L'antisémitisme n'a pas attendu la tragédie du 7 octobre 2023 pour s'exprimer en France. Peut-on oublier les assassinats d'Ilan Halimi(2006), de Sarah Halimi (2017), de Mireille Knoll (2018), tués parce que juifs ? Peut-on ignorer qu'un antisémitisme d'atmosphère, loin d'être « résiduel », comme ose le prétendre Jean-Luc Mélenchon, gâche la vie de beaucoup de Français juifs, obligés de raser les murs ? Peut-on ne pas voir et ne pas comprendre que ce venin se propage à la vitesse de l'islamisme virulent qui s'infiltre chaque jour davantage dans notre société ? Le 7 octobre a néanmoins été un accélérateur de haine. Et pas seulement parce que le nombre de violences antijuives a explosé sur notre sol.
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00:00Bonsoir à tous et bienvenue au club Le Figaro International.
00:04Le 7 octobre 2023, il y a donc exactement un an, des commandos du Hamas infiltrés en Israël
00:11perpétraient le pire massacre qu'ait jamais connu ce pays, une litanie d'atrocité
00:16qui a enclenché une spirale funeste de violence et de guerre dans toute la région.
00:21Alors un an après, où en est-on à Gaza ?
00:24Israël, qui a fait la démonstration de sa puissance militaire, est-il vraiment plus en sécurité ?
00:29Et qu'en est-il du reste du monde entre le risque d'un embrasement régional
00:34et la position ambiguë des Occidentaux ?
00:37Autant de questions dont nous allons débattre sans plus attendre avec mes invités.
00:54Agnès Levallois, bonsoir.
00:55Bonsoir.
00:56Vous êtes consultante, spécialiste du Moyen-Orient, chargée de cours à Sciences Po
01:00et vice-présidente de l'IREMO, l'Institut de Recherche et d'Études Méditerranée Moyen-Orient.
01:06Votre dernier livre est paru ce 4 octobre au Seuil, sous le titre Le Livre noir de Gaza.
01:11Il dresse un état des lieux à travers la compilation des rapports de ONG
01:15et des enquêtes indépendantes sur la situation de ce territoire
01:19qui, il faut le rappeler, est fermé aux journalistes depuis un an.
01:22Dominique Moisy, bonsoir.
01:23Bonsoir.
01:24Vous êtes un habitué de cette émission, politologue, géopoliticien, conseiller spécial de l'Institut Montaigne,
01:30chroniqueur pour de nombreux titres français et anglo-saxons.
01:33Vous avez enseigné au King's College de Londres, à Harvard, à Sciences Po Paris, j'en passe.
01:39Vous êtes l'auteur de livres devenus des classiques, comme La géopolitique de l'émotion.
01:43Et votre dernier ouvrage prolonge cette réflexion, à la lumière des bouleversements actuels,
01:49Le triomphe des émotions, La géopolitique entre peur et espoir.
01:52Colère et espoir, pardon, aux éditions Robert Laffont.
01:55J'ajoute que vous signez ce matin, dans les échos, une chronique sur le 7 octobre,
02:00titrée Du pogrom à une crise régionale.
02:03Presque régionale.
02:04À une guerre presque régionale.
02:07Jean-Marc Gonin, bonsoir.
02:09Vous êtes rédacteur en chef et grand reporter au Figaro Magazine,
02:12après être passé par Libération et L'Express, notamment.
02:15Vous arpentez la planète depuis quelques décennies, on va dire.
02:19Et vous connaissez bien la région dont nous allons parler ce soir.
02:22Cyriloui, bonsoir.
02:24Vous êtes grand reporter et rédacteur en chef adjoint du service international du Figaro,
02:28ancien correspondant à Jérusalem.
02:30Vous êtes retourné en reportage en Israël, après les événements du 7 octobre dernier.
02:35Alors justement, on va commencer par se rappeler ce qui s'est passé le 7 octobre.
02:41Cette attaque terroriste atroce, il faut le dire.
02:44Ponctuée de viols, de massacres d'enfants et de vieillards.
02:481200 victimes israéliennes, 251 otages, dont 107 sont toujours à Gaza
02:54et dont 35 sont présumés morts.
02:56Deux Français parmi eux.
02:58Est-ce qu'on a bien mesuré, en Europe de l'Ouest, aux États-Unis, en France,
03:03l'impact du traumatisme qu'a créé cet événement du 7 octobre ?
03:10Dominique Moisy, peut-être ?
03:13Je crois qu'il y a une manifestation d'empathie immédiate, forte,
03:20qui va s'atténuer avec le temps,
03:24au moment où les images de Gaza vont prendre le pas sur celles très rares du 7 octobre.
03:35Mais pour répondre à votre question, je dirais que finalement, non.
03:40On n'a pas réalisé.
03:42Je crois qu'à aucun moment, on ne s'est demandé ce que représentaient
03:471200 personnes pour un pays de moins de 10 millions d'habitants.
03:54Qu'est-ce que ça aurait été pour la France ?
03:56Qu'est-ce que ça représentait pour les États-Unis ?
03:59Donc je crois que non.
04:02Une des raisons de la situation dans laquelle Israël se trouve aujourd'hui,
04:08c'est bien entendu la politique menée par Benjamin Netanyahou,
04:14mais c'est aussi le fait que c'est resté abstrait dans la conscience du monde
04:22après des réactions immédiates.
04:25Et je crois que quand on voit ce qui se passe sur les campus américains,
04:31quand on voit ce qui se passe dans les rues européennes,
04:38je pense qu'une des interprétations, c'est précisément le fait
04:43qu'on n'a pas réalisé la barbarie absolue de ce qui s'est passé le 7 octobre.
04:50Il ne s'agissait pas seulement d'un mouvement de libération,
04:54il s'agissait d'une explosion de haine.
04:57Agnès Levallois, vous partagez cet avis.
05:00Il y a eu de l'effroi, mais qui est très vite dissipé.
05:03Il y a eu de l'effroi, il y a eu de l'empathie, je crois quand même.
05:06Oui, c'est ce que vous avez dit, absolument.
05:08Une vraie empathie face à l'horreur de ce qui s'est passé,
05:11face aux témoignages qui ont été publiés, qui ont été relayés,
05:15pour montrer justement à quel point ce qui s'était passé
05:18a été absolument épouvantable,
05:21au point qu'on n'arrivait même pas à trouver les mots
05:23pour pouvoir décrire ce qui se passait.
05:25Et c'est vrai qu'au fil des semaines,
05:27quand on a vu l'ampleur de la riposte israélienne
05:30sur la bande de Gaza, c'est vrai que ces images sont venues.
05:35Pas du tout comme voulait.
05:37Un drame chasse l'autre, une horreur chasse l'autre.
05:39Il y a eu le sentiment que là, on était rentré dans une autre phase
05:42et qui faisait complètement basculer aussi ce qui se passait dans la région.
05:46Et donc il y avait quand même régulièrement des rappels,
05:49heureusement, de ce qui s'était passé le 7 octobre,
05:51parce qu'il ne s'agit évidemment pas d'oublier,
05:53il n'est pas possible d'oublier ce qui s'est passé.
05:55Mais je crois qu'au fur et à mesure des semaines et des mois
05:58qui sont passées, avec le nombre de victimes palestiniennes
06:02qui a augmenté au fur et à mesure,
06:04il y a eu les deux drames qui se sont retrouvés
06:09à devoir réagir face à ces deux drames.
06:12Et donc, donnant le sentiment,
06:14et c'est toujours ça qui est terrible dans ces récits,
06:16chacun voyant le récit de l'autre
06:18ou ne voulant pas voir le récit de l'autre,
06:20et donc le sentiment pour beaucoup d'Israéliens
06:22ou de Juifs en France, ou à travers le monde,
06:24qu'on avait oublié ce qui s'était passé,
06:26et de l'autre côté, le sentiment qu'on ne parlait que des victimes
06:29de ce massacre du 7 octobre
06:31et pas assez des victimes palestiniennes.
06:33Et là, on est vraiment, j'allais dire,
06:35au cœur de ce conflit,
06:37à savoir de cette incompréhension.
06:39Chacun estime que l'autre ne comprend pas ce qu'il vit.
06:41Mais on va venir, bien sûr, à la riposte à Gaza,
06:45mais Cyril Louis, vous avez interrogé
06:47beaucoup de gens juste après le 7 octobre.
06:50Comment vous décririez l'impact profond
06:53que ça a dans la psyché des Israéliens,
06:56y compris un an après ?
07:00C'est précisément très difficile à décrire et à saisir,
07:05et je pense que c'est l'une des clés
07:07de l'incompréhension qui se généralise depuis un an.
07:10Ce qui m'a frappé au tout début,
07:12c'est que les autorités israéliennes
07:14et la société civile ont bien compris
07:16le risque de voir le trauma israélien
07:21dissipé, recouvert par celui des Palestiniens,
07:25à mesure qu'on réalisait
07:27qu'elle allait être l'ampleur
07:29de l'opération militaire israélienne à Gaza,
07:31des destructions.
07:33Et les autorités israéliennes
07:36ont eu le souci, vite,
07:38de montrer, de raconter,
07:41aussi bien ce qui s'était passé
07:44dans les kibbouts,
07:46dans la ville de Sderot...
07:48De documenter le massacre.
07:50De documenter le massacre,
07:52de montrer,
07:54de faire parler les médecins légistes,
07:56les premiers secouristes
07:58qui étaient intervenus sur les scènes de crime,
08:00aux journalistes,
08:02pour que l'ampleur de cette
08:04tragédie soit documentée
08:06de façon aussi précise que possible.
08:10Et pour autant,
08:12le trauma, je ne suis pas sûr
08:14qu'on le mesure vraiment.
08:16Et à mon avis,
08:18ça se répercute dans le fait que...
08:22Quand on essaye d'expliquer
08:24la brutalité de la riposte israélienne,
08:26notamment dans la bande de Gaza,
08:28on a tous tendance
08:30à avoir recours à une clé de lecture simple
08:32qui est de dire, Netanyahou fait la guerre
08:34et poursuit la guerre et intensifie la guerre
08:36parce qu'il y va de sa survie politique.
08:38Et c'est certainement un élément de lecture
08:40et d'interprétation important.
08:42Mais en même temps, Netanyahou n'est pas seul.
08:44D'une part,
08:46lui et sa coalition,
08:48y compris la composante la plus à droite,
08:50ont été élus par les Israéliens.
08:52Et puis, d'autre part,
08:54il y a une partie significative
08:56de l'opinion israélienne
08:58qui considère qu'il faut détruire
09:00quoi que ça puisse signifier le Hamas,
09:02détruire le Hezbollah.
09:04Et c'est une des clés, à mon avis,
09:06de lecture de cette fuite en avant
09:08martiale à laquelle on assiste
09:10depuis un an,
09:12à savoir jusqu'où elle peut mener
09:14et où elle pourrait s'arrêter.
09:16On va essayer d'en parler tout à l'heure.
09:18Jean-Marc Gonin,
09:20sur ce point-là, sur le fait que
09:22d'abord, la société israélienne
09:24nous paraît, à la lumière
09:26de ce qui se passe aujourd'hui au Liban,
09:28quand même plus divisée sur la façon
09:30dont le pays a répondu
09:32à Gaza, mène cette guerre
09:34de facto,
09:36fait passer le sort des otages
09:38un peu derrière les buts
09:40purement militaires
09:42de Tsaïla à Gaza.
09:44Mais il y a quand même un paradoxe,
09:46c'est que côté israélien, on a accès
09:48à des sources, aux victimes
09:50on entend leur voix,
09:52et c'est vrai que côté palestinien, c'est moins le cas.
09:54Oui, vous avez raison.
09:56Mais sur le trauma israélien,
09:58les otages restent
10:00quelque chose.
10:02On peut toujours dire, effectivement,
10:04que l'opération militaire...
10:06Après, il y a plus d'une centaine d'otages,
10:08c'est une antienne qu'on entend
10:10dans le pays, il y a des manifestations régulières,
10:12il y a des familles qui s'expriment.
10:14Ce matin, les métiers étaient pleins de témoignages,
10:16de témoignages de ces familles.
10:18Donc, on ne peut pas dire que le chapitre
10:20a été clos par la...
10:22Le chapitre de l'émotion israélienne a été clos
10:24par ce qui s'est passé à Gaza.
10:26Il reste quand même une souffrance
10:28et cette espèce de douleur lancinante
10:30d'avoir ces otages.
10:32Et apparemment, David Taillieu
10:34est beaucoup accusé à l'intérieur d'Israël
10:36d'avoir mis son mouchoir sur les otages
10:38pour continuer son opération militaire,
10:40quoi qu'il advienne.
10:42L'autre chose qui me paraît importante
10:44dans le trauma israélien,
10:46c'est que
10:48l'invasibilité israélienne
10:50a été tout d'un coup... Ce sentiment d'invasibilité,
10:52d'invulnérabilité a été mis en cause.
10:54C'est-à-dire que là,
10:56il y a eu quelque chose...
10:58Est-ce que vous écrivez dans votre chronique, ce matin,
11:00Dominique Taillieu ?
11:02En plus, quand on connaît l'endroit,
11:04c'est-à-dire qu'il y a eu des gens qui ont été capturés,
11:06surveillés, filmés, écoutés,
11:08et néanmoins, échec total du...
11:10C'était vraiment un chaudron,
11:12un couvercle posé sur le chaudron
11:14et on pensait que c'était...
11:16C'était impensable.
11:18Et ça a joué, d'ailleurs, même du point de vue mondial.
11:20Israël était quand même cet État super puissant
11:22qui a un renseignement exceptionnel
11:24et qui paraissait inattaquable.
11:26Peut-être la frontière,
11:28si on appelle ça une frontière,
11:30mais la ligne de démarcation la plus surveillée
11:32Dominique Moisy, un an après,
11:34les Israéliens se divisent même
11:36sur les commémorations, puisqu'on a vu
11:38que la commémoration officielle
11:40était pratiquement préenregistrée
11:42quasiment sans public
11:44et que les familles des otages
11:46ont organisé leur propre
11:48cérémonie distincte
11:50et ne voulaient pas être
11:52récupérées par le pouvoir
11:54de Benjamin Netanyahou, c'est quand même assez exceptionnel.
11:56Un an après
11:58un drame pareil,
12:00le pays, finalement,
12:02n'arrive pas à s'unir, même pour les cérémonies
12:04de commémorations.
12:06Est-ce que ça vous surprend ?
12:08C'est tragique, mais c'est la réalité.
12:10Je crois qu'elle se sent
12:12triplement trahie.
12:16Par le gouvernement
12:18qui, clairement, n'a pas fait
12:20de la question des otages
12:22sa priorité.
12:26Par le monde.
12:28On revient à votre première question
12:32qui ne semble pas
12:34faire preuve d'une empathie
12:36à la hauteur
12:38de leur souffrance, mais aussi
12:40j'étais frappé par une phrase
12:42que j'ai lue
12:44il y a quelques jours
12:46d'un Israélien qui disait
12:48« Je hais le ramas
12:50parce qu'il a
12:52obligé mes enfants
12:54à tuer des enfants
12:56palestiniens ».
12:58Et donc il y avait une sorte
13:00de rejet
13:02de cette
13:04déshumanisation
13:06qui s'est installée
13:08dans cette partie du monde.
13:10Désormais réciproque.
13:12Bien sûr, mais il le dit
13:14très clairement. « Je hais le ramas
13:16qui a poussé mes enfants
13:18à tuer des enfants palestiniens ».
13:20Et je crois que
13:22ce point
13:24est absolument
13:26central.
13:28On est dans un
13:30univers qui est
13:32devenu toujours plus
13:34hobsien. L'homme
13:36est un loup pour l'homme
13:38où toute considération
13:40de modération,
13:42de nuance,
13:44semble avoir été éliminée.
13:46Et je crois que pour les Israéliens
13:48ce qui s'est
13:50ce qui s'est passé en particulier
13:52depuis
13:54les trois dernières semaines
13:56est une sorte
13:58de rattrapage. Ils avaient
14:00failli le 7 octobre.
14:02Ils avaient...
14:04C'était même
14:06leur contrat existentiel
14:08avec les
14:10citoyens israéliens
14:12et globalement le peuple juif dans le monde
14:14était plus jamais ça.
14:16Mais est-ce qu'on ne comprend pas de guerre quand vous dites ça ?
14:18Le rattrapage, est-ce qu'il n'a pas lieu
14:20plus au Liban qu'à Gaza ?
14:22On va parler évidemment de la situation à Gaza.
14:24Tout à fait. Mais je crois qu'il y a...
14:26Il y a des raisons stratégiques à cela.
14:28C'est-à-dire qu'à Gaza
14:30ils ont été totalement pris de court.
14:32Ils n'avaient pas de stratégie
14:34pour un scénario qui leur paraissait
14:36invraisemblable. Et la question est en antilune aujourd'hui.
14:38Alors au Liban visiblement
14:40ils ont... Au Liban ils avaient des
14:42atouts qu'ils n'avaient pas à Gaza.
14:44Et je dirais que pour les Israéliens
14:46là ils se sont retrouvés
14:48dans l'affaire
14:50des beepers.
14:54Le miracle technologique
14:56l'ingéniosité leur
14:58a fait dire, cette fois-ci
15:00nous sommes à la hauteur. Et je crois
15:02qu'il y avait un élément
15:04de revanche presque personnelle.
15:06Les chefs de l'armée et de la sécurité
15:08étaient les mêmes, sont
15:10les mêmes aujourd'hui que ceux du
15:127 octobre. Et ils ne voulaient pas
15:14quitter l'histoire
15:16sans avoir pris une revanche
15:18sur leur humiliation personnelle
15:20et collective. Alors on reviendra
15:22sur cette comparaison entre
15:24les opérations au Liban et les opérations
15:26à Gaza. Mais à Gaza, une espèce de
15:28contre-exemple
15:30on ne peut pas parler d'opérations
15:32chirurgicales, ça c'est le moins qu'on puisse dire.
15:34Agnès Levallois, le bilan
15:36est terrible. Alors le bilan
15:38est absolument effroyable puisqu'alors
15:40on parle de 42 000 morts mais probablement
15:42beaucoup plus puisque ce chiffre
15:44correspond aux personnes qui ont été identifiées.
15:46Et donc on ne parle pas de toutes celles
15:48qui sont encore sous les décombres, de toutes celles
15:50qui vont mourir de blessures parce qu'on n'a pas
15:52accès... Il y aurait environ 100 000 blessés.
15:54Oui, il y a 100 000 blessés, donc il y a
15:56ceux évidemment qui ne vont pas pouvoir vivre
15:58parce qu'il n'y a pas de médicaments, il n'y a pas d'hôpitaux,
16:00les anesthésies se font, enfin
16:02les opérations se font sans anesthésie.
16:04Donc un bilan humain absolument
16:06effroyable. Les destructions,
16:08quand on voit l'ampleur des destructions
16:10de toutes les infrastructures,
16:12que ce soit évidemment
16:14les conductions d'eau,
16:16donc l'eau n'est plus potable,
16:18les écoles, les universités...
16:20Oui, on dit que c'est 95 %
16:22des hôpitaux et des écoles
16:24qui ont été détruits. Voilà, qui ne sont plus en état
16:26de fonctionnement. 1,9 million
16:28déplacés sur une population
16:30de 2,1 millions. 2,3 millions
16:32et ces palestiniens
16:34ont été déplacés en moyenne
16:36entre 8 et 10 fois depuis un an.
16:38Donc une situation quand même
16:40insupportable. Le nord de la bande de Gaza
16:42qui maintenant est interdit
16:44à la population, une partie d'entre elles
16:46aimerait revenir vers le nord, mais ce n'est pas possible.
16:48Donc un territoire qui se réduit aussi
16:50comme peau de chagrin, on le rappelle, 360 km²
16:52pour une population dont on vient
16:54de donner le chiffre.
16:56Donc un territoire qui est complètement ravagé
16:58et rendant finalement la vie
17:00invivable au premier sens du terme.
17:02Comment vivre dans ces conditions
17:04avec, vous avez vu récemment,
17:06la crainte de l'épidémie de polio
17:08qui repart. Donc il y a eu
17:10heureusement un accord qui a été trouvé
17:12entre l'OMS et le gouvernement
17:14israélien pour permettre à ce que des doses
17:16de vaccins puissent rentrer dans la bande
17:18de Gaza. Donc on a une situation
17:20qui est proprement invivable
17:22avec comme objectif, pour
17:24certains en tous les cas, dont le rêve est de faire
17:26partir les palestiniens de cette bande
17:28de Gaza. Simplement, où peuvent-ils aller
17:30puisqu'ils ne peuvent pas aller en Israël ?
17:32L'Égypte ne veut pas non plus ouvrir sa frontière
17:34pour différentes raisons, sur lesquelles
17:36on peut revenir, et sinon s'éborder
17:38par la Méditerranée. Et donc de ce point de vue-là,
17:40c'est un conflit assez particulier
17:42puisque même, je me rappelle, au pire moment du siège
17:44de la ville d'Alep en Syrie,
17:46il y avait quand même une possibilité
17:48de pouvoir partir, de pouvoir
17:50quitter cet enfer.
17:52Et il y avait des journalistes témoins
17:54de ce qui se passait.
17:56Et même à Mossoul.
17:58Ce qui est terrible là, c'est ce blocus que j'appelle
18:00hermétique, parce qu'il est pratiquement
18:02hermétique, même si de temps en temps, quelques
18:04humanitaires arrivent à rentrer quelques jours,
18:06à repartir. Mais c'est vraiment un blocus
18:08qui fait qu'il est extrêmement
18:10difficile de savoir ce qui s'y passe.
18:12Et ça, c'est vraiment la volonté claire
18:14d'Israël, qui ne veut pas
18:16qu'on puisse, que les journalistes
18:18ne puissent pas y aller comme ils aimeraient
18:20pouvoir y aller. Quand j'y rêvais,
18:22évidemment, le terme est trop fort, mais pour pouvoir
18:24rendre compte de ce qui se passe. Et c'est la raison
18:26pour laquelle on a entrepris ce travail de ce livre noir,
18:28estimant qu'il était important
18:30d'essayer de documenter de la façon
18:32la plus factuelle possible.
18:34Et c'est vraiment pour moi un élément important
18:36de revenir aux faits et de pouvoir
18:38parler concrètement de ce qui se
18:40passe dans ce trou,
18:42ce qui est devenu Gaza, qui est devenu un trou noir,
18:44qu'il était déjà avant, parce que le blocus
18:46existe depuis 2007.
18:48Donc il a été évidemment renforcé après
18:50le 7 octobre, mais qui existait déjà.
18:52Et donc tout était déjà en place, finalement,
18:54pour que ce blocus soit vraiment hermétique.
18:56Jean-Marc Gonin, la stratégie de la
18:58guerre à huis clos, à votre avis, c'est un pari
19:00intelligent, enfin...
19:02pertinent, même
19:04s'il est...
19:05Non, je vais intervenir dans l'histoire
19:07de l'armée israélienne. Je crois que c'est la première fois
19:09qu'ils installent un tel blackout
19:11sur leurs opérations.
19:13Ce n'était pas leur habitude. Alors bon, il y a quelques
19:15voyages organisés, mais on sait ce que ça vaut.
19:17Oui, ils avaient plutôt des méthodes américaines,
19:19où on embarque des journalistes.
19:21D'ailleurs, ils l'ont fait un petit peu au début.
19:22Oui, ils l'ont fait quelques fois, mais jamais...
19:24C'était des excursions
19:26de quelques heures, et puis on repart,
19:28et on les encadrait très fortement.
19:30Et finalement, sur le
19:32moyen terme, là, sur un an,
19:34est-ce que c'est un pari gagnant, du point de vue
19:36de l'armée israélienne ?
19:38Je ne trouve pas, parce que toute information qui est diffusée
19:40depuis Gaza, sur Gaza
19:42plus exactement, est sujette à caution.
19:44Qu'elles viennent d'ailleurs
19:46d'Israël, mais également des journalistes
19:48palestiniens, il y en a qui sont excellents.
19:50On en a connu une utilisée comme fixer
19:52en allant sur place. Mais là,
19:54ils sont noyés dans une masse, on dit,
19:56sont-ils des agents du Hamas ?
19:58Ils sont totalement victimes eux-mêmes.
20:00Leur famille est en danger, ils sont en danger.
20:02Il y en a eu plusieurs dizaines qui sont morts.
20:04113 journalistes morts, comme depuis le début du conflit.
20:06C'est un chiffre énorme.
20:08Donc, le blackout
20:10fait que toute l'information
20:12qu'on conserve, qu'on dispose,
20:14laisse
20:16toutes les spéculations ouvertes.
20:18Du point de vue du public, en général,
20:20et du monde entier, c'est quand même
20:22un problème réel.
20:24Cette situation pose presque une question philosophique.
20:26Est-ce qu'une cause
20:28juste permet-elle
20:30d'avoir recours à tous les moyens ?
20:34Dominique Moisy ?
20:38Non, la réponse est non, clairement.
20:40Mais je crois
20:42que dans
20:44cette histoire tragique,
20:46les peuples
20:48sont victimes
20:50de la radicalité
20:52de ceux qui les dirigent.
20:54Alors,
20:56la population
20:58de Gaza, du fait du Hamas,
21:00le peuple israélien,
21:02du fait de l'orientation
21:04très droitière
21:06de son gouvernement.
21:08Et ce qui m'a frappé
21:10tout au long de cette année,
21:12ça a été le décalage
21:14entre la faiblesse
21:16des voix modérées
21:18et la violence
21:20et l'efficacité
21:22des voix extrêmes.
21:24Un des points centraux,
21:26c'est l'impuissance
21:28des grands
21:30acteurs internationaux, au premier rang
21:32desquels les Etats-Unis,
21:34a imposé
21:36la raison
21:38à leurs alliés principales.
21:40Je crois que
21:42le point
21:44de départ, me semble-t-il,
21:46c'est le voyage
21:48immédiat, quasi immédiat,
21:50de Biden
21:52en Israël, au lendemain
21:54du 7 octobre. Il prend
21:56tout le monde dans ses bras
21:58pour faire la preuve de son
22:00empathie la plus grande
22:02et il part avec un avertissement
22:04solennel. Je suis derrière vous,
22:06mais ne faites pas les bêtises
22:08que nous avons fait,
22:10nous, au lendemain
22:12du 11 septembre. Ne tombez pas
22:14dans le piège que l'extrémisme
22:16vous tend.
22:18On reviendra sur le manque
22:20d'influence du
22:22président américain dans toute cette
22:24affaire. Cyril Louis, juste un mot, vous connaissez
22:26bien la bande de Gaza. Est-ce que
22:28il y avait une autre stratégie militaire possible
22:30de la part d'Israël ?
22:32Il faudrait que
22:34vous me disiez quel est le but à atteindre.
22:36Le but
22:38à atteindre,
22:40c'est celui que formulent les Israéliens,
22:42c'est d'anéantir
22:44ou de détruire la
22:46capacité de nuisance du Hamas et de
22:48libérer les otages, d'ailleurs qui peuvent être
22:50deux buts de guerre potentiellement
22:52contradictoires. Libérer les otages,
22:54on a bien vu qu'il y a eu
22:56deux séquences, l'une au mois de novembre
22:58où est intervenu un cessez-le-feu
23:00dans le cadre d'un accord entre
23:02le Hamas et Israël,
23:04négocié notamment par le
23:06Qatar, sous parrainage américain,
23:08où
23:10plusieurs centaines d'otages israéliens
23:12ont été libérés en
23:14contrepartie de
23:16l'élargissement de milliers de
23:18palestiniens qui étaient
23:20détenus dans les prisons israéliennes.
23:22C'est un accord
23:24qui a été controversé,
23:26critiqué, notamment par la
23:28composante la plus droitière
23:30que la coalition israélienne.
23:32Il y a eu
23:34quelques opérations ciblées,
23:36commandos, qui ont permis de libérer
23:38quelques otages, mais ça se
23:40compte pratiquement sur les doigts des deux mains.
23:42Ça veut dire en fait que la stratégie
23:44choisie par Netanyahou et
23:46son gouvernement,
23:48sa coalition, ne mettait pas en avant
23:50en priorité les otages.
23:52Voilà, manifestement, c'était en effet pas sa priorité
23:54ou il a considéré en tout cas
23:56que cette priorité
23:58ne devait pas lui interdire ou l'empêcher
24:00de frapper l'appareil
24:02militaire du Hamas.
24:04Et pour ce qui est
24:06de la question
24:08de savoir si on pouvait adopter une autre
24:10stratégie pour détruire
24:12l'appareil militaire du Hamas,
24:14sans doute,
24:16mais il faut quand même rappeler que c'est très compliqué
24:18parce que, comme les Israéliens ne cessent de le rappeler,
24:20le Hamas est
24:22en effet
24:24installé au sein
24:26de la population civile,
24:28dans les mêmes édifices,
24:30dans les mêmes infrastructures,
24:32à l'exception des tunnels, bien sûr, que les combattants
24:34du Hamas se réservent,
24:36et donc ça aurait été très compliqué.
24:38Jean-Marc Gonin, vous le dites...
24:40Oui, une précision sur le Hamas, c'est quand même que
24:42à la décharge des Israéliens,
24:44ils se sont très vite aperçus
24:46que, quels que soient les représentants
24:48du Hamas à l'extérieur,
24:50la haute main sur la négociation,
24:52où, disons, le final cut, la dernière décision
24:54revenait à Sinwar,
24:56c'est-à-dire...
24:58celui de l'intérieur, celui qui combattait.
25:00Qui échappe toujours d'ailleurs à Israël au bout d'un an.
25:02Qui a contredit,
25:04semble-t-il, à plusieurs reprises,
25:06ce que la direction politique
25:08en exil avait convenu.
25:10Je veux dire que
25:12la situation de la négociation n'était pas simple,
25:14et on peut penser que des chefs militaires
25:16se sont dit, bon, on n'y arrive pas,
25:18donc, continuons.
25:20Agnès Levallois, est-ce qu'on peut envisager,
25:22quelle issue peut-on envisager à ce conflit
25:24à Gaza, proprement dit ?
25:26Quelle voie de sortie ?
25:28Aujourd'hui, je n'en vois pas beaucoup,
25:30parce que, pour une raison assez simple,
25:32c'est qu'on voit que le Hamas a encore quelques capacités,
25:34alors évidemment qu'ils n'ont plus rien à voir
25:36avec celles de Gaza.
25:38Oui, il resterait une dizaine de milliers de combattants
25:40sur les 30 000 du départ.
25:42Simplement, pour le Hamas, c'est un moyen de montrer
25:44que les objectifs de guerre d'Israël
25:46n'ont pas été atteints.
25:48Donc, on voit une situation aujourd'hui
25:50qui est complètement bloquée, c'est-à-dire que
25:52Netanyahou, qui ne veut pas négocier, Sinwar,
25:54comme il est toujours là,
25:56on voit bien que lui aussi est dans une logique,
25:58à l'instant où il n'est pas question de reprendre
26:00les négociations, semble-t-il.
26:02En plus, c'est vrai que, quand même, celui qui négociait,
26:04même si, effectivement, la décision,
26:06au bout de course, revenait à Sinwar,
26:08Haniye, qui négociait pour le Hamas,
26:10a été assassinée
26:12par Israël lorsqu'il était à Téhéran.
26:14Donc, c'est aussi un moyen de...
26:16Enfin, je trouve que c'est un signal selon lequel
26:18on n'a pas forcément envie de négocier.
26:20Si vous éliminez la personne,
26:22même si elle est en difficulté à la négociation,
26:24parce qu'effectivement, la décision
26:26revient à Sinwar, mais il y a quand même eu
26:28un accord qui a été signé
26:30en novembre, qui a permis la libération
26:32d'otages. Donc, on voit bien qu'on est
26:34dans une situation qui peut paraître
26:36complètement folle,
26:38dans le sens où il y a des otages
26:40que Netanyahou dit qu'il voudrait
26:42les libérer, mais que toute la stratégie
26:44va exactement à l'encontre ou dément
26:46complètement les propos tenus,
26:48puisque vous assassinez celui qui est
26:50en charge de la négociation.
26:52Quand il y a eu ce premier accord de cesser le feu,
26:54il a permis la libération. Après, les négociations
26:56n'ont pas abouti. Alors, je ne dis pas que la faute
26:58est uniquement du côté israélien.
27:00Du côté palestinien, il y a du Hamas,
27:02parce qu'il faut faire la distinction, bien évidemment.
27:04Il y avait sûrement aussi
27:06un blocage dans la négociation,
27:08mais on sent quand même que de la part d'Israël,
27:10il y a une volonté d'aller
27:12le plus loin possible, et ça, je pense que
27:14la pression de l'extrême droite au sein
27:16de ce gouvernement pousse complètement
27:18dans ce sens. Alors, on ne va pas refaire l'histoire
27:20avec Dessy, mais avec une coalition
27:22qui aurait été beaucoup moins à droite
27:24que celle actuellement au pouvoir.
27:26Je ne suis pas sûre qu'on aurait
27:28la même conduite de guerre et du coup
27:30le même résultat un an après.
27:32Ça, c'est un élément qui me paraît quand même
27:34extrêmement important à prendre en compte dans l'analyse.
27:36Dominique Moisy, les israéliens
27:38ne veulent plus entendre parler du Hamas, ne veulent plus
27:40dialoguer avec le Hamas.
27:42On peut le comprendre. De notre côté,
27:44les palestiniens, y compris
27:46du FATA
27:48et de l'OLP, de l'autorité palestinienne,
27:50disent qu'il faudra inclure
27:52le Hamas dans
27:54un éventuel dialogue
27:56israélo-palestinien. Ça veut dire
27:58que c'est l'impasse totale au niveau du processus
28:00de paix ? On oublie cette expression,
28:02cette formule processus de paix pour
28:04l'avenir prévisible ?
28:06Oui.
28:08Bien sûr.
28:10L'essentiel est de
28:12considérer que l'objectif
28:14reste toujours
28:16le même, que pour le moment,
28:18il n'y a au pouvoir
28:20chez les palestiniens
28:22et chez les israéliens
28:24des personnalités
28:26dont la vision stratégique
28:28de la paix comme priorité
28:30n'est clairement
28:32pas essentielle.
28:34Mais il y a un
28:36avenir, il faut aller au-delà.
28:38Et je pense qu'il existe
28:40chez les palestiniens,
28:42comme chez les israéliens,
28:44des minorités conscientes
28:46de leurs responsabilités
28:48historiques, qui savent
28:50du côté palestinien
28:52que
28:54Israël n'est pas
28:56la France
28:58en Algérie, qu'ils n'ont pas
29:00un ailleurs,
29:02qu'ils ne partiront pas et qu'ils
29:04sont supérieurs
29:06militairement, technologiquement,
29:08économiquement, intellectuellement,
29:10tout ce que vous voulez.
29:12Et que l'idéal
29:14de faire partir
29:16les israéliens est un idéal
29:18à très long terme qui suppose
29:20le sacrifice de générations
29:22et de générations
29:24de palestiniens. Et il y a du côté
29:26des israéliens
29:28de la même manière
29:30des gens qui sont convaincus
29:32que la survie d'Israël
29:34à long terme passe par l'existence
29:36aux côtés d'Israël
29:38d'un État palestinien
29:40dans des frontières sûres et reconnues.
29:42On ne les entend plus beaucoup, ceux-là.
29:44On les entend encore. Ils sont
29:46minoritaires.
29:48Je me demande si on ne les entend pas plus dans nos médias
29:50à nous, occidentaux,
29:52que dans la société
29:54israélienne aujourd'hui. Non, je ne crois pas.
29:56Il y a d'ailleurs un mélange
29:58entre ceux qui se manifestent
30:00pour le sort des
30:02otages et ceux qui manifestent
30:04pour une alternative au gouvernement
30:06Netanyahou. Ce sont
30:08souvent les mêmes, mais
30:10il suffit de regarder
30:12en anglais le journal
30:14Haaretz pour voir que ces voix
30:16s'expriment dans la
30:18société israélienne. Et tous ceux
30:20qui dénoncent l'absence
30:22de démocratie en Israël
30:24ne comprennent pas la complexité
30:26et la
30:28différence, le faussé presque
30:30qui peut exister entre
30:32les dirigeants et
30:34une société
30:36profondément polarisée
30:38même si aujourd'hui
30:40elle s'oppose à la solution des deux
30:42États, même si aujourd'hui
30:44elle aussi, après le
30:467 octobre, a basculé
30:48dans une forme d'esprit
30:50de vengeance. Il ne faut pas
30:54éviter les mots
30:56et volonté de revanche.
30:58Mais je crois que l'essentiel
31:00c'est de distinguer
31:02entre ce qui est possible aujourd'hui
31:04et ce qui est nécessaire demain.
31:06Et de ne pas oublier
31:08ce qui est nécessaire demain
31:10à partir de ce qui paraît impossible
31:12aujourd'hui. C'est-à-dire que ce qui est impossible
31:14aujourd'hui et nécessaire demain, c'est de ne pas
31:16évacuer, de ne pas croire qu'on a évacué
31:18la question palestinienne. Tout à fait.
31:20Elle demeure centrale. Oui.
31:22Jean-Marc Gonin là-dessus ? Deux choses, simplement.
31:24Ce que vient de dire Dominique,
31:26le mot paix est quasiment banni en ce moment
31:28du discours israélien, c'est le mot sécurité
31:30qui triomphe.
31:32Donc c'est une affaire
31:34militaire. On n'entend pas beaucoup non plus le mot paix
31:36côté palestinien, de facto. Et côté palestinien,
31:38je voulais juste ajouter une chose, c'est qu'il y a quand même
31:40une contamination du Hamas dans les
31:42territoires en Cisjordanie
31:44qui n'augure pas
31:46de choses bonnes. Et une extension de la guerre,
31:48il faut le dire aussi, en Cisjordanie
31:50où il y a énormément d'incidents.
31:52En temps normal, on en parlerait plus,
31:54mais l'échelle des violences est telle
31:56dans la région que... Et l'affaire de Gaza...
31:58Le Viban et Gaza...
32:00L'affaire de Gaza a donné
32:02une aura au Hamas
32:04en Cisjordanie qui fait qu'il progresse
32:06aujourd'hui. Alors juste...
32:08Paradoxalement, finalement, le Hamas aujourd'hui
32:10est vraiment en perte de vitesse dans la bande de Gaza
32:12puisque la population subit
32:14les bombardements israéliens en raison de ces
32:16massacres du 7 octobre. Et en Cisjordanie,
32:18il y a le sentiment que grâce au Hamas,
32:20eh bien, on reparle
32:22de cette cause palestinienne. On a remis
32:24vraiment la question palestinienne
32:26à l'agenda international,
32:28même si c'est dans les pires
32:30conditions qu'il soit, évidemment, parce que
32:32personne ne pouvait souhaiter ça. Mais du coup,
32:34il y a un renversement qui est absolument
32:36saisissant quand on voit les sondages...
32:38Et pas très encourageant si c'est un regain de popularité
32:40du Hamas en Cisjordanie.
32:42Au-delà de ça, même si aujourd'hui, le Hamas
32:44a vraiment le vent en poupe, si je puis dire,
32:46en Cisjordanie, je crois quand même qu'en Cisjordanie
32:48et là, il y a aussi une question de génération,
32:50il y a une jeune génération de Palestiniens
32:52qui n'est pas du tout en faveur du Hamas,
32:54mais qui a vu l'intérêt qu'avait
32:56représenté le Hamas dans ce que je viens de décrire.
32:58Mais le jour où il y aura des élections,
33:00c'est évident que tous ceux auxquels je pense
33:02et beaucoup de Palestiniens ne voteront pas
33:04Hamas, mais voteront pour autre chose
33:06si cette autre chose que l'on peut souhaiter
33:08émerge, et il y a des voix en
33:10Palestine, en Cisjordanie, qui
33:12existent, mais dans ce contexte actuel,
33:14elles ne sont évidemment pas audibles.
33:16J'ajouterais juste que vous permettez qu'on peut
33:18y être à craindre ou à
33:20attendre en tout cas que
33:22l'engouement pour le
33:24Hamas en Cisjordanie depuis
33:26cet octobre soit encore
33:28dopé, si je puis dire,
33:30par l'ampleur de
33:32la répression menée depuis maintenant
33:34des mois par l'armée israélienne dans un certain
33:36nombre de localités, notamment
33:38dans le nord de la Cisjordanie, dans les camps
33:40de république de Toul Karem.
33:42Et puis l'impunité aussi qui est assez garantie
33:44aux colons qui commettent des violences
33:46contre la Palestine.
33:48Moi je trouve que les images
33:50qui nous arrivent de Génine ou de Toul Karem,
33:52indépendamment du bilan
33:54humain qui est très élevé, beaucoup plus élevé
33:56que celui qu'on pouvait enregistrer dans les années
33:58où moi j'étais correspondant à Jérusalem dans les années
34:002010,
34:02il y a un niveau de
34:04destruction dans ces villes qui est
34:06complètement délirant, c'est-à-dire qu'il y a des images
34:08qui sont tournées à Génine, donc on a le sentiment
34:10qu'elles sont tournées à Gaza avec
34:12des engins de chantier qui retournent
34:14le Macadam,
34:16qui détruisent des bâtiments.
34:18Images dont
34:20il est difficile de ne pas
34:22penser qu'elles reflètent
34:24aussi, au-delà des
34:26préoccupations sécuritaires,
34:28un souhait de rendre la vie impossible pour
34:30les gens qui vivent dans ces camps de réfugiés.
34:32Il me semble que, on va
34:34en parler, mais est-ce que le Liban,
34:36les épisodes notamment depuis la fin septembre
34:38au Liban, ne sont pas une sorte de
34:40contre-exemple que nous fournit Israël
34:42sur peut-être ce qu'il aurait fallu
34:44faire à Gaza pour
34:46mener une guerre qui soit moins
34:48destructrice,
34:50sauvageuse, puisque finalement
34:52il y a beaucoup de
34:54victimes collatérales au Liban,
34:56on estime qu'il y a 2000 morts
34:58au Liban depuis
35:00un an et environ un millier
35:02depuis l'intensification de ce front
35:04il y a un mois, mais tout de même
35:06manifestement
35:08les Israéliens ont bénéficié d'un
35:10renseignement de bien meilleure qualité
35:12au Liban, quitte à d'ailleurs
35:14peut-être avoir des espions dans l'entourage
35:16du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah
35:18pour l'avoir tué sans coup
35:20fait rire au premier essai,
35:22avoir décapité
35:24pratiquement tout l'état-major du Hezbollah
35:26est-ce que vous ne
35:28voyez pas entre ces deux guerres,
35:30ces deux fronts qui sont distincts
35:32Agnès Levallois, une espèce de
35:34démonstration par l'exemple
35:36de ce qu'il ne fallait pas faire
35:38à Gaza ou de ce qu'il aurait
35:40fallu faire à Gaza ?
35:42Alors ce qu'il faut bien comprendre je crois au Liban
35:44et c'est vraiment une différence énorme avec
35:46la guerre qui est menée à Gaza
35:48c'est que depuis 2006, l'opération
35:50militaire israélienne
35:52au Liban et l'armée israélienne
35:54qui était obligée de partir au bout de
35:5633 jours sans avoir atteint ses objectifs
35:58a quand même été un choc pour
36:00l'armée israélienne de l'époque et depuis
36:02l'armée israélienne prépare
36:04des plans pour
36:06éventuellement pouvoir laver
36:08quand même cet affront, cette humiliation
36:10à l'époque puisque le Hezbollah était
36:12apparu comme un grand vainqueur même si
36:14il faut vraiment relativiser les cris
36:16de joie à l'époque parce que le pays avait été
36:18sérieusement détruit. Mais il y a eu
36:20cette rhétorique qui a été élaborée par
36:22le Hezbollah comme quoi il avait réussi
36:24à faire partir l'armée israélienne. Donc il y avait
36:26une préparation depuis de nombreuses années
36:28de la part des israéliens pour
36:30viser les installations du Hezbollah
36:32Et cette opération
36:34préparée depuis plus d'un an
36:36des Biber et des Takiwaki
36:38qui est quand même spectaculaire.
36:40Et il y a eu un autre élément, c'est que le Hezbollah
36:42est allé en soutien à l'armée
36:44de Bachar el-Assad en Syrie.
36:46Et toutes les mesures...
36:48Alors il y a deux choses. Le fait
36:50qu'au Liban, les responsables du Hezbollah
36:52faisaient très attention à leur sécurité
36:54en prenant des mesures de précaution.
36:56Lorsqu'ils sont allés en Syrie,
36:58ils n'ont pas pris les mêmes mesures de protection
37:00mais ce qui n'a pas empêché Israël de
37:02faire son travail, c'est-à-dire de repérer
37:04les responsables du Hezbollah qui étaient
37:06en Syrie. Et il y a eu toute une accumulation
37:08de renseignements humains
37:10et technologiques grâce aux satellites
37:12qui a vraiment permis à Israël
37:14d'avoir une photographie bien plus
37:16complète et précise de qui était le Hezbollah
37:18pour pouvoir l'attaquer
37:20au moment où Israël
37:22estimait qu'il était dans son intérêt
37:24de le faire. Et donc je pense que ces différents
37:26éléments ont permis de mener une opération
37:28qui a obtenu les résultats.
37:30Mais alors c'est vrai qu'il y a
37:32beaucoup moins de victimes civiles au Liban qu'il y en a
37:34à Gaza et heureusement, et j'espère que ça va
37:36durer, on voit qu'effectivement il y a
37:38des assassinats beaucoup plus ciblés
37:40où en tous les cas, il y a une connaissance du
37:42terrain qui fait que... Mais le terrain
37:44aussi n'est pas du tout le même entre le Liban
37:46et la bande de Gaza.
37:48Oui et non, parce qu'il y a moins
37:50de densité de population.
37:52En tout cas, quand
37:54les frappes
37:56aériennes israéliennes se sont vraiment
37:58intensifiées il y a trois semaines dans le sud
38:00du Liban, instruction a été
38:02donnée aux habitants de ces
38:04villages de partir se réfugier
38:06au nord du Litani, ce qu'on
38:08peut imaginer qu'un grand nombre d'entre eux
38:10ont fait.
38:12Le Litani, c'est la rivière, on voit
38:14la marque sur la carte.
38:16Qui coule à une trentaine de kilomètres
38:18au nord de la frontière avec
38:20Israël et donc
38:22on a le sentiment, même si on
38:24n'a pas directement accès
38:26dans l'immédiat à ces villages,
38:28que ce sont des zones moins densément peuplées
38:30que ne l'est la bande de Gaza.
38:32Et il y a aussi beaucoup de frappes à Beyrouth.
38:34C'est une possibilité pour les habitants du sud du Liban
38:36de fuir ce que les habitants
38:38des villages et des villes de la bande de Gaza n'ont pas eu.
38:40Et puis les frappes de Beyrouth
38:42ne sont pas de la même nature.
38:44C'est-à-dire, hormis
38:46ce qui s'est passé à Dahia, où on a envoyé
38:4885 bombes de 900 kilos,
38:50on est dans quelque chose d'exceptionnel.
38:52Mais le reste des frappes, ça n'a rien
38:54à voir avec ce qui est largué sur Gaza.
38:56Il y a plusieurs choses. La première,
38:58c'est que le Hezbollah
39:00a été puni par où il a
39:02péché. Dans sa collaboration
39:04avec le régime
39:06de Bachar el-Assad
39:08en Syrie, il s'était
39:10exposé.
39:12Il n'a pas, vous l'avez dit
39:14fort justement,
39:16utilisé les mêmes
39:18mesures de sécurité.
39:20Et il a été victime
39:22de la corruption
39:24qui pouvait exister
39:26en Syrie, dans le
39:28régime même d'Assad,
39:30en Iran,
39:32on le voit.
39:34Et donc, plus il élargissait
39:36son champ d'action,
39:38plus il devenait
39:40vulnérable. Et c'est exactement
39:42ce à quoi
39:44nous avons assisté
39:46au cours des dernières semaines.
39:48Alors maintenant, il y a
39:50le terrain
39:52qui est complètement différent.
39:54Gaza, cette prison
39:56à ciel ouvert,
39:58c'est vraiment minuscule.
40:00Et les tunnels,
40:02c'est le réseau
40:04du métro à Paris.
40:06Et il y avait une volonté
40:08systématique
40:10du Hamas
40:12de se cacher derrière
40:14des hôpitaux, derrière des écoles,
40:16sous des hôpitaux, sous des écoles,
40:18avec l'idée qu'il
40:20créait des faits accomplis
40:22qui rendraient toute paix un jour
40:24impossible, de par
40:26l'intensité des
40:28pertes
40:30que subirait la population
40:32palestinienne. Donc il jouait
40:34la politique du pire
40:36et quelque part,
40:38les Israéliens sont tombés dans ce
40:40piège
40:42sans beaucoup de gants.
40:44Donc je crois
40:46que la situation est différente.
40:48Et puis,
40:50quand même, au Liban,
40:52vous avez
40:56une polarisation
40:58de la société,
41:00des divisions profondes.
41:02Je ne suis pas sûr que
41:04les Israéliens
41:06aient raison en disant
41:08les Libanais sont derrière
41:10nous, ils vont se
41:12libérer du Hezbollah,
41:14nous leur apportons
41:16ce qu'ils attendent depuis toujours.
41:18C'est un thème qui revient de plus en plus dans la communication
41:20des Israéliens.
41:22Et je pense que c'est une vision manichéenne
41:24et schématique
41:26qui ne correspond pas du tout
41:28à la réalité, qui est infiniment
41:30plus complexe. Bien sûr,
41:32il y a la volonté de se
41:34réjouir de l'affaiblissement
41:36du Hezbollah,
41:38mais à quel prix, à quel coût ?
41:40Et donc, il y avait cette
41:42phrase, on n'aime pas
41:44les libérateurs
41:46beautés qui
41:48arrivent avec des baïonnettes pour vous libérer.
41:50Pas des baïonnettes,
41:52mais des bombes.
41:54Oui, cette idée qu'une partie
41:56de la population libanaise, peut-être
41:58singulièrement les chrétiens,
42:00attendrait impatiemment
42:02l'arrivée des Israéliens,
42:04ou en tout cas, la chute du Hezbollah
42:06provoquée par les bombardements israéliens
42:08est assez largement démentie,
42:10à ce stade, les choses peuvent évoluer, mais est assez largement
42:12démentie à ce stade, parce que racontent les journalistes
42:14sur place, qui font notamment écho
42:16de démonstrations
42:18de solidarité assez forte entre les différentes
42:20communautés. On avait un reportage
42:22dans le Figaro, il y a
42:24quelques jours,
42:26racontant comment la population
42:28sunnite de Tripoli,
42:30donc au nord du Liban, accueille des réfugiés
42:32sunnites qui viennent du sud,
42:34alors que sunnites et chiites
42:36se sont heurtés
42:38les uns contre les autres ces dernières années
42:40en périphérie de la guerre
42:42en Syrie. En fait, la
42:44grande inquiétude des Libanais, et on le voit maintenant
42:46avec l'évolution de la guerre, dans un
42:48premier temps, certains ont été très contents de la disparition
42:50de Nasrallah, parce qu'effectivement,
42:52Nasrallah a embarqué le Liban
42:54dans cette guerre, et dont beaucoup
42:56des Libanais ne voulaient surtout pas.
42:58Simplement, une fois que cette guerre
43:00va très loin, et atteint même
43:02Beyrouth même, pas simplement à la Dahiyé, ce qu'on appelle
43:04la banlieue, mais va maintenant au cœur de Beyrouth,
43:06là, il y a quelque chose qui n'est plus acceptable,
43:08quelle que soit l'appartenance communautaire
43:10et confessionnelle dans ce pays, qui est effectivement
43:12un marqueur très important, et de par ses
43:14études. – Et puis n'oublions pas que les chiites
43:16sont la plus grande minorité aujourd'hui
43:18au Liban, la plus importante, les gens savent
43:20que demain, de toute façon, ils seront là,
43:22et qu'ils feront partie d'un partage
43:24de pouvoir demain, et que l'Osbola
43:26ne représente pratiquement pas
43:28100% des chiites libanais,
43:30c'est le parti dominant chez les chiites.
43:32– Alors, il nous reste moins de 10 minutes,
43:34venons-en à l'onde de choc international
43:36de cette crise,
43:38de ces multiples crises,
43:40tout de même, Israël a subi
43:42un certain nombre de revers diplomatiques, avec des
43:44pays qui ont décidé
43:46d'arrêter leur livraison
43:48d'armes, certains
43:50autres ont reconnu un État palestinien
43:52de manière unilatérale,
43:54finalement, est-ce que ça
43:56a un impact, ou pas du tout, Dominique Moisy ?
43:58– Ah, je le crois.
44:00– Vous croyez ? – Je crois.
44:02Israël, au jour
44:04d'aujourd'hui, sort plus
44:06fort militairement, parce que
44:08ses adversaires les plus radicaux
44:10sont beaucoup plus faibles, qu'il
44:12s'agisse du Hamas et du Hezbollah,
44:14mais le coût
44:16de cette victoire
44:18militaire est diplomatiquement,
44:20éthiquement,
44:22politiquement
44:24considérable, et je crois
44:26que… – C'est-à-dire que vous voyez un pays
44:28plus isolé qu'il ne l'était ? – Je vois un pays
44:30en apparence plus puissant,
44:32plus uni,
44:34et beaucoup plus isolé,
44:36et une des conséquences
44:38majeures, quand même,
44:40de ce qui s'est passé depuis
44:42le 7 octobre,
44:44c'est le renforcement
44:46de l'antisémitisme dans le monde.
44:48Donc, un pogrom
44:50a ouvert,
44:52à partir de la réponse
44:54qui lui a été fournie,
44:56des… – Ce qui est un terrible,
44:58affreux paradoxe. – Tout à fait.
45:00C'est-à-dire que
45:02les victimes,
45:04un an après,
45:06paraissent plus haïssables, c'est-à-dire
45:08qu'il y a une sorte
45:10de voile qui a été
45:12levé, les tabous
45:14sont tombés, on le voit particulièrement
45:16à l'extrême gauche,
45:18où
45:20certains propos
45:22sont tout simplement ignobles,
45:24et montrent
45:26une sorte de culture de haine
45:28qui l'emporte sur toute volonté
45:30d'empathie avec les victimes,
45:32quelles qu'elles soient et d'où
45:34qu'elles viennent, et
45:36contraire à l'esprit
45:38qui devrait
45:40être le nôtre. – C'est peut-être quelque chose
45:42que Benjamin Netanyahou commence à prendre en compte
45:44quand on voit la virulence de sa réaction
45:46par exemple aux déclarations d'Emmanuel
45:48Macron du week-end dernier
45:50lorsqu'il dit qu'il faut
45:52peut-être envisager d'arrêter les livraisons d'armes
45:54utilisées à Gaza, la réaction est très
45:56très vive côté
45:58Netanyahou, côté israélien,
46:00c'est une honte
46:02de dire une chose pareille, il faut choisir votre camp.
46:04– Oui, on pourrait dire
46:06que c'est un peu traditionnellement sa manière de faire,
46:08quand il prend un coup, il en rend
46:10immédiatement un, de préférence plus fort.
46:12– Mais est-ce que c'était un coup porté
46:14au gouvernement israélien ?
46:16Ou de dire
46:18il faut peut-être arrêter les livraisons d'armes
46:20utilisées à Gaza ? – En tout cas, c'est ce qui est certain,
46:22c'est que ça a été perçu comme un coup symbolique
46:24et de la part d'Emmanuel Macron,
46:26on ne peut pas exclure qu'il a eu
46:28là une manifestation de mauvaise humeur
46:30à la veille du
46:327 octobre, il a bien expliqué que
46:34la France ne livre pas ou quasiment pas
46:36d'armes à Israël, donc il n'y a pas d'enjeu
46:38immédiat pour lui, c'était plus une forme
46:40de recommandation qu'il dispensait
46:42aux alliés
46:44occidentaux d'Israël.
46:46Je pense que ce qui inquiète là-dedans
46:48Benjamin Netanyahou,
46:50c'est qu'il n'est probablement
46:52pas surpris de voir
46:54monter parmi ce qu'on appelle les
46:56pays du Sud, évidemment
46:58les pays arabes, mais aussi les pays du Sud plus largement,
47:00une critique assez
47:02virulente de la façon dont Israël mène cette guerre.
47:04La nouvelle donne
47:06depuis quelques semaines ou quelques mois,
47:08c'est que les alliés occidentaux
47:10d'Israël,
47:12les Etats-Unis, mais surtout les pays européens,
47:14se retrouvent sous une pression croissante,
47:16non seulement de leur opinion publique, mais aussi de tous ces
47:18pays du Sud qui ont quand même une voix,
47:20et une voix de plus en plus structurée
47:22au sein des BRICS et d'autres organisations,
47:24qui accroissent la pression
47:26et qui demandent en quelque sorte des comptes
47:28à ces capitales occidentales en leur disant
47:30comment pouvez-vous formuler des
47:32principes, d'une part, et d'autre part
47:34continuer de soutenir Israël dans la guerre qu'elle vivra.
47:36C'est une bonne question d'ailleurs.
47:38Je crois deux choses. La première, c'est qu'il s'exprime
47:40au moment du
47:42sommet pour la francophonie.
47:44Donc il parle aux pays du Sud
47:46et leur dit je vous ai compris.
47:48Donc il y a cette volonté
47:50en même temps, très
47:52macronienne. Mais
47:54pourquoi Netanyahou
47:56réagit avec tant de force ?
47:58C'est qu'il a peur, non pas
48:00de l'absence
48:02des armes françaises, mais de la
48:04contagion que cela
48:06peut représenter.
48:08Et il a absolument besoin d'un soutien
48:10international, militaire.
48:12Le problème c'est que
48:14l'Europe a été largement
48:16aux abonnés absents pendant
48:18toute cette crise, mais
48:20elle ne peut pas forger
48:22une position commune. Il y a d'un
48:24côté l'Allemagne, qui est toujours
48:26prisonnière de son histoire
48:28et de son remords. Il y a des
48:30pays populistes
48:32type l'Autriche et l'Hongrie
48:34qui sont plutôt antisémites, mais fondamentalement
48:36derrière Netanyahou.
48:38Il y a
48:40des pays qui
48:42comme l'Italie, sont
48:44plutôt entre l'Allemagne et la
48:46France, qui conservent des relations
48:48privilégiées avec...
48:50Donc c'est ça la complexité
48:52de la situation.
48:54Agnès Levallois, est-ce que ce n'est pas
48:56finalement terriblement compromettant pour
48:58les Occidentaux d'être associés à tort ou
49:00à raison à cette
49:02guerre et à la façon dont elle est menée ?
49:04Oui, bien sûr, si bien toute la difficulté d'ailleurs
49:06pour les pays occidentaux de se situer par rapport
49:08à ça. Et je pense que la réaction aussi de
49:10Netanyahou, moi je la relierai aussi
49:12à toutes les démarches qui ont été
49:14entreprises par l'Afrique du Sud en particulier
49:16devant la Cour internationale de justice
49:18et devant la Cour pénale internationale.
49:20Il y a un mandat potentiellement
49:22qui pourrait potentiellement viser Benjamin Netanyahou.
49:24Et toutes
49:26les enquêtes qui ont été menées
49:28par la Cour internationale de justice
49:30pour condamner la colonisation,
49:32ce sont aussi des éléments
49:34qui je crois quand même finissent par
49:36inquiéter Israël, même si Israël balaye
49:38d'un revers de main toutes ces enquêtes considérant
49:40qu'il n'est pas concerné par cela.
49:42Mais je crois que quand même, au bout d'un moment, ça
49:44commence à faire beaucoup et cette
49:46déclaration de Macron, même si effectivement on se dit
49:48que le moment choisi, alors évidemment c'est dans le cadre
49:50de la francophonie, mais la veille de la commémoration du
49:527 octobre, ne peut que
49:54provoquer une réaction très forte de la part de
49:56Netanyahou, mais je pense que ça fait partie de cet ensemble
49:58de ces démarches CPI-CIJ,
50:00la reconnaissance de l'État palestinien
50:02par certains États européens,
50:04même s'il a encore, en apparence,
50:06il y a eu des déclarations très fortes de
50:08Netanyahou selon lesquelles ça ne le concerne pas,
50:10mais je pense quand même qu'en termes
50:12d'image et d'isolement d'Israël,
50:14ça veut dire quelque chose et
50:16à mon sens, ça explique aussi
50:18la force de sa réaction.
50:20Jean-Marc Gonin, est-ce que les Occidentaux peuvent
50:22s'échapper à cette accusation d'avoir deux poids,
50:24deux mesures, notamment vis-à-vis
50:26de la guerre de Poutine
50:28en Ukraine ? Non,
50:30je pense que les Occidentaux sont dans une mauvaise passe
50:32avec cette affaire-là
50:34et on n'en sortira pas parce que personne
50:36en plus là, on est
50:38dans une campagne électorale américaine en ce moment
50:40donc le chef de file
50:42des Occidentaux est complètement bloqué vis-à-vis
50:44que l'État d'Israël ne peut pas changer de position
50:46voire même l'amender
50:48aux abords,
50:50c'est impossible.
50:52En plus, il y a l'image
50:54de Netanyahou elle-même qui nuit
50:56à Israël parce que lui-même,
50:58on le sait maintenant, le monde entier sait que
51:00s'il chute, il va se retrouver
51:02devant un tribunal
51:04et puis l'image de sa coalition,
51:06qui est quand même une coalition où il y a des gens racistes,
51:08suprématistes juifs qui veulent recoloniser
51:10Gaza, etc.
51:12Ce n'est pas une publicité pour l'État d'Israël
51:14qui jusqu'ici se vantait d'être la seule démocratie
51:16de la région.
51:17Je voudrais juste pour finir vous citer un extrait
51:19d'un témoignage qui est figuré
51:21dans le Figaro magazine
51:23la semaine dernière où une Israélienne
51:25disait il nous faut comprendre que ce sera la guerre pour
51:27toujours. Et puis il y a ce titre de
51:29la revue Foreign Affairs qui
51:31dit que la guerre, on est plus proche du début
51:33que de la fin de cette guerre. Est-ce que
51:35très très vite, puisqu'il nous reste 20 secondes,
51:37vous pensez qu'on est plus proche
51:39du début que de la fin de cette
51:41guerre ?
51:43Le sentiment d'une guerre sans fin actuellement.
51:45Cyril, oui.
51:47Je ne sais pas, mais
51:49ce que je sens, c'est que
51:51les Israéliens ne voient pas comment
51:53sortir, si je puis dire,
51:55par le haut de cette situation.
51:57Dominique Moisy, vous qui êtes souvent optimiste,
51:59est-ce que sur ce dossier-là vous l'êtes ?
52:01Non.
52:03Jean-Marc Gonin. Moi j'ai du mal à croire à une
52:05confrontation avec l'Iran, mais en ce moment on en prend le chemin.
52:07Oui. Eh bien,
52:09ça sera l'objet d'un prochain épisode
52:11du club Le Figaro
52:13International. Merci à tous de nous avoir suivis.
52:15Merci à tous les quatre. Je vous
52:17retrouve pour ma part la semaine prochaine. Bonne semaine
52:19à tous.