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Au théâtre Chariot, depuis le 7 octobre 2024 jusqu’au 29 octobre 2024, la comédienne Nadège-Beausson Diagne se raconte dans un seule en scène puissant nommé “Mon corps est une révolution”. Musique, chant, slam, danse… L’actrice, militante et anti-raciste, a décidé de se réapproprier son corps violenté.

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Transcription
00:00Et cette histoire de domination, il faut la casser.
00:02Et arrêter aussi de dire,
00:03« Ah, la parole se libère ! »
00:04Alors pardon, parce que ça fait très très longtemps qu'on parle.
00:06C'est vous, enlevez vos bouchons de vos oreilles.
00:08C'est l'écoute qui doit se libérer.
00:12Bonjour, je suis Nadej Boussandiagne
00:15et je suis venue vous parler de mon seul en scène,
00:17mon premier seul en scène,
00:19qui s'appelle « Mon corps est une révolution ».
00:20Alors « Mon corps est une révolution »,
00:22c'est le premier spectacle que j'ai écrit,
00:26dans lequel il y a du chant, de la danse, du slam.
00:30J'ai mis en scène,
00:31il y a mon mari qui a fait les arrangements de mes morceaux
00:34et qui m'accompagne aussi,
00:35Geoffroy Tékayan, qui est musicien.
00:37En fait, ce seul en scène, il est né d'une urgence,
00:39une urgence de me raconter,
00:41parce que j'étais en mesure de le faire
00:42et que les violences dont j'ai été victime,
00:45les violences sexuelles, le racisme et le sexisme,
00:47d'en faire un objet artistique et un objet politique.
00:50C'est un long chemin pour arriver là.
00:54J'ai d'abord fait le travail
00:55pour avoir une vraie distance
00:57avec les horreurs dont j'étais victime.
00:58Et donc c'est pour ça que je peux me raconter
01:00et que je peux chanter et danser
01:02et dire des choses qui sont extrêmement violentes.
01:04En fait, j'ai été victime de violences sexuelles
01:06nourrisson,
01:09enfant,
01:10adolescente,
01:12adulte.
01:12Et je ne suis pas morte.
01:14Et j'aurais pu être morte.
01:16J'ai fait des tentatives de suicide.
01:17J'ai fait tout ce qui est possible à peu près.
01:21Comme psychotraumatisme, j'ai eu vraiment tout en fait.
01:24L'anorexie, la boulimie, le dégoût de moi-même,
01:27les moments de dépression, j'en parle en spectacle,
01:29où je ne peux pas sortir de mon putain de canapé en fait.
01:32Et j'ai réussi à m'en sortir avec le travail,
01:34avec l'entourage, etc.
01:36Je suis debout et mon corps est une révolution,
01:38ça veut dire, ben voyez,
01:40je suis là, je suis debout
01:42et je ne vais plus jamais fermer ma bouche.
01:45Mais pour que vous, la société,
01:47elle entende les violences qu'elle produit,
01:50premièrement,
01:51et pour que vous, victime ou pas,
01:53vous puissiez aussi venir faire la révolution avec moi.
01:56Et ben cette révolution, c'est ça,
01:58c'est je me suis réapproprié mon corps,
02:00je peux raconter maintenant, aujourd'hui.
02:02J'ai mis du temps, il n'y a pas d'injonction,
02:04on fait ce qu'on peut.
02:05Je peux raconter maintenant, aujourd'hui.
02:07Je suis tellement heureuse
02:09et vous savez surtout quoi ?
02:10Je suis fière de moi.
02:12Et ça, ce n'est pas évident.
02:13J'ai mis du temps, pardon.
02:15J'étais tellement encombrée dans mes traumas,
02:19je me suis fait tellement de mal,
02:21on m'a fait tellement de mal,
02:23je m'en suis tellement voulue
02:24de ne pas avoir réussi à m'en sauver.
02:26En fait, je suis une femme noire
02:29qui a été victime de violences sexuelles.
02:32Et je parle effectivement de toutes ces oppressions-là
02:36qui ne sont pas le fruit du hasard en fait.
02:38Ces oppressions, elles existent dans notre société capitaliste
02:43parce que c'est une histoire de domination.
02:45Maintenant, avec tout ce qui s'est passé aujourd'hui,
02:47on est encore,
02:48moi je suis encore victime de ces oppressions.
02:50C'est Spike Lee qui dit,
02:51femme et noire, la double peine.
02:53Totalement.
02:54Là, j'en parle dans le spectacle au niveau poétique,
02:57mais j'avais aussi envie
02:58et je reçois des messages
02:59notamment de jeunes femmes noires et métisses
03:01qui me disent merci.
03:03Et c'est vrai que malheureusement,
03:05les femmes noires ont été, et racisées,
03:07ont été écartées en fait de ce débat-là.
03:10Et moi, je viens de nous remettre au centre de l'histoire
03:13et de dire, eh bien voilà,
03:15vous avez été victime de ça, de ça, de ça.
03:17Je suis victime de ça, de ça, de ça.
03:19C'est pas le fruit du hasard.
03:21On sait pourquoi.
03:22C'est une histoire de domination.
03:23Cette histoire de domination, il faut la casser
03:25et arrêter aussi de dire,
03:27ah, la parole se libère.
03:28Alors pardon, parce que ça fait très très longtemps qu'on parle.
03:30C'est vous, enlevez vos bouchons de vos oreilles.
03:33C'est l'écoute qui doit se libérer.
03:35Donc, ce que je peux vous dire,
03:36si vous avez envie de vous raconter,
03:39si vous avez peur de vous raconter,
03:44n'écoutez pas la petite voix intérieure.
03:46Nos paroles, elles sont indispensables.
03:48Je vois là combien ça fait du bien.
03:52Les gens me disent, mais merci, etc.
03:54Donc moi, j'encourage, je suis pour la transmission.
03:56Doutez pas de vous, je vous en supplie, doutez pas de vous.
03:58Et après, vous allez voir,
04:00moi je vous assure, depuis que j'ai fait ce spectacle,
04:03mais à l'intérieur de moi, une force que je ne connaissais pas.
04:06Ça fait 31 ans que je fais ce métier.
04:08Je n'avais jamais ressenti ça.

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