du Sud, et là c'est une phase
40:56qui pour moi aujourd'hui est complètement inconnue,
40:58parce qu'on a souvent navigué dans
41:00des moments froids ou des dépressions longues,
41:02mais ça dure 5 jours, 6 jours,
41:048 jours, là c'est 30 à 40 jours
41:06d'affilée, où il faut
41:08être capable de faire attention à soi,
41:10et donc il y a des états de mer
41:12qui sont plus difficiles que ce qu'on a pu connaître
41:14peut-être, il y a des envies
41:16de mettre des voiles, j'embarque beaucoup
41:18de spi à bord de mon bateau, j'ai 2 spi,
41:20je suis peut-être le seul coureur du Vendée à avoir 2 spi
41:22à bord de mon bateau, un petit et un grand,
41:24et je me dis, il y a peut-être des angles où je vais pouvoir le mettre,
41:26des situations où je vais pouvoir le mettre, mais peut-être pas du tout,
41:28et dans ma tête, dans mon esprit, il y a plein de moments où je peux le faire,
41:30mais peut-être que finalement l'état de mer ne me le rattrapera pas,
41:32et donc ça, il y a une part
41:34d'inconnu là-dedans, qu'on est en train de limiter
41:36en travaillant avec l'univité sur
41:38toute la partie navigation, et moi, j'ai besoin
41:40beaucoup d'avoir
41:42d'infos sur les états
41:44de la mer là-bas, à quel moment on va
41:46dégrader nos polaires pour pouvoir
41:48naviguer dans tout ça,
41:50savoir les estimations de trajectoire,
41:52j'ai besoin encore de pas mal d'infos là-dedans,
41:54et ces 40 jours de mer là,
41:56pour moi, c'est encore un peu l'inconnu,
41:58mais ça me plaît bien d'aller voir ça,
42:00et puis après, tu as la phase, ce qu'on revoit un peu
42:02à chaque Vendée Globe, où on a l'impression
42:04qu'il y a la libération du Cap Horn,
42:06mais on voit qu'il y a beaucoup de stratégies qui commencent
42:08aussi au Cap Horn, parce que finalement,
42:10autant les premiers Vendée Globes, le mec qui passait le Cap Horn
42:12gagnait le Vendée Globe, parce que souvent, il avait beaucoup
42:14d'avance, là, c'est beaucoup moins vrai
42:16maintenant, même si le dernier Vendée Globe,
42:18finalement, le mec qui passe le Cap Horn
42:20est quand même celui qui remporte à la fin,
42:22puisque Yannick, finalement, en tête au Cap Horn,
42:24il se retrouve
42:26à se faire doubler par tout le monde
42:28au large
42:30du Brésil,
42:32puis finalement, il gagne quand même sur le tapis,
42:34et donc, finalement, c'est quand même le mec au Cap Horn
42:36qui a gagné, mais je crois qu'il y a beaucoup d'issues où ce n'est pas le cas,
42:38parce qu'il y a quand même beaucoup de stratégies
42:40à ressortir après le Cap Horn,
42:42et puis je pense que tu pars d'une zone où tu es hyper fatigué,
42:44où tu es hyper content de ressortir,
42:46parce que je crois qu'il y a quand même un peu de stress dans ces coins-là,
42:48et puis en fait, il faut que tu repartes
42:50tout de suite en mode course,
42:52en mode régate, parce que je pense qu'à 40 bateaux,
42:54il y aura forcément toujours des bateaux autour de nous,
42:56donc je pense qu'à partir du Cap Horn,
42:58il faut vraiment remettre
43:00le ciré du régatier,
43:02et puis rattaquer sur de la performance,
43:04rattaquer sur de la stratégie
43:06très précise, alors que peut-être
43:08tu en as marre et tu as envie de rentrer,
43:10et je pense que quand on est là, il reste encore peut-être un mois de course,
43:12peut-être plus d'un mois de course,
43:14donc je pense que cette phase-là, elle est quand même assez dure à gérer dans la tête,
43:16parce que le bateau peut-être plus en grand état,
43:18tu sais que tu peux utiliser ton bateau
43:20peut-être qu'à 70%,
43:22donc tu es peut-être un peu frustré de ça aussi,
43:24mais en même temps, il faut faire que les autres, c'est peut-être un peu pareil,
43:26donc il y a cette dernière phase qui est compliquée,
43:28par contre, pareil, quand on revient à la latitude du Brésil,
43:30jusque les Sables d'Olonne,
43:32c'est des phases qu'on connaît bien finalement,
43:34c'est des trajectoires qu'on a l'habitude
43:36d'avoir déjà,
43:38des chemins qu'on a déjà empruntés.
43:40Dernière question,
43:42sur la transition
43:44terre-mer,
43:46vous allez vivre
43:48trois semaines de village,
43:50être hyper sollicité, voir beaucoup de gens,
43:52avec une foule
43:54dingue qui va s'amasser sur les pontons,
43:56il y aura la sortie du chenal,
43:58qui va être une décharge d'émotions
44:00extraordinaire,
44:02on le souhaite en tout cas,
44:04et puis derrière, il faut s'amariner assez vite,
44:06parce que ça va partir fort,
44:08on le sait, sur un rythme assez soutenu,
44:10voilà, comment t'envisages,
44:12d'une part, la ferveur
44:14populaire du village,
44:16le chenal, et puis derrière,
44:18la partie transition ?
44:20Eh bien, il faut savoir que j'ai été présent
44:22sur le bateau de Miranda Meron,
44:24il y a quatre ans,
44:26et ils avaient un village où il n'y avait
44:28personne dessus,
44:30donc des bateaux extrêmement bien préparés,
44:32puisque finalement, toutes les équipes étaient concentrées
44:34sur la préparation et pas de visite de bateau,
44:36j'ai eu l'occasion d'être à bord du bateau de Miranda
44:38sur le chenal de départ,
44:40il n'y avait quasiment personne à part les CRS
44:42sur le quai, j'ai dit, ben du coup, finalement,
44:44on part en promenade, là, c'est facile,
44:46mais je crois que ça ne va pas être notre cas,
44:48et donc, il faut se préparer, effectivement, à trois semaines de village
44:50un peu compliqué, c'est peut-être ce qui me fait le plus peur,
44:52parce que je ne suis pas un grand adepte
44:54de la foule et tout ça,
44:56j'aime bien partager notre histoire,
44:58parler du bateau, de la réparation qu'on a eue,
45:00toutes ces histoires de projets,
45:02j'aime bien en parler, j'en parle souvent,
45:04mais ça me fait un peu flipper, moi, cette phase-là,
45:06la phase du jour de départ, d'habitude,
45:08dans toutes les courses qui me déplaient le plus,
45:10c'est la veille ou le jour du départ,
45:12c'est des moments que je n'aime pas trop,
45:14enfin, ce n'est pas que je n'aime pas trop,
45:16c'est que je ne suis pas très à l'aise,
45:18je suis parti et passé, en général,
45:20je suis à fond, je suis en zène, je suis heureux d'être là,
45:22je suis content d'être en mer,
45:24et je n'ai pas d'histoire de mal de mer, sauf que ça ne m'est jamais arrivé,
45:26et je suis le plus heureux dès que le départ est lancé,
45:28je suis toujours le plus heureux,
45:30et donc, par contre, tout ce qui se passe en ce moment
45:32est extrêmement compliqué,
45:34là, les trois semaines sont par contre
45:36assez organisées, la première, il y a beaucoup
45:38de contrôle sécu, il y a les médias,
45:40il y a un peu d'organisation de course, tout ça,
45:42la deuxième semaine, je prévois
45:44d'être assez peu sur le village de course,
45:46pour m'extraire, peut-être que je vais aller revoir une dernière fois
45:48la famille,
45:50faire un petit tour en montagne si j'ai l'occasion
45:52de le faire, voir ma grand-mère qui est par là-bas,
45:54aller chercher du fromage aussi,
45:56et puis essayer de me sortir
45:58de la tête de ce village,
46:00et après, je reviens dimanche ou lundi,
46:02et puis là, par contre, on est à fond dans ce qu'il faut faire,
46:04être millimétré, si on peut refaire des navigations
46:06jusqu'à ce qu'on ait le droit de le faire,
46:08je dirais sur l'eau, je pense, parce que c'est important
46:10d'avoir le bateau en bonne nave très vite,
46:12de ne pas s'encrouter au sable de l'Aune,
46:14et puis encaisser, mettre des caisses à outils,
46:16des bouts de ficelle partout,
46:18et je pense que c'est important de retourner sur l'eau
46:20et de faire une petite nave ou deux avant le grand départ.
46:22Donc j'espère qu'on aura l'occasion de faire tout ça.
46:24C'est comme ça que je le vois, en tout cas,
46:26pour l'instant.
46:28Eh bien super, merci beaucoup.

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