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Pierre Serna, historien, professeur à l'université Paris I - Panthéon Sorbonne.

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00:00Camille Huppenoir, notre invité ce matin est historien, écrivain, professeur aussi à Paris-la-Sorbonne
00:06et membre de l'Institut d'Histoire de la Révolution Française. C'est Pierre Cernat.
00:10Qui nous fait le plaisir de s'arrêter dans nos studios avant d'aller demain participer,
00:13comme 300 autres auteurs, au Salon du Livre des Rendez-Vous de l'Histoire de Blois.
00:17Bonjour Pierre Cernat.
00:18Bonjour.
00:19Vous vivez à Orléans et c'est important de le préciser car votre livre, votre dernier livre,
00:23c'est La Révolution oubliée Orléans 1789-1820.
00:27La Révolution oubliée, on a oublié ce qui s'est passé à Orléans à cette époque
00:32ou on a volontairement centralisé l'attention sur Paris ?
00:36Alors c'est un petit peu les deux à la fois et c'est réparer un creux dans l'histoire,
00:41un vide dans l'histoire d'Orléans.
00:43Orléans est surplombé, comme tout un chacun le sait, par l'histoire de Jeanne d'Arc,
00:48par l'histoire de l'Ancien Régime, par l'histoire de sa cathédrale.
00:51Et il faut le dire, c'est un constat d'histoire par des élites conservatrices, catholiques,
00:57plutôt à droite dans l'échiquier politique au XIXe siècle et au XXe siècle.
01:03Donc la Révolution n'était pas forcément un lieu de mémoire important à Orléans.
01:07Donc j'ai voulu, autant que faire se peut, réparer et dire à quel point la Révolution
01:14a été vécue de façon intense à Orléans avec ses passions.
01:18Et j'ai trouvé que les élites orléanaises au XIXe ou au XXe siècle
01:23avaient tout fait pour oublier ce qui s'était passé.
01:25Passer un petit coup d'éponge un petit peu sur l'histoire.
01:28Et pour cause.
01:29Les élites orléanaises, donc grands négociants, grands manufacturiers,
01:33gros propriétaires fonciers, les édiles, étaient dans une position contradictoire.
01:38Parce que peut-être les orléanais ne le savent pas,
01:42mais Orléans est la troisième ville de France à l'intérieur de laquelle
01:46le clergé a le plus de bâtis fonciers et propriétaire de plus de bâtis fonciers en 1789.
01:51Or la Révolution, qu'on critique beaucoup, va essayer d'éponger les dettes publiques
01:56de l'ancien régime, ça vous parle peut-être un petit peu,
01:59et pour cela il faut trouver de l'argent, on va nationaliser les biens du clergé.
02:02Et qui va se gaver littéralement de ces biens du clergé ?
02:07Ce sont ces élites orléanaises qui peuvent les acheter.
02:10Évidemment celles d'Orléans qui vont devenir riches grâce à la Révolution.
02:16Paradoxe, la Révolution c'est le désordre, c'est la peur du petit peuple d'Orléans,
02:20car il est important ce petit peuple d'Orléans, invisibilisé, mais il existe.
02:24Paradoxe parce que ces élites s'enrichissent de façon incroyable
02:30et en même temps ne supportent pas les avancées politiques, sociales de la Révolution.
02:34Donc au 19ème siècle, elles seront riches grâce à la Révolution,
02:38mais ne voudront pas célébrer la Révolution.
02:40Et si on prenait une carte postale d'Orléans à cette époque en 1792,
02:48qu'est-ce qu'on y voit sur cette carte postale ? Elle ressemble à quoi la ville ?
02:52Il y a beaucoup de monde, c'est une ville commerçante.
02:54C'est quoi Orléans à cette époque ?
02:56On n'imagine pas le centre commercial qu'est Orléans à la fin du 18ème siècle
03:02et pendant la Révolution.
03:044 000 bateaux passent par Orléans chaque année.
03:08Vous avez tout le fer de la Haute-Loire qui passe là,
03:12tout le bois pour les navires et les vaisseaux de commerce ou du roi de France,
03:16le marché au blé de la pompe aspirante de Paris.
03:20Vous avez, je ne sais pas si vous imaginez aujourd'hui Orléans,
03:2415 000 moutons, 40 000 bœufs qui passent par Orléans pour aller sur la Loire.
03:30Orléans est une ville d'une activité absolument extraordinaire,
03:34ce qui participe de l'oubli.
03:36Quand on va dire Orléans s'est assoupi et tout, Orléans est une ville modérée.
03:40Orléans restait calme.
03:42Oui, mais non, pas du tout.
03:44Vous imaginez tous les mercredis et tous les samedis,
03:46c'est le grand marché au blé, aux céréales, place Dumart III que nous connaissons.
03:48C'est rempli de négociants, c'est rempli de courtiers en blé,
03:52c'est rempli de paysans, de gros fermiers qui viennent vendre toutes sortes de blé à Orléans.
03:58C'est une ville très active.
04:00Et puis pendant la révolution, ne l'oublions pas,
04:02Orléans va devenir une ville stratégique essentielle dans la guerre révolutionnaire.
04:08Pas question de mettre des centaines de prisonniers dans Paris où ils sont.
04:12Ils sont à Orléans, c'est bourré d'Autrichiens, c'est bourré d'Espagnols, c'est bourré de Prussiens,
04:16d'ailleurs qui sont tout à fait pacifiques,
04:18ils sont des prisonniers et qui travaillent justement dans Orléans pendant que les Orléanais sont au front.
04:22Et la grande cité bannière va devenir le grand hôpital militaire.
04:26Bref, Orléans est une ville, non pas plus active qu'aujourd'hui, mais d'une activité absolument remarquable.
04:32Vous dites qu'il y avait un creux dans l'histoire, comment vous avez fait pour retrouver tout ça ?
04:37C'est une question de méthode, il faut en parler en histoire, pas simplement le livre,
04:42mais comment s'est construit aussi le livre.
04:45D'abord je dois dire tous mes remerciements au service du vieux fonds de la médiathèque d'Orléans.
04:51Je ne sais pas si les Orléanais le savent, mais la médiathèque est absolument extraordinaire.
04:56Et puis les employés des archives départementales qui sont d'une compétence et d'une amabilité remarquables.
05:03Oui, il y a beaucoup de fonds, mais il ne faut pas oublier, nous le savons à Orléans,
05:07les deux terribles bombardements de 1940 et 1944 ont détruit beaucoup de documents.
05:12Donc il est difficile d'avoir un continuum dans les séries.
05:17Et on m'avait dit, mon bon monsieur, ça va être compliqué.
05:20Il y a eu deux histoires d'Orléans au XIXe siècle et pour cause, il y avait les documents.
05:25On vous a dit que ce n'est pas possible d'aller jusqu'à la révolution.
05:28Donc je me suis dit, une des premières qualités de l'historien c'est d'être tenace et têtu.
05:33Je vais quand même aller voir.
05:35Ce que j'ai vu, c'est que les incendies avaient commencé en 1940.
05:39Je vais vous en donner deux exemples.
05:41En 1795, ces bons bourgeois d'Orléans, il faut bien les qualifier,
05:45ou ces bonnes élites d'Orléans.
05:47Ils ont commencé à éliminer un petit peu les documents déjà.
05:49Ils étaient membres du club des Jacobins.
05:51Ils étaient membres du club des Jacobins parce que ça leur permettait de contrôler la mairie.
05:55Qu'est-ce qu'ils font après la mort de Robespierre quand ça devient un petit peu...
05:58On brûle.
05:59Ben oui, on brûle les documents.
06:01Donc on fait un petit feu de joie.
06:04Et puis en 1815, après la période des 100 jours, après le retour raté de Napoléon,
06:09tous ceux qui avaient parié sur Napoléon...
06:11Brûlent aussi.
06:13Donc la destruction des documents a commencé assez tôt à Orléans, hélas.
06:17Mais l'historien est têtu et le livre est là, finalement.
06:21On a plein de choses à apprendre.
06:23On voudrait vous en parler encore pendant des heures.
06:25Malheureusement, on n'a plus de temps, mais on va présenter ce livre quand même, Marc,
06:28que vous avez dans la main.
06:29La Révolution oubliée Orléans, 1789-1820 de Pierre Cerna.
06:34C'est paru au CNRS édition.
06:36N'hésitez pas à parcourir le livre parce qu'on apprend beaucoup de choses.
06:39On l'a bien compris.
06:40Marc l'a parcouru pendant quelques minutes.
06:42Pierre Cerna, on vous retrouve au rendez-vous de l'Histoire à Blois, dont vous êtes un habitué.
06:46J'y vais, j'y vais sans tarder.
06:49A bientôt Pierre Cerna.
06:50Au revoir.

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