• il y a 2 mois
Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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Transcription
00:00Dans votre film, il y a un personnage de prêtre, disons-le,
00:03qui restera à jamais gravé dans nos mémoires cinéphiles,
00:07comme jamais, et votre film s'appelle Miséricorde.
00:11J'aimerais bien que vous m'expliquiez pourquoi ce titre.
00:16Parce que ça allait vachement bien avec le prêtre.
00:19C'est un terme très désuet,
00:21qu'on entend hors de l'Église, de la chrétienté.
00:24On en manque.
00:26Et puis, ça va vachement bien avec le côté intemporel
00:29de ce film en particulier.
00:31Il y a un curé,
00:34il y a une Dacia Sandero, ça mélange pas mal les époques.
00:38Et Miséricorde, et puis bon, ça colle bien au film aussi,
00:42parce que ça évoque la miséricorde, l'idée du...
00:45C'est la miséricorde dans le sens de l'empathie pour la souffrance
00:49ou la miséricorde dans le sens de pardonner aux coupables ?
00:52Pardonner aux coupables, oui.
00:53Oui, il y a quand même l'idée de pardon,
00:56mais aussi d'empathie, d'empathie avec l'autre,
00:59de compréhension, de compréhension infinie de l'autre.
01:03Et puis, on est avec un curé
01:05qui pousse la miséricorde jusqu'à son extrême.
01:08C'est clair.
01:10Alors, on va regarder un extrait, on en parle après, ça vous va ?
01:14OK, ouais.
01:16Je suis passé chez Walter, il m'a dit que t'étais allé le voir.
01:20Tu l'aimais bien, Walter, toi.
01:24OK, j'avais plutôt l'impression que tu le méprisais.
01:27Qu'est-ce qui te faisait penser ça ?
01:28Je sais pas, ça te plaisait pas trop que j'aille le voir.
01:31Tu comprenais pas pourquoi je passais autant de temps avec lui.
01:34Ah bon ?
01:36Ouais.
01:38Je sais pas, c'est peut-être que t'étais un peu jaloux,
01:41qu'il voulait me garder pour toi tout seul.
01:45T'as pris, hein ?
01:47Montre-moi voir si t'es toujours aussi leste.
01:51Tu fais quoi, là ?
01:54Je l'ai pris.
02:02Putain.
02:12C'est comme ça que vous cherchez des champignons ?
02:19Alors, c'est vrai que cette réplique fait extrêmement rire,
02:22Et c'est vraiment comme ça qu'ils vont chercher les champignons, oui.
02:25Comment vous avez pensé cette séquence ?
02:27Pour vous, elle était immédiatement comique dans votre pensée ?
02:29Dans la façon de la construire ou pas du tout ?
02:31Ah bah oui, oui, oui, quand même.
02:32Oui, le curé, il est comique du fait...
02:34Bah déjà, il est un soutane, quoi, voilà.
02:36J'ai oublié de le dire, c'est un curé un soutane aussi, quoi, voilà.
02:39Qui survit en permanence dans le cadre.
02:41Et qui est quand même, ouais, toujours là où il faut, quoi.
02:43Voilà, il y a quand même une espèce de...
02:46Ouais, un vrai sixième sens, quoi.
02:47Il sait où ça se passe, quoi.
02:49Et...
02:50Non, et puis quand même, c'est un curé très sérieux,
02:52qui peut être solennel et grave à ses moments,
02:54mais c'est quand même un curé très, très malicieux aussi, quoi.
02:57Et cette bagarre, vous l'avez travaillée comment ?
02:59Cette baston dans les soies ?
03:01Oh, celle-ci, ça a été très...
03:04Non, c'était...
03:04En fait, déjà, ça se travaille avec un professionnel de la bagarre, quoi.
03:08L'idée, c'était un peu d'avoir des bagarres très réalistes, quoi.
03:12Et d'avoir un crescendo, quoi.
03:14Là, on reste dans la bagarre joueuse, quoi.
03:16Un peu le truc d'adolescent, où on...
03:18Ouais, où c'est aussi une façon de se tripoter, quoi.
03:21Voilà, de se bagarrer, ouais.
03:23Dans la tradition de la lutte, quoi.
03:24Ouais, exactement, ouais.
03:28Alors, il est l'heure d'étudier, voilà, votre...
03:31le code génétique de votre film.
03:33Vous êtes prêts ?
03:35Bon, oui, ça va pas loin.
03:36On n'est jamais totalement prêts.
03:38Ça vous a fait rire, cette notion de code génétique ?
03:41Alors, on entend dans votre film une réplique qui dit
03:43« Ne sous-estimez pas la force du désir ».
03:46Est-ce qu'il y a un film qui vous a marqué,
03:48qui vous a influencé sur la loi du désir ?
03:52Oui, le premier qui m'est venu à l'esprit, c'est...
03:55C'est « Tous les autres s'appellent Ali » de Fassbinder.
04:00Parce que, bon, disons...
04:02Non seulement, déjà, c'est un film qui décale les choses.
04:04C'était la première fois que je voyais une histoire d'amour
04:07entre un jeune Turc et une...
04:10Marocaine.
04:11Une vieille Allemande.
04:11Ouais, d'ailleurs, il n'est pas Turc, il est Marocain, ouais.
04:14Et une vieille Allemande.
04:16Ils sont présentés comme tels dans l'océan lentement.
04:18Ouais, et puis, en fait, c'est même plus compliqué que ça.
04:20C'est un grand Marocain et une petite Allemande.
04:25Un grand jeune Marocain et une petite vieille Allemande.
04:28Et puis, non, parce qu'il y a de beaux dans le film aussi.
04:31Ils connaissent les mêmes problèmes, les mêmes turpitudes,
04:33finalement, que n'importe quelle histoire d'amour, quoi.
04:36On l'a vu, il y a des bagarres fameuses dans votre film.
04:39Des personnages qui se bastonnent
04:42au lieu de faire l'amour dans les sous-bois.
04:44Est-ce qu'il y a une bagarre de cinéma qui vous a impressionné,
04:48qui vous a fait marrer ?
04:49Alors, bon, le problème, c'est que je n'ai pas eu le temps trop
04:52d'aller voir Ben Hur ou d'aller revoir Spartacus.
04:56C'est difficile toujours de trouver.
04:57Je pense que c'est de ce côté-là, quand même,
04:59que fondamentalement, les bagarres hyper sexys sont.
05:03Et non, la première qui me vient à l'esprit, évidemment,
05:05c'est la bagarre d'un veille-livre de Carpenter,
05:11qui est une longue bagarre.
05:12Alors après, c'est...
05:13Bon, personnellement, je ne trippe pas trop sur les corps de catcheur.
05:17Ça ne m'intéresse pas des masses,
05:18mais quand même, c'est une bagarre qui dure, qui dure.
05:21Et d'ailleurs, il a pris des comédiens qui venaient du catch,
05:24quoi, visiblement, pour faire cette bagarre, quoi,
05:26et qui n'en finit pas et qui...
05:28Qui durent dix minutes.
05:29Effectivement, il y a énormément de...
05:32Et puis, on est beaucoup dans le corps à corps, quoi, voilà.
05:34Ils sont très embauchés pendant un petit moment, après...
05:37Ouais, et puis, on est clairement dans quelque chose
05:40de très, très chorégraphique, de très chorégraphié, ouais.
05:42Alors, vous voyez, votre prêtre se mêle un petit peu de tout.
05:45Il se balade, il arrive dans le champ, un petit peu, comme ça.
05:49Est-ce qu'il y a un autre prêtre de cinéma que vous aimez bien,
05:52qui pourrait être son copain ?
05:54Ah, qui pourrait être son copain ?
05:56Oui, je pense que le Don Giulio de Nanni Moretti,
05:59là, dans La messe est finie, ça ne serait pas mal, ouais.
06:02Oui, oui, je pense qu'il pourrait être copain,
06:03parce qu'il y a aussi une...
06:06Bon, il est fortement question de sacerdoce.
06:08Après, le film de Nanni Moretti est plus éminemment politique, quoi,
06:13mais il y a quelque chose de cet ordre-là, quoi.
06:15On est quand même vachement dans l'éturpitude, pareil,
06:20d'un curé face au monde, quoi, et face à la morale
06:25qu'il a lui-même, qui s'était un peu lui-même fixée, quoi.
06:28Et d'un curé en soutane.
06:29Et c'est un curé en soutane, ouais, tout à fait, ouais.
06:32Oui, effectivement, j'avais même pas pensé à ça,
06:34mais le détail a son importance, ça.
06:37Est-ce qu'il y a un cinéaste contemporain dont vous vous sentez proche ?
06:42Alors, en fait, bon, j'ai hésité, c'est marrant,
06:46mais bon, finalement, oui, parce que j'hésite toujours même entre...
06:51Bon, Pedro Almodovar a été quelqu'un de très, très important pour moi,
06:55Nanni Moretti, pareil, quoi.
06:58Et là, oui, mais quand je parle de proximité, je veux dire, de ton,
07:03c'est vrai que là, j'ai envie de citer Alessandro Comodin,
07:07parce qu'il est, alors, c'est un jeune réalisateur italien
07:10qui vit en France, qui parle très bien le français,
07:13que j'ai eu l'occasion de côtoyer.
07:16D'ailleurs, je veux dire, oui, dès que je suis dans un jury
07:19et qu'il y a un film en compétition, il a de fortes chances d'avoir un prix, quoi, voilà.
07:25Puisque j'en ai déjà donné deux.
07:28Vous avez torturé le jury, vous avez dit c'est lui ou c'est rien.
07:32Non, non, non, en plus, non, j'ai jamais eu à...
07:34Non, j'ai pas eu à me battre, que ce soit pour bientôt
07:36les jours heureux ou pour Gigi Lallois, quoi.
07:39Et non, mais je pense surtout, c'est sur son côté très, à la fois très...
07:44C'est quelqu'un qui sait parler de choses graves tout en état léger.
07:47Et quand il est sur quelque chose d'hyper léger, comme dans Gigi Lallois,
07:51il y a quelque chose aussi, moi, je trouve, d'assez profond là-dedans, quoi,
07:54ou même dans l'été de Giacomo.
07:57Oui, il a cherché le profondeur dans le quotidien qui me plaît beaucoup, quoi.
08:03Et puis, je le trouve assez détendu aussi par rapport au cinéma, quoi.
08:06C'est pas le mec qui a envie de faire un chef-d'oeuvre à chaque voyage, quoi.
08:10Ça, c'est quelque chose que vous partagez avec lui ?
08:12C'est assez agréable, oui, je trouve.
08:13Non, mais quand il dit un truc grave, il n'y a pas envie d'être seul en elle à chaque coup
08:18ou d'être éminemment drôle, quoi.
08:21Et des fois non plus, on ne sait pas trop où on est avec lui.
08:23Ça, j'aime beaucoup.
08:25Ah oui, c'est vraiment ça que je partage avec lui, quoi.
08:29Alors, vous savez, c'est comme un confessionnel ici, il faut tout nous dire.
08:32Alain, est-ce qu'il y a une influence secrète de votre film que vous pourriez partager ?
08:36Oui, c'est marrant parce que c'est une influence secrète.
08:39Bon, normal, elle est hyper secrète parce que Giacomo qui la connaît, quoi.
08:44C'est Bergman.
08:45Mais bon, après, quand je dis aux gens...
08:48Mais comme quelqu'un, un cinéaste qui a plané au-dessus du film.
08:52Je veux dire, je ne me suis pas raccroché à Bergman à chaque plan que j'ai fait.
08:56Vous n'avez pas un poster ?
08:58Mais effectivement, c'est marrant.
09:00J'ai éprouvé le besoin de revoir Persona avant le tournage.
09:04Et je pense que dans Persona, il y a ce truc, ce mélange des corps,
09:09enfin, ce rapprochement des corps.
09:11Les gros plans aussi, voilà.
09:13Je pense que les gros plans...
09:14Peut-être que c'est ça aussi, les gros plans de Bergman qui m'ont inspiré.
09:18Et puis, il y a l'intensité de Bergman qui reste toujours, pour moi...
09:23Ça reste un phare cinématographique, on va dire, un but à atteindre.
09:30Enfin, quelque chose qui reste, pour moi, un peu inégalé.

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