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00:00Bonjour Jean-Louis Aubert, au départ vous vouliez faire de la musique pour déranger
00:04les adultes, parce que le petit garçon que vous étiez, celui qui s'ennuyait, décrit
00:08par son père comme moitié introverti et moitié extraverti, celui qui se sentait emprisonné
00:13dans sa petite enfance a eu envie de s'offrir, de créer son monde en gardant ce regard émerveillé,
00:18ce sourire permanent et cette farouche envie de rassembler.
00:20Oui Jean-Louis Aubert, vous êtes sur notre photo de famille, associé à vie, à nos
00:25souvenirs, nos joies, nos peines, nos éclats de rire, parfois nos quatre cents coups et
00:28nos histoires d'amour.
00:29Oui, vous savez faire des chansons qui touchent le cœur des gens, que ce soit avec téléphone
00:33ou en solo.
00:34Un magicien des mots, mélodie, un obsédé textuel totalement assumé, engagé et engageant,
00:40prêt, comme vous le dites dans le documentaire, le chant des possibles de Sophie Lesage, d'embrasser
00:44les moments de bonheur.
00:45Que nos vies sont belles à vos côtés, Jean-Louis Aubert, accompagné par le son de votre
00:49voix dont la tessiture n'a jamais réellement changé, vos chansons sont effectivement
00:53autant de cailloux et de miettes de pain, semées sur le chemin de nos existences, parfois
00:57sagement rangées dans une poche ou grignotées comme des oiseaux qui ont pris l'or en vol.
01:02Et je crois que d'ailleurs, c'est ce qui vous plaît.
01:03Tout ça pour dire que ce qui vous définit le plus, c'est ce sentiment incroyable de
01:07liberté.
01:08Vous êtes libre d'aimer, de chanter, d'écrire, de respirer.
01:12Aujourd'hui, vous êtes venu avec sous le bras Pas Fini, votre nouvel album ou onze
01:16nouvelles petites histoires qui font l'histoire.
01:18Un album qui parle de l'amour de soi, des autres, une déclaration d'amour inconditionnelle
01:26à la vie.
01:27On va s'aimer, quoi, Jean-Louis Aubert.
01:30C'est plus compliqué que ça.
01:32Oui, mais ça serait pas mal.
01:36Un peu de bienveillance, un peu de sourire.
01:39Surtout, ça aide vraiment dans la vie.
01:43Mais bon, c'est pas la solution à tout.
01:46A tout nous mots.
01:47Mais c'est surtout vous qui m'avez pris dans vos bras depuis une cinquantaine d'années.
01:55Je suis fier d'avoir accompagné par les chansons quelques escapades, souvent.
02:01C'est vrai qu'associé à la liberté, j'ai commencé la musique, c'était sur la chanson
02:07« I'm free » d'E.O.
02:09Je connaissais que c'est deux mots, trois, d'anglais.
02:13Et en fait, j'avais vraiment envie de m'envoler, de faire ce que mon cœur me disait de faire.
02:22Et du coup, cet enfant et cet adolescent, j'ai l'impression que c'est toujours mon ancêtre.
02:29Donc, de temps en temps, je suis convoqué dans son bureau et je dois rendre des comptes.
02:34Est-ce que je me suis trahi ? Est-ce que j'ai essayé de faire quelque chose pour une raison
02:40qui n'était pas valable ?
02:41Donc, voilà, j'essaye d'être au maximum honnête vis-à-vis de lui.
02:45En général, ça me rend assez honnête vis-à-vis de vous, je l'espère.
02:49– Vous avez eu une intervention chirurgicale très minutieuse.
02:54Le cœur a ses raisons, trois petits points.
02:57Il a tenu ce cœur-là, il s'est remis.
03:00Est-ce que ça change le regard, Jean-Louis, sur la vie quand on a vécu ce genre de choses ?
03:05– On me pose beaucoup la question, mais ce truc-là, je l'ai pris un peu comme un frondeur.
03:12Je n'avais pas très bien compris quel était l'objet de l'opération.
03:17Après, je l'ai un peu senti, mais donc, ce n'est pas là où la mort m'a fait des clins d'œil.
03:24Mais il y a eu beaucoup d'autres moments dans ma vie où elle m'a fait des clins d'œil.
03:29Et je crois que j'ai commencé à chanter ça très tôt.
03:34« Je ne veux pas crever dans un cercueil comme un deux-pièces de banlieue ».
03:38J'avais 17 ans quand j'ai écrit ça, mais aussi « Le jour s'est levé » et tout ça.
03:46Parce que, quelquefois, quand vous frôlez la mort, ça vous indique quelque chose,
03:51comme quoi disparaître à soi-même en étant bien vivant, c'est être ultra-vivant.
03:57– Vous avez toujours été dedans, dans l'époque dans laquelle vous vivez.
04:03C'est incroyable, vous avez traversé les décennies et vous traversez les décennies avec nous.
04:09Et on a le sentiment qu'à aucun moment vous êtes en décalage avec, justement,
04:12cette évolution technologique ou comment le monde avance,
04:16l'évolution des émotions, des sentiments, des vies de couple aussi, des relations.
04:22Qu'est-ce qui fait que vous restez chroniqueur comme ça d'une société ?
04:25C'est parce que vous êtes très observateur ?
04:27– Je ne juge pas les autres et je marche avec eux.
04:29Et quelquefois, je ressens des choses en marchant avec eux.
04:32Et je n'ai pas d'idée sur la manière dont ils sont habillés,
04:35sur la manière… des fois, je trouve des filles jolies, bien sûr, ou des trucs comme ça.
04:40Ça résonne en moi, mais j'adore…
04:44En fait, j'adore les autres et je ne sais pas pourquoi.
04:50Mais je crois qu'ils m'apprennent plein de choses et ils sont tous différents.
04:54Et quelquefois, j'ai rencontré des gens très, très importants
04:58qui n'avaient pas grand-chose à me dire et des SDF qui avaient énormément de choses à me dire.
05:03Donc, ça m'est arrivé de me réveiller dans les bras d'un gars
05:09dans un parking ou devant la porte d'un McDonald's à 4 heures du matin.
05:14Vous voyez, ils ne m'avaient pas pris mon portefeuille.
05:17Non, non, ils m'avaient plutôt donné une chanson.
05:19– Vous dites que le monde, c'est nous qui le faisons ?
05:22– Ah oui, oui. – Ça veut dire quoi ?
05:25– C'est notre monde.
05:27La chanson parle de ça, elle était très intime, elle est devenue…
05:31Tout le monde dit, moi aussi, je rêvais d'un autre monde.
05:34Mais en fait, c'est dans leur rêve, on ne sait pas.
05:36C'est des mondes différents.
05:37Tous les partis politiques m'ont demandé cette chanson.
05:40Alors donc, ça veut dire que je pourrais les mettre d'accord sur une phrase.
05:45C'est cucu.
05:47Ils pourraient se mettre d'accord tout seuls.
05:50Et voilà.
05:52Mais après, il y a beaucoup de choses qui vont se passer
05:58si on fait des petits changements nous-mêmes.
06:00En fait, c'est une vision un peu individualiste des grandes révolutions.
06:05Parce que l'égalité avec 50 millions de morts, comme en URSS,
06:09j'y étais avant, après la chute du mur.
06:11C'est super, la musique, pour ça, parce que ça fait voyager.
06:14Quelquefois, on voit des choses, un peu comme dans les chansons,
06:16on voit des choses dans les pays.
06:19Et quand on voit ce qui arrive après, on dit, ah, mais je l'avais vue.
06:22Mais on ne savait pas l'analyser.
06:24Et dans les chansons, c'est pareil.
06:25Et peut-être dans beaucoup d'actions humaines.
06:29On ne peut pas…
06:29Et quelquefois, des choses un peu rugueuses, un peu dures qui vous arrivent
06:34peuvent vous rendre, peuvent vous donner des bonnes choses.
06:38Par exemple, si j'avais voulu tout le temps faire plaisir à mes parents,
06:42je ne serais pas en train de vous parler.
06:44Mais c'était peut-être parce que je ne me sentais pas tout à fait à l'aise.
06:48Et il y a des choses comme ça qu'on ne sait pas…
06:54Il y a des choses qui rendent…
06:55Enfin, c'est Nietzsche, là, ce qui ne vous rend plus fort.
06:59Un peu con comme phrase, il faut suivre dans quel état il était, le pauvre.
07:03En même temps, vous avez accompli le rêve secret de vos parents
07:08à travers cette carrière, cette vie d'artiste.
07:11Les enfants savent très bien lire un peu ce qui se passe dans les visages
07:16quand les visages ne sont pas en train d'essayer de les éduquer.
07:20On ne peut pas apprendre à un enfant quelque chose qui vient justement que de la raison
07:25parce qu'il vous regarde même quand vous ne lui parlez pas.
07:28Curieusement, les animaux qui vivent près de nous sont un peu pareils.
07:33Ils comprennent des choses, même quand on ne leur donne pas des ordres.
07:39On est tous très, très perméables et très intuitifs.
07:44C'est beau.
07:46Pour terminer, Jean-Louis Weber, est-ce que le petit garçon que vous étiez
07:49est fier de l'homme que vous êtes devenu ?
07:52Très.
07:54Oui, oui, oui, alors des fois.
08:03Oui, alors par contre, il y a quand même des choses à peu lire encore,
08:12surtout au niveau, oui, de l'esprit qui avance tout le temps,
08:21de la raison, les choses d'anxiété et tout ça.
08:25Mais je sais qu'une part d'anxiété, tous les artistes que vous avez reçus ici en ont une.
08:32Quand j'entends vos interviews, j'arrive à le décrypter derrière.
08:36Mais ça nous donne la force d'avancer aussi.
08:40Donc c'est dur à doser, cette chose-là.
08:44Si moi, je ne tenais pas cet album ou que je pensais draper dans un truc intellectuel,
08:50même si les gens ne le comprennent pas, c'est parce que je suis plus intelligent qu'eux,
08:54je ne pense pas que je serais aussi trépignant à la sortie de celui-ci.