• il y a 7 heures
Le 31 décembre 2009, à Shangaï, Aurélie Croiziers de Lacvivier a été victime de la drogue du violeur. À l'occasion de la sortie de son livre « Briser l'armure, du GHB à la pleine présence. » elle revient, en vidéo, sur cette expérience douloureuse et sur son long chemin de prise de conscience et de reconstruction.

#GHB #SoumissionChimique #AurélieCroiziers #viol #victime #reconstruction

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Transcription
00:00Le 31 décembre 2009, à Shanghai, j'ai été victime de la drogue du violeur.
00:05Je suis ici pour vous parler de mon expérience de la soumission chimique et de mon chemin de reconstruction.
00:10Je m'apprêtais à passer une grande soirée avec des amis dans un grand hôtel de Shanghai
00:15et je me souviens d'une dernière chose après cette soirée, c'est les douze coups de minuit où je trinque avec mes amis
00:22et après c'est le blanc total.
00:24Je me suis réveillée quelques heures plus tard dans un lieu qui restera à jamais inconnu,
00:28dans un salon de massage à Shanghai.
00:30Un salon de massage n'a pas de connotation sexuelle en Chine.
00:33Je me suis réveillée, ça a été le moment le plus effroyable de toute ma vie avec aucun repère,
00:40une très très très grande peur et une seule envie de rentrer chez moi.
00:44J'étais habillée, j'avais ma jupe, mes collants, mon t-shirt,
00:49mais je me suis réveillée vraiment dans un état très vaseux, je me suis réveillée rendormie plusieurs fois
00:53et quand j'ai réussi à retrouver ma lucidité, je voulais rentrer chez moi, j'ai cherché mes clés et mon portable,
01:00j'ai réalisé que je n'avais rien de tout ça sur moi, ni mon sac à main, ni ma veste.
01:03J'ai fini par me faire accompagner à la maison avec un immense sentiment encore de stupeur, d'effroi.
01:10J'ai posé les mots bien après mais j'étais clairement en état de choc post-traumatique.
01:15Et là quand je suis arrivée chez moi, je ne savais toujours pas ce qui m'était arrivé,
01:19j'ai retrouvé mon conjoint à la maison qui lui m'avait perdu de vue pendant la soirée
01:24et en fait il a demandé finalement d'avoir des bandes de vidéos de surveillance de l'hôtel
01:29et il m'a vu sortir avec une personne chinoise a priori et il a cru que j'étais partie de mon plein gré et que je l'avais trompée.
01:35Donc en fait non seulement j'étais choquée d'avoir aucun souvenir et de rien comprendre,
01:40mais quelques heures après j'ai vécu ce qu'on appelle aujourd'hui un viol conjugal,
01:45donc un rapport sexuel non consenti.
01:47Mon conjoint de l'époque probablement voulait être rassurée sur ma fidélité ou sur sa virilité, je n'en sais rien,
01:53mais il n'a rien compris de ce qui s'est passé et il m'a violée.
01:56Et il m'a fallu à peu près 3 ou 4 jours pour comprendre que j'avais vraiment été victime d'une agression
02:02et que je n'étais pas responsable de ce qui m'est arrivé puisque mon conjoint m'a quand même dit à ce moment-là
02:07« ça te servira de leçon ».
02:08Et c'est quelques jours après, donc en reprenant le travail, que ma chef de l'époque Vanessa m'a dit
02:13« c'est pas normal ce qui t'est arrivé, allons porter plainte, allons à la police »,
02:16qui m'a prise en main comme une victime.
02:19Sauf qu'en 4 jours, j'ai eu le temps de culpabiliser, de me dire que j'étais l'unique responsable de tout ça
02:25et d'avoir un sentiment très cadenassé à l'intérieur de moi.
02:29Finalement, je suis allée à la police, ça n'a servi à rien,
02:32le dépôt de plainte en Chine à l'époque sans aucun souvenir n'a mené à rien.
02:38Par contre, on a été voir le médecin français de Shanghai
02:41et c'est lui qui m'a dit la première fois, 4 jours après,
02:44« mademoiselle, tout ce que vous me décrivez, vos symptômes, votre manière de vous réveiller,
02:48les blessures que vous avez sur le visage, etc. »
02:50Puisque j'avais une grosse bosse sur le visage.
02:52Il me dit « c'est la drogue du violeur ».
02:54Et donc ça a été à ce moment-là que j'ai compris que j'ai été victime de soumission chimique.
02:59Suite à ça, j'ai repris ma vie à Shanghai, j'ai recontinué à travailler comme je le faisais, etc.
03:03Et j'ai laissé cet événement dans un coin, j'ai appelé ça un accident.
03:08Je ne me suis pas fait aider, je n'ai pas vu de psy, je n'ai pas parlé à mes parents, ni à mes amis, etc.
03:13J'ai totalement occulté.
03:15Et je crois que c'est quelque chose de très propre à une agression dont on n'a pas de souvenir.
03:19C'est un sentiment, je pense, d'autres personnes m'en ont parlé depuis,
03:23assez commun malheureusement, de minimiser, de se dire « il ne s'est rien passé ».
03:28Sauf que, évidemment, ce n'était pas rien.
03:31J'ai quand même vu à ce moment-là un coach francophone
03:34qui m'a incité à investir dans un projet pour me changer les idées.
03:38Et là, j'ai commencé à écrire un petit peu plus, à écrire sur cette histoire.
03:42J'ai repensé à ce qu'avait fait mon conjoint et je me suis dit « ce n'est pas normal ce qu'il m'a fait ».
03:46Donc, je l'ai quitté.
03:48Et un an et demi après, encore une fois, je me suis fait aider par un psy
03:52pour comprendre comment j'avais laissé mon ex me traiter comme ça,
03:56comment j'avais pu ne pas en parler pendant tant de temps.
03:59Ça a été le début, en fait, de ce long travail de reconstruction.
04:02J'ai fait neuf mois de psychothérapie et j'ai réussi à poser les mots « agression » à ce moment-là
04:08et à me dire que vraiment, ce n'était pas normal ce qui m'était arrivé.
04:12Suite à ça, je me suis dit « bon, c'est bon, c'est réglé ».
04:15Ma vraie vie pouvait commencer.
04:17Donc là, j'ai rencontré une nouvelle personne qui allait devenir le père de mes enfants.
04:21J'ai changé de travail.
04:23Et vraiment, cette agression au GHB était dans un coin de ma tête.
04:29Je savais que ça avait existé, j'y repensais parfois, mais très ponctuellement.
04:33J'avais encore un très gros sentiment de culpabilité.
04:36Je ne vais peut-être pas assez préciser, mais pendant tous les mois, toutes les semaines
04:40qui ont suivi l'agression, j'avais un énorme sentiment de culpabilité.
04:43Je me suis dit « mais pourquoi c'est arrivé à moi ? Pourquoi j'ai laissé ça m'arriver ? »
04:47Je me suis dit « est-ce que ça m'est seulement arrivé avec de l'alcool ou est-ce que j'ai réellement été droguée ? »
04:52J'avais un tel sentiment de doute et de culpabilité, mais hyper fort,
04:56ça m'a empoisonné l'existence pendant tellement de nuits, tellement de semaines, tellement de temps.
05:00J'ai eu un premier fils en 2015 et on va dire que j'étais plutôt épanouie.
05:05Et puis là, il s'est passé quelque chose qui est venu chambouler cet équilibre,
05:09c'est une deuxième grossesse. J'ai eu mon deuxième fils.
05:12Et alors là, alors que je ne m'y attendais pas du tout, mes démons, si on peut dire, sont réapparus.
05:17J'ai senti que j'avais beaucoup de colère en moi et je n'ai pas vraiment compris ce qui se passait.
05:21Par contre, ce que j'ai compris, c'est qu'il fallait que je me fasse à nouveau aider.
05:24Donc j'ai repris ma psychothérapie et j'ai commencé à méditer.
05:28Et j'ai commencé à essayer de reprendre un peu ma vie en main.
05:32Et donc là, c'était début 2018 et il s'est passé quelque chose deux ans après.
05:36Tout le monde se rappelle, c'est la crise du Covid et le confinement.
05:40Alors que vraiment, pour moi, cette agression de Shanghai au GHB était loin derrière moi
05:44et je pensais qu'elle ne réapparaîtrait jamais. C'est là où elle est réapparue.
05:48En fait, alors que j'étais confinée à Paris avec mon mari et mes deux enfants,
05:52j'ai eu de plus en plus d'accès de colère et je me suis dit
05:56« Mais qu'est-ce qui se cache derrière ma colère ? »
05:58Alors que je méditais beaucoup déjà et que j'étais à nouveau avec ma psy,
06:02je me suis dit « Ok, il faut que j'arrête de la fuir et il faut que je regarde. »
06:05J'ai ressenti une colère comme jamais auparavant contre mon ex-conjoint.
06:09Et là, vraiment, je me suis dit « Ce n'est pas normal ce qui s'est passé. Je suis une victime. »
06:13J'avais déjà posé les mots de victime sur l'agression au GHB.
06:17Mais par contre, je n'avais pas posé les mots viol conjugal
06:20et je n'avais pas posé les mots victime sur ce que mon ex m'avait fait.
06:23Donc là, j'ai repris un travail avec cette psy encore plus approfondie.
06:27Grâce à la méditation, ça m'a permis d'assumer mes sentiments,
06:30de les regarder plus en face.
06:32Et ma colère était légitime.
06:34Mais la grande question, c'était « Qu'est-ce que j'allais faire de cette colère ? »
06:37Et en parallèle de tout ça,
06:39et c'est, je pense, une des choses les plus importantes que j'ai faites,
06:42c'est que j'ai aussi travaillé sur l'aspect psychocorporel.
06:45Et quand on vit une agression comme ça dont on n'a pas de souvenir,
06:48c'est quelque chose qui reste enfermé dans le corps.
06:50Et c'était dix ans après les faits, j'ai fait un travail en EMDR.
06:54C'est un travail qui nous fait travailler sur les mémoires traumatiques
06:58par le mouvement des yeux, avec une thérapeute spécialisée.
07:01Et là, j'ai fait sortir toute la colère que j'avais en moi,
07:04toutes les peurs, tous les traumatismes.
07:06D'en parler aujourd'hui encore, j'en ai des frissons.
07:09Tellement que c'était puissant et engrammé dans chaque cellule de mon corps.
07:13Et ça, ça m'a permis vraiment de dégager énormément de choses.
07:16On va dire que c'est différentes thérapies.
07:18D'un côté, la psychothérapie.
07:20De l'autre, le travail psychocorporel.
07:22Ça m'a aidée à énormément avancer.
07:24Plus tout ce que j'ai continué à investir au niveau de l'écriture et de la méditation.
07:29Aujourd'hui, je suis heureuse de pouvoir témoigner.
07:32Et en même temps, je dois garder beaucoup d'humilité.
07:35Parce que je ne sais pas, en fait, si j'ai compris
07:39toutes les résonances de cette agression, de cette double agression.
07:43J'utilise parfois l'image d'une pierre qui tombe au milieu d'un étang.
07:47Donc on voit la pierre tomber.
07:48Clairement, c'est ma double agression.
07:50On voit les ronds autour de cette pierre.
07:53Mais on ne sait pas, en fait, combien de ronds il va y avoir.
07:56Et combien de temps il faut pour qu'elles atteignent toutes les bordures de l'étang.
07:59Pour qu'elles atteignent toutes les bordures de ma conscience.
08:01Est-ce que dans une semaine, dans un mois, dans un an ou dans dix ans,
08:04je n'aurai pas d'autres manifestations qui arriveront ?
08:07Je n'en sais rien.
08:08Mais ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, je suis prête à les accueillir.
08:11À leur faire face.
08:12Et encore une fois, à ne pas avoir peur de mes propres émotions.
08:15Mais plutôt de les accueillir et d'avancer avec ce qui me constitue.

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