"D'un coup, je me suis rendu compte que le truc le plus important au monde, c'était d'être vivant quoi !"
En octobre 2023, l'actrice Émilie Dequenne annoncait publiquement être atteinte d'une forme rare de cancer.
Aujourd'hui, elle est à l'affiche de "Survivre", un film de Frédéric Jardin, qui fait étonnamment écho à son combat contre la maladie. De son retour au Festival de Cannes à son message d'espoir adressé aux malades et aux soignants, elle raconte à notre journaliste Cécile Guthleben son année passée.
En octobre 2023, l'actrice Émilie Dequenne annoncait publiquement être atteinte d'une forme rare de cancer.
Aujourd'hui, elle est à l'affiche de "Survivre", un film de Frédéric Jardin, qui fait étonnamment écho à son combat contre la maladie. De son retour au Festival de Cannes à son message d'espoir adressé aux malades et aux soignants, elle raconte à notre journaliste Cécile Guthleben son année passée.
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Court métrageTranscription
00:00On a tous une épée de Damoclès au-dessus de la tête,
00:02sauf que du jour au lendemain, moi je l'ai vue, la mienne.
00:05Et ça fait bizarre.
00:07C'est vraiment bizarre.
00:08D'autant que j'ai cru qu'elle allait tomber très vite.
00:10Bon, finalement,
00:13pas encore.
00:14La première question que j'ai envie de vous poser, c'est comment est-ce que ça va ?
00:17Ça va plutôt bien.
00:20J'ai des hauts, des petits bas,
00:21mais je me concentre sur les hauts.
00:24Non, ça va hyper bien en fait.
00:26Je viens de tourner,
00:27je fais la promotion d'un film que j'adore.
00:32Le fait de sortir du parcours hospitalier,
00:35c'est la plus belle chose qui pouvait m'arriver.
00:38Donc, je me concentre là-dessus.
00:41Justement, ce film, il s'appelle Survivre.
00:43Et je combats des crabes.
00:47Eh oui, c'est un truc de fou.
00:56Ils attaquent pour se nourrir.
01:01Je me vois
01:03avec cette arme dégommée des crabes.
01:06Je me dis, putain, c'est pas possible.
01:09C'est pas possible.
01:10La vie, elle est bizarre.
01:11J'ai découvert le film
01:14une fois malade.
01:16Avant, je l'ai tourné,
01:17j'avais aucune idée de ce qui m'arrivait.
01:21Ça m'a mis par terre.
01:23J'étais en pleurs.
01:24C'était le fait de vous voir avant
01:26ou c'était qu'est-ce qui vous a mis par terre ?
01:30Oui, le fait de me voir avant.
01:34Le fait de me dire que peut-être
01:35je ne ferai plus jamais un film comme ça.
01:36Peut-être, je dis bien peut-être.
01:39Parce qu'il faut une sacrée force physique.
01:43Et que là, je l'ai perdu.
01:45Les traitements que j'ai
01:48font qu'il y a des choses
01:50que je suis moins capable de faire physiquement.
01:53Je ne me suis pas encore vraiment remise au sport.
01:55Tout ça, c'est difficile.
01:56Il y a un autre parallèle qui est saisissant, je trouve,
01:58entre votre personnage, ce film, votre parcours.
02:01Cette femme qui, tout d'un coup,
02:02est confrontée à quelque chose
02:03auquel elle ne pouvait pas s'attendre
02:05et qui est contrainte de déployer une force
02:08qu'elle ne se connaissait peut-être pas
02:10pour se sauver elle-même et sauver ses enfants.
02:15Ça, c'est sûr.
02:16Ça, c'est évident.
02:17Je vais essayer d'être la plus honnête possible.
02:20Je me retrouve aujourd'hui
02:22avec une maladie chronique, maintenant.
02:27Ce n'est pas seulement un cancer, mais une maladie chronique.
02:31On parle toujours de rémission,
02:33mais il n'y a pas jamais réellement de rémission.
02:37Ce que j'ai est ultra rare.
02:38Alors, j'ai la chance d'être suivie à Gustave Roussy,
02:41où ils font plein de recherches.
02:43Il y a un vrai pôle dédié aux corticosurénalomes
02:47qui touche la glande surrénale et pas le rein.
02:49Ça touche une à deux personnes
02:51sur un million par an dans le monde.
02:53C'est hyper rare et c'est hyper dur.
02:55Ça change la vie.
02:57Donc, il y a un moment donné où
03:00moi, je suis vraiment passée par un processus de deuil de ma santé,
03:03d'une certaine manière.
03:05Sauf que,
03:07il y a plein de gens qui
03:09perdent un membre, des membres,
03:12qui ont un diabète
03:14et qui vivent leur vie très bien malgré ça.
03:17Donc, c'est comme ça que j'ai décidé de le vivre.
03:22J'ai eu la chance de faire un métier que j'adore.
03:24Donc,
03:26quand je dis que je retravaille,
03:27je travaille et en même temps,
03:29je n'ai pas l'impression de travailler.
03:31Et au contraire, une fois que je tourne,
03:32là, je viens de tourner,
03:35j'ai tout oublié, je n'ai tellement pas l'impression de...
03:39Pour moi, il n'y a plus rien.
03:41J'ai des séquelles de ma chimio,
03:42j'ai des picotements dans les pieds, dans les mains et tout ça.
03:44Mais quand je suis occupée à faire ce que j'aime,
03:46je ne sens plus rien.
03:47On vous a revu officiellement pour la première fois à Cannes,
03:51de vous voir à Cannes avec vos petits cheveux qui repoussaient.
03:55Ça m'a bouleversée parce que je n'ai pas été capable de faire ça moi.
03:57C'était évident pour vous de ne pas vous couvrir la tête ?
04:01Ah bah oui, j'avais des cheveux quand même.
04:03Il n'y en avait pas beaucoup,
04:04mais il n'y en a toujours pas énormément.
04:07Mais il y en a de plus en plus.
04:10Ah, et puis je m'en fous en fait.
04:12J'ai toujours beaucoup souffert de mon apparence physique.
04:16J'ai toujours été très dure avec moi-même.
04:18Je me suis toujours trouvée trop ci, pas assez ça.
04:22Surtout avec le poids et tout ça.
04:24Une sorte de diktat un peu compliqué.
04:26Et je suis la première à avoir souffert de ça,
04:28à m'être privée genre zéro sucre, zéro gras, zéro machin, j'ai tout fait.
04:35J'ai vraiment toujours été hyper, hyper dure.
04:40Je me suis toujours trouvée vraiment pas assez ça ou trop ça.
04:44Je me suis toujours comparée aux uns, aux autres.
04:47Vraiment, pour être honnête, ça a toujours été une vraie difficulté.
04:51J'ai l'impression d'être chez mon psy.
04:56Justement, je suis en train de revivre une séance chez mon psy.
05:04Et d'un coup, je me suis rendue compte que le truc le plus important au monde,
05:08c'était d'être vivant.
05:10Donc je m'en fous de mon poids, de mes cheveux.
05:13J'étais heureuse de monter les marches, d'être là 25 ans plus tard.
05:22Et aussi, effectivement, pour les personnes et les personnes malades
05:26et les personnes qui sont proches de personnes malades.
05:30Je trouve que c'était une forme de message d'espoir.
05:34Alors après, j'ai lu plein de trucs, genre quel courage, quel truc.
05:37Rien de courage, j'étais invitée par le Festival de Cannes.
05:40On m'a habillée, coiffée, maquillée.
05:43Moi, je n'ai pas trouvé que c'était très courageux de me montrer avec mes cheveux.
05:48Enfin, je n'ai rien vu de spécial.
05:51J'ai juste la chance d'avoir une visibilité plus forte que d'autres.
05:56Et donc, il doit y avoir plein de gens très courageux,
06:01mais à qui on ne donne pas la parole.
06:02Et si ça peut donner de la force à d'autres personnes,
06:09notamment d'autres femmes, parce que les cheveux et la féminité,
06:12c'est quand même étroitement lié,
06:14de retirer leur perruque plus tôt que prévu, tant mieux.
06:19Si ça leur donne l'espoir qu'on peut se faire belle
06:26en dépit de la maladie, tant mieux.
06:30L'idée, c'est de dire que chaque seconde est importante.
06:33Si je peux donner ce message-là aux gens,
06:35qui est de vivre chaque seconde à fond,
06:40tant mieux.
06:42C'est tout ce que je voulais faire, en fait.