"L'aide humanitaire n'est pas du tout facilitée à Gaza aujourd'hui."
Isabelle Defourny est présidente de Médecin sans frontières France, elle revient de la bande de Gaza où 1,6 millions de réfugiés sont entassés sur 40km2. Elle reproche à Israël de ralentir le passage du matériel humanitaire dont la population a absolument besoin.
Isabelle Defourny est présidente de Médecin sans frontières France, elle revient de la bande de Gaza où 1,6 millions de réfugiés sont entassés sur 40km2. Elle reproche à Israël de ralentir le passage du matériel humanitaire dont la population a absolument besoin.
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00:00Contrairement à ce qui est dit et répété par Israël,
00:03l'aide humanitaire n'est pas du tout facilitée à Gaza aujourd'hui.
00:07Il n'y a plus de Palestiniens, de Gazaouites qui peuvent sortir de la bande de Gaza.
00:10C'est une vraie prison, quoi.
00:13Aujourd'hui, on est dans une situation où il n'y a plus grand chose à bombarder.
00:16Plus de 80% de la bande de Gaza est détruite.
00:19Quand on arrive, par exemple, à Ranounès, tout est détruit, tout est aplatié.
00:23Ça ressemble à un très gros tremblement de terre.
00:25Il y a environ 1,6 million de personnes qui sont entassées sur 40 kilomètres carrés.
00:32Il n'y a pas d'espace entre deux habitations.
00:34Ils sont serrés les uns sur les autres.
00:36Certains ont des tentes, d'autres des morceaux de plastique.
00:39Dans deux, trois mois, les températures vont descendre drastiquement.
00:42En décembre, il va faire froid, quoi.
00:435, 6, 7 degrés, mais en bord de mer, avec l'humidité, les vents, etc.,
00:48la température au 110 sera bien moins que ça.
00:49Et ce qui est hyper, hyper marquant, évidemment,
00:52c'est la fatigue et le désespoir.
00:55Beaucoup ont perdu des membres de leur famille.
00:58Tous ont perdu leur maison.
01:00Ils ont été déplacés, la majorité d'entre eux, 5, 6, 7 fois, quoi.
01:04Ils sont extrêmement préoccupés et très inquiets par l'avenir de leurs enfants.
01:08Il n'y a plus d'école, il y a de l'eau, mais en quantité insuffisante.
01:11Donc, quand beaucoup de personnes se lavent, je pense, avec de l'eau de mer,
01:14on voit énormément, énormément de maladies de peau parmi les enfants.
01:18Les gens demandent des savons, demandent du shampoing.
01:21Plusieurs dames ont expliqué qu'elles se coupaient les cheveux
01:24parce qu'elles ne pouvaient pas se les laver.
01:26La nourriture, c'est un peu la même chose.
01:28Il y a des aliments sur le marché, il y a même des fruits et des légumes,
01:31mais ils sont très, très chers.
01:33Ce qui est quand même très particulier, c'est d'être avec les populations,
01:37d'être prêts à travailler, d'avoir les moyens de travailler,
01:39donc d'avoir des équipes internationales, des équipes palestiniennes,
01:42d'avoir le budget, d'avoir les médicaments
01:45et de pouvoir amener cette aide.
01:47Les Nations unies ont acheté l'équivalent de trois mois de nourriture
01:52pour l'ensemble de la population,
01:53ont acheté de quoi faire des abris pour l'ensemble de la population.
01:57Tout ça est à l'extérieur de la bande de Gaza.
01:59La zone humanitaire, c'est une zone qui est censée être sûre
02:03et où l'armée israélienne a dit à la population de se réfugier.
02:08Et le 10 septembre, on a vu deux frappes de l'armée israélienne
02:13en plein milieu du camp, sur les tentes,
02:15qui a fait des dizaines de morts et des dizaines de blessés.
02:18On n'est pas du tout complètement en sécurité dans les hôpitaux.
02:21L'armée israélienne est rentrée dans les hôpitaux.
02:24Plusieurs hôpitaux ont été touchés lors de frappes ou de bombardements.
02:30On a perdu six de nos collègues.
02:32Certains ont été tués alors qu'ils étaient à la maison.
02:35Et puis, on a aussi fait face à un incident de sécurité très sévère
02:40au mois de novembre, où l'armée israélienne a tiré
02:43sur un convoi de voitures de médecins sans frontières.
02:47Le convoi a été identifié.
02:49Notre déplacement a été connu, notifié à l'armée.
02:53Une personne est décédée.
02:55On a demandé des explications à l'armée israélienne.
02:57On n'en a pas reçu.
02:59On est très régulièrement accusés d'être complices du Hamas,
03:05ce qui n'est évidemment pas le cas.
03:08Sur le Twitter du Kogat, c'est l'organisme de liaison
03:12entre l'armée et les ONG.
03:14Il y a un hashtag MSFOMS, complices du Hamas.
03:18Donc ça, c'est des accusations extrêmement graves.
03:20Les Nations unies sont accusées d'une manière générale.
03:23Je pense que c'est une façon de nous décrédibiliser,
03:28de décrédibiliser notre propos et de décrédibiliser nos témoignages.
03:32Ça fait partie de la rhétorique israélienne de justifier en permanence
03:36les attaques sur les hôpitaux par la présence du Hamas,
03:39les attaques sur la population civile par le fait
03:41que le Hamas se cache dans la population.
03:43C'est évident, mais dans les hôpitaux dans lesquels on travaille,
03:47jamais, jamais, on s'est retrouvés dans une situation où on s'est dit
03:52« Tiens, dans cette pièce-là, à côté de nous,
03:55il y a des combattants actifs du Hamas, c'est pas de problème,
03:57on continue à travailler. »
03:58Jamais.
03:59Finalement, ce que l'armée israélienne attendrait,
04:00c'est que nous fassions la preuve du fait qu'il n'y a pas
04:04de membres actifs du Hamas dans les hôpitaux dans lesquels on travaille.
04:07Et ça, c'est une inversion de la charge de la preuve.
04:09C'est à eux de faire la preuve que s'ils ont tapé cet hôpital,
04:13tapé cette zone où il y avait de la population civile,
04:18il y avait une présence du Hamas.
04:20Et encore, même avec une présence du Hamas,
04:22ça ne se justifie pas de bombarder des hôpitaux.
04:25Après le 7 octobre 2023, on avait proposé au ministère de la Santé israélien
04:32de l'aide qui avait été déclinée.
04:35On est face à 80% de la population de la bande de Gaza qui est déplacée
04:41et on n'arrive pas à lui fournir de l'aide à la hauteur de l'urgence.
04:46Et ça, en raison du fait que, contrairement à ce qui est dit et répété par Israël,
04:53l'aide humanitaire n'est pas du tout facilitée à Gaza aujourd'hui.
04:56Évidemment, la population de Gaza a besoin d'un cessez-le-feu.
05:02Cette demande a été répétée et elle est peu entendue.
05:06Il y a un besoin urgent et majeur d'aide humanitaire,
05:11de faciliter l'arrivée de l'aide, d'augmenter l'arrivée de l'aide.
05:15Et finalement, ce qu'on a besoin, c'est d'une libre circulation,
05:19d'une entrée de l'aide humanitaire.
05:21Et on a besoin aussi que la population qui veut le quitter Gaza,
05:26tout en étant assurée qu'elle puisse revenir, puisse quitter Gaza.
05:32Sous-titrage Société Radio-Canada