• il y a 17 heures
Depuis le 30 septembre, c'est le procès du RN et de leurs assistants parlementaires présumés fictifs. Le Rassemblement national se fait cuisiner devant le tribunal correctionnel de Paris. Une vingtaine de personnes, dont Marine Le Pen, sont poursuivies dans cette procédure, principalement pour des faits présumés de détournements de fonds publics, recel ou complicité de détournements de fonds publics. En parallèle des audiences, Libération et Tristan Berteloot révélaient, début septembre, les fausses preuves de Jordan Bardella pour faire croire à son activité fictive d’assistant parlementaire à Bruxelles.

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00:00A l'heure où on tourne cette discussion, ça fait 18 jours que le Rassemblement National
00:04se fait cuisiner par le Tribunal Correctionnel de Paris.
00:06A peu près une vingtaine de personnes, dont Marine Le Pen, sont poursuivies dans cette
00:10procédure pour des faits résumés de détournement de fonds publics, recel, complicité de détournement
00:16de fonds publics.
00:17Notamment Marine Le Pen, elle risque l'inégibilité dans ce procès, donc autant vous dire que
00:21ça a une importance.
00:22Et en parallèle, il y a un acteur qui échappe à ce procès, c'est Jordan Bardella.
00:27Début septembre, à Libération, on vous révélait des fausses preuves qu'il aurait
00:31concoctées pour justifier un emploi fictif à Bruxelles.
00:34Et donc aujourd'hui, je vous propose de discuter avec Tristan Bertelot.
00:39Salut Tristan !
00:40Salut !
00:41Tristan, tu es un de nos journalistes spécialistes de l'extrême droite à Libération, et c'est
00:46notamment toi qui a révélé ces fausses preuves de Jordan Bardella.
00:49Et sur le procès, tu le couvres depuis son ouverture le 30 septembre.
00:53Alors ma première question, elle est directement dans le vif du sujet.
00:56Tristan, est-ce que Marine Le Pen pourrait se voir interdire l'accès à la présidentielle
01:002027 ?
01:01Je vous fais une petite pause, si cette discussion vous plaît, abonnez-vous à la chaîne YouTube
01:05des Libérations, on en publie chaque semaine.
01:07N'hésitez pas à nous donner votre avis en commentaire et je vous souhaite un bon visionnage.
01:10En tout cas, c'est prévu par la loi.
01:12Si elle est condamnée, elle pourrait avoir une peine d'inégibilité qui pourrait aller
01:15jusqu'à 10 ans.
01:16Elle pourrait l'avoir ou pas ?
01:18Au vu du dossier, oui, je pense qu'elle pourrait l'avoir.
01:21Ah ouais ?
01:22Le dossier est assez lourd, mais après, je ne suis pas juge ni avocat, je suis journaliste.
01:27Elle se défend et par ailleurs, toutes ces personnes sont présumées innocentes.
01:30Comme je le disais tout à l'heure, ce procès, il repose sur des soupçons de détournement
01:34de fonds d'assistants parlementaires fictifs au Parlement européen.
01:38Est-ce que tu peux nous expliquer le système qu'a monté le FN, qui est plus tard devenu
01:42le RN ?
01:43Alors en fait, le système est le suivant, il serait le suivant, on va en utiliser du
01:49conditionnel puisque ce procès est en cours évidemment.
01:52A partir de 2014 surtout, le RN fait entrer à Bruxelles 23 députés européens.
02:00Jusqu'ici, il n'en avait que 3.
02:02Il se retrouve avec d'un seul coup beaucoup d'eurodéputés, une main financière énorme.
02:08C'est-à-dire que ces eurodéputés ont chacun une enveloppe de 21 000 euros pour embaucher
02:14des assistants.
02:15C'est très important.
02:16Ces 21 000 euros multipliés par 23 sont une somme considérable, alors que le parti de
02:21l'autre côté, qui a beaucoup moins de moyens, qui n'a pas beaucoup d'élus à l'Assemblée
02:26nationale et donc peu de dotation de l'État, est endetté à hauteur de 9 millions d'euros.
02:31Et donc voici ce parti qui essaye de grandir, de faire évoluer sa politique, de l'ascension
02:37de Marine Le Pen, qui n'a pas de moyens, et de l'autre, un parti qui arrive à Bruxelles
02:43avec des énormes enveloppes, 23 eurodéputés, énormément de possibilités d'embaucher
02:48des assistants parlementaires.
02:49Ils vont donc décider d'utiliser ces fameux assistants, qui sont en fait de pseudo-collaborateurs
02:57de députés européens, pour en réalité travailler pour le Front national et l'ascension
03:01de Marine Le Pen.
03:02C'est-à-dire que ces personnes vont faire de la politique au lieu de travailler à aider
03:09leurs eurodéputés à faire des choses importantes au Parlement européen.
03:14Ça constitue aussi une mise en pratique de la philosophie du Rassemblement national ex-Front
03:19national, à l'époque c'était le Front national, donc si vous voulez on va parler
03:22jusqu'au bout de Front national, il a changé de nom qu'en 2018, et de surtout grossir
03:30grâce à cet argent public de l'Europe qui l'a lui-même en horreur.
03:35Donc ce qui se passe c'est qu'il y a un jour, un peu après 2014, une dénonciation
03:41anonyme de personnes sans doute qui a été lésée dans cette distribution de postes,
03:46qui prévient le Parlement européen que le Rassemblement national est en train d'appliquer
03:50ce qu'il faisait depuis des années, c'est-à-dire de faire payer par l'Europe le travail de
03:56collaborateurs en les déguisant en assistants parlementaires.
03:58C'est-à-dire que le mandat avant, c'était Jean-Marie Le Pen surtout, qui depuis des
04:03années faisait payer par l'Europe son assistante personnelle.
04:08Et donc oui c'est ça justement, tout commence avec Jean-Marie Le Pen.
04:12Lui concrètement, comment il fonctionnait ? Est-ce que c'était un système qui était
04:16aussi gros que ce qu'aurait monté Marine Le Pen ensuite ou pas ?
04:20Alors justement, en fait, il faut comprendre que le RN, enfin le FN pardon, arrive au Parlement
04:26européen, Jean-Marie Le Pen arrive au Parlement européen en 1984, il va y rester quasiment
04:31sans discontinuer jusqu'en 2019, la fin du dernier mandat, il a été réélu en 2014.
04:36Après il n'est plus au FN, en tout cas il a été son président d'honneur.
04:39Jean-Marie Le Pen arrive à un moment donné où les règles du Parlement européen n'existent
04:43pas vraiment, c'est en train de se créer, petit à petit elles vont devenir de plus
04:49en plus précises.
04:50Et lui, bon, c'est un eurodéputé assez discret qui ne travaille pas beaucoup en tant
04:55qu'eurodéputé et qui va, au cours des premiers mandats, mettre en place des usages
05:02qui sont plus ou moins acceptés à l'époque, c'est-à-dire qu'il y a eu pendant un moment
05:07des assistants parlementaires qui étaient payés avec de l'argent liquide, mais c'était
05:11un petit peu comme ça, il faut se remettre dans le contexte.
05:17Et Jean-Marie Le Pen prend un peu plus de hauteur, un jour ils sont un peu plus nombreux,
05:25parce que dans le mandat à partir de 2009, ils vont se retrouver à trois au Parlement
05:30européen, c'est-à-dire Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch et Marine Le Pen, les trois
05:35grosses têtes du Front National, et continuer avec ces usages de Jean-Marie Le Pen, c'est-à-dire
05:40on utilise l'argent de l'Europe pour payer des collaborateurs du bureau.
05:44Et elle, Marine Le Pen, quand elle reprend le système, est-ce qu'elle le grossit ? Est-ce
05:51qu'il reste le même ? Comment est-ce que ça se passe quand Marine Le Pen reprend
05:55le système ?
05:56Ce qu'il faut comprendre, et ce qui est un peu primordial même si c'est un peu compliqué,
05:59c'est qu'à chaque fois il y a au Parlement européen un système pour payer les assistants
06:06qui s'appelle le tiers payant, c'est-à-dire qu'il y a une personne entre les élus et
06:11le Parlement européen, qui est une espèce de comptable gigantesque, qui paye les assistants
06:18et ensuite se fait rembourser par le Parlement européen.
06:21Ça facilite, entre guillemets, le paiement des assistants sans que le Parlement européen
06:27ne se retrouve à être une énorme RH qui gère des milliers d'assistants, par ailleurs
06:32ces assistants ne restent pas forcément toujours au même poste pendant les mandats, il y a
06:36des élections, des trucs comme ça.
06:38Donc au départ, 2009-2014, où je vous rappelle que ces eurodéputés ne sont que trois, on
06:44a un tiers payant qui s'appelle Christophe Moreau, qui travaille avec Jean-Marie Le Pen
06:49et qui s'occupe de dispatcher sur les enveloppes des eurodéputés, les trois, les postes des
06:54personnes qui viennent de passage.
06:56Quand Marine Le Pen prend la tête du FN en 2011, elle va changer le tiers payant, ça
07:02va devenir un de ses proches, un certain Nicolas Crochet, et à l'élection d'après, donc
07:09on va passer de trois eurodéputés à 23 eurodéputés, ce système qui était avant
07:15tout un petit usage entre discrets députés européens qui passaient un petit peu au
07:21travers de la loupe du Parlement européen, va devenir un système gigantesque, généralisé,
07:28et avec une très grosse méthode, une structure, où un personnage qui s'appelle Charles
07:35Vanhoutte, comptable également, distribue toutes les enveloppes sur tout le monde à
07:41mesure qu'elles sont disponibles, et ce tiers payant, proche de Marine Le Pen, va
07:45payer ces personnes.
07:46Donc là, ce système devient à la main de Marine Le Pen dès cette date-là.
07:51Alors concrètement, comment est-ce que ça se passe ? Comment est-ce que le Parlement
07:56européen se rend compte qu'il y a un problème avec les assistants parlementaires du FN,
08:02nouvellement Rassemblement National ?
08:03Alors comme je vous le disais, il y a eu d'abord cette dénonciation anonyme, puis ensuite,
08:09en février 2015, le FN publie, comme il le fait assez régulièrement, comme il l'a
08:18fait plusieurs années avant, un organigramme politique, c'est-à-dire l'affichage des
08:23postes des assistants sur des postes stratégiques.
08:30Marine Le Pen est présidente, Florian Philippot est vice-président à la communication, Nicolas
08:36Bay est secrétaire général du parti politique, on a un président d'honneur qui s'appelle
08:41Jean-Marie Le Pen, on a un trésorier qui s'appelle Valérande Saint-Just, et sous chaque
08:45nom, on a une tripotée d'assistants, de personnes, pardon, j'ai dit assistants, mais en fait,
08:51ce sont, sur cet organigramme, des gens qui ont une fonction politique affichée par le
08:57FN, donc en février 2015, notamment, par exemple, Jordane Bardella est chargée de mission
09:03dans l'équipe de communication de Florian Philippot, on a d'autres personnes qui ont
09:08des postes comme ça, et le Parlement européen, voyant cette liste, se rappelle qu'en fait,
09:14certains noms font tiquer son esprit, ils se disent, mais attendez, c'est très bizarre
09:18parce que dans cette liste, moi, de gens qui ont des postes particuliers au FN, j'ai des
09:25assistants parlementaires qui sont censés travailler au Parlement ou pour leurs députés
09:30européens et qui, visiblement, ont un autre poste au parti, donc le président du Parlement
09:37européen de l'époque s'appelle Martin Schulz, qui est un social-démocrate, c'est important
09:40parce que le FN va, depuis cette histoire, raconter qu'il s'agit d'un procès politique
09:45de la gauche qui lui en veut, enfin voilà, va prévenir l'organisme anti-fraude du Parlement
09:51européen, l'OLAF, qui a l'habitude de ce genre d'enquête, pour vérifier, et va également
09:55prévenir la justice française, à l'époque la ministre de la Justice était Christiane
09:59Taubira, qui va lancer une enquête, une information judiciaire sur des soupçons de détournement
10:06de fonds publics, de faux, usage de faux, et je ne sais plus, parce que la prévention
10:11a évolué pendant toute l'instruction.
10:13Tristan, est-ce que tu as des exemples d'emplois fictifs, du coup, au Parlement européen,
10:19que des assistants parlementaires ont occupés et qui concordaient ou ne concordaient pas
10:25avec ce qu'ils faisaient vraiment pour le parti ?
10:27Alors, on parle d'emplois présumés fictifs, mais la définition de l'emploi fictif, ce
10:33n'est pas la définition de quelqu'un qui a un contrat et qui ne travaille pas.
10:38La définition de l'emploi fictif, c'est quelqu'un qui signe un contrat pour une tâche
10:43avec une personne ou une entreprise et qui, en réalité, va faire autre chose.
10:47Là, c'est exactement ce qui s'est passé, donc on a ces emplois fictifs présumés là.
10:52Pour vous donner des exemples, pendant des années, le garde du corps de Jean-Marie Le Pen
10:57et ensuite de Marine Le Pen, qui est aujourd'hui garde du corps, par ailleurs, de Jordan Bardella,
11:01président du RN, Thierry Légier, a enchaîné pendant des années des contrats d'assistants parlementaires.
11:07Il était en réalité payé par l'Europe pour être le garde du corps du président
11:13de la formation d'extrême droite.
11:14C'est le cas également, on pourrait dire, de Catherine Grisé, qui a été pendant longtemps
11:18l'assistante personnelle et non l'assistante parlementaire, puis la chef de cabinet de Marine Le Pen,
11:24tout en étant rémunérée par l'Europe en tant qu'assistante parlementaire accréditée.
11:29Là, je fais une petite parenthèse parce qu'assistant parlementaire accrédité,
11:33c'est un poste, un statut en tout cas juridique spécifique qui n'est pas le même
11:39que l'assistant parlementaire local.
11:41Un eurodéputé a le choix de prendre des assistants parlementaires accrédités
11:46ou des assistants parlementaires locaux.
11:48Les deux ont des fonctions qui pourraient être à peu près similaires.
11:52L'assistant local, lui, doit rester dans ce qu'on appelait avant les circonscriptions.
11:56En tout cas, il reste en poste en France.
11:59Il va assister son parlementaire à distance, l'aider, lui, faire des revues de presse,
12:05des préparations de discours, le représenter aussi en France auprès des usagers, des électeurs.
12:14L'assistant parlementaire accrédité est plus là pour un travail potentiellement,
12:18normalement législatif, donc il participe aux sessions à Bruxelles,
12:22il participe à la préparation d'amendements pour l'eurodéputé.
12:26C'est un job sur la feuille un peu plus technique, ce qui ne veut pas dire
12:29qu'on ne peut pas donner à l'assistant local, à l'assistant accrédité la même chose.
12:32Il y a une règle qui est très importante, c'est que l'assistant accrédité doit vivre à Bruxelles
12:36ou en tout cas dans un des trois points du Parlement européen,
12:40donc Bruxelles, Luxembourg ou Strasbourg.
12:43Et il a un statut d'expatrié, c'est-à-dire qu'il a une prime d'expatriation.
12:48On est dans un autre pays, on est en Belgique.
12:51Et il a aussi des avantages fiscaux, c'est-à-dire qu'il ne va pas payer une partie de ses impôts.
12:56Ils sont soumis à l'impôt belge et il ne va pas payer ses impôts en France.
13:01Ils sont prélevés à la source directement au Parlement européen.
13:05Pourquoi on dit ça ? C'est parce que Catherine Griset était assistante parlementaire accréditée pendant les années,
13:10sauf qu'elle n'a jamais habité à Bruxelles.
13:15Elle avait en fait un piéd-à-terre dans une maison d'un proche de Marine Le Pen qui s'appelle Charles Van Hoot.
13:20Je vous en ai parlé tout à l'heure.
13:21Charles Van Hoot était le comptable qui distribuait sur les enveloppes,
13:26les postes d'assistants parlementaires sur les enveloppes disponibles.
13:30Donc, elle avait un piéd-à-terre là-bas.
13:31Sans doute qu'elle n'y est jamais allée, une petite chambre dans sa maison.
13:34Et elle a dit devant la juge lorsqu'elle a été entendue mardi qu'elle ne savait pas qu'elle aurait dû habiter à Bruxelles.
13:41Marine Le Pen aussi a osé cette défense.
13:44Elle l'a dit. Je savais qu'il fallait être résident de Bruxelles.
13:50Je ne savais pas que cela voulait dire résider à Bruxelles.
13:53Je vais prendre une question dans le chat.
13:58Camoulox qui te demande de revenir un petit peu sur le problème avec Légier, le garde du corps de Jean-Marie Le Pen.
14:05Qu'est-ce que Thierry Légier, le garde du corps de Jean-Marie Le Pen, devait faire à Bruxelles et qu'est-ce qu'il faisait finalement ?
14:10En fait, c'est un peu compliqué.
14:15De toute façon, il y a un truc qui est extrêmement clair.
14:18C'est que Thierry Légier n'a toujours été que le garde du corps.
14:22Il avait une fonction de garde du corps.
14:24Quand il signait ses contrats, il apparaissait après coup comme directeur de la sécurité.
14:30Il y a une petite précision que je dois faire.
14:33C'est que quand il signe ses contrats, il n'y a pas encore de poste défini, c'est-à-dire notamment en 2014.
14:39Quand la mandature commence, le temps que tout se met en place, on a le droit, en tout cas le Parlement européen l'autorise, de donner le poste d'assistant un peu plus tard.
14:51Lui, ça a été le cas par des avenants qui arrivaient un petit peu après.
14:54Thierry Légier, c'était quelque chose d'extrêmement connu.
14:57C'est quelqu'un qu'on voit à chaque déplacement en tant que journaliste, reporter qui suit Marine Le Pen ou Jean-Marie Le Pen.
15:05C'était le garde du corps, par ailleurs, du président de la formation d'extrême droite.
15:10Il est derrière tout le temps.
15:12Il pousse les gens, il le protège.
15:15On l'a vu lors d'un déplacement de Marine Le Pen en Martigny, qui l'a protégée quand elle a été attaquée par des opposants lors d'une interview.
15:26Donc ça, c'est le poste, en tout cas, ce que faisait Thierry Légier.
15:29Lui, dans sa défense, il explique qu'il était en réalité effectivement assistant parlementaire.
15:36Il ne nie pas qu'il a signé des postes d'assistant parlementaire.
15:39Et pour justifier un poste d'assistant, il explique qu'il protégeait le président et l'eurodéputé qui était Jean-Marie Le Pen,
15:48puis Marine Le Pen, qui était également eurodéputée, donc qui participait à la politique de ce dirigeant politique, qui sont par ailleurs des eurodéputés.
16:00Il disait également qu'il était chef de la Sécurité, donc qui chapeautait lors des déplacements, en tout cas des arrivées de Marine Le Pen au Parlement européen
16:10ou lors de déplacements, des choses qui participaient à la politique de Marine Le Pen en matière européenne.
16:17C'est un peu là-dessus que joue depuis le début le parti pour se défendre, c'est-à-dire qu'il faisait à peu près tous de la politique.
16:25C'est un peu plus compliqué à défendre pour Thierry Léger, parce qu'il n'a pas produit un travail politique comme d'autres ont pu le faire.
16:31Mais au bout du compte, selon eux, toutes ces personnes finissaient au bout du bout du bout par participer à une cause commune qui devait forcément aider le député européen
16:44qui était Marine Le Pen ou Jean-Marie Le Pen.
16:48Evidemment, ça ne tient pas beaucoup, surtout pour des juges qui, eux, jugent en droit et pas dans une espèce d'imagination de la politique.
16:55Mais c'est à peu près ça qui s'est passé.
16:57Pour comprendre exactement comment tout ça se passe, j'ai une question peut-être un peu bête, mais pourquoi ils font ça ?
17:04En fait, ils n'ont pas d'argent, le FN et le RN par la suite ?
17:08Ils ont des problèmes d'argent. Ils n'ont pas les moyens de payer toutes ces personnes aussi chères.
17:14Thierry Léger, il faut savoir qu'il a été payé comme un eurodéputé en tant qu'assistant avec des salaires à 5 400 euros.
17:21Catherine Griset, c'était moins cher, mais leur nombre de collaborateurs devient exponentiel à l'époque.
17:26C'est un parti qui a toujours eu des problèmes d'argent parce qu'il a toujours vécu au-dessus de ses moyens.
17:33Il a toujours trouvé des façons.
17:35Alors, j'ai dit un magouille, mais ça serait mal interprété.
17:38Mais en tout cas, des manières de faire de la politique sans revenu en utilisant les largesses de l'État, l'argent public,
17:46la possibilité de se faire rembourser pendant les campagnes électorales sur les comptes de campagne.
17:50Donc, à des moments donnés, on va décaler des assistants parlementaires pour les mettre sur une campagne.
17:56Et là, ils vont être remboursés non plus par le Parlement européen, mais par l'État dans le cadre de campagne.
18:01Pour donner un exemple concret, par exemple, on a quelqu'un aujourd'hui qui s'appelle Julien Audoul,
18:05qui est porte-parole du parti, qui a été longtemps un assistant parlementaire d'une dame qui s'appelle Mylène Trosinsky.
18:12Il avoue devant les juges lors de son audition qu'il n'a jamais travaillé pour elle,
18:17qu'en fait, il était l'un des conseillers spéciaux de Marine Le Pen.
18:21Il en était par ailleurs très fier.
18:23Il y a un moment donné, une élection, je crois que c'était pour les régionales en 2015,
18:29où on le déplace de son poste fictif, présumé fictif, pardon, d'assistant parlementaire pour travailler pour cette campagne.
18:36Donc, il n'est plus payé pendant cette période-là par le Parlement européen, mais par l'État français,
18:43ce qui libère à un moment donné, justement, une enveloppe, celle de Mylène Trosinsky, pour embaucher un autre collaborateur.
18:48Vous voyez comment le système se met en place pour ne jamais laisser ses fonds libres
18:53et toujours utiliser chaque centime au moment prévu pour le faire pour le parti.
18:59Toi, Tristan, t'as longuement enquêté sur un autre acteur de cette affaire, c'est Jordan Bardella.
19:07Est-ce que lui, il a participé d'une quelconque manière à ce système du FN et après du RN ?
19:14Alors, Jordan Bardella, il a été assistant parlementaire d'un député européen qui s'appelle Jean-François Jalk.
19:19C'est un historique du parti qui est rentré au parti, au Front national en 1974,
19:25qui a été longtemps une des têtes pensantes de la stratégie juridique du Front national.
19:32C'est un proche de Marine Le Pen. Il n'est pas au procès, bien qu'il soit renvoyé pour des raisons de santé.
19:38Il a fait un AVC il y a quelques mois. Jordan Bardella, lorsqu'il a 19 ans, signe un contrat d'assistant parlementaire local à mi-temps pour ce député, Jean-François Jalk.
19:49Il va être en poste du 16 février au 30 juin 2015 de cette année, à une époque où, selon les dires de Marine Le Pen elle-même, on est dans une période de flottement.
20:00Les eurodéputés ne sauraient pas exactement quoi donner à faire à leurs assistants, ni exactement ce qu'ils devraient faire au Parlement européen.
20:08Il le dit devant les juges lors d'une de ses auditions en avril 2019.
20:12Voilà, donc Jordan Bardella, oui, a participé à ce système, involontairement ou pas.
20:18En tout cas, il a touché un salaire pendant 4 mois et demi de 1200 euros net pour un mi-temps, ce qui est plutôt pas mal, ça fait deux fois et demi le SMIC.
20:26Il était à l'époque également étudiant en géographie. C'est d'ailleurs pour ça qu'il a pu négocier ce contrat avec son eurodéputé.
20:34Je sais pas si tu l'as dit, mais c'était un mi-temps, c'est ça ? C'est un contrat mi-temps à 1200 euros ?
20:37C'est un mi-temps, voilà. Il travaillait, je crois, de 9h30 à 12h30. Enfin, son contrat prévoyait ses horaires de 9h30 à 12h30 tous les jours de la semaine.
20:46Ce qui est pas mal. Il est en même temps étudiant en géographie, en fait, où il va jamais en cours.
20:52Il fait effectivement que, passe son temps à faire de la politique pour le Front National et sans doute beaucoup pour Florian Philippot,
21:03qui est alors le numéro 2 du FN et en charge de la communication et de la stratégie et qui est un proche de Bardella à l'époque.
21:10C'est lui qui lui met le pied à l'étrier pour se lancer en politique.
21:12Et au sein du FN, comment on le qualifie Jordan Bardella ? J'avais lu dans un de tes papiers qu'on le qualifiait pas nécessairement de quelqu'un qui travaillait,
21:18mais juste d'un militant chevronné. Il y avait un truc comme ça ?
21:21C'est ça, en fait. À l'époque, personne ne sait qu'il est assistant parlementaire. Il ne le dit pas. Il n'explique à personne.
21:28Il y a des gens qui l'ont découvert même il y a peu de temps, quand les journalistes ont commencé à s'intéresser au passé de Jordan Bardella.
21:36Par ailleurs, là, on le voit comme le président du Front National à 29 ans, mais en 2015, quand l'affaire éclate, il n'est personne.
21:45Quand il commence à être assistant parlementaire, il n'est vraiment qu'un militant qui commence à monter.
21:53Il va devenir un peu plus tard porte-parole du FN. On va commencer à lui trouver des choses intéressantes à lui donner à faire.
22:01Il n'est pas encore tête de liste aux Européennes comme il le sera en 2019.
22:04C'est une petite main qui est en train de monter dans le parti et à qui on va donner un salaire pour lui permettre d'évoluer dans le parti.
22:13Et à quel moment, au FN, on commence à se dire « Oh waouh, Jordan Bardella, il est peut-être dans la sauce ».
22:20Alors en fait, comme je vous avais dit, l'affaire commence en 2015 et l'instruction va durer neuf ans.
22:27En 2017, va apparaître dans le dossier un assez gros tableau qui est fourni par l'avocat du Parlement européen qui s'appelle Patrick Maisonneuve,
22:38qui est partie civile au procès, qui répertorie sur un gros tableau tous les assistants parlementaires qui ont eu pendant toute une période,
22:47donc de 2004 à 2016, une période très très longue, des activités potentiellement incompatibles avec leur poste d'assistant parlementaire.
22:55Ce sont des gens qui ont été longtemps sur des périodes électorales à des salariés de campagne, qui ont des postes au siège du parti,
23:05où on a l'impression en tout cas que c'est des documents montres qui faisaient autre chose.
23:10Et apparaît à la ligne de Jean-François Jalte le nom de Jordan Bardella, ce n'était pas encore apparu jusque-là,
23:15pour un montant de 10 444 euros, ce qui correspond à son salaire chargé pendant quatre mois et demi.
23:22Là, ce qui se passe c'est que les équipes de Jean-François Jalte, qui est un juriste dans l'âme, qui est quelqu'un de très très précautionneux,
23:31vont commencer à paniquer et apparaît un personnage qui s'appelle Guylain Dubois, qui est l'un des assistants parlementaires de Jean-François Jalte,
23:40qui est lui-même avocat belge de Marine Le Pen en Belgique, et qui va commencer à commander un stagiaire.
23:48J'espère que ce n'est pas trop compliqué. En tout cas, toute l'équipe de Jean-François Jalte commence à s'y mettre,
23:53des faux documents pour protéger éventuellement, a posteriori, Jordan Bardella de son inactivité de l'époque où il était assistant parlementaire fictif.
24:03Et qu'est-ce qu'ils se disent ?
24:05Qu'est-ce qu'ils se disent ? Ils se disent qu'en fait, Jean-François Jalte commence à être un peu cerné par la justice.
24:11Il a, pendant plusieurs fois, refusé de répondre à des convocations des juges, et à un moment donné, il va bien falloir qu'il s'explique sur ce poste d'assistant.
24:22Jalte s'ouvre à des personnes qui sont, à l'époque, dans le bureau, en disant qu'on a un problème avec Jordan Bardella,
24:29c'est qu'il n'a absolument rien fait pour moi en tant qu'assistant parlementaire. En fait, il faisait de la communication pour Florian Philippot.
24:36Ce qui atteste ce lien avec Florian Philippot, c'est un mail qu'on a retrouvé dans notre enquête, à Libération,
24:43d'un certain Kevin Feffer, qui est aujourd'hui trésorier du Ration National, qui, à l'époque, était un jeune militant qui travaillait avec Sophie Montel et Florian Philippot,
24:54quelqu'un qui vient de l'Est, et qui écrit à Jean-François Jalte en disant, voilà, tu as vu avec Florian, pour prendre sur ton enveloppe ce jeune militant
25:05qui s'appelle Jordan Bardella, je propose, en calculant si ton enveloppe le permet, que tu l'embauches comme assistant parlementaire local à environ 1200 euros,
25:15à partir du 15 février, et c'est exactement ce qui va se passer. Ils imposent, en fait, à cette personne, Jean-François Jalte, cet assistant parlementaire qui ne va jamais rien faire pour lui.
25:27En 2017, ils se rendent compte, donc, que Jordan Bardella les met peut-être dans la sauce, donc qu'est-ce qu'ils font pour résoudre le problème ?
25:35Alors, en fait, depuis un certain temps, vient de se créer une espèce de jurisprudence des documents qui sont acceptables par le Parlement européen pour prouver d'activité d'assistant parlementaire.
25:46C'est le cas d'agenda qui montrerait que l'assistant a passé du temps avec son eurodéputé, c'est le cas aussi de rendus de documents comme des revues de presse ou des choses comme ça,
25:57puisque ça fait partie aussi des tâches. Donc, Guylain Dubois écrit, le 20 décembre 2017, à son jeune stagiaire pour lui proposer le montage,
26:07c'est écrit comme ça dans le mail, du dossier de Jordan Bardella, et lui demande d'aller sur un site de presse, un site de revue de presse qui s'appelle Factiva,
26:16c'est un très gros logiciel qui est utilisé par beaucoup d'entreprises, dont Libération, pour aller chercher des documents d'archives, des documents de presse,
26:24faire des revues de presse très très pointilleuses sur des périodes précises, des médias précis, des langues, des pays.
26:33Et donc, si on cherche un article, il n'y a quasiment aucune chance qu'on ne le trouve pas là-dessus. Donc, il envoie ce stagiaire aller sur le site,
26:41faire une revue de presse de février au 30 juin 2015. Donc, lui, il va sur le site Global Factiva, il clique sur Grand Est Société Politique,
26:532015, février à juin, et ça lui sort 1500 documents qu'on a pu refaire, nous, à l'identique, avec le même logiciel, plusieurs années après.
27:04Qui va servir, en fait, à maquiller l'emploi fictif de Jordan Bardella. On va ensuite faire croire que c'est lui qui l'a produit.
27:11Et nous avons récupéré, non seulement cet échange de mail, mais également cette revue de presse.
27:17Se joint ensuite un agenda calendrier de 2015. On voit l'écriture de Jordan Bardella sur ce calendrier. Donc, un calendrier 2015 avec des avions dessus.
27:27Je vais vous montrer plusieurs pages qu'on trouve sur cet agenda. Donc, des colonnes de dates. Et ici, l'écriture de Jordan Bardella pour montrer qu'il y a une activité de Jean-François Jacques.
27:41Donc là, il y a écrit Bruxelles, JFJ. Donc, Jean-François Jacques devait être à Bruxelles le mercredi 4 février. C'est intéressant parce que, par ailleurs, Jordan Bardella ne prend son poste que le 16.
27:52Mais visiblement, il a commencé à faire son agenda avant. Il va écrire sur 12 pages du calendrier, sur toute la période où il est censé être son assistant parlementaire.
28:02Donc là, le 25 février, visiblement, JFJ est en pleinière à Bruxelles. Et Bruxelles, Bruxelles, ils ne s'embêtent pas beaucoup. C'est intéressant parce que moi, je n'ai jamais vu d'agenda tenu pendant 4 mois et demi où il n'y a pas des ratures, des moments où on dit l'agenda, le rendez-vous est annulé.
28:22Est-ce qu'on va là ? Est-ce qu'il y a des flèches ? Et surtout, la personne qui tient cet agenda doit être très maniaque parce qu'elle n'a toujours utilisé que le même stylo tout le temps. C'est très intéressant.
28:32Bon, en fait, ce calendrier est bien un calendrier de 2015, un calendrier avion d'exception. Je vous le remontre là, calendrier 2015. Sauf que ce calendrier n'est pas un calendrier de 2015 comme on pourrait le croire puisqu'il a été acheté en 2018.
28:49On a retrouvé le bon de commande de ce calendrier qui a été acheté d'occasion sur le site allemand Momox Shop et livré, alors ça c'est une petite erreur de débutant du faussaire, il a été livré au siège du Front National.
29:05Donc on voit bien ici, je ne sais pas si vous voyez, il y a écrit agenda calendrier avion d'exception 2015, 1,39€, on ne va pas mettre trop d'argent dedans non plus, frais d'expédition forfaitaire 3€, date de la commande 15 mai 2018 et, j'ai caché le nom de la personne qui l'a acheté, rue des Suisses à Nanterre, c'est le siège du Front National.
29:28Voilà donc on a clairement la preuve d'un faux.
29:32Alors il faut savoir que tout ceci correspond aussi à, il n'y a pas seulement les documents, il y a les témoignages qui vont avec et qui participent à l'enquête qui est complète, bien entendu, on ne tombe pas sur ces documents comme par magie ou tombe du ciel, c'est le fruit d'une très très longue enquête qui nous amène à découvrir ces documents à la toute fin par ailleurs,
29:55de choses qu'on savait déjà mais qu'on ne pouvait à l'époque pas tout à fait prouver.
29:59Est-ce que tu as d'autres documents qui permettent de comprendre le supposé travail de Jordan Bardella au Parlement européen ?
30:07Je vais essayer de vous montrer à peu près ce que ça représente pour que vous vous rendiez compte de la chose, on voit ici un document, ça c'est l'étendue de la revue de presse de Jordan Bardella, c'est-à-dire que le site Global Factiva est tellement bien fait qu'on peut affiner par semaine une revue de presse extrêmement riche,
30:30donc on va dire, de la semaine du 15 février au 21 février, donne-nous tout ce qui s'est passé en Alsace-Lorraine qui pourrait nous servir pour un travail d'eurodéputé, ce sont des articles qui sont comme ça,
30:47donc tout ça c'est pour faire croire que Jordan Bardella rendait toutes les semaines une revue de presse à Jean-François Jalque, son eurodéputé, c'est très intéressant parce qu'en fait c'est un peu un classique des faussaires du Parlement européen.
31:05En discutant avec des sources du Parlement européen, ils expliquent que quand on leur fournit après coup, parce que le Parlement ils font aussi des demandes sur des cas spécifiques, il y a énormément d'assistants parlementaires et d'eurodéputés, ça se compte par milliers sur un mandat entier, donc évidemment le Parlement européen n'a pas les moyens humains et financiers de faire des enquêtes tout au long du mandat sur à peu près tout le monde.
31:32Donc de temps en temps, au hasard, ils prennent quelqu'un et disent est-ce que tu peux nous montrer le travail de cette personne ? Et quand on leur remet des revues de presse signées, généralement ça sent pas très bon, c'est-à-dire que quand on travaille en toute bonne intelligence avec un collaborateur ou quand on rend à son patron une revue de presse, il est très rare qu'on la signe, encore moins qu'on la date, puisque de toute façon les articles sont déjà datés.
31:57C'est comme si Corentin, je sais pas, moi tu me demandais de t'écrire un article et je rajoutais mon tampon, ma signature, la date, pour bien montrer que j'ai travaillé, et là ça serait quelqu'un qui aurait fait ça toutes les semaines pendant 4 mois et demi, c'est un petit peu étrange.
32:11Est-ce que tu peux nous expliquer comment est-ce que tu sais que ces documents-là ont été faits après 2015 ?
32:19Alors d'abord il y a, comme je vous le disais, les témoignages, puis cet échange de mail avec l'avocat belge de Marine Le Pen, Guylain Dubois, et ce stagiaire où il lui commande de faire ses faux, et surtout Global Factiva est un logiciel qui laisse des copyrights sur ses revues de presse, c'est-à-dire que quand on imprime une revue de presse, imaginons qu'aujourd'hui en 2024 je demande à Global Factiva de faire une revue de presse de 2016 sur la région Ile-de-France,
32:47de janvier à février, il va laisser en bas marqué « Copyright Factiva Inc. », mais avec la date, 2024. Donc ce qui va se passer avec Jordan Bardella, c'est que la personne qui a imprimé ses 1500 pages de revues de presse va supprimer avec du Blanco toutes les traces de copyrights qui sont en bas des pages, une par une, sur les 1526 pages, pour être plus précis.
33:17C'est beaucoup de travail.
33:18C'est beaucoup de travail, mais il va en l'oublier une fois, qui est là, où il y a écrit « Page 117 of » 120 c'est de l'anglais, « 2017, Factiva Incorporation, tout droit réservé ».
33:33Ça veut dire que cette revue de presse n'a pu être imprimée autrement qu'en 2017 sur le site de Global Factiva.
33:42Et ce qui est un petit peu gênant, c'est que Jordan Bardella, non seulement, a classé cette revue de presse par semaine, il a aussi rajouté certains thèmes, particulièrement en haut à droite de certains,
34:00et surtout, il a ajouté, pour faire beaucoup plus vrai, je vous la montre ici, des petits commentaires qu'un assistant parlementaire aurait pu faire à son eurodéputé au moment où, chaque semaine, il lui rend sa revue de presse.
34:12Donc là, le 3 avril 2015, il y a un article de l'Est républicain, « Importante fuite d'eau en février, Fessenheim, les antinucléaires ».
34:20Et Jordan Bardella écrit « Rencontres à envisager ». Et là, celui-là, c'est peut-être mon préféré, c'est un article de l'Est républicain du 1er avril 2015, qui parle de Colmar, l'arrivée au printemps du Festival Musique et Culture de Colmar.
34:39Et Jordan Bardella écrit, pour faire plus vrai à son eurodéputé, on rappelle qu'il écrit ça en 2017 sur une fausse revue de presse datée de 2015, c'est du 2 au 19 avril, peut-être l'occasion d'y faire un tour, et associer les élus locaux du Front, si ok, je vois pour Calais, dans l'agenda, qui, lui, ne sera acheté qu'en 2018.
35:00Donc, les documents, ils sont écrits de la main de Jordan Bardella. Et toi, tu t'es permis de faire un petit montage pour montrer les similarités d'écriture entre ces documents et d'autres instances où Jordan Bardella a écrit ?
35:17Alors, j'ai précisé, mais on l'a déjà précisé dans nos articles, que ces milliers de pages de Jordan Bardella, sur lesquelles on retrouve son écriture très très régulièrement, ont été soumises à une analyse graphologique d'un professionnel qui a 30 ans de métier, et qui a travaillé dans de nombreuses affaires, et qui a expliqué qu'il n'y avait aucun doute sur le fait que c'est non seulement l'écriture de Jordan Bardella, parce qu'on l'a comparé à des écritures de Jordan Bardella,
35:43et qu'en plus, à chaque fois, il y avait quasiment 0,01% de chances pour que ce soit une autre personne qui l'ait faite. Il aurait fallu qu'une personne soit assez douée, un faussaire, pour imiter l'écriture à la perfection de Jordan Bardella, sans faire une seule rature sur 1500 pages.
36:01C'est pareil pour le calendrier avion d'exception, c'est-à-dire que la personne qui écrit, le fait d'un seul coup de main, il n'y a pas d'arrêt dans le style d'écriture, sinon ça fait des traces, on le voit, il n'y a aucun gommage, il n'y a aucune trace, ça ne peut être que, selon cette analyse graphologique, ça ne peut être que l'écriture de Jordan Bardella, ce qui correspond par ailleurs à tous les témoignages qu'on a recueillis et à tous les documents qu'on a recueillis.
36:28Et donc, deux ans côtés, pour illustrer un papier, tu t'es amusé à faire un petit jeu pour montrer ça à nos lecteurs.
36:37Voilà, j'ai voulu, pour que le lecteur se rende un peu compte, parce que l'une des premières défenses de Jordan Bardella a été de dire que c'est faux, tout ça est une invention qui sert à donner de la déstabilisation politique contre le mouvement, comme si les journalistes de l'hiver cherchaient à déstabiliser l'Assemblée Nationale, par ailleurs, et il a dit que c'était faux, qu'il n'avait jamais participé à des faux, et en disant, mais pourquoi j'aurais fait ça ?
37:05Puisque de toute façon, je ne suis pas embêté, questionné par ce procès des assistants parlementaires fictifs, ce qui est vrai, c'est justement pour éviter la justice que ces pièces ont été faites, qui n'ont pas eu à être données à la justice, mais c'est bien pour protéger l'emploi fictif de Jordan Bardella qu'elles ont été produites.
37:24Et j'ai voulu expliquer, parce que l'avocat de Jordan Bardella, Alexandre Varro, qui était aussi l'avocat de plusieurs personnes au Parlement européen, qui est aujourd'hui, maintenant, eurodéputé lui-même, a dit un jour à Mediapart qu'il interrogeait sur les révélations de libération, l'agenda, c'est un faux, d'accord, on l'admet, mais ce n'est pas l'écriture de Jordan Bardella dessus, elle ressemble, mais ce n'est pas l'écriture de Jordan Bardella.
37:51Pourquoi quelqu'un aurait imité l'écriture de Jordan Bardella deux ans après son contrat, et surtout pourquoi, pour cacher quoi, on ne sait pas, et il faut d'ailleurs préciser, ce n'est sans doute pas pour lui nuire, parce que Jordan Bardella, en 2017, il n'est rien du tout, il n'est pas encore tête de liste aux européennes, il n'est pas président de l'URN.
38:11Donc j'ai pris quelques lettres au hasard, sur l'agenda, et sur quelques présentations des revues de presse, et j'ai voulu la comparer à un autographe de Jordan Bardella sur une affiche de campagne, en prenant les mêmes lettres, il y a peu de doute, les lettres sont quasiment toutes similaires, je vous promets que je n'ai pas cherché à pousser le trait, j'ai pris un V où je l'ai trouvé, un E où je l'ai trouvé, un LE où je l'ai trouvé, la signature Jordan Bardella,
38:40tout est absolument identique, par ailleurs, l'orientation du texte est toujours souvent la même, Jordan Bardella étant gauché, il écrit comme ça, et voilà.
38:51Alors juste pour vous donner un peu la raison qui fait qu'il n'est pas dans ce procès en fait, Jordan Bardella, c'est qu'il n'a gagné que 10 404 euros, c'est un truc comme ça ?
39:00Oui c'est ça, en fait il est passé entre les gouttes de la justice, il n'a jamais été entendu ni par les policiers ni par les juges, ce qui ne veut pas dire que son nom n'a pas été évoqué lors de l'enquête, il y a plusieurs députés qui sont interrogés sur son cas, il a eu de la chance pour deux choses, deux facteurs.
39:19D'abord son eurodéputé Jean-François Jacques n'a été entendu par les juges qu'en 2021, le dossier à l'époque qui est déjà énorme est quasiment bouclé, et lui il n'a, si vous voulez, travaillé que 4 mois et demi, ce n'est pas quelque chose qui a été récurrent, il n'a touché que 10 000 euros,
39:37et les enquêteurs au bout d'un énorme dossier ne se sont focalisés que sur les éléments les plus probants, c'est-à-dire les gens, bon il y a vraiment très peu d'autres qui ont fait autre chose, qui ont touché beaucoup d'argent et qui avaient des emplois fictifs.
39:50Pour Jordan Bardella en fait ce qui se passe c'est que Jean-François Jacques quand il est entendu par les juges, il va leur dire j'ai la preuve de travail de Jordan Bardella, j'ai des revues de presse à noter de sa main dans mon bureau, qui sont maintenant en possession de libération,
40:04et donc les juges ne vont pas aller plus loin, c'est vrai que c'est compliqué de tomber sur des sources qui sont au courant de l'histoire, qui ont ces documents, et de faire une enquête, d'essayer de prouver qu'il s'agit bien d'un plan fictif et d'expliquer pourquoi ce sont des faux documents, il faut quand même enquêter longuement pour comprendre pourquoi ce sont des faux documents,
40:26et les 10 000 euros on parle d'argent public, c'est pour ça que c'est extrêmement grave, c'est un détournement d'argent public, c'est l'argent de vos impôts, de nos impôts, et juste pour se les mettre dans la poche.
40:38Pour qu'on reparle un petit peu du procès du Rassemblement National pour les supposés assistants fictifs, toi ce procès tu y as été, depuis le 30 septembre tu le couvres, comment est-ce que ça se passe de l'intérieur, c'est quoi les coulisses du procès du Rassemblement National ?
40:54Alors Marine Le Pen est très présente à ce procès, elle ne vit quasiment jamais une journée de procès, elle vient d'être entendue pendant 3 jours, de lundi à mercredi, en tant qu'ex-présidente du Front National et ancienne eurodéputée au moment où l'argent public est soupçonné d'avoir été le plus massivement détourné, dans la mandature 2014-2019,
41:17elle est là, elle vient souvent à la barre donner sa version des faits qui est souvent la même, c'est-à-dire que ça ne peut pas être des emplois fictifs parce que pendant leurs heures de travail payées par le Parlement Européen, ses assistants, ses pseudo-collaborateurs faisaient de la politique, comme on l'a dit tout à l'heure, dans une espèce de cause commune pour l'ascension de Marine Le Pen, elle dit ça, elle explique que les juges ne comprennent pas le fonctionnement d'un parti politique,
41:45qu'ils ne pouvaient pas faire autre chose parce que ce sont des partis d'opposition au Parlement Européen et que quand on est un parti d'opposition au Parlement Européen, on n'a rien d'autre à faire que faire de l'opposition nationale dans le parti, c'est à peu près la ligne de défense.
42:02C'est la meilleure avocate de tout ça, on voit aussi à quel point elle est au cœur du système, elle connaît le dossier par cœur, beaucoup d'assistants ont travaillé, enfin, quelques assistants renvoyés ont travaillé pour elle, et tous, en tout cas, quand ils ont travaillé au sein du parti, ce n'est que pour l'ascension politique de Marine Le Pen.
42:20Elle est là aussi pour défendre mieux que les assistants eux-mêmes le parti, sa propre politique, et elle risque par ailleurs très gros, puisqu'elle risque jusqu'à dix ans d'inéligibilité, dix ans de prison et un million d'euros d'amende, donc elle va au charbon.
42:38Ce qu'on a vu, souvent, c'est des agacements de Marine Le Pen quand elle est questionnée par la juge, des agacements de l'ancien vice-président du FN, Bruno Gollnisch, qui lui veut faire beaucoup de droit, c'est un ancien professeur de droit, et surtout un énorme décalage entre la sérénité de Marine Le Pen, en tout cas affichée quand elle est à la barre et qu'elle s'exprime très bien, c'est une bonne oratrice, elle n'a pas peur de parler au juge et de parler fort,
43:05et l'extrême manque de préparation des assistants qui ne sont rarement, on a l'impression qu'ils ne sont pas vraiment au courant de ce qu'ils risquent et de ce qu'ils ont fait, parfois ils connaissent à peu près mal le dossier de des choses qui les concernent pourtant depuis des années.
43:22T'as des exemples concrets de ce que t'as entendu dans ce procès ?
43:25J'ai vu Catherine Griset, l'ex-chef de cabinet de Marine Le Pen, arriver à la barre et commencer à expliquer sa vie privée en disant « à l'époque j'avais des problèmes de couple, j'ai voulu quitter Paris pour aller à Bruxelles, la juge la coupe tout de suite parce que là on est venu parler de droit et pas écouter des aspects qui peuvent être plaintifs »,
43:46et disant « mais alors attendez, vous êtes partis quand à Bruxelles, vous avez laissé votre fille de 4 ans à Paris, je ne comprends pas », et tout se débine assez vite, la juge dit « bon bah d'accord, vous nous avez envoyé plein d'échanges de mails, vous êtes en copie des mails, et ça prouverait que vous avez bien travaillé pour Marine Le Pen ».
44:04Oui, elle a travaillé pour Marine Le Pen, elle recevait les mails qui étaient adressés à Marine Le Pen en tant que chef de cabinet, elle en recevait plein, elle était en copie de plein de mails pour pouvoir prévenir Marine Le Pen qu'un mail important est arrivé.
44:15Mais en quoi ces mails qu'elle reçoit, où il n'y a pas d'échange, prouveraient une activité d'assistante parlementaire à l'Europe ? Et donc là elle dit « bah attendez madame le juge, je vais essayer de vous trouver ça dans les 500 pages et tout », mais voilà, ça montre une très très grande impréparation, et à la fin elle a dit à la juge « quand même j'ai l'impression d'avoir été traité comme une criminelle, j'ai fait deux gardes à vue, on m'a fouillé,
44:44on parle d'un détournement public massif qui pourrait atteindre les 4,6 millions d'euros de préjudice pour le Parlement européen ». Je me souviens d'une scène assez intéressante, c'est que la juge dit à Marine Le Pen à un moment donné « ces enveloppes d'eurodéputés qui servaient à employer des assistants parlementaires, ce n'est pas un dû, le Parlement ne doit pas vous les donner ».
45:08C'est-à-dire que c'est une possibilité pour vous travailler, mais pourquoi la vider en entier ? Pourquoi prendre tout cet argent ? On avait vu pendant les auditions de Marine Le Pen devant les juges qu'elle dit un jour « les députés européens ne voulaient pas laisser l'argent de leurs électeurs à l'Europe ». Et Marine Le Pen répond à la juge « ce n'est pas l'argent du Parlement, c'est l'argent des électeurs ». Et elle considère que cet argent est à elle.
45:30Tristan, ça pourrait être quoi les conséquences de ce procès pour le Rassemblement national ?
46:00Et un million d'euros d'amende, bien entendu. Ce n'y arrive jamais jusque-là. Mais elle peut être condamnée à une peine d'inégibilité qui pourrait donc l'empêcher, si cette peine était confirmée en appel et qu'elle n'était pas suspensive pendant cet appel, la priver d'être candidate à la présidentielle de 2027.
46:21Il faut savoir que le parti politique est également poursuivi et donc il y a des peines d'amende en plus assez fortes d'hommages et intérêts demandés. Et là, on parle d'une grosse partie des cadres ou ex-cadres du Front National de l'époque.
46:35Louis Alliot, par exemple, est une personne renvoyée alors qu'il est le maire de Perpignan. Ça pourrait avoir des conséquences très importantes, en tout cas si la tête du Front National, la tête officielle du Front National ou officieuse Marine Le Pen était coupée par cette décision politique.
46:51Et par ailleurs, donner aussi l'image d'une délinquance à des électeurs qui ont souvent en tête l'idée d'un tous pourri et que c'est même pour ça, parce qu'ils sont déçus de la politique, qu'ils se tournent vers le Rassemblement National.
47:08Sur la peine d'inéligibilité de Marine Le Pen, est-ce que ça pourrait vraiment arriver avant 2027 ? Est-ce qu'il y a le temps ? Parce qu'on sait que les procès sont longs en France. Est-ce qu'il pourrait faire des appels à Thierry Larrego pour faire ralentir la procédure et qu'il puisse quand même se présenter ou pas ?
47:23Non, il y a un appel. D'ailleurs, d'abord, il faut que les juges prononcent cette inéligibilité, ensuite décident si l'appel est suspensif de cette inéligibilité, ce qui n'est pas donné, ça n'arrive pas tout le temps. Et ensuite, il y a l'appel et ensuite éventuellement une cassation. Mais l'inéligibilité sera quoi qu'il arrive, si elle a été prononcée, mise effective, sauf si l'appel n'est pas suspensif.
47:53Est-ce que ça pourrait faire monter Jordan Bardella à la place de Marine Le Pen ?
47:57D'une certaine manière, Jordan Bardella est déjà à une place qui a tenu Marine Le Pen. Il est officiellement, en tout cas, le président du Ration national. On sait qu'en réalité, Marine Le Pen continue à diriger ce parti, à lui donner son impulsion politique et à décider de sa stratégie.
48:16Jordan Bardella, on a vu aussi depuis plusieurs années qu'il n'était pas autre chose qu'un porte-parole un peu plus plus du parti d'extrême droite. On a vu aux dernières élections législatives que le costume qu'on essayait de lui donner de premier ministre potentiel était bien trop grand pour lui.
48:34Ensuite, oui, d'une certaine manière assez virtuelle, Jordan Bardella pourrait s'imaginer qu'il pourrait être le prochain candidat naturel du Ration national si Marine Le Pen était empêchée de participer à la présidentielle 2027. Mais il ne faut pas oublier deux choses dans l'histoire du Front national.
48:51Le numéro 2 n'est pas censé diriger le parti. Le numéro 2 est fait pour aider à faire monter le numéro 1. Ça a été le cas dans l'histoire. Florian Philippot était numéro 2. Il a aidé à faire monter Marine Le Pen. Bruno Gollnisch a été numéro 2. Il a aidé à faire monter Jean-Marie Le Pen. Jordan Bardella est numéro 2. Il aide à faire monter Marine Le Pen.
49:12Mais les dauphins, comme a toujours dit Jean-Marie Le Pen, sont amenés à s'échouer et ne pas aller beaucoup plus loin. Donc, moi, j'ai du mal à croire que Jordan Bardella pourrait être le candidat naturel du Ration national en 2027. Et pour une dernière raison, c'est que c'est un parti qui a été créé par Jean-Marie Le Pen, qui est une PME familiale depuis sa création et qu'il n'est pas question non plus de donner les clés à quelqu'un qui ne fait pas partie de la famille Le Pen.
49:41Du coup, si Marine Le Pen est inéligible, qui va se présenter?
49:47Je ne sais pas. Je ne sais pas.
49:50On verra. Merci beaucoup, Tristan, pour ce stream.

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