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00:00Éric Bocquet, vous avez décidé de démissionner de votre mandat seulement un an après votre réélection comme sénateur. Pourquoi cette décision ?
00:08Elle était mûrement réfléchie. Je savais que j'entamais mon dernier mandat. Et je savais qu'en cours de mandat, je passerai la main à un collègue plus jeune,
00:17de la génération suivante. Donc dans ma tête, c'était clair. J'en ai informé le groupe avant l'été. Et puis je viens d'informer mes collègues
00:25de la Commission des finances d'abord, puis l'ensemble des sénateurs la semaine dernière, le président Larcher, bien sûr. Et voilà, les choses se passent
00:32dans la tranquillité, la sérénité, sans difficulté aucune. Il faut savoir passer la main à un moment donné.
00:38Alors qui va vous succéder ?
00:39Alors mon successeur s'appelle Alexandre Basquin. Il est actuellement maire d'Avennes-les-Auberts, une commune de 3 600 habitants dans le Camp-Brésil,
00:45le sud du Nord. Et il a été mon collaborateur depuis le début. Donc il connaît très bien notre assemblée. Il connaît son fonctionnement.
00:53Il connaît les collectivités. Donc je pense qu'il sera opérationnel immédiatement à son arrivée ici le 2 novembre.
01:00Alors est-ce qu'il s'agissait aussi, quand vous êtes représenté, peut-être de conserver les 2 sièges détenus dans le Nord ?
01:06Oui, il y avait cet enjeu. On le sait. Arithmétiquement, les choses n'étaient pas acquises. Elles ne le sont jamais, d'ailleurs.
01:11Et donc il fallait effectivement tirer la liste. C'est ce qu'on m'a proposé de faire pour essayer de conserver absolument ces 2 sièges.
01:18Nous avons réussi ce pari. Donc on a effectivement gardé les 2 sièges. Et Alexandre Basquin a été positionné en 3e rang sur la liste,
01:27en sachant que c'est lui qui arriverait ici au Sénat dans les mois et ou années qui suivent.
01:31Alors ici, au Sénat, vous êtes connu pour votre travail sur la finance, sur la fraude, l'évasion fiscale. Il y a eu des commissions d'enquête.
01:39Il y a aussi ce livre « Sans domicile, fisc ». Sur ce sujet-là, dans lequel vous êtes plongé, est-ce que...
01:47– Je crois que ça fait 13 ans que vous êtes sénateur. – Oui, un peu plus de 13 ans maintenant, oui.
01:50– Est-ce que vous avez constaté une amélioration ? – Alors ce que j'ai constaté... Bon, d'abord, personnellement,
01:56c'était une expérience extraordinairement enrichissante, une formation accélérée. Moi, j'arrivais au Sénat, j'étais élu de 3 mois,
02:01que je me suis retrouvé rapporteur de cette commission d'enquête. Et ça m'a catapulté dans ce monde dont j'ignorais tout, quoi. Voilà.
02:09Est-ce que les choses ont évolué ? Je pense que le sujet est dans le débat public. Ça, c'est une bonne chose.
02:15Je me souviens, au moment du mouvement des Gilets jaunes, en 2018, sur leur banderole, leur pancarte, il y avait « réétablissement de l'ISF »,
02:21mais il y avait aussi « paradis fiscaux », « évasion fiscale ». J'ai trouvé ça intéressant sur un plan politique général.
02:27C'est dans le débat public. C'est documenté. Il y a eu des rapports parlementaires auxquels on a contribué.
02:31Il y a des journalistes d'investigation qui ont produit des travaux. Donc le sujet, aujourd'hui, est connu, documenté.
02:36Maintenant, il faut faire monter la volonté politique de s'attaquer radicalement à ce problème qui...
02:41Là, on est dans un moment où on cherche des milliards partout. M. Barnier cherche des milliards, cherche des recettes.
02:46Là, il y a un gisement intéressant à exploiter de ce côté, à mon avis. On a fait des propositions. Voilà.
02:51Il faut une volonté politique forte en France, forte en Europe pour s'attaquer à ce scandale.
02:56— Mais est-ce que l'argent n'a pas, finalement, toujours un coup d'avance sur le politique, sur la régularisation ?
03:02— C'est un problème de volonté politique. Vraiment, si on veut se doter des armes... Par exemple, il était question...
03:09À un moment donné, M. Darmanin, en 2018, avait proposé la création d'un observatoire de la lutte contre la fraude fiscale.
03:14J'avais d'ailleurs candidaté à l'époque à titre bénévole. Cet observatoire n'a jamais vu le jour. Il n'existe pas.
03:19Je me souviens qu'à l'époque, il avait expliqué qu'il n'avait pas été créé parce qu'il n'avait pas trouvé de président,
03:23d'où ma candidature spontanée. Voilà. C'était 2018. On est 6 ans plus tard. Il n'a pas été créé.
03:28Alors c'est un outil d'évaluation, parce qu'on nous retourne à chaque fois l'argument « Oui, mais on la chiffre, on entend des chiffres fantaisistes ».
03:34Donnons-nous un outil pour l'évaluer, effectivement, en mettant dans le coup les services fiscaux des élus, des parlementaires, des ONG, des syndicalistes
03:42qui sont pertinents sur le sujet et qui sauraient travailler pour produire un chiffre fiable. Il faut bien désigner l'adversaire.
03:49L'autre sujet, par exemple. Quand l'UE dit qu'il n'y a pas de paradis fiscal en son sein, le problème est réglé.
03:55Si vous dites qu'il n'y a pas de paradis fiscal, il n'y a pas lieu de s'attaquer à l'évasion fiscale.
03:59S'il y a des paradis fiscaux dans notre continent, on peut parler de l'Irlande, on peut parler de Luxembourg.
04:05555 000 sociétés offshore qui détiennent ensemble 6 500 milliards d'euros d'actifs. Révélation du monde en février 2021.
04:14On en est où ? Qu'est-ce qu'on a fait depuis ? Voilà. Donc les sujets sont connus. Il y a un scandale de temps en temps qui nous rappelle l'existence de ces phénomènes.
04:21C'est une véritable industrie. Mais la volonté politique, à mon avis, n'est pas à la hauteur voulue.
04:26Donc il faut continuer à éveiller les consciences, à informer pour faire monter la mayonnaise et faire en sorte que la pression impose au gouvernement d'agir radicalement sur ce sujet.
04:36Vous êtes confronté à ce lobby bancaire qui est puissant. Une petite anecdote. Lors des sénatoriales de 2017, je crois que j'ai lu que vous n'aviez pas trouvé de banque qui était prête à vous suivre.
04:51J'avais eu du mal à trouver un compte, effectivement. J'étais client d'une banque de bon sens près de chez vous. Je n'ai pas la nommé depuis 30 ans.
05:00Et on n'a pas voulu m'ouvrir un compte. Alors j'avais même écrit... Je suis un directeur national. Donc j'ai oublié le nom.
05:07Ils m'avaient répondu que les caisses sont autonomes, etc. Je ne peux pas imposer. Je m'étais tourné vers la banque postale. Pareil, on n'a pas voulu. Bon, bref.
05:14C'était après la commission d'enquête sur la fraude fiscale ?
05:16Oui, c'était avant la sénatoriale de 2017. Donc j'avais dans le premier mandat produit ces rapports, etc. Oui. Est-ce qu'il y a un lien ? Je n'en sais rien.
05:25Je n'ai aucune preuve pour le dire. Mais oui, j'ai vécu ce petit incident.
05:29Alors vous avez évoqué les paradis fiscaux. Ça, c'est un sujet aussi qui vous a beaucoup concerné. Il y a eu aussi, au moment de ces auditions sur les commissions d'enquête,
05:39le cas de Frédéric Oudéa, l'ancien PDG de la Société générale. Donc c'était au moment des révélations des Panama Papers.
05:50Est-ce que vous pouvez nous rappeler ce qui s'était passé ? Oui. Alors on avait eu l'occasion d'auditionner M. Oudéa dans la première commission d'enquête.
05:56C'était en avril 2012. Et à l'époque, je me souviens, j'ai relu plusieurs fois le compte-rendu. M. Oudéa avait dit « Ma banque, la Société générale,
06:03n'a plus aucune activité au Panama ». Et on apprend 4 ans plus tard, à l'occasion des révélations des Panama Papers avec Élise Lucet, avec Le Monde,
06:12tout un consortium de gens qui avaient révélé l'affaire. Et on apprend que la Société générale, via sa filière de Luxembourg, avait créé, de mémoire,
06:19649 sociétés offshore au Panama. Donc évidemment, réaction de ma part dans l'hémicycle. Je me souviens très bien. Je suis intervenu.
06:25Je fais un rappel au règlement sur le sujet en saisissant officiellement, via Mme Assassi, la présidente du groupe, le bureau du Sénat pour qu'il soit statué
06:33sur cette situation. Bon, malheureusement, le bureau n'a pas donné suite à l'époque, n'a pas transmis le dossier à la justice. Et ça s'est arrêté là.
06:39Cela dit, on a quand même auditionné... La Commission des finances du Sénat a auditionné M. Oudéa le 11 avril 2016. Commission qui était d'ailleurs filmée
06:48par Public Sénat, par votre chaîne. Et là, j'ai posé mes 5 questions précises à M. Oudéa. J'ai pas eu réponse. M. Oudéa m'a dit « Vous regarderez la vidéo.
06:57M. le sénateur, vos questions sont embarrassantes ». Et en se tournant vers la présidente de la Commission, Michel André, à l'époque, il lui a dit
07:03« Madame la présidente, je ne pensais pas que nous reviendrions sur ces sujets ». Voilà. Fermez le banc.
07:08— Et comment vous expliquez à l'époque ce choix du bureau du Sénat ? — Peut-être qu'il a fallu sauver le soldat Oudéa. Mais c'est révélateur de la prégnance
07:18du monde de la finance dans cette société, je veux dire. Je me souviens, j'ai des collègues qui me disaient « Faites attention, la Société générale
07:24est une grande banque ». Oui, mais une grande banque qui triche, c'est pas bien, quoi, qui vole des sous à la République, qui nous met en difficulté.
07:31C'est pas acceptable. Le citoyen lambda paye ses impôts. Donc oui, il y a dû y avoir... J'étais pas au bureau, à l'époque.
07:38Mais je sais qu'il y a eu une majorité de collègues qui ont souhaité ne pas donner suite, ne pas transférer le dossier à la justice.
07:44Ça, ça m'a marqué. Ça m'a marqué beaucoup. — Je crois que ça fait 13 ans que vous êtes sénateur. Quelle image vous aviez,
07:50quelle vision vous aviez du Sénat en y arrivant ? Et aujourd'hui, quelle est votre conception du Sénat ?
07:56Comment vous avez ressenti cette assemblée ? — Je connaissais par le groupe. Bon, j'étais maire, j'étais élu local.
08:05Donc je suivais régulièrement l'actualité du groupe, les propositions qu'il formulait. Donc je connaissais par ce biais-là.
08:11Mais quand je suis arrivé au Sénat, j'avais mes convictions. Et après ces 13 années passées au Sénat, au sein de la Commission des finances notamment,
08:20ces convictions sont devenues des certitudes quant à la marge du monde, quant à la domination de la finance sur la société.
08:26Voilà. Il y a des certitudes vendues sur le fonctionnement. Et j'ai gagné ça. J'ai appris ça. Et ça m'a édifié, ça m'a éclairé, ça m'a instruit.
08:35Et je suis plus fort aujourd'hui dans ma tête par rapport à ces sujets-là.
08:39— Et au Sénat, il n'y a pas le même état d'esprit qu'à l'assemblée. Il y a un débat d'idées profondes, mais il n'y a pas de tensions extrêmes.
08:51Par exemple, quels sont vos rapports avec le président du Sénat, Gérard Larcher ? — J'ai un excellent rapport, respectueux,
08:57je crois mutuellement respectueux, dans nos différences, dans nos différentes approches. Je ne partage pas toutes ses idées.
09:02Je veux dire quand il a pris position contre l'inscription de l'IVG dans la Constitution, c'est son droit. Je le respecte.
09:08On n'a pas la même position. Mais je lui reconnais cette qualité de bien gérer la maison du Sénat. Le Sénat est une belle maison,
09:15qui travaille, qui produit, qui réfléchit, qui propose, qui fonctionne bien. Voilà. Et je trouve qu'il est respectueux des petits groupes.
09:22Il permet à chaque groupe d'avoir son existence, son fonctionnement, les moyens de fonctionner. Et ça, c'est précieux. C'est très précieux.
09:28Et d'ailleurs, je m'étais permis de l'inviter l'an dernier à l'inauguration de notre nouvelle mairie à Marquillie, dans le Nord.
09:34Et quand je lui ai fait la proposition, un an auparavant, il m'a dit oui tout de suite. On sortait des questions d'actualité au gouvernement.
09:40Je me souviens, c'était dans ce petit salon-là. Il m'a dit « Je viens ». Et il est venu. C'était le 19 février 2023, à Marquillie,
09:48avec 9 sénateurs du Nord sur les 11 présents. Un grand moment qui a marqué le village, quoi.