Nessim Ramdane, chauffeur VTC de 36 ans et père de quatre enfants, a été "froidement abattu" ce vendredi par un jeune homme de 14 ans, recruté pour tuer un membre d'une bande rivale dans le trafic de drogue. Le commanditaire, âgé de 23 ans, a déjà été condamné une dizaine de fois.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Bonjour Maître Tarek Oreytem, merci d'être là. Vous êtes l'avocat d'un tueur à gage de 17 ans qui a été engagé par ce détenu qu'on va appeler Hassen L,
00:14qui est donc le commanditaire de l'adolescent qui a tué un chauffeur VTC vendredi à Marseille.
00:21On est aussi avec Cyril Huet Lambing, bonjour, représentant du syndicat pénitentiaire des surveillants Provençal Côte d'Azur Corse.
00:28Merci d'être là avec Stéphane Sélami, grand reporter du service police-justice de BFMTV et vos informations ce matin sur le profil de ce détenu Hassen,
00:37qui est donc un habitué des prisons françaises, habitué aussi des contrats avec des tueurs à gage, contrat qu'il établit depuis sa cellule.
00:48Avant d'interroger Maître Tarek Oreytem, il faut que vous nous racontiez le profil de cet homme, de ce jeune homme d'ailleurs.
00:55Ce jeune homme, il a aujourd'hui 23 ans, il est originaire des Hauts-de-Seine, donc ce n'est pas un Marseillais, il faut bien avoir ça en tête.
01:01Il a été condamné à plusieurs reprises par le passé, des conduites sans permis, surtout pour trafic de stupéfiants, principalement,
01:08et aussi pour des violences en détention sur un surveillant pénitentiaire.
01:12Ensuite, il a été mis en examen dans les dossiers qu'on connaît et sur lesquels on va revenir plus en détail.
01:16Donc le dossier de Luynes, parce qu'il est en prison à Luynes, à Aix-en-Provence.
01:20Donc il est établi que cet homme a commandité l'adolescent de 15 ans dont on parle depuis la semaine dernière.
01:26Et grâce à vos informations, Stéphane, on sait aussi qu'il a tenté d'enrôler un autre jeune.
01:34Ça se passe en juin 2023.
01:36Exactement, c'est la première fois effectivement où il va tenter d'enrôler, même si c'est plus que tenter puisqu'il va l'enrôler.
01:43Son avocat va nous expliquer ça tout de suite.
01:46Il va enrôler ce jeune, celui-ci à 17 ans.
01:48Il est originaire de la région parisienne et il lui propose un double projet d'assassinat à Marseille.
01:54Alors 14 ans évidemment, donc vendredi.
01:56Là, votre client a combien au moment des faits ? 17 ans.
01:58Il a 17 ans au moment des faits, tout à fait.
02:00Prenons les choses vraiment dans l'ordre et de façon très pédagogique.
02:03Comment se fait le contact d'abord entre ce détenu et votre client ?
02:09Tout simplement sur les réseaux sociaux, à partir de Telegram.
02:13Il y a effectivement un recrutement qui est lancé sur Telegram et c'est comme ça que le contact se fait.
02:19Et votre client tombe par hasard sur ce recrutement, sur cette annonce ?
02:22Je ne sais pas s'il tombe par hasard, mais en tout cas, le contact se fait comme ça et c'est par la suite que les choses se font.
02:29Mais pardon, votre client, il est dans le business, comme on dit ?
02:32Absolument pas, il est inconnu des services de police.
02:36C'est un jeune homme qui est très bien sous tout rapport, qui a des bonnes notes d'ailleurs à l'école.
02:42Et qui tombe dans une forme de piège, puisque ça en est une, avec une proposition financière.
02:48C'est-à-dire, qu'est-ce qu'on lui propose ?
02:50On lui propose...
02:51Parce que l'annonce dit quoi ?
02:52Ressemblablement à un contrat pour exécuter deux personnes, avec un règlement de 25 000 pour l'un et 50 000 euros pour l'autre, pour se rendre à Marseille.
03:01Pour se rendre à Marseille, donc contrat des rivaux de ce détenu qui ?
03:06Pas d'indication particulière, mais en tout cas, il faut aller exécuter deux personnes à Marseille.
03:10Donc là, il lui fixe des conditions ?
03:12C'est ça.
03:13Qu'est-ce qu'il lui dit ?
03:14Moi, je n'ai pas le détail exact de tout ce qui s'est passé, parce que mon client n'a pas été mis en examen.
03:19Il a fait de la garde à vue, mais il n'a jamais été incarcéré ni mis en examen dans ce dossier.
03:24Donc il y a des détails qui m'échappent pour le moment.
03:26C'est-à-dire, Stéphane, qu'est-ce qu'on lui demande à ce jeune homme ?
03:30Très clairement, il a des indications qui lui sont fournies par son commanditaire, pour se rendre à tel endroit, à telle heure, à tel moment.
03:38Il lui demande de poser en photo ?
03:39Il pose aussi en photo, effectivement, dans une tenue style camouflage, vêtue noire, en cagoulé, et surtout, à la main, ce qui s'apparente à un fusil d'assaut Kalachnikov.
03:49C'est-à-dire que le jeune homme de 18 ans, il a quand même réussi à se doter ?
03:52On lui fournit, parce qu'il est pris en charge.
03:54Quand il arrive à Marseille, il est pris en charge par un intermédiaire, qui va le loger, qui va ensuite l'emmener dîner, et ensuite, qui va lui remettre le matériel.
04:02Donc là, on est tout près du crime, en fait.
04:04Je crois qu'il lui a livré aussi, ou lui a fait livrer un billet de train ?
04:07C'est ça, exactement.
04:08Tout serait payé pour se rendre à Marseille.
04:10Là, il pose en tenue noire, avec l'arme.
04:13Et votre client, il est tout près de la mission, en fait ?
04:16C'est ça.
04:17Et il fait quoi ?
04:18Il débute la mission, pour aller exécuter la personne.
04:20Il débute la mission, il est en route.
04:22Il est en route, et au moment fatidique, il se déballonne.
04:26Prise de conscience, à ce moment-là, vraisemblablement.
04:29Et en tout cas, c'est ce qui s'est passé, puisqu'il n'a pas exécuté les contrats qui lui avaient été demandés.
04:35Techniquement, il fait demi-tour, il va jusque sur les lieux du contrat ?
04:39Il va à proximité, effectivement, et puis il fait demi-tour à ce moment-là.
04:42Pourquoi ?
04:43Une prise de conscience, certainement.
04:45Il n'y a pas d'autre explication.
04:46Mais pourquoi, à ce moment-là ?
04:47Pourquoi il n'en a pas pris conscience avant de prendre le crime, par exemple ?
04:49Ça, madame, je ne suis pas dans sa tête, naturellement.
04:51Mais là, qu'est-ce qu'il fait ? Il appelle la police ? Qu'est-ce qu'il fait ?
04:53Alors non, il n'appelle pas la police, effectivement.
04:55Il retourne, finalement, au lieu où on lui a remis l'arme et le matériel.
05:01Et là, vraisemblablement, parce qu'encore une fois,
05:04certains éléments de l'enquête sont toujours en cours et je n'y ai pas accès,
05:07il tombe nez à nez avec quelqu'un qui souhaite le désarmer.
05:10Et il y a des violences qui sont commises à ce moment-là.
05:12On ne sait pas par qui, on ne sait pas vraiment comment.
05:14Il se fait casser la gueule, ou pas ?
05:15Non, non.
05:16Il y a quelqu'un d'autre qui est violenté, qui est gravement violenté à ce moment-là.
05:20Mais on ne sait pas de quelle façon les choses se produisent.
05:23Et il est balancé.
05:24Et oui.
05:25Et par qui ?
05:26Au départ, c'est un mystérieux interlocuteur qui prévient la police
05:30pour dire voilà, à tel endroit, vous avez un règlement de compte
05:33qui devait se passer ou qui a commencé
05:36et vous pourrez trouver le tueur qui a été recruté à cet effet.
05:40La police arrive, il n'y a pas le tueur,
05:42en tout cas celui qui était recruté pour le faire,
05:44mais il y a un homme qui est blessé, qui a été blessé à coups de couteau.
05:48Il retrouve une jeune femme aussi, qui visiblement, elle, a servi d'intermédiaire.
05:52Et quelques heures plus tard, ils vont remonter jusqu'au client de Maître Coréthème
05:56qui est effectivement soupçonné d'avoir été recruté pour ce contrat.
05:59Cyril Hué-Lambing, vous êtes le représentant du syndicat pénitentiaire des surveillants
06:03dans la région provençale Côte d'Azur et en Corse.
06:06On a vraiment l'impression, j'allais dire chez vous mais comme ailleurs,
06:10que pour ces trafiquants, ces caïds, la prison c'est un bureau en fait.
06:17Alors écoutez, bonjour déjà.
06:19Bonjour.
06:21La prison c'est un bureau.
06:23C'est pire que ça.
06:25Mais ça fait quand même des années que nous, on le crie haut et fort.
06:30On néglige tout.
06:32Les téléphones, on l'a déjà expliqué à ma entreprise,
06:36lorsqu'à une époque, les détenus étaient sanctionnés d'une tentative d'évasion
06:42dès lors qu'ils étaient en possession d'un téléphone portable en cellule,
06:46ça calmait un petit peu les ardeurs.
06:48Aujourd'hui, un téléphone qui est retrouvé dans une cellule,
06:51c'est banalisé et non sanctionné pour 80% du temps.
06:54Donc les téléphones, il y en a 4 par cellule, il y en a 2 partout,
06:57on en trouve tous les jours, ça rentre de tous les côtés.
07:00Pourquoi ? Parce qu'on nous enlève petit à petit les moyens
07:04de pouvoir lever tout ce qui est téléphone et stupéfiants,
07:08parce que nous n'avons plus assez d'hommes pour travailler dans les établissements
07:12et on a encore entendu aujourd'hui qu'il allait y avoir encore des réductions
07:15parce qu'il faut faire des économies, donc encore moins de fonctionnaires,
07:19comme si on n'était pas déjà assez en danger.
07:22Et en plus, la loi qui vient contre nous,
07:25la loi qui a été mise en application en 2014 par Madame Taubira,
07:29qui nous empêche de fouiller les détenus de manière systématique
07:33à l'issue des contacts avec des personnes extérieures.
07:36Donc en fait, et ça c'est qu'un sujet,
07:39parce qu'après on a les drones aussi, on a le fléau du drone,
07:42c'est qu'un sujet, donc oui, c'est une lutte sans cesse.
07:46Cyril, ce qui nous inquiète beaucoup, c'est qu'en fait, on voit bien,
07:49vous êtes désemparé, désespéré, vous n'avez pas les moyens de contrer tout ça.
07:56Les moyens, on n'en avait déjà pas et on n'en avait pas encore.
08:00Aujourd'hui, l'administration crée des nouveaux métiers,
08:03donc la police ne peut plus tout assurer.
08:05Donc l'administration pénitentiaire, et c'est un honneur,
08:08récupère des métiers de police, mais ne récupère pas du personnel supplémentaire,
08:11ne récupère pas les moyens supplémentaires.
08:14Donc nous n'avons pas les mêmes armements
08:16et en témoignent nos deux collègues qui ont été exécutés dernièrement,
08:21pour ne pas dire que depuis, tout ce qu'on a gagné,
08:23ce ne sont que des réunions unites et pas plus.
08:26Donc l'administration est en souffrance et il n'y a personne qui nous aide.
08:29Donc on n'a ni moyens humains, ni moyens matériels, ni moyens coercitifs,
08:33on ne peut pas lutter contre ça et ça fait des années qu'on le dit.
08:36– Votre ministre de l'Intérieur vous écoute peut-être, Bruno Retailleau.
08:40– C'est le ministre de la Justice qui s'occupe.
08:43– Juste un mot maître, comment il va votre client ?
08:46– Mal.
08:47– Il a fait deux tentatives de suicide ?
08:49– Il a fait deux tentatives de suicide et on peut comprendre effectivement que…
08:53– C'est lié à quoi ces tentatives ?
08:55– C'est lié tout simplement à ce qui s'est passé.
08:58Vous savez qu'avoir affaire effectivement…
09:00– C'est-à-dire qu'il a peur ?
09:01– Il a peur, il y a eu des représailles assez sévères
09:04qui ont été mises en place à son encontre,
09:06puisqu'il a été menacé sur les réseaux sociaux, sa photo a été publiée,
09:10il a même été indiqué qu'il était passé à l'axe,
09:12c'est-à-dire qu'il avait tué quelqu'un alors que ce n'est absolument pas le cas.
09:15Et donc bien évidemment, pour quelqu'un qui vit dans la banlieue parisienne
09:21et qui jusque-là n'avait jamais eu maille à partir avec ce type d'affaires,
09:26c'est le saut dans le grand bain justement.
09:30Et c'est toujours extrêmement compliqué pour lui,
09:33raison pour laquelle effectivement il a fait deux tentatives de suicide
09:36et qu'il a du mal à se reconstruire actuellement.
09:38– Il a déposé plainte aussi je crois, non ?
09:40– Il a déposé plainte effectivement sur mes conseils
09:42parce que le but est quand même de démontrer et de montrer surtout
09:46qu'effectivement il est avant tout victime,
09:49parce que l'objectif est quand même de protéger les mineurs de ce type de recrutement
09:53et les mineurs plus que quiconque peuvent tomber dans le panneau
09:57et effectivement être engrainés dans ce type d'affaires.
09:59– À 17 ans il aura une excuse de minorité,
10:01même s'il n'a pas, on le rappelle, il n'a pas été mis en examen.
10:03– Oui, il pourra jouer effectivement l'excuse de minorité
10:06s'il est renvoyé un jour devant une cour d'assises,
10:08ou en tout cas la justice il pourra…
10:10– Tout ça est quand même édifiant.
10:12– Merci d'avoir été avec nous ce matin, merci Stéphane.