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GRAND DÉBAT / Dérive budgétaire : à la recherche des responsables...

« Le récap » par Marco Paumier

Selon les prévisions du gouvernement, le déficit public devrait atteindre 6,1% du PIB en 2024. Ce chiffre est largement supérieur à l'objectif initial de 4,4% du PIB, et plus encore au seuil des 3% fixé par l'Union Européenne. Nombre de médias et d'analystes économiques évoquent donc une dérive budgétaire et cherchent un responsable. Faut-il incriminer Bruno Le Maire qui a dirigé le ministère de l'économie dès le début du premier mandat d'Emmanuel Macron ? D'après une enquête de France 2, il aurait été prévenu du dérapage des comptes publics à trois reprises par son administration mais ne l'aurait pas suffisamment pris en compte. Pour éclaircir ces points, la commission des finances de l'Assemblée nationale va se transformer en commission d'enquête. Elle pourra ainsi officiellement convoquer les principaux acteurs économiques pour une audition. Quelles seront ses conclusions ?

Invités :
- Charles Sitzenstuhl, député « Ensemble pour la République » du Bas-Rhin,
- Damien Maudet, député LFI de Haute-Vienne,
- Charles Alloncle, député « Union des Droites pour la République » de l'Hérault,
- François-Xavier Bourmaud, journaliste à « L'Opinion »,
- En Skype : François Geerolf, économiste à l'OFCE.

INTERVIEW FRANC PARLER / Sandrine Rousseau : « Ce qui nous porte », ou la tentation de l'optimisme...

Dans son livre « Ce qui nous porte - Comment nous pouvons éviter la catastrophe », Sandrine Rousseau appelle la gauche à sortir de la matrice des Trente Glorieuses dans l'optique de consolider un nouveau modèle économique centré autour de l'écologie. Selon la députée, l'échec du Nouveau Front Populaire dans la course à Matignon s'explique par son programme concentré sur la croissance économique datant des Trente Glorieuses, un point qui ne lui a pas permis de se distinguer du RN. En pointant du doigt un système libéral obsolète, elle aborde également les dégâts sociaux et psychiques que provoquent ces politiques qui préservent un modèle productiviste. Comment construire un nouvel imaginaire collectif respectueux de l'environnement et tout aussi attractif économiquement ?

Grande invitée : Sandrine Rousseau, députée écologiste de Paris et autrice de « Ce qui nous porte » (Seuil)

LA QUESTION QUI FÂCHE / La voiture électrique conduit-elle les constructeurs droit dans le mur ?

- Fanny Guinochet, journaliste économique à « La Tribune » et à « France Info »,
- Léa Falco, co-fondatrice de « Construire l'écologie ».

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00Générique
00:02...
00:05Bonsoir et bienvenue dans Ça vous regarde.
00:07A la une, ce soir, ce trou de 50 milliards d'euros
00:10dans les caisses de l'Etat, qui est responsable ?
00:13Comment en est-on arrivé là ?
00:15La commission des finances de l'Assemblée
00:17a décidé d'enquêter sur ce dérapage budgétaire.
00:20On essaiera de reconstituer le fil des événements
00:23pour comprendre ce qu'il s'est passé au sommet de l'Etat.
00:26Notre rubrique Franc-parler,
00:27nous serons avec Sandrine Rousseau, la députée écologiste de Paris.
00:31On est convaincus, la société française
00:33est prête à prendre le virage écologique et social.
00:36En revanche, la gauche doit encore changer son logiciel.
00:39Elle nous expliquera pourquoi.
00:41Enfin, la question qui fâche ce soir,
00:43la voiture électrique conduit-elle les constructeurs
00:46droit dans le mur ?
00:47Est-ce qu'on est allé trop vite vers le tout électrique ?
00:50Léa Falco et Fanny Guinochet en débattent à la fin de l'émission.
00:53Voilà pour le sommaire. C'est parti pour Ça vous regarde.
00:56SOUS-TITRAGE ST' 501
01:07Bercy avait prévu un déficit de 4,4 % du PIB pour cette année.
01:12Ce sera finalement 6,1 %.
01:14Il manque 50 milliards d'euros dans les caisses de l'Etat.
01:17Que s'est-il passé ? C'est pour faire la lumière
01:20que cette commission d'enquête a été créée par la Commission des Finances,
01:24présidée par Eric Coquerel,
01:25avec comme co-rapporteur Eric Ciotti, pour le groupe UDR,
01:28et Mathieu Lefebvre, pour Ensemble pour la République.
01:31Pour débattre, nous sommes avec trois députés,
01:34deux membres de la Commission des Finances,
01:36un des Affaires économiques, et un journaliste
01:39qui a tenté de démêler le vrai du faux,
01:41François-Xavier Bourmeau.
01:42Vous co-signez la une du journal L'Opinion, ce matin,
01:45avec cette question dérive budgétaire.
01:48Bruno Le Maire est-il coupable ? On verra ce que vous en pensez.
01:51Charles-Hitzenstuhl, bonsoir.
01:53Vous êtes député Ensemble pour la République,
01:55élu dans le Barin, et vous avez été conseiller politique
01:58de Bruno Le Maire à Bercy pendant 4 ans.
02:00C'est sa 1re mandat d'Emmanuel Macron.
02:03Vous échangez régulièrement avec lui.
02:05Charles Alloncle, bonsoir.
02:06Vous êtes député UDR de l'Hérault.
02:09L'UDR, je le rappelle, c'est le parti
02:11créé par Eric Ciotti après son départ des Républicains.
02:14Enfin, Damien Maudet, bonsoir.
02:15Vous êtes député La France insoumise,
02:18élu de la Haute-Vienne.
02:19On va commencer par le récap de Marco Pommier.
02:23Musique rythmée
02:26...
02:32Bonsoir, Marco.
02:34On est dans le 1er acte de cette séquence budgétaire
02:37à l'Assemblée, la Commission des finances,
02:39qui se transforme en commission d'enquête.
02:41C'est assez rare pour le souligner.
02:43C'est même une 1re pour la Commission des finances.
02:46Les députés de cette instance ont voté il y a moins de 2 heures.
02:50A l'unanimité, la Commission des finances
02:53a décidé de demander à la présidente de l'Assemblée
02:56de lui donner les prérogatives de commission d'enquête.
03:00Je vous dis le titre, parce qu'il est assez précis.
03:03L'examen des causes et la recherche de ces causes
03:07dans la variation et les écarts des prévisions fiscales
03:10et budgétaires des administrations publiques
03:12sur les années 2023-2024.
03:14Bon, je sens que je vais être tous perdu sur ce plateau.
03:17C'est dommage, en début de chronique.
03:19On va parler du dérapage des finances publiques
03:22en 2023 et 2024, car les comptes sont dans le rouge.
03:26Le déficit devrait atteindre 6,1 % du PIB cette année,
03:31un chiffre largement supérieur au seuil des 3 %
03:34fixés par l'Union européenne,
03:36bien supérieur aussi aux prévisions de l'ancien gouvernement,
03:40qui avait prévu de ramener le déficit à 4,4 % du PIB.
03:44Ca fait une différence de 50 milliards d'euros.
03:47Pourtant, il y a eu plusieurs notes de Bercy assez alarmantes.
03:51Oui, une enquête de France 2 révèle que l'administration
03:55avait prévenu le cabinet de Bruno Le Maire,
03:58ancien ministre de l'Economie, à trois reprises au moins.
04:01Début 2024, une note confidentielle mentionne un déficit
04:05qui atteindrait 5,7 % du PIB,
04:09très loin, donc, de l'objectif des 4,4 %.
04:12Toute la question est de savoir si le gouvernement a tardé à réagir,
04:16en tout cas, dès son arrivée à Matignon.
04:19Michel Barnier parle de situations budgétaires très graves.
04:23Hier, dans l'hémicycle, sans surprise,
04:25il a dit oui à cette commission d'enquête.
04:28Une commission d'enquête qui devra déterminer les chiffres,
04:31les faits, la vérité, la dire aux Français.
04:34Aussi longtemps que je serai à ce banc,
04:36comme le Premier ministre,
04:38je m'en tiendrai aux faits, aux chiffres,
04:40et je dirai la vérité.
04:42Qui est responsable de cette dérive budgétaire, Marco ?
04:46Je peux vous dire que la liste des suspects était simple à faire.
04:50D'abord, Gabriel Attal, c'est l'ancien Premier ministre.
04:53Elisabeth Borne a suggéré ce coupable, ce week-end,
04:56avec bienveillance, bien sûr.
04:58Petit tacle dans Varmatin,
05:00on voit que les finances publiques se sont dégradées ces six derniers mois.
05:04Attal dit, parole à la défense.
05:07La première chose que j'ai faite face à l'État budgétaire de notre pays,
05:10c'est de prendre un décret pour annuler 10 milliards d'euros
05:13de crédit budgétaire en cours d'année.
05:14Ensuite, tout au long de l'année, j'ai gelé 17 milliards d'euros de crédit.
05:18En huit mois, 40 milliards d'euros d'économies identifiées ou réalisées.
05:22Je ne suis pas certain, quand on regarde dans le passé,
05:25il y a eu un tel bilan en matière d'économie sur un temps si court.
05:28Autre suspect, Clément, Bruno Le Maire,
05:30à la tête du ministère de l'Économie.
05:32Pendant sept ans, Le Maire est-il coupable ?
05:35L'ancien patron de Bercy qui avait pourtant réclamé, au printemps,
05:39un projet de loi de finances rectificative
05:42pour corriger les grands équilibres du budget.
05:44Demande refusée par l'Elysée et Matignon.
05:48Aujourd'hui, l'intéressé joue la carte de la transparence.
05:51S'il y a des questions à me poser,
05:53j'y répondrai avec beaucoup de sérénité et beaucoup de clarté
05:58devant les représentants du peuple français.
06:00Il reste un suspect, Clément, un homme dans le viseur de l'opposition.
06:05Il s'appelle bien sûr Emmanuel Macron,
06:07mais lui ne pourra pas être auditionné par cette commission d'enquête
06:10au nom de la séparation des pouvoirs.
06:12Merci beaucoup, Marco Pommier.
06:14Alors, quand on voit les notes de Bercy,
06:17qui ont tenté d'alerter à plusieurs reprises,
06:20il y a deux possibilités.
06:22Soit il y a eu une dissimulation de la situation,
06:26c'est ce que pense, a priori,
06:27le rapporteur général du budget, Charles de Courson.
06:30Soit il y a eu une forme d'aveuglement politique.
06:32C'est l'autre option qui a été évoquée par Eric Coquerel.
06:35On va commencer par vous, François-Xavier Bourbon,
06:38avec votre regard de journaliste,
06:40vous qui avez recueilli la version des uns et des autres
06:43dans cette affaire. Qu'en pensez-vous ?
06:45Les premières alertes, il faut souligner
06:48qu'elles sont assorties de mises en garde,
06:50expliquant qu'il ne fallait pas les rendre publiques tout de suite,
06:53car les modèles de calcul n'étaient pas stabilisés,
06:56mais qu'il y avait un risque qui pesait
06:58sans qu'il soit avéré.
07:00Plus on avance dans le temps, plus le risque se confirme
07:04et, effectivement, il apparaît
07:06que le dérapage des finances publiques se confirme.
07:10Il faut replacer ça aussi dans une perspective de long terme,
07:13en partant de la crise du Covid,
07:15où tout ce qui a été fait sur le quoi qu'il en coûte,
07:18par Bercy, pour maintenir l'économie française
07:22en état de vie, en fait,
07:25pendant cette crise sanitaire,
07:27a créé une sorte d'accoutumance à la dépense publique
07:30qui a continué à se diffuser assez longtemps après
07:34et on peut vraisemblablement dater le début,
07:38le moment où toutes les digues du sérieux budgétaire
07:41commencent à lâcher, vers fin 2022, début 2023,
07:46où les premières alertes de Bruno Le Maire
07:48commencent à être émises, mais ne sont pas écoutées.
07:52-"Pas écoutées", par qui ?
07:54-"Par le président de la République,
07:56pour commencer, par la majorité aussi,
07:59parce qu'il y a une conviction qui est ancrée depuis 2017,
08:03que la politique de l'offre va produire des effets.
08:06-"Politique de l'offre", c'est favoriser les entreprises,
08:10les aider à être plus compétitives,
08:12donc réduire leurs impôts ou leurs charges ?
08:14-"L'idée derrière, c'est toujours, en se comportant à l'Allemagne,
08:18il y avait cette phrase qui revenait tout le temps,
08:21que ce soit chez Bruno Le Maire ou Emmanuel Macron,
08:24si on avait le même taux d'activité que l'Allemagne,
08:26on n'aurait pas de finance publique.
08:29Cette idée-là imprègne et pousse aussi à la dépense,
08:31avec un président de la République qui ouvre un peu les vannes
08:35et un ministre de l'Economie qui essaie de résister,
08:39mais pour tout un tas de raisons, ne résiste pas tant que ça.
08:43-"Damien Maudet,
08:44quel regard vous portez, vous,
08:46sur ce qu'on découvre un peu aujourd'hui, nous ?
08:49-"La question est de savoir s'il y a eu dissimulation
08:52ou aveuglement. On a le sentiment qu'il y a eu des deux,
08:55avec des notes que Bruno Le Maire aurait ignorées,
08:58mais il n'y avait pas besoin d'attendre
09:00pour le savoir.
09:01Moi, je crois qu'aussi loin que je me souvienne,
09:04depuis 2022, et je suis élu à la Commission des finances,
09:07on a eu le Haut conseil des finances publiques
09:09et Pierre Moscovici qui disaient que les estimations
09:12étaient trop optimistes. Ils disaient aussi
09:15que nous allions manquer de recettes,
09:17parce qu'effectivement, depuis 2017,
09:19nous avons un président de la République
09:21avec son ministre de l'Economie qui n'ont fait que baisser les recettes.
09:25Pierre Moscovici dit qu'il nous manque 60 milliards d'euros
09:28et que nous aurions perdu ce que M. Barnier essaie d'économiser.
09:32Je crois que le problème est ici,
09:34mais il y avait les notes qui ont été vues par Bruno Le Maire
09:37et qu'il a ignorées, mais c'était même public.
09:39On a alerté plusieurs fois quand le Haut conseil des finances
09:43vient dire que c'est trop optimiste,
09:45qu'on alerte les ministres et le président de la République
09:48et dans une espèce d'autosatisfaction,
09:50nous disent que nous avons tort.
09:52Aujourd'hui, ils nous ont amenés dans cette situation catastrophique
09:57Charles Alloncle, on a un regard à postériori,
09:59c'est facile de porter un jugement comme ça après coup.
10:02Vu la tonalité des notes de Bercy,
10:04vous pensez qu'il aurait fallu corriger le tir,
10:07faire un projet de loi de finances rectificative,
10:09comme on appelle cela à l'Assemblée ?
10:11Ce qui m'étonne, c'est que la toute première note
10:14qui est arrivée sur le bureau de Bruno Le Maire
10:17en tant que ministre de l'Economie, elle date du 7 décembre 2023,
10:20où elle émane de la direction du Trésor,
10:23qui lui explique qu'en fait,
10:24le déficit ne sera pas à 4,4, mais autour de 5,2,
10:28et déjà, Bruno Le Maire décide de ne pas se saisir
10:31et de ne pas communiquer sur cette note.
10:34Ensuite, en janvier,
10:35ce n'est pas moins de trois notes qui sont communiquées
10:38par cette même direction du Trésor,
10:4019 janvier, 24 janvier, 16 février,
10:43enfin, pardon, 16 février, oui,
10:46pour arriver à un déficit estimé à 5,7 %.
10:50Donc, en l'espace de deux mois,
10:52on a pris plus de 35 milliards d'écarts
10:55quant aux prévisions.
10:5735 milliards pour que les Français se saisissent du sujet,
11:00c'est à peu près l'équivalent du budget du ministère de l'Intérieur.
11:04Il fallait faire quoi, à ce moment-là ?
11:06Vous êtes ministre de l'Economie,
11:08vous avez une telle responsabilité,
11:10la responsabilité que Bruno Le Maire a,
11:12c'est un devoir de vérité, c'est expliquer aux Français
11:16qu'il y a une dérive par rapport aux estimations.
11:18C'est un premier point.
11:20Ensuite, il semblerait qu'il y ait eu une confusion
11:22entre le ministre de l'Economie, Matignon et l'Elysée.
11:25Une confusion ?
11:27A la défense de Bruno Le Maire, il a réclamé,
11:29et vous serez, je pense, à même d'en dire davantage,
11:32il a réclamé un projet de loi de finances rectificatif
11:35qui, semble-t-il, lui a été refusé par Matignon et l'Elysée,
11:39qui semblait que ce n'était pas le moment opportun
11:41pour mettre le sujet sur la table.
11:43Tout ça pour dire qu'à l'évidence,
11:45je pense qu'il y a eu une forme d'amateurisme
11:48qui pourrait même se rapprocher d'une dissimulation,
11:51puisque Bruno Le Maire, depuis le mois de décembre,
11:54était au courant de cette dérive.
11:56Après, on a vu la tonalité de la première note,
11:59qui était très prudente,
12:00qui disait qu'on ne pouvait pas l'affirmer avec certitude.
12:03Vous connaissez bien Bruno Le Maire.
12:06Pourquoi est-ce qu'il n'a pas communiqué
12:08plus tôt sur la situation des finances publiques ?
12:11Est-ce qu'il a vraiment tenté de corriger le tir,
12:13comme on le dit ?
12:14Je suis étonné dans ce que je viens d'entendre.
12:17Bruno Le Maire a toujours été
12:19d'une transparence totale sur ce sujet.
12:21Il a toujours tout dit et tout communiqué.
12:24Je suis membre de la Commission des finances depuis 2022.
12:27Que ce soit en commission à l'Assemblée nationale,
12:30dans l'hémicycle, dans les médias,
12:32où il s'exprimait très fréquemment comme ministre,
12:35il a alerté, dès le début de l'année 2024,
12:39sur les difficultés budgétaires inattendues.
12:43Inattendues que la France allait rencontrer.
12:47Pourquoi n'a-t-il pas été entendu ?
12:49Il propose, dès le mois de février,
12:52un projet de loi de finances rectificative
12:54pour l'année 2024, alors que le budget a été voté
12:59il y a quelques semaines.
13:01Il y a un débat politique à ce moment-là
13:03et Bruno Le Maire, en responsabilité,
13:05fait le travail et dit clairement qu'il doit corriger le tir.
13:08Qui a dit non à ce projet de loi de finances rectificative ?
13:12Il a perdu l'arbitrage.
13:14Ca, c'est joué à l'Elysée ?
13:16Il a perdu l'arbitrage.
13:18J'ai des souvenirs, quand même,
13:21de peu de soutien dans la classe politique française.
13:26J'entends, depuis quelques heures,
13:28les différents groupes d'opposition
13:30qui expliquent qu'ils étaient là pour soutenir rien.
13:34Moi, j'ai très peu de souvenirs,
13:35notamment des partis plutôt de droite,
13:38d'avoir un soutien très fort,
13:40c'est-à-dire des partis qui, normalement,
13:43sont là pour aider à la bonne gestion des finances publiques.
13:46Très peu sont allés soutenir Bruno Le Maire.
13:48D'ailleurs, les mêmes...
13:50Vous avez en tête Eric Ciotti.
13:52Bruno Le Maire avait tout mis sur la place publique.
13:55Il n'y a aucune dissimulation.
13:56A-t-il discuté avec lui de ce projet de loi de finances rectificative ?
14:00A-t-il demandé à la droite de voter ce texte ?
14:03Tout était public, enfin, pardon,
14:05dès le mois de février, dès le mois de mars.
14:08Tout est rendu public, il y a très peu de soutien.
14:10D'ailleurs, venant de personnes qui, un an avant,
14:13n'avaient pas soutenu la réforme des retraites,
14:16qui était aussi une mesure, d'ailleurs,
14:19pour la bonne gestion des finances publiques.
14:22Donc, il ne faut pas tordre la vérité à posteriori.
14:26Pour terminer, je trouve que cette commission d'enquête
14:29que nous avons installée, c'est une très bonne chose,
14:32parce que le ministre en charge, à l'époque, Bruno Le Maire,
14:37va pouvoir expliquer, il sera interrogé,
14:39et comme il l'a dit tout à l'heure dans notre reportage,
14:42il est très serein face aux questions qui lui seront posées.
14:46Il n'a jamais rien caché.
14:47Que répondez-vous à ce que disait, de quelques mots,
14:50François-Xavier Bourmeau sur le fait que lui et le reste du gouvernement
14:54ont trop cru dans la politique de l'offre,
14:56cette capacité à faire rentrer des recettes fiscales
14:59tout en baissant les impôts, notamment des entreprises ?
15:03Oui, mais je veux tordre le coup à cette idée
15:05que la politique de l'offre n'a pas fonctionné.
15:08Je ne parle pas en termes de création d'emplois...
15:10Je vais répondre sur les recettes, mais je vais dire deux choses.
15:14Pourquoi avons-nous fait cette politique de l'offre
15:17à partir de 2017 ? Pour baisser le chômage.
15:20Nous étions à 9,5 % de chômage en 2017.
15:23Nous sommes aujourd'hui un peu au-dessus de 7 %.
15:25Ce sont des résultats concrets, tangibles,
15:28de cette politique de l'offre.
15:30Au-dessus de nos voisins européens.
15:32Sur les recettes, contrairement à ce qui est dit
15:34par notre collègue, les recettes fiscales,
15:38n'ont pas baissé en France.
15:39Les recettes fiscales sont en augmentation constante.
15:43Ce n'est pas parce que le taux de certains impôts,
15:46notamment le taux de l'impôt sur les sociétés,
15:49a été baissé que les recettes fiscales ont baissé.
15:51Il y a une baisse.
15:52Il y a une bataille de chiffres.
15:54Les chiffres, je les ai.
15:56Les recettes fiscales nettes en France
15:59sont en augmentation constante depuis dix ans.
16:03Il y a eu une légère baisse l'année dernière,
16:06mais la courbe est croissante.
16:08On baisse le taux,
16:09mais puisque ça génère plus d'activités économiques,
16:12ça génère plus d'emplois, plus de croissance.
16:15Il y a plus d'impôts qui rentrent dans les caisses de l'Etat.
16:19La politique de l'offre a fonctionné.
16:21C'est pas avec moi que vous êtes en désaccord.
16:23C'est avec Emmanuel Macron.
16:25C'est lui qui, en avril 2024,
16:27dit qu'on a un problème de recettes,
16:29qu'on n'a pas un problème de dépenses,
16:31mais qu'on a un problème de recettes,
16:33qui nous a amenés vers cette perte de recettes.
16:35C'est pas avec moi que vous êtes en désaccord.
16:38C'est avec Pierre Moscovici, au Conseil des finances publiques,
16:41qui dit qu'entre 2008 et 2023,
16:43nous avons eu des pertes de recettes de 62 milliards.
16:46Aujourd'hui, on cherche à récupérer 60 milliards.
16:49C'est pas avec moi que vous êtes en désaccord,
16:51c'est même avec les vôtres,
16:53qui, eux, expliquent qu'il y a un manque de recettes,
16:56qu'il y a un manque de recettes criant.
16:58Il alerte à l'avenir en disant
16:59qu'on a des recettes trop peu dynamiques
17:02pour les temps à venir,
17:03parce que nous devons chercher plus d'argent.
17:06Je voudrais revenir sur ce que mon collègue vient de préciser.
17:09Je pense sincèrement que Bruno Le Maire
17:11a une forme de responsabilité dans tout ça,
17:14puisqu'il n'a eu de cesse, entre janvier et avril,
17:16de nous expliquer que la France tiendrait son objectif
17:19de 3 % de déficit en 2027.
17:21Lors des vœux qu'il a prononcés en janvier,
17:24il nous explique que l'objectif de déficit annoncé à 4-4
17:27serait tenu, et jusqu'en avril, il nous explique
17:30que la trajectoire serait tenue,
17:32en dépit de toutes les notes qui lui sont parvenues.
17:34Donc je pense honnêtement que c'est très facile
17:37d'exonérer rapidement Bruno Le Maire,
17:39qui a eu à disposition l'ensemble des notes
17:42de hauts fonctionnaires qui étaient accablantes à l'époque.
17:45François-Xavier Bourbeau,
17:47sur ce projet de loi de finances rectificatives,
17:49le veto est venu d'où ?
17:51De Matignon, de l'Elysée, et pourquoi ?
17:53Là, on entre vraiment dans le volet politique de l'histoire.
17:56Il ne faut pas oublier qu'au moment
17:58où ce projet de loi de finances est proposé,
18:01il y a une élection européenne qui arrive dans trois mois.
18:04Est-ce que le président de la République
18:06peut prendre le risque de faire examiner
18:08un projet de loi de finances rectificatives
18:11à l'Assemblée nationale, sachant qu'il peut prendre
18:14une motion de censure et voir le gouvernement chuter
18:17trois mois avant les élections ?
18:18Le risque politique est gigantesque.
18:21Est-ce que Bruno Le Maire peut, lui, considérer
18:23que ces avertissements n'étant pas entendus par l'Elysée,
18:26décider de démissionner, c'est exactement la même contrainte
18:30qu'un ministre de l'Economie qui quitte le gouvernement
18:33en pleine campagne électorale ?
18:35C'est impossible.
18:36Les deux, Bruno Le Maire et Emmanuel Macron,
18:39sont tenus, pris par cette contrainte électorale
18:43et vraisemblablement décident de temporiser.
18:46Cela dit, il y a...
18:47Vous l'auriez voté, vous ?
18:49Damien Maudet, honnêtement, vous l'auriez voté,
18:52cette loi de finances rectificatives,
18:54si, compte tenu de tout le dogme économique
18:56qui est mis en place depuis 2017, il y a assez peu de chances.
18:59Bruno Le Maire n'allait pas revenir sur tous les cadeaux fiscaux
19:03qu'il a pu faire, même si, à la fin de son passage au ministère,
19:06il a dit qu'il fallait s'attaquer au 1 % ou au 0,1 % le plus riche.
19:10Je suis désolé de vous couper, mais je trouve ça très grave
19:13de nous dire qu'il y avait une élection
19:15et que ce n'était pas possible.
19:17Je précise que je veux dire par temporiser,
19:19c'est se contenter des 10 milliards de suspensions
19:22et de ne pas révéler les notes qui lui étaient parvenues en juillet.
19:26Il a attendu septembre pour révéler les notes
19:28encore plus accablantes sur le dérapage.
19:31On voit bien que, pendant la période électorale,
19:34la consigne venant de l'Elysée et de Matignon était donnée
19:37de ne pas parler du dérapage du déficit
19:39et de ne pas donner des gages à cette demande d'audit
19:42des comptes publics qu'on exprimait lors de la campagne.
19:45Juste un autre point sur les...
19:47Vous vouliez répondre ?
19:49Je ne comprends pas ce que dit Charles Alloncle.
19:51...qu'on ait des désaccords, etc.
19:53Comment pouvez-vous dire que le gouvernement,
19:56Bruno Le Maire, a tout fait pour masquer,
19:58alors que, enfin, tout est documenté,
20:01tout est public ?
20:02Dès le début de 2024,
20:04il parle des problèmes que nous avons sur les finances publiques
20:07et, en février-mars 2024, il fait une offensive
20:10pour une loi de finances rectificative.
20:12Il perdra l'arbitrage.
20:14J'ajoute, parce que c'est important,
20:16ce sont des notes internes,
20:18mais les présidents des commissions des finances,
20:20les rapporteurs généraux du budget,
20:23ont accès à ces notes.
20:24Il n'y a eu aucune...
20:25Il n'y a pas eu de projet de loi de finances.
20:28On est peut-être un peu sur la technique
20:30de comment fonctionne l'Etat à l'intérieur,
20:33mais ce ne sont absolument pas des notes
20:35qui ont été distribuées cachées.
20:37Ce sont des notes internes.
20:38On va avancer dans le débat,
20:40parce que là, on a fait un peu le tour de la question.
20:43On a perdu six mois pour corriger...
20:45Si Éric Coquerel voulait avoir la note
20:48au mois de mars ou avril, l'aurait eu.
20:50C'est un peu gonflé,
20:51car quand il a voulu récupérer les documents budgétaires,
20:54on lui a refusé.
20:55C'est exactement ce qui est arrivé avec Charles de Courson.
20:58C'est pas pour faire l'avocat de Bruno Le Maire,
21:01mais les rats quittent le navire et personne n'a envie d'assumer
21:04ce bilan fiscal.
21:05Quand Elisabeth Borne tire sur Gabriel Attal,
21:08il va sans doute tirer sur Bruno Le Maire.
21:10Il y a une gêne totale sur la politique économique.
21:13Vous vous dites que vous en êtes fiers,
21:15mais personne ne veut l'assumer.
21:17On ne peut pas l'interroger,
21:19mais s'il y a un dénominateur commun entre tous, c'est lui.
21:22Il y a une question à laquelle cette commission d'enquête
21:26va chercher de répondre, c'est pourquoi une croissance donnée
21:30ne donne pas les recettes fiscales attendues.
21:33Sur ce sujet, il y a cette idée avancée par certains,
21:36notamment par Agnès Pannier-Runacher,
21:38que les modèles économiques utilisés par Bercy
21:40ne fonctionnent plus aussi bien qu'avant,
21:43qu'ils ne sont plus aussi précis.
21:45Ensuite, on va voir l'analyse d'un économiste.
21:48Je rappelle qu'un budget, c'est d'abord des recettes,
21:51et que les recettes, elles sont liées à l'économie.
21:54Donc, est-ce qu'on a eu une prévision de recettes
21:57qui était trop optimiste, ou est-ce qu'elle était conforme
22:00à ce qu'on pouvait attendre de nos modélisations ?
22:03Est-ce que nos modélisations ne fonctionnent plus ?
22:06Nous sommes en liaison vidéo avec François Girolf.
22:09Bonsoir.
22:10Monsieur, vous êtes économiste à l'OFCE.
22:12C'est vrai ce que dit Agnès Pannier-Runacher,
22:15ces fameux modèles qu'on fait tourner à Bercy
22:18ne sont plus aussi précis qu'avant le Covid ?
22:20Et si oui, pourquoi ?
22:22Oui, alors, effectivement, parce que la surprise,
22:25c'est pas tant que le gouvernement a été trop optimiste
22:28sur la croissance, pour une fois,
22:30puisque c'est un jeu assez traditionnel
22:32où les prévisions du gouvernement sont trop optimistes,
22:35c'est que, étant donné le niveau de la croissance,
22:38qui a été plutôt en ligne avec ce que le Trésor avait prévu,
22:41les recettes fiscales ont été très inférieures
22:44à ce qu'on aurait pu attendre en temps normal.
22:47Et donc, il y a plusieurs hypothèses.
22:49En fait, il faut se rappeler qu'en 2021 et en 2022,
22:52la surprise, ça avait été l'inverse.
22:54C'est-à-dire que les recettes avaient été particulièrement importantes
22:58étant donné le niveau, justement, de la croissance.
23:01Et ça avait surpris plutôt à la hausse.
23:03Et d'ailleurs, on s'était mis à parler,
23:05comme vous l'avez rappelé, d'un effet lafeur,
23:07comme on dit, c'est-à-dire quand on baisse les taux d'imposition,
23:11on a plus de recettes fiscales.
23:13Et c'est vrai qu'on entendait beaucoup de discussions,
23:16notamment du côté du gouvernement, assez triomphaliste,
23:19en disant que ça montre que notre politique de l'offre
23:22fonctionne tellement bien que quand on baisse les impôts,
23:25on augmente les recettes fiscales.
23:27Et en fait, ce dont on se rend compte en 2023 et 2024,
23:30c'est qu'on a eu tort sur cette hypothèse.
23:33Donc, en partie, on a surestimé l'effet de la politique de l'offre,
23:36son effet positif qu'elle pouvait avoir,
23:39mais aussi, on a sûrement mal prévu,
23:42dans une période quand même assez particulière,
23:45parce qu'on sortait du Covid,
23:47il y a eu l'inflation en 2022-2023.
23:49Donc, en fait, c'est autant de raisons
23:51pour lesquelles les modèles qui sont calibrés
23:53pour des moments où l'inflation est relativement faible
23:56échouent à prévoir ce qui se passe
23:59dans une période où on a plus d'inflation
24:01et où on a une reprise après le Covid.
24:03Donc, à la fois, les modèles,
24:06c'est normal qu'on les réévalue
24:08à la lumière de ce qui s'est passé,
24:10et en même temps, on peut comprendre
24:11pourquoi les modèles ont échoué
24:13dans des circonstances assez particulières.
24:16Vous évoquez l'inflation pour expliquer
24:18que ces modèles se soient déréglés.
24:20Est-ce aussi la composition nouvelle de la croissance ?
24:22On dit qu'elle vient davantage des exportations
24:25que de la consommation intérieure.
24:27Oui, tout à fait.
24:28Donc, une des surprises, effectivement,
24:30c'est qu'il n'y a pas eu de reprise de la consommation.
24:33Le taux d'épargne depuis 2017,
24:37depuis l'élection d'Emmanuel Macron,
24:39est quatre points au-dessus de ce qu'il était,
24:41ce qui veut dire que les ménages consomment relativement peu
24:44par rapport à leur niveau de revenu,
24:46et les économistes prévoyaient que ça reviendrait à la normale
24:50et que, par conséquent, la consommation permettrait
24:53de faire rentrer plus de recettes de TVA, par exemple.
24:56En fait, ce qu'on a observé,
24:58c'est que le pouvoir d'achat des ménages
25:00a plus baissé que ce qu'on anticipait.
25:02Peut-être aussi que le pouvoir d'achat a été réparti
25:05d'une manière plus inégale que ce qu'on attendait.
25:08En tout cas, la consommation a flanché
25:10et, du coup, les recettes de TVA ne sont pas rentrées.
25:13Merci, François Giraud, d'avoir été avec nous.
25:17Charles Zitzenstuhl,
25:18quand vous entendez cette analyse
25:20et ces explications de cet économiste,
25:23ne craignez-vous pas que la commission d'enquête
25:25fasse un peu le procès du macronisme
25:28et de ce qui a été un peu l'ADN de la politique économique
25:31d'Emmanuel Macron depuis 2017 ?
25:33Il y aura forcément des opposants qui auront envie de le faire.
25:36C'est le jeu. C'est aussi ça, la vie politique.
25:39Nous sommes une démocratie.
25:40Une commission d'enquête est menée par des députés,
25:43chacun sa sensibilité.
25:45En tout cas, on sera un certain nombre,
25:48j'en serai, à défendre notre bilan économique.
25:51Je sais qu'en ce moment,
25:53ça a du mal à percer le mur du son.
25:56Mais nous avons des résultats économiques,
26:00depuis 2017,
26:02dont nous pouvons être fiers.
26:03Le pays est sorti du chômage de masse.
26:05Euh...
26:07C'est votre seul argument.
26:08Nous avons...
26:09Les résultats sont moins bons que nos voisins européens.
26:12Les résultats sont moins bons que la moyenne.
26:15C'est le seul argument.
26:16Le chômage, c'est majeur.
26:18Nous sortons du chômage de masse.
26:20Nous avons baissé le chômage.
26:21Nous avons relancé l'industrie dans notre pays,
26:25alors que notre pays se désindustrialisait
26:28depuis 30 ans.
26:30La France est le premier pays en Europe,
26:32depuis maintenant cinq ou six ans,
26:34le plus attractif, avec des investissements concrets.
26:37Chez moi, en Alsace, on voit des usines
26:39qui s'installent, qui s'agrandissent.
26:42Des rachats d'actifs stratégiques.
26:44Ce sont des résultats...
26:45Ne parlez pas de tout en même temps, s'il vous plaît.
26:48Ce sont des résultats économiques
26:50que les gouvernements précédents,
26:52qu'ils soient de gauche et de droite,
26:54et j'étais dans un parti politique
26:56il y a quelques années, à l'UMP, etc.,
26:58ce sont des résultats économiques
27:00qui n'ont pas été obtenus par la gauche et la droite.
27:03Là, on a un problème budgétaire.
27:05Il va falloir comprendre pourquoi.
27:07Il y a aussi un sujet sur les modèles.
27:09Je ne reviendrai pas, mais ne jetons pas le bébé
27:11avec l'eau du bain.
27:13La politique économique fonctionne.
27:15Vous critiquez un peu ce qui a été fait,
27:17et en même temps, quand on regarde
27:19les propositions économiques d'Eric Ciotti,
27:21qui préside votre groupe politique,
27:23c'est avant tout de baisser les impôts,
27:26et notamment les impôts des entreprises.
27:28Vous laissez les impôts,
27:29mais parce que l'effort doit très majoritairement
27:32porter sur la baisse de la dépense publique,
27:35ce qui n'est pas annoncé par Michel Barnier
27:37à rebours des déclarations qu'il avait pu avoir
27:40devant la représentation nationale.
27:42Je voudrais réagir à ce que vous venez de dire.
27:45Il y a quelque chose qui m'insupporte
27:47depuis plusieurs mois, alors qu'Emmanuel Macron,
27:49son gouvernement et ceux qui ont participé
27:52ont subi trois revers électoraux en un mois
27:54entre les européennes et les deux tours des législatives,
27:57à percevoir et à subir cette forme de satisfaction,
28:00pour ne pas dire arrogance,
28:02du bloc central, du bloc macroniste,
28:04qui nous explique que le bilan économique
28:06est tellement formidable qu'on en arrive
28:08à une commission d'enquête sur les dérives
28:11des finances publiques et du budget.
28:13Je pense qu'il est temps de faire preuve d'humilité,
28:16je pense qu'il est temps de faire preuve de vérité,
28:19parce que c'est le sort du pays qui est en jeu.
28:21C'est le seul point sur lequel je voulais insister.
28:24Damien Maudet,
28:26j'aimerais qu'on aborde un autre thème.
28:29Pour réagir à ce que disait mon collègue
28:31du groupe EPR, franchement,
28:33je ne sais pas qui est-ce que vous allez convaincre.
28:36On dirait que vous dites à tout le monde
28:38que votre bilan est si formidable.
28:40Quel Français allez-vous voir qui va vous dire
28:43que c'est vrai que je vis mieux depuis 2017 ?
28:45Aujourd'hui, le nombre de soignants
28:47qui nous manque dans les hôpitaux...
28:49Vous êtes en train de faire le procès du macronisme.
28:52La vérité est là.
28:53On ne peut pas se dire qu'on a le meilleur bilan économique.
28:56Depuis 2017, la vérité, c'est même tout l'inverse.
28:59Une personne sur trois a du mal à nourrir ses enfants,
29:02une autre à soigner.
29:03Le bilan ne serait pas le bon et magnifique.
29:05J'aimerais vous entendre un peu tous sur cet argument
29:08avancé notamment par Ensemble pour la République,
29:11qui est de dire qu'une grande partie de ce dérapage budgétaire
29:15est imputable aux collectivités locales.
29:17Elle serait responsable d'un dérapage de 16 milliards d'euros.
29:21Expliquez-nous le pourquoi du comment.
29:23Bon, à chaque fois, c'est... J'ai compris le rôle dans ce débat.
29:26Je pense que vous faites référence aux 16 milliards d'euros
29:30qui figuraient dans un courrier de Bruno Le Maire et Thomas Cazeneuve,
29:34l'ancien ministre des Comptes publics,
29:36et qui était une note, en fait.
29:39On expliquait les risques qui pèsent sur le budget 2024.
29:44Il y avait un risque qui était identifié,
29:46c'est qu'il pourrait y avoir
29:49un surplus de dépenses des collectivités
29:51de l'ordre de 15, 16 milliards d'euros.
29:53Il y a eu un abcès de fixation sur ce débat.
29:56Il a eu lieu, ce dérapage ?
29:58Mais... Alors, c'était un...
30:00On verra, je dirais, à la fin de l'exercice 2024.
30:04Je tiens quand même à dire que la Cour des Comptes
30:07a confirmé, quand nous avons auditionné Pierre Moscovici,
30:10qu'il y avait des dépenses supplémentaires
30:13aux collectivités locales, notamment parce qu'on est en fin de mandat.
30:17Je prépare la prochaine campagne.
30:19On est très sollicité sur les inaugurations, en ce moment.
30:22C'est mon cas, parce que ce sont les projets lancés en 2020,
30:25par les nouvelles équipes municipales,
30:27qui arrivent maintenant à maturité.
30:29Il y a eu une augmentation, oui, un petit peu,
30:32mais il ne faut pas critiquer en soi l'action des collectivités,
30:35qui ont le droit d'investir,
30:37mais chacun doit participer à l'effort.
30:39D'ailleurs, Michel Barnier l'a dit.
30:41D'un mot, tous les deux, et après...
30:43C'est bien, je vois que le collègue essaie de rattraper
30:46l'avenir de Bruno Le Maire, où il avait fusillé
30:49sur la place publique toutes les collectivités.
30:51Aujourd'hui, il ne faut pas oublier
30:53qu'aux collectivités, on leur a enlevé
30:55un certain nombre de recettes.
30:57Si les collectivités doivent se serrer la ceinture,
31:00c'est tous les artisans, les entreprises,
31:02qui vont se retrouver en difficulté.
31:04C'est scandaleux de penser que ça vient de leur part, ce déficit.
31:08En deux mots, je pense que c'est absolument scandaleux
31:11de rejeter la faute sur les collectivités.
31:13Les collectivités, l'endettement des collectivités
31:16n'est pas résistable depuis 1995.
31:18Il faut quand même le rappeler.
31:20L'endettement des collectivités ne représente que 9 % du PIB,
31:23là où l'endettement de l'Etat est passé de 40 % à 89 %
31:28sur cette même période.
31:30Donc, la mère des réformes, la priorité,
31:32et c'est ce à quoi nous appelons, avec le groupe UDR
31:35et Eric Sweti, c'est de faire une réforme massive de l'Etat
31:38pour enfin mettre l'Etat face à sa responsabilité.
31:41D'un mot, François-Xavier Bourmeau,
31:43vous en attendez quoi, vous, de cette commission d'enquête ?
31:46De voir si elle aboutit aux mêmes conclusions
31:49qu'on a données dans l'opinion ce matin.
31:51Si vous avez eu les bonnes infos.
31:53Merci à tous les quatre d'être venus sur ce plateau.
31:55J'espère que nos téléspectateurs voient plus clair
31:58sur ce sujet assez complexe, assez technique.
32:01Suivez les travaux de cette commission d'enquête
32:03sur LCP et sur notre chaîne YouTube.
32:05Voilà pour le petit coup d'autopromo.
32:08Place à notre tête-à-tête quotidien, à présent,
32:10Franck Parley, avec, ce soir, une des figures
32:13de l'écologie politique à l'Assemblée,
32:15Sandrine Rousseau. Bonsoir.
32:17Vous venez de publier
32:18ce qui nous porte aux éditions du Seuil.
32:20Vous y livrez votre vision de la société
32:23et des défis que la gauche doit relever.
32:25On en parle dans un instant,
32:27juste après votre invitation, signée Marion Becker.
32:30Musique douce
32:31-"Si on vous invite, Sandrine Rousseau,
32:34c'est parce que vous avez décidé de proposer
32:36un nouveau modèle social.
32:38Vous exhortez la gauche à vous rejoindre
32:41et à se débarrasser du libéralisme.
32:43Dans ce qui nous porte, votre nouvel essai,
32:46vous appelez à déconstruire l'imaginaire
32:49des 30 glorieuses,
32:50cette période idéalisée,
32:52cette France fantasmée,
32:54que ce soit par la droite ou par la gauche.
32:57Vous racontez la croissance et la consommation
32:59à leur apogée, la France pavillonnaire
33:02qui sort de terre grâce à la voiture individuelle.
33:05J'achète, donc je suis."
33:07Mes grands-parents, puis mes parents,
33:09comme tant d'autres, font construire leur pavillon
33:12pendant les années 1980.
33:13Ils achètent un terrain à bâtir
33:16et ils choisissent une maison sur plan.
33:18Pour nombre d'entre nous,
33:20le pavillon devient le symbole du bonheur familial.
33:23Puis viennent le choc pétrolier, le chômage.
33:25Le modèle est en crise.
33:27Vous analysez alors comment la droite et surtout l'extrême droite
33:31se développent sur cette fracture
33:33et sur le sentiment de déclassement,
33:35comment elle diffuse le sentiment d'une société en guerre,
33:38les uns contre les autres.
33:40C'est à ce moment-là que la gauche recule, selon vous,
33:43et vous l'exhortez à suivre vos conseils
33:46pour sortir de cette crise, car tout n'est pas perdu.
33:50Etudes sociologiques à l'appui,
33:52vous estimez que la société est plus unique, on ne le pense.
33:56Autour du divorce, de l'avortement,
33:58de l'euthanasie et de l'homosexualité,
34:01la tolérance n'a cessé de croître.
34:03L'adhésion au libéralisme des mœurs
34:06a fortement progressé dans la société française.
34:09Dans cet essai, résolument optimiste,
34:12vous dénoncez la polarisation de la société.
34:15Pourtant, Sandrine Rousseau vous y avait sans doute participé,
34:19avec des phrases, des sorties médiatiques qui ont choqué.
34:22On a besoin de déviriliser la politique, oui.
34:26Oui, je le pose comme ça.
34:27Lâchez nos utérus.
34:30Nos ventres ne sont pas la variable d'ajustement
34:33de votre réforme des retraites.
34:36Aujourd'hui, dans ce qui nous porte,
34:38c'est une Sandrine Rousseau plus apaisée
34:41qui transparaît, une économiste,
34:43portée par les récents mouvements sociétaux et l'espoir.
34:48Bonsoir et bienvenue, Sandrine Rousseau.
34:50Vous êtes plus apaisée ?
34:52Comment vous résumez ça ?
34:54Je suis plus apaisée parce que ma rage reste présente.
34:58C'est une rage que ressentent beaucoup de personnes
35:01et que je porte aussi à l'Assemblée.
35:03Ce qui est sûr, c'est que vous êtes optimiste
35:06et que vous avez fait le choix de l'optimisme.
35:08C'est un bon choix, parce que ça ne va pas de soi
35:11quand on voit le tableau que vous dressez
35:13de notre paysage politique.
35:15Si on se lève le matin, on constate que tout va mal,
35:18c'est même très angoissant, c'est anxiogène.
35:21On a une chape de plomb sur la tête,
35:23on se sent très impuissant dans la situation.
35:26Comme je ressens ça, comme à peu près tout le monde,
35:28ou beaucoup de gens, en tous les cas,
35:31je me suis interrogée dans ce livre
35:33de savoir où on pouvait trouver des points d'appui
35:35pour transformer la société.
35:37Ce livre, c'est ça, c'est un livre économique, sociologique.
35:40C'est un livre que je fais aussi en tant que chercheuse.
35:44Sur où est-ce qu'on peut trouver des points d'appui ?
35:46Il y en a plein.
35:48-"La gauche a tourné la page des 30 glorieuses",
35:50à ne pas être nostalgique des 30 glorieuses,
35:53à renoncer à l'objectif de croissance économique,
35:56il faut accepter de produire moins de richesse
35:58ou de ne pas en produire plus, vous appelez ça la croissance,
36:01pas la décroissance.
36:03Qu'est-ce que ça implique pour la gauche ?
36:05Se fixer de nouveaux objectifs, renoncer à certains ?
36:08Je pense qu'il faut sortir de l'idée
36:10que notre modèle social tient uniquement
36:12au gain de productivité qu'on peut faire,
36:15à la croissance, parce que c'est ça qu'il y a derrière.
36:18Il faut le financer, ce modèle social.
36:20On doit repenser ce qui vient dans la sphère marchande
36:23et ce qui ne l'est pas.
36:24Surtout, la croissance, elle n'existe plus.
36:27Elle n'existe plus, de toute façon.
36:29On court après la croissance comme on court après le DAU,
36:32ça n'existe pas.
36:33Aujourd'hui, il n'y a plus de croissance.
36:36La question, c'est comment on comprend
36:39la limite planétaire qui nous est posée,
36:42parce qu'on le voit, il y a une alerte vigilance
36:45à inondations dans certains départements de France,
36:48il y a eu des événements extrêmes,
36:50en Floride, il y a eu plusieurs dizaines de morts.
36:53En fait, là, on est à la limite.
36:55Ce que nous avons à faire, maintenant,
36:57c'est un virage important, c'est renoncer
37:00à cette idée de puissance.
37:01Et ça, c'est, en fait, un virage très profond.
37:04Qu'entendez-vous par là, de volonté de puissance ?
37:06De puissance de maîtrise de la nature,
37:09de puissance dominatrice sur les autres,
37:11de puissance dominatrice par l'économie.
37:13Vous vous adressez à la gauche ?
37:15Oui, et je pense que le jour où la gauche
37:17accepte de renoncer à la croissance,
37:19sort de ce modèle-là et se dit
37:21comment nous assurons nos besoins fondamentaux,
37:24comment nous assurons nos services publics sans croissance,
37:27la gauche devient décroissante, je pense qu'elle gagne.
37:30Vous estimez qu'il y a un décalage
37:32entre la classe politique et la société française
37:35qui serait prête, selon vous, à prendre ce virage économique.
37:38Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?
37:40Toutes les enquêtes sociologiques, si on sort des sondages,
37:43vous savez que les sondages répondent au téléphone
37:46sur une question d'actualité,
37:48mais si on regarde les enquêtes sociologiques,
37:50qui sont un travail de recherche plus en profondeur
37:53avec les personnes selon des modalités
37:55qui sont des normes internationales,
37:58vous vous apercevez que la France est beaucoup plus unique.
38:01Il n'y paraît, le sexisme diminue, le racisme diminue,
38:05même s'il y a encore de bonnes résistances,
38:08mais enfin, quand même, il diminue,
38:10le rapport aux animaux est en train de changer,
38:13tout le monde fait des gestes écologiques.
38:15Ca, par exemple, ça a été, même pour moi, une surprise,
38:18c'est que si on regarde les enquêtes sociologiques,
38:21tous les Français font des gestes écologiques.
38:24On est prêts à ce changement-là.
38:26Ce qui manque, c'est les politiques publiques.
38:29Quand vous dites qu'il faut renoncer à la croissance,
38:31ça veut dire renoncer à devenir plus riche.
38:34Vous avez le sentiment que chaque Français est prêt à cela ?
38:38Ca veut pas dire ne pas devenir plus riche pour les plus pauvres,
38:41ça veut dire avoir beaucoup plus de capacités à vivre.
38:44Beaucoup plus de capacités à vivre.
38:46Il faut qu'on arrête de prendre la transformation écologique
38:50par il faut vous changer de voiture,
38:52mais la transformation écologique, c'est retrouver du temps,
38:55du temps pour soi, du temps pour soi,
38:58c'est-à-dire du temps en dehors des courses,
39:01du travail, du temps au travail,
39:04pour bien faire son travail, c'est retrouver du sens,
39:07c'est retrouver du lien, c'est retrouver de la solidarité,
39:11c'est retrouver des temps qui ne dépendent pas de l'argent,
39:15c'est retrouver, en fait, une forme de...
39:17Oui, j'ose ce mot, de bonheur, de bonheur,
39:21parce que ça n'est pas vrai,
39:23et toutes les études sociologiques le montrent,
39:25c'est qu'aujourd'hui, nous ne sommes pas heureux
39:28en nous levant, en courant pour aller au travail,
39:30ou en courant après le travail pour aller chercher le petit dernier,
39:34pour recourir, faire les devoirs, pour repartir.
39:37Tout ça n'a pas de sens.
39:38La question, c'est, on se pose, on réfléchit de quoi on a besoin.
39:42On a besoin de logement, de choses comme ça.
39:44Revenir à l'essentiel.
39:45Oui, mais à ce qu'il y a du sens, aussi.
39:48Là, je pense qu'on est en train de perdre le sens de tout.
39:51Vous insistez sur la polarisation de la société
39:53et vous pointez du doigt la classe politique.
39:56La classe politique doit cesser de capitaliser
39:58sur ce qui peut nous diviser.
40:00Qui divise aujourd'hui ? Qui polarise la société ?
40:03Je pense que l'extrême droite
40:07polarise énormément,
40:08et ces enquêtes sociologiques montrent
40:11qu'elle n'est pas en phase avec la société française.
40:14La question que l'on doit se poser, c'est pourquoi ils font ces scores-là
40:18alors même que ce qu'ils prônent n'est pas en phase avec la société ?
40:22L'hypothèse que je pose est qu'il y a une forme
40:25d'activation d'une nostalgie,
40:27la nostalgie de ces 30 Glorieuses,
40:29avec le pavillon, la voiture, la famille nucléaire,
40:33et que c'est cette nostalgie-là
40:35qui arrime une forme d'électorat au Rassemblement national.
40:40Il y a des idéologues de l'extrême droite,
40:42des gens racistes au RN,
40:44mais il y a aussi cette nostalgie.
40:46Je crois que là, on doit dire merci aux 30 Glorieuses
40:50pour ce que ça nous a amené,
40:52mais on doit passer à autre chose.
40:54Ce truc-là, c'est aussi une manière, je termine,
40:57d'amener les personnes qui ont vécu ces 30 Glorieuses,
41:00qui se sont sacrifiées, et de leur dire merci
41:02pour ce que vous avez fait.
41:04Dans ce livre, je dis merci à mes parents, à mes grands-parents,
41:08car je sais que je dois la position dans laquelle je suis
41:11grâce à ce qu'ils ont fait et au modèle auquel ils ont adhéré.
41:14C'est précisément parce que je leur dis merci
41:17que je peux leur dire qu'il faut changer.
41:19L'extrême-droite a une part de responsabilité, à vos yeux ?
41:25Dans la façon peut-être de mener le débat public ?
41:28On nous a beaucoup accusés de crier dans l'hémicycle,
41:31par exemple, mais je pense que l'extrême-droite
41:36peut avoir, avec un ton très calme et très douceureux,
41:39des idées d'une violence extrême.
41:41La question n'est pas l'éclat de voix,
41:43et moi, on m'a beaucoup reproché de cliver,
41:46mais la réalité, c'est que quand vous regardez...
41:48Par exemple, quand j'ai sorti le barbecue,
41:51près de 60 % des Français étaient d'accord avec moi.
41:54Quand j'ai sorti le droit à la paresse, c'était 70 %.
41:57Quand j'ai sorti même les tâches domestiques,
41:59le délit de tâches domestiques,
42:01près de 70 % des femmes étaient d'accord avec moi.
42:04Vous avez pensé à défendre vos idées différemment ?
42:07Je les défends de plein de manières différentes.
42:10Je les défends en allant sur le terrain,
42:12par des phrases un peu bousculantes,
42:14par des amendements, par des propositions de loi.
42:17Par exemple, quand j'ai présenté la loi sur l'indemnisation
42:20des personnes qui sont victimes de retrait gonflement des argiles,
42:24ces maisons qui se craquent sous les sécheresses
42:26et les inondations, eh bien, je l'ai eue à l'unanimité.
42:29Ma loi, elle a été votée à l'unanimité de l'hémicycle,
42:32moins six voix. Donc, vous voyez, en fait...
42:35Vous avez fait moins de bruit et obtenu plus de résultats.
42:38Non, j'ai pas fait moins de bruit.
42:40Je sais pas si les Français vous ont entendu.
42:42Non, je pense que... En fait, moi, j'essaye d'ouvrir des brèches,
42:46de faire comprendre des choses aux gens.
42:48De faire comprendre des choses aux gens.
42:51Quand on est installé dans un mode de pensée,
42:53des fois, ça surprend, ça choque et ça heurte,
42:56mais en fait, je remarque que derrière,
42:59ça travaille et que derrière, ça bouge.
43:01-"La gauche a se réapproprié la notion de fierté.
43:04En revanche, vous rejetez l'idée de fierté nationale. Pourquoi ?"
43:07Parce que la fierté, dans les Trente Glorieuses,
43:11parce qu'il faut faire un inventaire objectif
43:13de cette période-là...
43:15-"La fierté"... Oui, oui, je vous réponds.
43:17La fierté, c'est que...
43:18Ca a été revendiqué par la gauche et assumé pendant longtemps,
43:22cette fierté d'appartenir à une nation
43:24qui partage des valeurs communes, des objectifs communs ?
43:27La fierté, c'est que son enfant puisse réussir
43:30grâce à l'école publique. Sa fierté, c'est qu'on ait
43:32un hôpital de très bonne qualité juste à côté.
43:35C'est ça, la fierté.
43:36C'est pas être né sous trois couleurs.
43:38C'est pas être né sous trois couleurs.
43:40La fierté de la France, c'est la fierté de son modèle social,
43:43c'est des choix de sociétés que nous avons faits,
43:46de mettre en partage une partie de notre richesse
43:49pour permettre à tout le monde,
43:51c'est la chanson de L'Auvergnat de Brassens,
43:53pour permettre à tout le monde, y compris le plus fragile,
43:56de pouvoir rentrer dans un hôpital
43:58et de ne pas avoir de justifié de son revenu.
44:01C'est beau, comme projet.
44:02C'est beau. Cette France-là,
44:04ce projet social de la France, il est exceptionnel.
44:07Et c'est pas juste trois couleurs.
44:09Vous êtes fière d'être française ?
44:11Je suis absolument fière de la construction de notre société,
44:14oui, et je renonce à une fierté...
44:19bon marché, j'ai envie de dire,
44:20qui consiste à dire que vous êtes née sous un drapeau,
44:23mais à ne pas assumer l'histoire sociale de ce pays.
44:26Vous parlez aussi de vous, dans ce livre,
44:29vous évoquez les crises suicidaires
44:31qui ont traversé votre vie depuis votre adolescence.
44:33C'était au lendemain du premier tour des législatives,
44:36alors que vous veniez d'être élue dès le premier tour.
44:40Vous avez fait traverser cela, cette épreuve ?
44:43Je l'ai trouvée violente, ce climat politique,
44:45j'ai trouvé violente la dissolution,
44:48j'ai trouvé violent le résultat du premier tour
44:50où le Rassemblement national est arrivé en tête.
44:53Je ne reconnaissais pas la France,
44:55je me sentais impuissante à essayer de la transformer.
44:58Ce que j'ai voulu surtout dire par là,
45:00c'est qu'il y a 13 millions de Français
45:02qui souffrent psychiquement,
45:04que ce soit de dépression, de crise suicidaire,
45:07de pensée suicidaire, de bipolarité,
45:09de toutes les maladies psychiques qui peuvent exister,
45:12des troubles psychiques,
45:13et je voudrais leur dire, vous n'êtes pas seuls.
45:16Et je sais que le caractère anxiogène de la situation,
45:21quand on regarde notre inaction climatique,
45:23quand on regarde la situation internationale,
45:26des fois, on a tendance à retourner la violence
45:29contre soi-même, contre nous-mêmes,
45:31et on se fait du mal.
45:32Il y a 500 000 burn-out aujourd'hui au travail,
45:34c'est la violence du travail,
45:36les salariés la retournent contre eux-mêmes
45:39et se font du mal.
45:40Et en fait, ça, c'est politique.
45:42Notre souffrance psychique, elle est politique.
45:44C'est ce que je veux dire, et que j'en suis consciente.
45:47Ces fragilités que vous évoquez,
45:49on ne les devine pas quand on vous voit
45:52défendre vos idées en public.
45:53C'est difficile, parfois, d'être la Sandrine Rousseau publique ?
45:57C'est pour ça que je le pose, pour dire que je ne suis pas...
46:00Dans les problèmes que nous avons,
46:02il y a aussi cette espèce de leadership
46:04où ils savent mieux que tout le monde,
46:07qui sont des grands stratèges indifférents aux émotions.
46:10Moi, ça, ça ne me parle pas du tout.
46:12Je n'ai pas envie de leader comme ça.
46:14Emmanuel Macron nous conduit sur une fausse route.
46:17On a besoin de leaders qui sont humains,
46:19qui ont leurs failles, leurs forces,
46:21qui ressentent de l'empathie et de l'émotion.
46:23C'est comme ça qu'on va s'en sortir et qu'on a besoin de vous.
46:27Merci, Sandrine Rousseau, d'être venue.
46:29Je rappelle le titre de votre livre,
46:31comment nous pouvons éviter la catastrophe
46:33aux éditions du Seuil.
46:35Tout de suite, la question qui fâche.
46:48Si je dis que la voiture, en général,
46:50ça intéresse plus les hommes que les femmes,
46:52je ne suis pas assez déconstruit.
46:54Ce soir, c'est un débat entre femmes
46:56qu'on va avoir sur la voiture électrique.
46:58Bonsoir, Fanny Guinocher.
47:00Vous êtes journaliste à La Tribune et à France Info.
47:02Bonsoir, Léa Falco.
47:04Vous êtes cofondatrice de Construire l'écologie.
47:06Pour commencer, on va faire le point avec Clément Perrault
47:09sur les enjeux du passage au tout électrique
47:12pour les constructeurs automobiles européens
47:14alors qu'on est en plein salon de l'automobile.
47:17La question qui fâche, aujourd'hui, nous arrive tout droit
47:20et sans embouteillage, de la porte de Versailles.
47:23S'il déroule l'inévitable salon de l'auto
47:25où les vedettes sont électriques,
47:27rien de nouveau, l'industrie automobile a pris ce virage
47:30depuis plusieurs années, au point qu'il est devenu irréversible.
47:33En visite au salon, le président de la République
47:36a d'ailleurs encouragé les constructeurs
47:38à persister dans cette voie.
47:40On transforme, on crée des emplois,
47:42donc il faut tenir, même si la période est difficile.
47:44Difficile pour une raison majeure,
47:47les consommateurs ne suivent pas.
47:48Sur les sept premiers mois de 2024,
47:51l'électrique n'a représenté que 13,8 %
47:54des immatriculations de voitures neuves en Europe
47:57contre 15,7 % l'année dernière.
47:59Quand la consommation va à contre-courant de la production,
48:02la machine s'enraye et les constructeurs toussent.
48:05L'industrie européenne a quand même investi
48:09quelque chose comme 250 milliards d'investissements
48:13et donc il faut qu'on fasse tourner le business
48:17sinon ça va être un problème.
48:21L'Europe a fixé la fin des ventes de voitures thermiques à 2035
48:25et va sanctionner dès 2025 les constructeurs
48:27qui ne font pas assez d'électriques.
48:29Entre les contraintes de Bruxelles et la concurrence chinoise
48:33qui écrase les prix, l'industrie automobile européenne
48:36peine à trouver le bon créneau.
48:38Pour Carlos Tavares, président de Stellantis,
48:40la clé, c'est la baisse des coûts de production.
48:43Si l'on veut garder une industrie européenne,
48:45il faut réduire les coûts des véhicules zéro émission de 30 %,
48:49il faut travailler plus efficacement
48:51avec des voitures plus intelligentes,
48:53moins chères à développer et à produire.
48:56Ces évolutions prennent du temps et l'industrie automobile
48:59n'en a pas. La question qui fâche ce soir est la suivante.
49:02La voiture électrique conduit-elle les constructeurs
49:05droit dans le mur ?
49:07Fanny Viginocchié, on va droit dans le mur
49:09dans ce domaine-là ?
49:10Quand on voit votre reportage, on se dit que c'est compliqué
49:14pour les constructeurs.
49:15Effectivement, ils sont devant un défi incroyable
49:19avec énormément de contraintes, en fait.
49:21C'est ça, la difficulté pour eux,
49:23c'est de prendre le virage électrique.
49:26Je crois qu'il faut le dire que tous l'ont pris.
49:28Aujourd'hui, il n'y a plus, au sein de la filière électrique,
49:32de constructeurs qui disent qu'il ne faut pas
49:34prendre ce virage-là.
49:36On l'entendait, 250 milliards d'euros d'investissement,
49:39c'est énorme.
49:40On ne peut pas revenir en arrière,
49:42mais il faut actionner le frein à main ?
49:44La difficulté de revenir en arrière,
49:47c'est qu'on est tellement avancé dans le tunnel,
49:49que ça serait une folie de faire marche arrière.
49:52En revanche, le frein à main, il faut trouver des aménagements
49:55pour prendre un peu plus en douceur le virage.
49:58Certains le demandent.
49:59Par exemple, la question, on l'entendait dans votre sujet,
50:02il y a l'obligation, donc, 2035,
50:05donc les constructeurs ont cette obligation,
50:08cette ligne de mire, cette vision de passer à l'électrique,
50:11mais dès 2025, l'an prochain,
50:14ceux qui ne feront pas suffisamment de ventes
50:16de voitures électriques seront sanctionnés.
50:19Or, on voit bien que, de l'autre côté,
50:21le consommateur n'a pas forcément les moyens
50:23d'acheter de l'électrique, car les voitures restent
50:26plus chères que des voitures thermiques,
50:28que la puissance publique a aidé,
50:30l'Etat français, les Allemands, les Norvégiens
50:33ont mis des bonus électriques, mais les caisses sont vides.
50:36Certains pays les suppriment.
50:38Voilà, donc les aides sont réduites.
50:40Finalement, on a des constructeurs qui se dépêchent
50:43de faire de l'électrique et une demande qui n'est pas là.
50:46Maria Falco, est-ce que, pour une fois,
50:48l'Europe n'est pas allée trop vite sur un sujet
50:51de la transition écologique ?
50:53En fait, il y a un... Je suis tout à fait d'accord
50:55avec cette analyse. Il y a un élément qui n'a pas été mentionné,
50:59qui est l'intérêt stratégique des constructeurs.
51:01On a un système dans lequel,
51:03puisqu'on ne fait pas de planification à la chinoise,
51:06et c'est tant mieux sur tant d'aspects,
51:08nos constructeurs naviguent un peu à vue
51:10et à l'instabilité des politiques publiques.
51:13En France, en Europe, on a eu un système, en 15 ans,
51:16du grenelle de l'environnement, on favorise plutôt les diesels,
51:19à on passe au tout électrique.
51:21Si on change de cap, ça veut dire que nos constructeurs européens,
51:24non seulement ils perdent un potentiel d'avantage concurrentiel
51:28qu'ils pourraient gagner dans les prochaines années,
51:30mais ils n'ont plus de cap clair.
51:32C'est stratégiquement...
51:33La question n'est plus de changer de cap,
51:36mais peut-être d'assouplir le calendrier.
51:38Vous parlez de ces nouvelles normes
51:40qui entrent en vigueur l'année prochaine
51:42et de ces pénalités pour les constructeurs européens.
51:45C'est lié à l'interdiction en 2035,
51:47c'est les normes CAFE qui sont autre chose.
51:49Là, c'est les normes de pollution,
51:51d'émissions de CO2 par kilomètre et par voiture,
51:54avec une moyenne par constructeur.
51:56Pour baisser ces émissions, il faut vendre beaucoup d'électricité.
52:00Les immatriculations d'électrique baissent.
52:02Les immatriculations, en général,
52:04il y a quelque chose qu'on ne mentionne pas assez,
52:07c'est que les Français se fournissent peu sur le marché du neuf.
52:1075 % des voitures en 2023 ont été achetées sur le marché de l'occasion.
52:14Il y a cet effet de levier qui ne s'est encore pas fait
52:17et auquel devaient contribuer à participer
52:19les subventions publiques,
52:21le passage d'un certain nombre d'efforts des constructeurs
52:24du segment C, c'est-à-dire des voitures un peu lourdes
52:27sur lesquelles ils margent,
52:29vers du segment B, qui est plutôt de la voiture...
52:32Ca n'a pas été fait.
52:33C'est un axe stratégique à développer pour les constructeurs.
52:36Les petits modèles sortent chez les constructeurs,
52:39mais est-ce que l'Europe doit assouplir son calendrier ?
52:42Est-ce qu'elle n'est pas allée trop vite ?
52:44Sur Café, sur 2025, ça se discute.
52:47Sur 2035, non, parce que c'est un cap clair
52:49dont on a besoin et que, par ailleurs,
52:51les industriels demandaient,
52:53peut-être qu'en coulisses, le discours est différent,
52:56mais ils demandaient un cap clair industriel européen.
52:59C'est ce qui leur a été fourni.
53:00Vu l'état dans lequel est aujourd'hui la filière auto,
53:04on voit, par exemple, qu'il y a des usines Stellantis
53:07qui sont mises à l'arrêt
53:08parce que, derrière, la production...
53:11On ne vend pas, donc on produit moins.
53:13En Italie, la Fiat 500 électrique,
53:15on n'en produit plus parce que ça ne se vend pas.
53:18Voilà, donc on est arrivé à un chômage partiel.
53:20On peut se dire qu'il va y avoir d'autres cas comme ça
53:23et qu'à un moment, la population,
53:25c'est ça qui est terrible dans cette histoire,
53:28c'est que ça va être l'écologie contre les emplois.
53:31Il faut arriver à trouver le juste milieu.
53:33La difficulté pour l'Europe, c'est qu'elle n'est pas alignée.
53:37C'est un point, par exemple, entre les Allemands et les Français.
53:40Sur la façon de prendre le virage vers l'électrique,
53:43la façon de se comporter vis-à-vis des Chinois.
53:46Et le deuxième point, et on le voit,
53:48il suffit d'aller au Mondial, là, de l'automobile, au Salon,
53:52c'est la déferlante, le tsunami chinois.
53:55C'est-à-dire qu'on est tout petit face à une déferlante
53:58de voitures chinoises électriques...
54:00-...qui sont moins chères.
54:01Est-ce qu'elles restent moins chères que les voitures européennes
54:05avec ces taxes aux frontières mises en place par l'UE ?
54:08...et surtout, on voit bien qu'en termes d'innovation,
54:11les Chinois, parce qu'ils ont été dopés à la subvention,
54:14il ne faut pas se leurrer, ils ont pris de l'avance.
54:17Et c'est vrai que pour les constructeurs,
54:20l'idée, c'est aussi d'essayer de se protéger.
54:22Les barrières que l'on vient de mettre au niveau de l'Europe,
54:26donc des barrières douanières pour les importations chinoises,
54:29vont freiner le mouvement, mais il faut avoir en tête,
54:32il y a 80...
54:33Les constructeurs chinois,
54:36ils prévoient 80 millions de voitures.
54:39Or, leur marché n'en absorbe que 20 millions.
54:43Il y en aura 10 millions qui viendront vers nous.
54:46Donc, face à ça, c'est là où on entend l'inquiétude
54:49des constructeurs français, mais aussi européens.
54:52J'aimerais avoir votre avis là-dessus.
54:55Est-ce que cette transition à marche forcée
54:57ne va pas profiter à des voitures chinoises
54:59conduites dans des conditions sociales et écologiques
55:02moins bonnes qu'en Europe ?
55:04C'est la question qu'on débat aujourd'hui.
55:06Les Chinois sont en surproduction
55:08parce qu'ils veulent inonder le marché mondial,
55:10que ça fait 15 ans qu'ils ont commencé à prendre le virage
55:13de l'électrique, et qu'aujourd'hui,
55:15ils sont au-dessus des voitures électriques européennes,
55:18en plus d'être plus abordables, parce qu'ils sont plus petits,
55:22plus faciles à la production.
55:23C'est quoi la solution pour ne pas rendre l'écologie impopulaire ?
55:27On coche toutes les cases.
55:29Il y a la question des emplois que vous avez mentionnés,
55:32indispensables à traiter politiquement.
55:34Aujourd'hui, on n'a pas de planification
55:36des emplois qui vont disparaître dans le monde automobile.
55:39On parle des constructeurs,
55:41mais vous avez les équipementiers, les garagistes,
55:44tout l'écosystème des intermédiaires de l'automobile.
55:47Aujourd'hui, en France, on n'a pas de plan
55:49pour ces usines qui ferment.
55:51Le risque, il est là, vous le mentionnez,
55:53je pense que ce n'est pas une fatalité
55:55que nos constructeurs européens
55:57reprennent le dessus sur cette situation.
55:59C'est gagné,
56:00mais il faut un ensemble d'investissements dans la filière,
56:03de repositionnement stratégique et de localisation et de relocalisation.
56:07On sent la tension entre le social et l'écologique.
56:10L'emploi sera de toute façon le juge de paix.
56:12Pour les ventes des voitures, ce sera le prix.
56:15L'emploi, c'est ce qui fera qu'à un moment,
56:17les politiques seront acculées, il y aura des coups de pression.
56:21Il faudra voir, mais c'est parce qu'il y aura des usines
56:24qui fermeront, qu'il y aura des usines
56:26qui seront au chômage partiel en Europe,
56:28qu'on sera obligés de s'accorder
56:30et on verra peut-être de faire évoluer les calendriers
56:33ou trouver des assouplissements, des aides
56:35pour essayer de faire cette transition écologique
56:39de façon la plus douce, sans mauvais jeu de mots, possible.
56:43Merci à toutes les deux,
56:44même si les perspectives que vous avez ouvertes
56:47sont plutôt sombres.
56:48C'est la fin de ce débat.
56:49Myriam Ankawa sera de retour demain, même heure, même chaîne.
56:53Bonne soirée sur SCP.

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